Titre : La Farandole du Diable

Auteur : Rieval

Résumé : Suite d'Ederlezi : le cauchemar n'est pas terminé pour Charlie et cette fois, Don est aussi de la partie. GEN.

Spoiler : courant saison 4.

NA 1 : cette fic se passe quelques mois après Ederlzi (fic qu'il vaut peut-être mieux avoir lue en premier).

NA 2 : Don emploie un langage, disons, un peu coloré, vous êtes prévenus.

NA 3 : nouveau job, plein de boulot … bref, pour les updates faudra être patients.

Disclaimer : pas à moi !

Dédicace : Pour LeeLee sans qui cette fic n'existerait sans aucun doute pas.

1 – Charlie ouvrit la portière de la SUB de son frère, installa son ordinateur portable et une bonne demi-douzaine de bouquins et de mémos à l'arrière avant de s'asseoir et de boucler sa ceinture de sécurité. Le tout dans le silence le plus complet. Don allait lui dire quelque chose lorsque Charlie le stoppa net d'un geste autoritaire de la main.

- Pas un mot, grinça t-il, dents serrées.

Don referma la bouche avec un smack sonore et fit une petite moue indignée, genre « quoi ! Moi, me moquer de mon petit frère, jamais ! ». Le problème, c'était que le large sourire qui ornait son visage démentait complètement ladite moue. Non, il avait plutôt l'air amusé. Au bord de l'explosion de rire en fait. Charlie se renfrogna et croisa les bras sur sa poitrine. Ce n'était pas juste. Pas juste du tout bon sang !

Ils roulèrent en silence jusqu'à la sortie du poste de police, puis prirent le chemin de Pasadena. Don roulait si doucement que Charlie aurait pu tendre le bras par la fenêtre pour cueillir les fleurs bordant la route. Quant aux priorités à droite, Charlie ne savait même pas que son frère en connaissait l'existence – il conduisait comme un agent du FBI après tout, genre je roule d'abord, je vérifie les règles du code de la route après – et pourtant, là, il les marquait toutes avec une précaution presque caricaturale. Charlie soupira et compta à rebours dans sa tête : 3, 2, 1 …

- Tu le repasses quand ?

Dit bien entendu sur un ton prétendument innocent.

Charlie serra la mâchoire et haussa les épaules. Il resta silencieux se concentrant sur le paysage.

Un soupire plein d'indulgence échappa à son frère.

- Charlie, tu ne peux pas rester sans permis de conduire. Si tu veux … je peux te donner quelques leçons.

Et voilà, il le savait ! C'était bien évidemment à ça que Don voulait en venir avec sa conduite digne d'un moniteur d'auto-école.

- Je te rappelle que Papa est parti avec Mildred pour une semaine à Baltimore et il me semble que Larry et Amita sont, euh, en Belgique, c'est ça ? Pour visiter je ne sais plus trop quel laboratoire et jeter un coup d'œil à cette machine, le grand collectionneur de protons.

- Ils sont en Suisse au CERN (1) qui est un des plus grands et des plus prestigieux laboratoires de recherches du monde et c'est le Grand Collisionneur de Hadrons (2), répliqua Charlie toujours de mauvais poils. Et il avait d'excellentes raisons pour ça, merci !

Il venait de se faire retirer le permis de conduire. Encore. Il était maudit. Ou alors une des étoiles de Larry lui en voulait tout particulièrement. Yep, c'était le coup d'une naine rouge. Certainement cette EV Lacertae (3) dont Larry lui rabattait les oreilles depuis des mois. Une vengeance céleste en quelque sorte, pour toutes les fois où Charlie s'était moqué des astres et que, vainement, Larry avait tenté de défendre l'astrophysique contre ce qu'il considérait être l'aridité d'esprit des mathématiciens.

Ou bien c'était juste à cause d'un de ces fichus trottoirs. Pourquoi ne construisait-on pas des routes un peu plus larges ? Et il ne parlait pas de ce qui se trouvait sur les trottoirs. Ces poteaux d'arrêts de bus étaient franchement dangereux même pour les piétons : plantés en plein milieu des trottoirs, combien de fois n'avait-il pas lui-même manqué de rentrer dans l'un d'eux ? Charlie soupira et se passa la main dans les cheveux.

Apparemment, en voiture comme à pied il valait mieux éviter de rêvasser … dans les deux cas, les poteaux vous mettaient ko. Encore que cette fois ci, c'était plutôt lui qui avait mis le poteau ko.

Le policier qui l'avait verbalisé avait été scandalisé et lui avait retiré son permis de conduire sur le champ, arguant qu'il était un danger public. Charlie frissonna.

MonDieu ! Il y avait une école à quelques pas de l'endroit où il était monté sur le trottoir. Il aurait pu tu--tuer quelqu'un -- faucher un -- un enfant. Plusieurs enfants …

Il ne se rendit même pas compte que Don avait stoppé la voiture sur le bas côté. Il n'entendit pas davantage la portière s'ouvrir et son frère pousser un juron. Il se retrouva assis sur le bord du trottoir – à croire que sa journée était faite de rencontre avec des trottoirs … – tête entre les jambes, respirant comme un bœuf, Don occupé à lui caresser doucement le dos et à lui murmurer des paroles réconfortantes.

Crise de panique. Encore. Catherine allait être déçue … Elle qui le croyait sur la voie de la guérison.

Une bouteille d'eau apparut devant lui comme par enchantement. Il but quelques gorgées et rendit la bouteille à son frère. Don était assis à ses côtés, silencieux.

- Je … je suis désolé, finit par dire Charlie, désolé …

Et il se mit à pleurer, au beau milieu de la rue, assis sur un de ces foutus trottoirs.


Après avoir vérifié que Charlie s'était enfin endormi, Don s'écroula littéralement sur un des fauteuils du living-room de la maison de son père, oups, non, de celle de Charlie. Pas sûr qu'un jour il s'habitue au fait que Charlie ait racheté la maison de leur enfance. Surtout si on considérait que c'était toujours leur père qui se chargeait de son entretien. Il avait au départ voulu confier, bien naturellement, cette tâche à son jeune fils, mais visiblement génie et fée du logis étaient des qualités incompatibles.

Don prit la télécommande de la télévision et se mit, presque inconsciemment, à surfer sur les différentes chaînes câblées. Il se faisait du souci pour Charlie. De gros, très gros soucis. Et dire qu'avant de quitter Albuquerque, il n'avait eu aucun cheveu blanc ! Yep, ces premiers foutus cheveux blancs, il les devait à une certaine tête bouclée au QI plus élevé que le PIB de certains pays en voie de développement. Et vraisemblablement, la dite tête, elle, ne portait aucun cheveu grisonnant.

Cela faisait à peine trois mois que Charlie était rentré de l'hôpital après sa petite mésaventure avec le docteur Simmons. Juste trois mois depuis le jour où il avait failli perdre son petit frère.

Physiquement, tout était rentré dans l'ordre mais psychiquement, c'était autre chose. Le malheureux docteur Edgewood avait orienté Charlie vers l'une de ses collègues. Une femme exceptionnelle, leur avait dit Edgewood. Ouais, c'était aussi ce qu'il avait dit de Simmons, du coup on ne pouvait pas dire que les recommandations d'Edgewood soient particulièrement, et bien, « recommandables » justement.

Le docteur Catherine Loomis était une femme d'une cinquantaine d'années, et ce qu'elle manquait en taille (elle ne devait pas faire plus d'un petit mètre cinquante) elle le rattrapait sans mal en charisme. Don trouvait que c'était une teigne, genre Napoléon en jupons, mais elle devait avoir des charmes cachés pour que Charlie accepte de continuer à la voir après le premier rendez-vous. Charlie détestait les psy. Son mathématicien de frère ne comprenait toujours pas que l'on puisse accoler « sciences » et « humaines » dans la même phrase.

Et donc Napoléon avait visiblement eu son Austerlitz (4) avec Charlie, tant mieux, tant que ce n'était pas la Berezina (5).

Don soupira. Ce qui s'était passé ce matin était juste la proverbiale goutte d'eau. Ils s'étaient tous plus ou moins attendus à quelque chose comme ça. Larry et Amita avaient failli annuler leur voyage en Suisse, ne voulant pas laisser Charlie seul. Idem pour son père. Don avait rassuré tout le monde en promettant de prendre soin de Charlie. Jamais il n'aurait cru que leurs craintes à tous se manifesteraient sous la forme d'un accident de voiture.

Don ne remercierait jamais assez le Lieutenant Gary Walker de l'avoir appelé lorsqu'il avait appris que Charlie avait été arrêté. Il avait laissé Walker régler les questions administratives et avait récupéré Charlie au poste de police. Il faudrait qu'il pense à acheter une bouteille de bon whisky à Walker. Un douze ans d'âge devrait faire l'affaire.

Don soupira et se laissa aller dans le fauteuil. Yeux mi-clos, il repensait à ce qui s'était passé … A mi chemin de la maison, Charlie lui avait fait une jolie petite démonstration d'une des raisons pour lesquelles Don ne portait pas particulièrement Loomis dans son cœur.

Une crise de panique. En pleine rue. Charlie n'en n'avait jamais eu. Même lorsqu'à, à peine 14 ans, il avait soutenu sa thèse devant un parterre de grosses têtes dont le QI devait, quant à elles, peser aussi lourd que le PIB d'au moins 5 des pays les plus riches du monde ! Que faisait donc cette psy avec son frère deux fois par semaine, hein ?

Don porta la main à son front et soupira à nouveau. Il avait déjà eu l'occasion de toucher deux mots de ce qu'il pensait à Loomis. D'où il pouvait avec certitude assurer que cette femme était une teigne. Ils avaient échangé quelques euh, disons mots. Ouais, ok, il s'était fait proprement remonter les bretelles par une femme qui devaient monter sur une chaise si elle voulait lui parler en le fixant dans les yeux. Elle avait quelque chose de réellement, réellement effrayant avec ses mains sur ses hanches, montée sur ses talons aiguilles.

Effrayant mais toujours pas convaincant. Elle lui avait expliqué qu'elle essayait avec Charlie une méthode reposant sur l'hypnose. L'hypnose !!!! Don frissonna. Comment son frère pouvait-il accepter de se laisser « endormir », de perdre le contrôle et de laisser une autre personne le … le manipuler !

Loomis lui avait expliqué que les crises de Charlie – des pertes de conscience, comme s'il décrochait brutalement de la réalité, juste comme ça, n'importe quand, même en plein milieu d'un cours … ou lorsqu'il conduisait visiblement – provenait du fait qu'il ne parvenait pas à se rappeler de ce qui était arrivé près des docks. Ses souvenirs étaient fragmentés, des images éparses qui n'avaient pas de sens. Et pour un esprit aussi analytique que celui de Charlie, c'était juste insupportable, d'où le décrochage. Bref, selon elle, le subconscient de Charlie se mettait en mode veille, un peu comme un système de défense. L'hypnose était sensée l'aider à recouvrer sa mémoire perdue.

Quelle connerie !

Sur l'écran de télé, l'animateur présentait aux habitants de L.A. la dernière tempête en date, Léona, les prévenant contre les risques de pluies, parfois diluviennes, qui ne devraient pas manquer de tomber dans le secteur dans les jours à venir. Hum, pensa Don, que dirait Mlle Lewis (6) si elle apprenait qu'elle était une tempête ?

Don balança la télécommande sur la table basse et se leva. Il alla dans la cuisine, ouvrit le réfrigérateur et en sortit une bouteille de bière puis il retourna s'asseoir dans le living-room.

Demain.

Demain, il aurait une conversation sérieuse avec son petit frère.


Bien entendu, la conversation qu'il s'était promis d'avoir avec Charlie n'avait jamais eu lieu. Don avait déposé son frère tôt au campus puis était allé aux bureaux du FBI où l'attendaient une pile de rapports à classer. Vers 20:00, il était allé directement de son bureau à CalSci pour aller chercher Charlie et ils étaient maintenant sur le chemin du retour.

- Ok, si tu peux venir me chercher vers 11:45, je devrais pouvoir …. Huhuhum, voyons, j'ai le Comité de l'Ecole doctorale à 09:25 et --

Don examinait Charlie à la dérobée pendant que celui-ci, son BlackBerry à la main, récitait pratiquement d'heure en heure, son agenda de la journée de demain, lequel était plus qu'impressionnant. Jamais il n'aurait cru qu'accepter de jouer le taxi pour son petit frère signifiait devenir chauffeur de maître. Il s'attendait à tout moment à voir son frère l'appeler « James » sur un ton condescendant.

Et pour couronner le tout, pour une fois la météo avait vu juste. Le ciel avait été gris toute la journée et maintenant, les nuages déversaient les torrents d'eau qu'ils avaient retenue toute la journée. Résultat, la visibilité sur l'autoroute était proche de zéro. Et s'il devait en croire le BB de son petit frère, Don allait devoir passer une partie de sa journée de demain derrière le volant. Il n'aimait pas trop rouler sous la pluie.

- Merde, grogna t-il soudain, en sentant la voiture « décoller ».

Charlie releva enfin la tête de son BB.

- Hu ? Fit-il de manière très éloquente.

- Aquaplaning, lui répondit juste Don. Il semblerait que cette fois, Léona ne se contente pas de nous chanter Over The Rainbow (7), hein ?

Ne comprenant pas l'allusion, Charlie continuait à fixer son frère comme s'il avait perdu la tête.

- Rarement vu autant d'eau tomber sur LA, maugréa juste Don qui avait repris possession de la SUB. Nous allons certainement avoir des -- MERDE !

Ce qui suivit aurait pu sans peine qualifier pour la théorie du Chaos que le professeur Fleinhartd aimait tant.

Roulant vraisemblablement trop vite au vu des conditions météo, un camion perdit toute adhérence au sol. Don le vit littéralement « naviguer » sur l'eau pendant une fraction de secondes, juste avant qu'il ne se couche sur la chaussée. Emporté par la vitesse, favorisée elle-même par l'eau sur la chaussée, le camion faucha une bonne dizaine de voitures sur son chemin avant de stopper dans un terrible froissement de tôles sur le bas côté. Le conducteur de la voiture qui se trouvait à gauche de celle de Don donna un violent coup de volant pour éviter le camion. Il percuta la SUB de plein fouet et celle-ci fit plusieurs tonneaux avant de venir s'écraser contre la rambarde de sécurité.

A suivre … Et promis la prochaine fois, les NBP seront moins nombreuses, à tout le moins, un peu plus courtes (je me suis un peu laissée emportée sur ce coup là).

(1) Anciennement « Conseil européen pour la recherche nucléaire (créé en 1952), le CERN a gardé son nom acronymique même s'il n'est plus officiel. On parle en effet désormais de l'organisation européenne pour la recherche nucléaire.

(2) Le Grand collisionneur de hadrons (LHC) est un accélérateur de particules situé près de Genève, à cheval sur la frontière franco-suisse, à environ 100 mètres sous terre. Deux faisceaux de particules subatomiques de la famille des « hadrons » (des protons ou des ions de plomb) circulent en sens inverse à l'intérieur de l'accélérateur circulaire, emmagasinant de l'énergie à chaque tour. En faisant entrer en collision frontale les deux faisceaux à une vitesse proche de celle de la lumière et à de très hautes énergies, le LHC recrée les conditions qui existaient juste après le Big Bang. Des équipes de physiciens du monde entier vont analyser les particules issues de ces collisions. (source : site web du CERN).

(3) le 25 avril 2008, le satellite Swift a détecté l'éclat le plus brillant jamais enregistré en provenance d'une étoile autre que notre soleil. L'éclat de EV Lacertae (constellation du Lézard), une naine rouge, avait la puissance de milliers d'éruptions chromosphériques issues de notre bon vieux soleil et aurait certainement été visible à l'œil nu si cette étoile était facilement observable la nuit (elle est trop petite pour ça avec sa magnitude 10, bien en dessous du seuil de visibilité à l'œil nu). Les naines rouges sont des étoiles banales, de loin le type d'étoiles le plus répandu dans l'Univers. Située à 16 années-lumière, EV Lacertae est l'une de nos voisines stellaires les plus proches. Quand Swift a tenté d'observer l'étoile avec son télescope ultraviolet/optique, l'éclat était si lumineux que l'instrument s'est fermé pour des raisons de sécurité ! L'étoile est demeurée lumineuse en rayons X pendant 8 heures avant de revenir à la normale. La rotation rapide, quatre jours, d'EV Lacertae produit de forts champs magnétiques localisés, plus de 100 fois plus intenses que celui du Soleil. C'est l'énergie stockée par ces champs magnétiques qui est à l'origine de ces surpuissantes éruptions appelés des flares (source : site web NASA).

(4) Hum, après de la science, un peu d'histoire. Aujourd'hui Slakov en république Tchèque, Austerlitz fut le théâtre de l'une des plus flamboyantes victoires Napoléoniennes : après 9 heures de combats, l'armée de Napoléon bat les forces austro-russes de l'empereur François 1er d'Autriche et du tsar Alexandre, le 2 décembre 1805, mettant fin à la Troisième coalition (il y en a eu 7 au total, la 3ème était composé des autrichiens, des russes et des Anglais (qui restèrent invaincus !)).

(5) Fin novembre 1812, l'armée de Napoléon franchit cette rivière marécageuse : la Berezina (en actuelle Biélorussie). Les conditions météo étaient extrêmes (hiver précoce et très rigoureux). Finalement, la victoire est là … mais elle est amère, les pertes subies sont énormes : 45 000 morts et prisonniers. D'où la terrible expression : « c'est la Berezina ! », exprimant la déroute, l'échec cuisant malgré la victoire.

(6) Ni science, ni histoire cette fois, LOL ! Vous connaissez certainement cette artiste de talent qui a remporté la troisième édition de la version anglaise du show La Nouvelle Star (The X factor). Elle est comme ces pluies de tempête : à la fois rafraîchissante et dévastant tout sur leur passage !

(7) Chanson interprétée par Léona lors de The X Factor. Elle y tient un mi#5 pendant près de 13 secondes !

(8) Episode 414, Echec et Mat.