George était allongé sur le lit, les yeux dans le vague. Il n'avait pas bougé de la journée, et ne bougerait certainement pas. Cela faisait des jours et des jours qu'il n'avait pas tenté le moindre mouvement, il se réveillait là, vivait là, dormait là. Et même malgré tout ce qu'ils disaient, tous autant qu'ils étaient, aucun ne comprenait vraiment ce qu'il ressentait.

Ses yeux se reportèrent vers le mur, remplit de papiers divers, tous écrits de la main des deux jumeaux. Des plans, des recettes de bonbons, des sorts inventés, des dessins. Tant de choses qui lui rappelaient son frère, et qu'il n'avait pourtant pas pu se résoudre à jeter.

Il n'avait pas encore décidé s'il valait mieux avancer en essayant d'oublier. Ou ne rien oublier et essayer d'avancer. Il aurait peut-être choisi la première solution si un bruit provenant de la fenêtre ne l'avait pas sorti de ses pensées.

C'était un hibou au plumage sombre, qu'il était persuadé d'avoir déjà vu, mais sans se souvenir exactement où. Depuis la bataille, ses souvenirs semblaient n'en faire qu'à leur tête. C'était comme s'il ne contrôlait plus rien d'antérieur au dernier rire de Fred.

Dans un effort qu'il jugea surhumain, il posa un pied sur le sol glacé car mal isolé du Terrier et se dirigea d'un pas hésitant vers la fenêtre. Il l'ouvrit et prit la lettre accrochée à la patte de l'animal qui s'envola aussitôt.

Retournant s'affaler sur son lit, il décacheta le courrier et commença à lire.

« George,

C'est moi, Angie. Je ne peux imaginer dans quel état tu te trouves, c'était mon meilleur ami, et je ne dors plus, ni ne mange plus depuis des jours, alors toi. Ma mère me force à manger, elle me force à parler, à sortir. Elle me force à vivre. Mais je ne veux plus vivre. Elle peut pas comprendre. Personne ne le peut. Personne à part toi. C'est pour ça que je t'écries Georgie. Pour que tu me dises. Dis-moi ce que tu veux. Raconte-moi quelque chose. De lui. Ou de n'importe quoi. Dis-moi qu'on va y arriver. J'ai l'impression d'être une marionnette qui attend que les heures passent, que les jours s'envolent et que les semaines défilent. A la différence près qu'une marionnette n'a pas de cœur ; et le mien est brisé en mille morceaux. Peut-être que ce serait mieux d'être une marionnette, en fait. De ne plus souffrir. Ne jamais rien ressentir. De ne pas avoir la gorge qui se serre quand je repense à lui, ni mon ventre qui se tord lorsque je le revois sourire. C'est si dur, George. Si dur. S'il te plait, George, répond-moi, en souvenir de notre amitié à tous les trois.

Je t'embrasse entre mes larmes,

Angie.»

Il froissa la feuille qu'il tenait toujours entre ses mains. Mais pourquoi lui avait-elle écrit ? Il était en larmes maintenant. Des larmes qu'il avait pourtant maîtrisées jusqu'alors. Angelina lui rappelait tant de souvenirs, des souvenirs de Fred pour la plupart, et c'était impossible de songer à elle sans penser à lui.

Pourtant il ne pouvait rester insensible à la douleur qui s'échappait de ses mots. Elle souffrait c'était évident. Fred comptait beaucoup pour Angelina, et il le savait. Il était même persuadé que leur amitié était allait plus loin que de l'amitié vers la fin.

Oui, en mémoire de leur trio uni, il lui répondrait, c'était certain, mais pas tout de suite. Il n'était pas prêt. Pas encore.