Jeux de miroirs

Chapitre 1


Disclaimer : Aucun des personnages de Gundam Wing ne m'appartient.


AC 205

Heero Yuy se servit de la clef que lui avait donné Duo pour entrer dans l'appartement de celui qu'il avait mis cinq ans à rejoindre.

Il avait un peu honte d'avoir mis si longtemps à se décider, mais, à vingt ans, cinq ans seulement après la guerre, il n'était pas encore sur de ce qu'il était et encore moins de ce qu'il voulait faire de sa vie.

La proposition de Duo de partager un appartement et peut être plus, l'avait alors pris par surprise. Il ne s'y attendait pas, mais alors pas du tout. Il avait donc opté pour la prudence, demandé qu'on lui laisse le temps de réfléchir. Duo avait dit oui, visiblement ni surpris ni attristé de cette réponse en demi teinte, mais Duo était sans doute celui qui le comprenait le mieux n'est ce pas ?

Maintenant il était sur de lui, de ses sentiments, sur de ses choix aussi. Il se sentait prêt à partager cet appartement avec Duo et peut être, sans doute même, plus que cela.

Il n'avait pas fait cinq mètres dans l'appartement qu'il entendit les bruits et les identifia. Des halètements, des gémissements qui n'étaient pas du à de la souffrance. Il était assez homme pour savoir reconnaître les bruits du plaisir.

Duo n'était pas seul, il était avec un homme et ils baisaient, ce terme s'imposa immédiatement à l'esprit d'Heero. Duo qui était censé l'attendre baisait avec quelqu'un. Le regard bleu d'Heero s'assombrit un peu plus, il serra les dents, il ne s'attendait certes pas à être reçu à bras ouverts, mais pas à tomber en pleine partie de jambes en l'air.

N'importe qui serait reparti, peut être en claquant la porte, mais lui n'en fit rien. Il se moquait bien d'être indiscret, il voulait savoir qui lui avait pris Duo. Qui avait eu cette audace.

Il marcha donc droit vers la chambre et en ouvrit la porte d'un geste brusque.

Les deux amants surpris en plein ébat se tournèrent vers lui. Dans les yeux violets de Duo Heero put lire de la stupeur, puis de l'incompréhension et enfin de l'angoisse avant que le natté se détourne pour fixer son amant d'un regard écarquillé. L'autre homme se redressa sans hâte, souriant paisiblement, visiblement peu troublé par l'irruption d'Heero. Il était brun, solidement bâti, sa peau était mate, luisante de sueur après l'activité à laquelle il venait de se livrer en compagnie de Duo. Il était beau et musclé, sans l'être excessivement. Il s'assit, libérant Duo de son poids et le natté roula sur les draps froissés avant de se lever d'un coup de rein. Le jeune homme aux yeux violets s'immobilisa entre le lit et la porte, visiblement choqué et perdu. Heero l'ignorait pour le moment, toute son attention tourné vers son amant, vers cet homme brun qu'il connaissait par cœur sans pourtant l'avoir jamais eu ainsi face à lui de sa vie. Cet homme qu'il avait vu tant de fois dans des miroirs. Car l'amant de Duo n'était autre que lui, du moins par le physique. Même cheveux bruns en désordre, même corps et mêmes yeux d'un bleu profond.

Heero analysa la situation, d'après la réaction de Duo, le natté pensait avoir à faire à lui, il ne semblait pas coupable mais stupéfait d'être en présence de deux versions absolument identiques du même homme, donc le seul responsable était cet autre lui même.

Le regard de Duo courait de l'un à l'autre, il ne savait plus que penser. Lequel des deux était Heero ? Celui qui venait d'entrer ou celui avec qui il venait de coucher ? Depuis quand y avait il deux Heero ? Pourquoi ? comment cela était il possible ?

- Qui es tu ? demanda la version qui se tenait près de la porte.

Celle assise sur le lit sourit.

- Jiro.

Le cœur de Duo manqua un battement, du moins ce fut l'impression qu'il en eu en entendant la réponse.

Jiro… c'était le nom que lui avait donné son amant lorsqu'ils s'étaient rencontrés, il avait cru qu'Heero avait changé de nom et n'avait pas cherché plus loin. Il était tellement content que celui qu'il attendait soit enfin là. Enfin disposé à l'aimer…

Il sentit ses yeux s'emplir de larmes.

Heero ne lui pardonnerait jamais de l'avoir trompé, même sans le savoir.

Jiro se leva, visiblement inquiet et tendit les bras vers le natté. Ce fut plus que les deux autres pouvaient en supporter, Duo recula devant lui et Heero se précipita pour le saisir et l'écarter.

- Ne me touche pas !

- Ne le touche pas !

Deux cris, pratiquement identiques, exprimant le même refus. Jiro se figea. Il ne protesta pas quand Heero l'entraina, sans lui laisser le temps de s'habiller.

Il se laissa trainer au dehors et pousser sans ménagement dans un véhicule, il atterrit sur le siège avant côté passager et sentit une ceinture de sécurité le boucler contre le dossier, puis l'autre monter, il ne protesta pas plus. Il pensait à la réaction de Duo, à ses larmes. Il était clair qu'il n'était pas celui qui pourrait les sécher et cela lui faisait mal.

Il aurait voulu être l'homme qui réconforterait le natté.

D'ailleurs, qui allait sécher les larmes de Duo puisque l'autre démarrait déjà ?

Il se reprit alors. Il ne voulait pas laisser Duo seul de la sorte. Son amant ne méritait pas d'être abandonné, surtout dans l'état de détresse émotionnelle où il devait se trouver.

Sa main se précipita vers l'attache de la ceinture.

Il devait la défaire, sortir de cette voiture et retrouver Duo !

Il n'eut pas le loisir de se libérer et de bondir hors du véhicule, une main aussi dure que de l'acier se referma sur la sienne et la serra à la broyer, lui arrachant un bref gémissement qu'il étouffa rapidement. Il ne voulait pas laisser à l'autre le plaisir de constater sa souffrance. Son autre main vola au secours de celle qui se faisait écraser et parvint à la délivrer. Son soulagement fut de courte durée, une arme à feu se riva à sa tempe.

- Fais un seul mouvement et je tire. Déclara la voix froide d'Heero.

Jiro se figea, il savait que l'autre ne plaisantait pas, il avait subi le même entrainement après tout. Il capitula, du moins provisoirement. Il savait parfaitement qu'Heero avait un avantage certain sur lui, bien qu'ils aient subi le même entrainement Heero avait fait la guerre, ce qui n'était pas son cas. Il avait l'entrainement d'un soldat mais il n'en avait pas l'expérience sur le terrain, c'était un détail qui pouvait faire toute la différence.

Il s'adossa au siège en soupirant.

Il n'appréciait pas de laisser Duo seul et en larmes et se demandait comment Heero pouvait supporter de le faire.

Il coula un regard prudent vers Heero, s'il en jugeait par sa façon de conduire pour le moins nerveuse l'autre était en colère et voyait en lui une menace à écarter. Mieux valait ne pas bouger et ne rien dire pour le moment.

Lorsqu'enfin ils stoppèrent dans les ruines d'un village abandonné Jiro attendit qu'Heero vienne lui ouvrir et descendit, toujours sous la menace de l'arme.

Heero le poussa contre un mur, le gardant en joue.

Le dos nu de Jiro heurta la surface rugueuse, il sentit sa peau se déchirer et se mettre à saigner, la douleur était supportable, il n'en tint pas compte, il était tout entier tourné vers Heero. Ce dernier le voyait pour la première fois mais lui le connaissait. J lui avait tout appris sur lui, sur le parfait soldat qu'il était censé être, sur le garçon exceptionnel dont les exploits défiaient l'entendement. J ne cessait de vanter les mérites de son protégé, de l'enfant dont le regard avait retenu son attention et qui ne l'avait déçu qu'une seule et unique fois, cette seule défaillance qui avait permis sa conception.

Jiro sourit, Heero ne le savait pas encore, mais c'était à cause de sa seule erreur que lui Jiro avait été formé comme un soldat, au départ sa fonction était toute autre, J le lui avait dit un jour, non sans préciser quelle avait été cette fonction première. Jiro avait accepté l'explication et avait été fier de savoir. Même s'il avait été conçu peu de temps après que J rencontre Heero et ne décide de le prendre sous son aile il n'était pas censé devenir un soldat à l'origine. J était un homme prudent qui aimait prévoir des solutions de rechange. Il avait été détourné de sa fonction première pour devenir la solution de rechange en cas de défaillance sérieuse ou d'une éventuelle disparition d'Heero, son clone créé par J et, du jour de la défaillance, entrainé aussi durement que lui. Un clone qui n'avait pratiquement pas servi une fois grandi artificiellement, en dehors d'une seule et unique fois, Heero n'avait plus eu la moindre défaillance, n'avait pas non plus disparu, il avait mené toutes ses missions à bien et J était mort sans plus songer au clone qui attendait que l'on se souvienne de lui, reclus dans une des planques du savant.

Jiro avait vécu, depuis le jour où il avait été utile en AC 195 jusqu'en AC 205, seul dans la planque, suivant scrupuleusement le programme établi par J pour le maintenir opérationnel, sans se douter que le savant était mort et ne reviendrait jamais le chercher.

Ce n'était que par hasard qu'il était tombé sur un reportage parlant de l'anniversaire de la disparition des cinq savants et qu'il avait appris que J était décédé depuis des années.

Désorienté, ne sachant plus que faire, il avait cessé de suivre le programme puis avait fait ce que J lui avait toujours interdit de faire, il avait quitté la planque pour l'extérieur qui l'avait toujours attiré.

Cet extérieur qu'il ne connaissait que grâce aux médias.

Il n'était pas dehors depuis trois jours qu'il réussissait à rencontrer Duo vers qui il était instinctivement allé.

Le natté lui était également familier, J lui avait parlé de tous les autres acteurs de la guerre, lui avait montré des photos, des rapports. Jiro connaissait Duo bien avant de le rencontrer.

Et maintenant il était temps de tout dire à Heero.

Jiro ouvrait la bouche pour parler lorsqu'Heero prit la parole.

- Je ne sais pas qui tu es et je m'en moque, mais je t'interdis de revoir Duo. Il est à moi et je ne le laisserai à personne d'autre.

L'affirmation laissa Jiro bouche bée.

Heero ne doutait vraiment de rien. C'était presqu'incroyable. Jiro avait beau savoir qu'il n'était qu'un clone de celui qui lui faisait face, il se sentait très différent de lui soudain. Très différent et douloureusement blessé par les mots.

Heero venait tout simplement de le rejeter sans même chercher à savoir pourquoi il lui était si semblable. Il n'en avait rien à faire de lui.

- Je ne renoncerai pas à lui, je l'aime. Lança t'il comme une bravade.

Une moue dédaigneuse plissa les lèvres d'Heero.

- Mais lui ne t'aime pas, tu n'es rien, il croyait que tu étais moi et tu le sais.

Jiro baissa les yeux.
Il ne pouvait nier, Duo l'avait pris pour Heero, n'aimait qu'Heero.

Heero se permit un sourire de triomphe face à l'attitude de son vis à vis. Il avait gagné, il pouvait retourner vers Duo sans plus s'en faire, l'autre ne viendrait plus les déranger.

Jiro le vit se retourner pour partir et ne supporta pas cette cruelle indifférence.

- Ne me laisse pas grand frère ! Hurla t'il.

Heero se figea, surpris par le cri.

Grand frère…

L'amant de Duo venait de l'appeler grand frère…

Etait il possible qu'il ait un frère ?

Non…

Il l'aurait su.

Il se retourna d'un bloc, leva son arme et la pointa vers le front de Jiro.

Qui que soit Jiro, il n'était pas son frère mais une menace.

Jiro ne broncha pas, les pupilles dilatées, il le fixait droit dans les yeux tandis qu'il s'avançait vers lui.

Il n'avait plus rien à perdre après tout.

Sa vie n'avait jamais été la sienne.

- Tu n'es pas mon frère, articula Heero, je n'ai jamais eu de frère.

- Je suis le seul frère que tu auras jamais !

- Ce qui veut dire ?

- Ce qui veut dire que J m'a conçu, je suis ton clone, j'ai reçu le même entrainement que toi.

Jiro n'avait pas bougé mais Heero avait franchi la distance qui les séparait.

Le canon de son arme était désormais contre la peau de Jiro, collé à son front moite.

Le soleil de midi tapait fort, il faisait chaud, mais ce n'était pas la seule cause de la sueur couvrant le front de Jiro.

Il jouait sa vie en cet instant précis. Heero pouvait décider d'appuyer sur la détente à tout moment. S'il suivait les directives de J il le ferait sans doute. Jiro ne pouvait pas le lui reprocher, ils avaient été formés ainsi. S'il avait eu une arme il se serait défendu sans doute.

Mais il n'en avait pas.

Heero détailla le corps nu de celui qui se disait son clone, l'explication tenait la route, ils étaient suffisamment semblables pour que cela soit vrai. J était assez tordu pour avoir fait un truc pareil. Quoi qu'il en soit, à en juger par son corps moins marqué que le sien, il y avait bien quelques cicatrices sans doute dues à l'entrainement, mais aucune qu'il aurait pu recevoir dans un combat réel, Jiro n'était pas complètement son double.

Il reporta son regard sur le visage de Jiro. Son clone avait les larmes aux yeux. Il ne tremblait pas mais Heero devinait qu'il était à la limite de le faire et pourtant ce n'était pas de la peur.

Jiro n'avait pas peur de mourir ni de souffrir, mais il ne tarderait pas à craquer. Il avait été seul trop longtemps, confiné dans une planque, hors du monde. Aucune formation n'aurait pu le préparer à supporter cela, les êtres humains étaient par nature grégaires, même ceux qui comme eux avaient eu une formation qui les rendaient hors normes.

Il baissa son arme. Jiro avait raison dans un sens, il était le seul frère biologique qu'il aurait. Le tuer serait une erreur. Même s'il n'avait pas été conçu dans ce but, il était le dernier cadeau que J lui faisait sans le savoir, quelqu'un de son sang.

Ce ne serait pas si mal finalement, avoir un frère, comme un jumeau avec qui partager quelque chose.

Ils avaient J en commun, il le savait désormais et il était curieux de savoir ce qu'ils pourraient avoir d'autre.

- Viens. Laissa t'il tomber en rangeant son arme.

Jiro le regarda avec stupeur.

Heero se laissa aller à sourire.

Un instant plus tôt Jiro l'avait nommé grand frère et c'était bien ainsi qu'il se sentait à présent. Comme un grand frère face à son cadet. Jiro avait tant de choses à apprendre, comme lui jadis, mais il avait eu autour de lui des amis pour lui enseigner tout cela et grâce à eux il allait pouvoir enseigner à son tour.

Entrainant son double désorienté vers la voiture il en ouvrit le coffre et en sortit des habits de rechange qu'il y gardait toujours par précaution. Au moins avec Jiro il n'avait pas à se demander s'ils lui iraient.

Jiro hocha la tête, il commençait à comprendre, il s'habilla rapidement et ne se fit pas prier pour remonter en voiture.

- Où allons nous ? demanda t'il

- Je te conduis chez moi.

- Duo…

- Duo ne concerne que moi, je te dépose et je vais le voir.

- Il n'est pas coupable. C'est moi qui suis allé vers lui.

Heero le regarda brièvement avant de reposer ses yeux sur la route. Il conduisait aussi vite qu'il le pouvait, pressé de déposer Jiro et d'aller retrouver Duo.

- Tu m'expliques ?

- Quand j'ai appris la mort de J il y a cinq jours j'ai quitté la planque, je ne pouvais plus supporter d'y rester, j'avais l'impression d'étouffer. J'avais besoin de rencontrer quelqu'un que je connaisse.

- Tu ne connaissais pas Duo.

- Bien sur que si ! J m'a tout dit sur lui.

Les mains d'Heero se crispèrent sur le volant, il prit sur lui pour ne pas s'énerver à nouveau. Ce n'était pas la faute de Jiro. C'était celle de J.

- Donc tu as quitté ta planque et tu as foncé tout droit vers lui…

- Oui… je ne sais pas pourquoi… ce n'était pas un choix logique… Quatre aurait mieux convenu…

Heero hocha la tête.

Jiro disait vrai, mais il n'y avait pas de logique applicable quand il s'agissait de Duo.

Il gara la voiture sur son emplacement et entraina Jiro vers son appartement, lui montra la salle de bains et la chambre d'amis.

- Tu te douche et tu te mets au lit. Tu as besoin de te reposer.

- Tu t'en vas ?

- Oui.

- Tu vas le voir ?

- Oui.

Jiro hocha la tête.

- C'est bien.

Jiro attendit qu'Heero reparte, il ne fut pas surpris d'entendre jouer les serrures, il n'aurait pas agi autrement. Malgré les barreaux aux fenêtres il n'avait pas peur, il ne se sentait pas prisonnier. Il était chez Heero, c'était comme s'il était chez lui en quelque sorte. Il bailla puis alla prendre une douche. Heero avait raison, il en avait bien besoin.

Quelques minutes plus tard, propre et sec il se glissait dans le lit de la chambre d'amis et s'endormait.

Heero lui fonçait vers l'appartement de Duo, il avait un peu peur de ce qu'il allait y trouver. Pourvu que Duo n'ait pas fait de bêtises.

Il entra en trombe et se dirigea vers la chambre.

Il avait à peine passé la porte qu'il sentait une arme se presser contre sa nuque.

- Qui es tu ? demanda une voix méfiante. Heero ou Jiro ?

Heero leva tranquillement les mains pour montrer qu'il ne tenterait rien et se retourna lentement.

Duo avait le visage marqué par les larmes qu'il avait versé mais le regard fermé et méfiant.

Il le gardait en joue d'une main qui ne tremblait pas.

- C'est moi, Heero. Affirma Heero.

- Prouve le !

Heero haussa les épaules, il pourrait donner un tas de détails concernant la guerre et les actions qu'ils avaient menés ensembles, mais connaissant Duo ce ne serait pas suffisant, non, il n'y avait qu'une seule chose qui était susceptible de le convaincre.

Il recula de quelques pas, les mains toujours levées puis les baissa lentement, commença à défaire les attaches de son pantalon.

- Je peux savoir ce que tu es en train de faire ? aboya Duo.

- Tu voulais une preuve non ?

- Oui, mais si tu crois que tu peux la fournir en me baisant, tu te goure, j'ai jamais couché avec Heero, il le saurait lui.

- Parce que d'après toi un homme ne retire son pantalon que pour baiser ? Tu baisse dans mon estime Duo.

- La ferme ! C'est quoi ta preuve ?

Heero laissa le pantalon tomber à terre et souleva les pans de sa chemise, dévoilant ses jambes nues et les cicatrices qui les ornaient.

- Toi qui me connais si bien, tu devrais pouvoir identifier les cicatrices de tes balles.

Duo se mordilla les lèvres, baissa les yeux.

Il y avait bien deux impacts de balles sur les cuisses fermes et musclées.

Il frissonna longuement.

Il avait exploré le corps de son amant de ses mains sans trouver la moindre trace de ces impacts et ne s'en était pas alarmé.

Il aurait du savoir pourtant.

Comment avait il pu oublier ?

De nouvelles larmes se mirent à rouler sur ses joues.

Il se laissa tomber à genoux, agité de sanglots, serrant toujours son arme entre ses mains tremblantes, le canon tourné vers le sol.

Il ne cessait de songer qu'il avait trompé Heero.

Il n'avait aucune excuse.

Strictement aucune.

Heero se débarrassa de son pantalon d'un coup de pied, c'était plus rapide que de le remettre et s'agenouilla devant Duo.

Un regard violet, trempé de larmes et empli de honte se tourna vers lui.

Il commença par retirer l'arme des mains tremblantes et la décharger de ses balles avant de lancer le tout sous le lit, la sécurité d'abord, le réconfort ensuite.

Ceci fait il tendit les bras vers Duo.

Il avait tellement attendu cet instant !

Mais Duo secoua la tête et ne bougea pas.

Heero ne l'entendait pas de cette oreille et se rapprocha, l'attira contre lui.

- C'est bon Duo, tu ne pouvais pas savoir qu'on était deux, personne ne savait.

- Toi tu savais ?

- Non, je l'ai appris aujourd'hui.

Duo renifla bruyamment.

- J'aurais du voir la différence…

- Il n'y en a presque pas Duo, je ne t'en veux pas.

Le regard violet osa enfin se lever vers lui, encore mal assuré. Heero le vit se reprendre avec soulagement, il n'aimait pas voir Duo ainsi, ça ne cadrait pas avec le Duo qu'il connaissait et aimait. Pas qu'il refuse que le natté puisse craquer, seulement, c'était inhabituel et cela le déstabilisait.

- Mais c'était qui ce type ? demanda finalement Duo d'une voix contrariée.

Heero réprima un sourire.

- Mon jumeau ?

Duo écarquilla les yeux.

- Ton quoi ? Tu te paye ma tête ?

- Absolument pas, un petit cadeau de J que j'ai découvert aujourd'hui.

Duo grimaça et secoua la tête.

- Tu veux que je te dise ? Ton J était sacrément tordu.

Heero éclata de rire et le serra un peu plus contre lui.

- Tu as sans doute raison, mais je ne vais pas m'en plaindre, grâce à lui j'ai un frère maintenant.

Duo fit la moue et haussa les épaules.

- Tu nous avais nous.

- Les autres je veux bien les voir comme des frères, mais pas toi Duo. Souffla Heero en cherchant son regard.

Duo s'empourpra devant ce qu'il lisait dans le regard bleu.

- Et tu vas le garder avec toi ? demanda t'il pour donner le change.

Le regard d'Heero se fit songeur.

- Oui… il a besoin de moi tu comprends ?

Duo comprenait très bien, mais il était tout de même inquiet. Jiro et lui avaient passé deux jours ensembles et ils avaient fini dans un lit pour une activité qui n'avait rien à voir avec le sommeil. Il craignait que tôt ou tard cela ne pose problème.

Surtout que pour être franc, il n'avait pas été le dernier à vouloir et que ça avait été vraiment génial. Exactement ce qu'il avait toujours espéré de la part d'Heero.

Oui, mais voilà, ce n'était pas avec Heero qu'il avait couché. Il aurait beau faire il ne pouvait pas revenir en arrière, la première fois qu'il avait voulu avoir avec Heero il l'avait eue avec Jiro, le clone d'Heero d'accord, mais pas Heero pour autant.

Il frissonna légèrement, Jiro avait été un amant parfait, à croire que J avait prévu des cours d'éducation sexuelle dans son programme d'éducation. Il regarda Heero, qui était toujours en caleçon, à la dérobée, se demandant quel amant il serait. Il se sentit rougir à cette pensée pour le moins inconvenante. Heero serait Heero et il ne devait plus penser à Jiro. C'était Heero qu'il aimait, Heero qu'il avait attendu toutes ces années.

Il sentit les lèvres d'Heero se poser sur les siennes, exigeantes. Il ouvrit les siennes après une hésitation qui n'échappa pas à Heero. Le baiser fut fougueux, presque brutal, Heero s'efforçait de faire la différence, de se distinguer de son double, un peu contrarié de ne pas avoir été le premier comme il aurait du l'être. Il explora la bouche de Duo de sa langue, désireux d'effacer toute trace du passage de Jiro. Il mordilla ensuite les lèvres pleines du natté, le faisant gémir doucement, les laissant rouges et un peu gonflées. Il se recula pour regarder. Duo lui se retenait de presser une main sur ses lèvres presque douloureuses. Le baiser d'Heero était bien loin de ceux, très tendres, de Jiro.

Il ne s'attendait pas à avoir de la visite ce jour là. Lorsque le grand jeune homme brun était sorti de l'ombre et avait tourné vers lui son regard si bleu et plein d'espoir, qu'il l'avait entendu prononcer son nom d'une voix hésitante il s'était senti fondre. Ce n'était pas le Heero qu'il avait quitté mais cinq ans s'étaient écoulés et il pouvait avoir changé.

Il lui avait fait signe d'approcher, un peu ému de le revoir enfin, le détaillant en silence. Heero était plus mince que dans son souvenir, ses cheveux étaient plus longs, effleurant ses épaules de leurs boucles en désordre. Il avait levé les mains et les avait posées avec précaution sur les joues mal rasées de son vis à vis. Le contact rugueux l'avait fait sourire.

- Je t'ai tellement attendu. Avait il murmuré.

Les yeux bleus s'étaient illuminés et il s'était perdu en eux, comme une jeune fille romantique à son premier rendez vous. Ca faisait cliché, c'était presqu'irréel, mais il s'était senti ainsi, comblé et désorienté par tant de bonheur.

Il ne savait plus si c'était lui ou l'autre qui avait pris l'initiative du baiser. Leur premier baiser entre hommes. Il n'aurait jamais pensé embrasser un homme un jour du temps de la guerre, Heero Yuy moins que tout autre, c'était tout bonnement impensable. Ensuite il n'avait plus eu de temps pour cela et puis il avait du attendre cinq ans. C'est dire qu'il l'avait attendu ce baiser. Au moins autant que de sentir les bras du brun autour de lui. Les lèvres sur les siennes étaient chaudes et douces, un peu timides, c'était un baiser léger que lui offrait celui qui le tenait entre ses bras. Il en avait voulu plus, avait cherché à prolonger le baiser.

Les bras du brun l'avaient écarté en douceur, le regard bleu était inquiet, empli de doute.

- Duo… je suis Jiro… est ce que tu es certain de vouloir de moi ?

Il n'avait pas compris le sens réel de ces mots. S'il voulait de lui ? Bien sur que oui !

Il s'était jeté au cou du brun et l'avait embrassé.

- Bien sur que je veux de toi Jiro.

Heero… Jiro, peu importait le nom, l'homme en face de lui était celui qu'il attendait depuis cinq ans et qui était enfin là.

Sauf qu'en vérité il n'était pas avec celui qui lui avait demandé de l'attendre ce jour là et qu'à présent ça faisait une sacrée différence.

Il poussa un profond soupir.

Regarda Heero droit dans les yeux.

- C'est mon tour. Dit il.

Heero le regarda en fronçant les sourcils.

Duo soupira à nouveau.

- Heero… tu m'as demandé du temps pour réfléchir et je te l'ai accordé, maintenant c'est moi qui te demande de m'en laisser. Ne t'en fais pas, je ne vais pas mettre cinq ans.

Heero n'aimait pas trop ce qui semblait se profiler derrière la demande, mais il ne pouvait pas refuser sans être injuste, Duo l'avait laissé agir à sa guise, l'avait attendu pendant cinq années durant lesquelles il l'avait laissé sans nouvelles alors que rien ne justifiait vraiment cela. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui même si le natté troublé par la situation prenait le temps de réfléchir à son tour.

Duo posa la main sur son poignet.

- Par contre je veux que tu me jure que tu ne lui feras rien.

Heero le regarda avec stupeur.

Duo ne pouvait pas songer qu'il puisse vouloir du mal à Jiro tout de même ?

Mais le regard de Duo était sérieux et légèrement inquiet.

Il se faisait du soucis pour Jiro.

Heero sentit un léger pincement au cœur en comprenant cela mais ne le montra pas.

- Tu as ma parole que je ne lui ferais aucun mal.

Duo le remercia d'un sourire et d'un léger baiser sur les lèvres.

- Merci Heero. Profite de ce laps de temps pour apprendre à le connaître, d'accord ?

Heero fronça à nouveau les sourcils, songeant qu'en deux jours Duo n'avait pas du beaucoup en apprendre sur Jiro hormis sexuellement, surtout considérant ce qu'ils faisaient lorsqu'il était entré et l'odeur qui régnait dans la chambre.

Un élan de jalousie le poussa à prononcer des paroles malheureuses.

- Tu as appris quoi au juste sur lui ? La façon qu'il a de te baiser ?

Une gifle magistrale fut la première réponse, Duo recula, la main levée, les yeux brillants de larmes et Heero regretta ses propos.

- Duo…

- Casse toi !

- Duo, je suis désolé, je ne voulais pas dire ça !

- Mais tu l'as dit ! Et puisque tu veux tout savoir, Jiro ne m'a pas baisé comme tu dis, c'est moi qui lui ai fait l'amour. Ton frère n'est pas un dominant Heero, ni un soumis, il m'aurait pris si j'avais voulu, mais il m'a laissé le choix lui !

Heero baissa la tête, récupéra son pantalon, le passa et quitta l'appartement sans oser regarder Duo.

La porte se referma sans bruit derrière lui.

Duo s'étendit sur le canapé, les yeux rivés au plafond.

Heero était donc d'un naturel jaloux…

Il ne s'en serait pas douté avant d'entendre ces mots.

Et maintenant il ne savait plus du tout où ils allaient tous les trois.

Heero avait été son premier amour, son fantasme d'adolescent.

Mais ils n'étaient plus des enfants désormais et il réalisait qu'il ne connaissait pas l'homme qui venait de sortir.

Avait il seulement connu vraiment l'adolescent avec qui il avait fait la guerre ?


A suivre