Disclaimer: Les personnages appartiennent à JKR, je ne fais que les malmener un peu, et la chanson, dont je n'ai mis ici que les parties qui m'intéressaient, est de Jacques Higelin, du même nom que mon histoire.
Rating: M pour scènes sexuelles explicites et violence verbale ou physique (un peu quand même ^^")
Pairing: DM/HP
Warning: à bas les homophobes. (et toc !)
Bonjour tout le monde, voici un two-shot que je viens de terminer, ça fait très longtemps que je suis dessus et je suis assez anxieuse de vous le soumettre car j'y suis très attachée... =S J'espère que vous allez apprécier, même si c'est une histoire relativement sombre (je précise que ce n'est pas une Deathfic), où sont alternées utopie et dystopie. L'idée m'est venue un jour en écoutant la chanson magnifique de Higelin, dont j'ai donné le titre à cette fic.
Dites-moi ce que vous en pensez surtout ! Bonne lecture =)
Ici, c'est l'enfer ~ Partie 1
Par un beau matin d'hiver dans le petit village de Godric's Hollow, Draco Malfoy s'éveillait dans les bras de son amant. Il respira profondément, et sourit. Un rayon de soleil filtrait à travers les rideaux et éclairait le visage de l'homme qui dormait à côté de lui, Harry Potter. Draco enfouit sa tête dans son cou. C'était dimanche, et ils allaient pouvoir profiter de cette journée pour s'occuper d'eux, ainsi que de leur maison. La demeure des défunts parents de Harry avait été entièrement reconstruite par leurs soins, sur ses anciennes fondations. Ils avaient essayé de la refaire comme elle était dans son état initial, ils n'apportaient que quelques améliorations. En ce moment par exemple, ils construisaient une véranda, avec une vue sur le jardin qui avait subit une sévère remise en forme et resplendissait à présent, malgré le froid mordant et sec de l'hiver. Avec un soupir de bonheur, Harry referma ses bras autour de lui, et embrassa son front, les yeux toujours fermés.
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Une violente douleur me traversa le flan, et je me réveillai immédiatement.
«Debout, sale fils de pute, c'est l'heure du petit-déjeuner !»
Je ne répondis même pas à l'insulte et me traînai vers l'assiette ébréchée de soupe froide qui avait été déposée dans le coin de ma cellule par le gardien des lieux.
Hans Kartoffeln referma bruyamment la grille et passa dans une des autres cages de la prison. Le détenu eut droit au même traitement que moi.
Je frottai l'endroit qui avait reçu son coup de pied et grimaçai. Avec un peu de chance, ce chien m'avait sûrement cassé une côte. J'avalai rapidement la soupe en essayant de ne pas penser à son goût immonde, et mâchonnai le morceau de pain noir et rassis qui l'accompagnait.
Le gardien allait revenir très vite, et il fallait que j'aie fini à ce moment, où j'aurais encore une fois le droit à un «traitement de faveur», particulièrement douloureux.
Le temps où les Détraqueurs régnaient à Azkaban était révolu depuis la fin de la guerre -soit deux ans- mais je me demandais si ça n'aurait pas mieux valu qu'ils soient toujours là. Car avec eux, la violence et la douleur n'auraient été que psychologique. Or, là, elle était à la fois psychologique et physique.
Deux ans que je pourrissais dans cette geôle malodorante. Au début je me révoltais contre les comportements des gardiens -Kartoffeln n'était pas le seul, ils alternaient les rôles, mais il était le plus cruel- et refusais de me plier et de m'aplatir devant eux, mais à présent je n'en avais plus la force. Plus le courage, ni la motivation. Si on avait voulu me sortir de ce trou, cela aurait été fait depuis longtemps.
Plus d'espoir.
La première année, j'avais eu le droit à une visite, et il était venu. Je n'avais pas bien compris pourquoi il avait l'air si mal, si fébrile, si malheureux. Après tout, j'étais fils de Mangemort, et même pire, j'étais fils d'un Malfoy. C'était suffisant pour me faire condamner à perpétuité, même si je n'avais pas participé à la guerre. Ma seule erreur avait été de vouloir fuir le jour de la bataille finale, car un Auror ayant voulu me tuer, j'avais dû abréger sa vie. J'avais voulu vivre. Mais à présent, je me disais souvent qu'il aurait mieux valu mourir ce jour-là. Je ne vivais pas, ici. Je n'étais qu'une loque, dont l'unique bonheur était la petite lueur qui filtrait de la minuscule fenêtre tout en haut du mur du fond (à laquelle je ne pouvais donc pas accéder), et mon imagination. Je remercie Dieu pour avoir donné ceci à l'homme. Sans mon imagination, je n'aurais plus eu la force de vivre -de survivre- depuis longtemps. Et je voulais désespérément vivre. Mais je n'y étais pas autorisé. Je devenais peu à peu fou, et mes dernières parcelles de raison me le disaient, mais j'étais incapable de lutter contre.
Alors, je fermais les yeux.
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Ici c'est l'enfer,
Le froid la galère
Moi je colle
Des étoiles lumineuses
Au plafond
Des visions scandaleuses
Sur les murs de ma prison
Mentale…
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Draco avança les lèvres vers le cou de son homme, et y déposa un baiser tendre. Il sourit tout contre sa jugulaire. Il était bien.
Harry bougea légèrement, et appuya doucement ses lèvres contre les siennes.
«Bonjour, toi, dit-il d'une voix encore rauque et endormie. Bien dormi ?
-Oui... Regarde, il y a du soleil.
-Mmh, je vois ça, je l'ai dans les yeux depuis tout à l'heure», grogna le brun en refermant les yeux, et se roula en boule pour se mettre à l'abri contre le torse du blond qui eut un rire léger.
Aujourd'hui, pas de travail, pas de personnes importantes à rencontrer et à rassurer ni de conversation diplomatique pour l'un, pas de chaudrons à surveiller ni de potions à concocter pour l'autre. Juste l'amour qui les environnait, et leur vie commune.
Juste eux. Une belle utopie.
0o0o0o0
J'ouvris les yeux en entendant la clé cliqueter dans la serrure de métal forgé et rouillé. Le gardien revenait chercher ma gamelle. J'aurais eu plus de forces je la lui aurais volontiers balancé en pleine gueule.
Je n'ai plus mon physique musclé d'il y a deux ans. Mon corps est maigre et sec, cassé par les coups de tout ces connards qui se croient au-dessus de nous. Ils ont beau ne pas avoir été Mangemorts, ils sont aussi cruels qu'eux. Ils n'essayent pas de comprendre quoi que ce soit, pourquoi nous sommes là, si nous méritons réellement ce sort d'exclus, de rebuts, de prisonniers, d'exilés. Ils ne comprennent pas que tout ceux qui sont enfermés là sont aussi des hommes. Des hommes qui ont fait des erreurs et qui ont parfois mérité leur sort, mais des êtres humains tout de même.
Je me souviens du jour où ils ont amené Bellatrix Lestrange à Azkaban. J'ai cru que j'allais devenir fou de rare et de fureur, les gardiens ont du me maîtriser: au moment où on m'avait apporté mon déjeuner, j'avais essayé de bondir hors de ma cellule. J'avais oublié que je n'avais plus de baguette magique, rien pour attaquer, je voulais juste la tuer de mes mains, appuyer mes deux pouces de chaque côté de sa trachée et faire pression dessus jusqu'à que son visage de fanatique folle à lier de Voldemort devienne bleu et violacé, jusqu'à ce qu'elle suffoque pour toutes les vies qu'elle avait prises, toutes les familles qu'elle avait détruites. Pour la première fois de ma vie, je désirais réellement la mort de quelqu'un.
Mais ces abrutis ont cru que je voulais m'échapper, ou que je voulais la rejoindre, et ils m'ont massacré, frappé mon corps jusqu'à le rompre, tabassé mes os jusqu'à ce qu'ils cassent, couvert ma peau de taches bleues et douloureuses. Bien sûr ils m'avaient déjà battu auparavant, ce n'était pas nouveau, mais ce jour-là j'ai compris le niveau d'impuissance auquel j'étais réduit, et j'ai baissé les bras. Je vais finir ma vie dans cette prison humide et sale, loin de toute civilisation, loin de la vérité, sans personne pour se souvenir de moi. Ce sera comme si je n'avais jamais existé. Pourtant j'aimerais qu'il se souvienne de moi. Je sais que mon esprit se névrose peu à peu, que je ne distingue pas toujours rêve et réalité, en particulier quand je suis dans le monde que je me suis construit, par la force de mon imagination, mais je sais en revanche que ma réalité est beaucoup plus amère que celle que je m'invente. Comment en suis-je arrivé là ? Mon utopie à moi, parfaitement irréalisable. Même si je n'étais pas emprisonné et mourant, ma vie ne serait jamais ce que je désire réellement. Car ce que je désire, c'est...c'est...
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Ici je perds le nord
Descente au enfer
Moi j'explore
A bord d'la machine à
Remonter le temps
L'océan d'insomnies
Qui me ramène vers ton île aux
Trésors…
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Draco se détacha du brun et roula sur lui, emprisonnant délicatement ses poignets dans ses mains, pressant agréablement son corps contre le sien, et l'embrassa avec amour.
«On a toute la journée pour nous...»
Harry répondit par un gémissement approbateur.
Très vite la chambre fut remplie de soupirs et de gémissements, et le ballet de l'amour prit le pouvoir et exécuta sa danse sensuelle.
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Je perdais le nord, j'étais névrosé, je le savais, mais c'était la seule chose qui me tenait vivant. L'idée d'être avec lui. Cela paraissait sans doute risible. Draco Malfoy et Harry Potter, ensemble ? Ridicule, n'est-ce pas ?
Sauf que c'était ce que je désirais le plus. Je ne savais pas comment j'avais pu rêver de tout cela, comment j'avais pu tomber amoureux de lui, comment je pouvais espérer, chaque jour, qu'il allait franchir la porte de ma cellule pour m'emporter loin d'ici...
Ma position était improbable et me faisait mal. J'étais affalé contre le mur, le bassin tordu, le bras gauche dans mon dos et mon bras droit retenait mon genou droit replié. Je me redressai lentement et au prix d'un effort monstre, progressai vers la mince paillasse qui faisait mon quotidien. Je m'y roulai en boule, repliant mes jambes contre moi, dans l'espoir d'une faible protection.
J'eus l'impression d'avoir de la fièvre. J'humectai mes lèvres craquelées et gercées de ma langue pâteuse, mais je n'eus pas le courage de bouger de nouveau pour faire couler dans ma bouche quelques gouttes de l'eau croupie dont le broc poussiéreux qui était à ma disposition était rempli.
Je ne voulais pas de ma réalité, je ne voulais pas voir dans quelles conditions je vivais, je voulais être aveugle, je voulais ne plus rien ressentir, je voulais régir ma vie par mon imagination, ne pas entendre les cris de douleur des prisonniers que les gardiens maltraitaient, ni les hurlements de ceux qui devenaient fous, je ne voulais plus rien entendre, je voulais replonger...
0o0o0o0
Dans la chambre claire et lumineuse de Godric's Hollow, deux amants reprenaient leur souffle. Ils affichaient un sourire apaisé et heureux, et une mince pellicule de sueur recouvrait leurs deux corps encore entremêlés.
Le rayon de soleil s'était déplacé, mais la chambre était toujours très claire, et Harry tourna la tête vers les rideaux toujours tirés. Il déposa un baiser sur les lèvres du blond qui abaissa les paupières sous la caresse, et se leva. Indifférent à sa nudité, il se dirigea vers la fenêtre, et ouvrit en grand les rideaux.
«Il a neigé !
-C'est vrai ? S'exclama Draco en se levant précipitamment en entraînant avec lui le drap dont il s'enveloppa.
-C'est beau...
-On sort ?»
Harry se tourna vers lui et sourit. Il se drapa également du drap et l'embrassa une dernière fois, avant de l'attraper et de le balancer sur son épaule comme un sac de pommes de terre. Action qui lui valut un cri outré puis un éclat de rire. Il l'entraina dans la douche.
Je ne compris pas pourquoi je contemplais cette scène d'un œil extérieur. C'était pourtant moi, là, non ? Même si je n'avais pas l'air malade, maigre ou maltraité, c'était bien mon corps que je voyais être manipulé avec douceur par Harry Potter. C'était ma vision, donc j'avais décidé d'y être tel que j'étais avant d'être emprisonné. Beau, mince, musclé, bien coiffé, pédant, rieur.
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Je me réveillai brutalement. Comment se faisait-il que mes pensées amères aient transpercées dans mon rêve ? Cela n'était jamais arrivé. Je plissai les paupières avec colère, je ne voulais pas que ma réalité transparaisse dans mes rêves... Qu'elle ne pourrisse pas en plus mon imagination.
Mon ventre criait famine et gargouilla avec vigueur, et j'y enfonçai mon poing serré. J'étais habitué à avoir faim, maintenant. Mais il était si bruyant que j'eus peur qu'il n'attire un des gardiens. Tout était bon pour nous faire mal ou nous humilier. Ils n'étaient jamais loin, et chaque bruit résonnait.
«Alors, Malfoy, t'as faim ? m'apostropha Kartoffeln, agressif et cruel. Quel dommage qu'il n'y ait plus tes putains de Mangemorts de parents pour te nourrir, hein ?»
Je ne bougeai même pas pour le regarder m'insulter. Je savais qu'il ne supportait pas ça. Qu'on l'ignora alors qu'il nous débitait les choses les plus ignobles. Je ne savais pas pourquoi il continuait de nous blesser moralement au bout de deux ans. Il aurait dû savoir qu'après deux ans, on se fiche pas mal de ce qu'on nous dit. On s'habitue à tout, même si ça fait fait mal de l'admettre.
La clé cliqueta dans la serrure, la grille s'ouvrit avec fracas. Il grogna et je me sentis soulevé par sa poigne qui venait de m'agripper le cou.
«T'es plus capable de répondre, fils de chien ?»
Ma tête ballotta de droite à gauche alors qu'il me secouait brutalement. Son haleine empestait l'alcool et la méchanceté.
Voyant que je ne réagissais pas, il me repoussa et je tombai comme un sac de farine, assis contre le mur, les fesses sur ma paillasse.
«Décidément t'es devenu vraiment pitoyable, Malfoy. Cracha-t-il avec mépris. Tu t'imaginais que tu deviendrais comme ça, quand tu massacrais tout ces Moldus ? Que tu crèverais de faim comme un miséreux ?»
Il s'accroupit pour me faire face. Son visage était révolté par une fureur dont lui seul connaissait la source.
«Mais tu sais ce que j'en fais, des gens comme toi, quand ils ont faim ? Je leur fais bouffer le mur.»
À ces mots, il me décocha son poing droit en pleine figure, d'un mouvement si rapide que je ne le déchiffrai qu'au moment où le choc me transperça.
Quand son poing donna dans ma pommette qui éclata et quand ma tête alla donner violemment contre le mur.
Un cri rauque résonna dans le geôle, et je m'aperçus que c'était le mien.
«Kartoffeln, je t'assure que c'est pas comme ça que t'arrivera à te faire mon cul.» Arrivai-je à ricaner au prix d'un effort colossal.
Il poussa un hurlement rageur et je sentis une nouvelle fois son poing s'abattre sur moi, sur la nuque cette fois. Une deuxième fois, la souffrance me submergea, plus aiguë encore que la première.
La prison s'assombrit, des croix brillantes flottèrent devant mes yeux un instant, puis je sombrai.
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Ici tout va mal
Cap sur l'océan
J'mets les voiles
Sur l'archipel des îles
Sous le vent
En suppliant le ciel
De retrouver notre amour
Vivant…
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Après une douche tendre et tiède et un petit-déjeuner rapide, ils s'habillèrent chaudement pour pouvoir sortir profiter du temps.
Ils déblayèrent l'allée à tour de bras et avec force d'éclats de rire.
Un peu avant midi, Draco se souvint qu'ils n'avaient plus de pain, et comme la boulangerie était à deux pas, il s'y précipita avant la fermeture.
Pendant ce temps, Harry continua les travaux de la véranda. Celle-ci avait été totalement envahie par la neige, et il mit un temps fou à la débarrasser de toute la poudre blanche qui la recouvrait.
Il n'eût d'ailleurs pas le temps de terminer, car Draco revint, les joues roses et la mine boudeuse.
«Qu'est-ce qu'il se passe ?
-On dirait que tout le monde a décidé de se lever tard aujourd'hui, il y avait une queue énorme à la boulangerie !» Râla-t-il en refermant le portillon.
Harry eût un petit rire, et une lueur malicieuse s'alluma dans ses yeux. Difficile de résister.
Il prit le pain que le blond avait ramené avec un sourire, l'amena dans la maison (juste à l'entrée pour éviter de perdre du temps), et ramassa une poignée de neige.
«Tout le monde peut bien se lever tard un dimanche, Draco, pas la peine de ronchonner... Ou bien je vais te faire passer le goût des grognements !
-Que...!»
Draco eût tout juste le temps d'avoir l'air alarmé quant Harry lui écrasa la neige sur le visage, le barbouillant au maximum.
«Aaah c'est froiiid !
-C'est de la neige, mon ange, rit le brun.
-Tiens, pour toi !» S'exclama Draco en faisant un croche-patte à son homme, qui s'étala gracieusement dans la neige.
Ce qu'il n'avait pas prévu, c'était que Harry allait l'attraper par une jambe pour l'entraîner dans sa chute.
Il poussa un cri; la neige glaciale dans la nuque, dégoulinant le long de sa colonne vertébrale, déclencha en lui une série de frissons.
Ils passèrent un moment à se rouler dans la neige comme des enfants, heureux de passer un moment plein d'innocence et de candeur joyeuse, jusqu'au moment où le froid leur parut vraiment trop mordant et où, gelés, ils se réfugièrent en riant dans la maison.
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Ici c'est l'enfer
La croix la bannière
Moi je colle
Des étoiles lumineuses
Au plafond
Des visions scandaleuses
Sur les murs de ma prison
Mentale…
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Mal... J'avais mal... Ma tête n'était que feu et brûlures intenses... Que s'était-il passé ?
J'essayai d'ouvrir les yeux, et j'y arrivai, mais très laborieusement. Il faisait presque nuit dans ma pauvre cellule, le jour déclinait. Des lumières dansaient devant mes yeux, et j'avais la nausée. Ne pas vomir. C'était encore une chose que je détestais, en plus de la saleté. Nous n'avions droit qu'à une douche par semaine, et deux tours aux toilettes par jour, un le matin, et un le soir, alors je ne voulais pas ajouter en plus à toute cette crasse l'odeur du vomi. Je ne savais pas quel jour on était, donc je m'efforçai de respirer longuement et profondément, pour refouler mon écœurement.
Lentement, ce qui s'était passé me revint en tête. Kartoffeln. Encore et toujours. Sauf que là, je l'avais cherché. Je savais qu'il me désirait depuis le jour où j'étais arrivé dans cette geôle infâme. J'avais senti son regard de convoitise sur mon corps démuni, affaibli, et pourtant encore assez désirable à ses yeux pervers et vicieux.
Les coups et blessures sur les prisonniers étaient autorisés -ou du moins tolérées, personne n'avait jamais été repris pour un bleu ou un hématome sur le ventre et le dos d'un détenu- mais les violences sexuelles étaient formellement défendues, et cette loi était respectée. Parce que les gardiens savaient que même s'ils nous dominaient de toute leur taille et toute leur méchanceté, il y avait quelque part quelques autorités au-dessus d'eux, susceptible de les faire mettre à la même place que nous. On aurait pu penser que cela susciterait un peu de compassion de leur part, puisqu'ils avaient peur de se retrouver à notre place et de subir les mêmes coups et les mêmes humiliations, mais non, cela ne faisait qu'accroître leur cruauté, comme par un renversement absurde des choses. Ils n'étaient pas non plus autorisés à utiliser la magie sur nous, sauf en cas de force majeure -de tentative de fuite ou d'agression d'un des gardiens par un détenu.
Il était donc hors de question de violer un prisonnier, et un médecin venait chaque mois s'en assurer. Il passait sur nos blessures avec un air de fausse indifférence qui aurait pu paraître immonde si nous n'avions su à quel point il était humain. Une fois par mois, il nous auscultait, un par un, nous lançait parfois discrètement un sort pour surmonter la douleur, sans se faire voir, et repartait, les épaules et le dos voûté, comme s'il avait emporté toute notre souffrance. Il n'avait pas le droit de nous guérir ou d'abréger nos malheurs, et cela le rongeait totalement de devoir survoler nos corps brisés et épuisés sans pouvoir faire quoi que ce soit. Il devait se contenter de nous ausculter partiellement pour affirmer que non nous n'avions pas été abusés sexuellement et que les gardiens eux n'abusaient pas de leurs droits.
C'est pour cela que Kartoffeln ne supportait pas que je fasse référence à cette attirance abjecte qu'il avait pour moi quand j'avais la force et la folie pour la mentionner, car il savait pertinemment qu'il n'avait aucun moyen d'y remédier.
Il était d'autant plus cruel avec moi qu'il luttait contre cette attirance, il me haïssait de lui faire ressentir cela pour un homme. Il était particulièrement conservateur, et l'homosexualité, chez les Moldus comme chez les sorciers, le répugnait profondément.
Et éprouver une chose pareille, un désir physique et sexuel pour un homme, et un détenu, fils de Mangemorts de surcroît, était une des pires ignominies pour lui. C'était pour cela que j'étais son «client préféré», celui sur lequel il venait passer ses nerfs quand il n'en pouvait plus d'entendre les hurlements de douleur et de folie des prisonniers toute la journée.
Heureusement, j'avais de temps à autres quelques instants de répits, parfois même quelques jours, quand il alternait avec les gardiens de l'aile gauche de la prison. Oh bien sûr, ceux qui le remplaçaient n'étaient pas plus «gentils», il ne fallait pas trop espérer, mais leur mépris et leur dégoût se limitait souvent à de basses injures et à quelques coups de pieds bien placés.
C'est pour cette raison que, remarquant que j'étais bien seul dans ma cage, je m'autorisai à respirer longuement de grandes goulées d'air, essayant d'analyser les dégâts que ce monstre avait une nouvelle fois infligés à mon corps.
Après le premier soupir que j'avais poussé en ouvrant les yeux, je m'étais bien aperçu qu'il n'était pas dans les parages, sinon il aurait déjà rappliqué. Je continuai alors mon inspection, déplaçant avec efforts ma main gauche le long de ma pommette en miettes, faisant de mon mieux pour ne pas gémir sous la douleur.
Mes doigts étaient poisseux, j'avais le visage en sang. Je me rendis également compte que mon poignet gauche ne répondait pas, et que j'étais incapable de bouger un doigt sans qu'une souffrance atroce me submergeât. Une ou deux côtes cassées en prime virent conclure mon tâtonnement fébrile sur mon corps saccagé.
Finalement, cela aurait pu être pire. Les côtes et la pommette seraient rapidement cicatrisables, la seule chose qui m'embêtait un peu, c'était le poignet, car je n'avais aucune possibilité de le bander. J'aurais pu à la limite l'envelopper d'une bandelette arrachée au haillon qui me servait de pantalon, mais je savais que je n'aurais pas eu la force nécessaire pour le déchirer, et qu'il me restait trop peu de tissu sur le corps pour en enlever encore un morceau.
Après réflexion, je décidai simplement de ne pas bouger, et de me concentrer sur mes poumons, qui inspiraient et expiraient de l'air difficilement, pour éviter de penser à la douleur.
Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer.
Dans une cellule voisine, un de mes voisins remua et gémit dans son sommeil.
Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer.
Encore plus loin, un des prisonniers rendu fou par la solitude, le manque de nourriture et les coups se mit à appeler à l'aide et à pousser des cris si stridents qu'ils semblaient inhumains. Tout d'un coup, il se tut. Par la force d'un poing, ou d'un pied.
Inspirer, expi...
J'étais si absorbé par ma respiration que je n'entendis pas le claquement des talons d'un gardien qui arrivait, et ce ne fut que le cliquetis des clés qui m'interpella.
«Allez, debout Malfoy, c'est l'heure des chiottes,» me dit celui qui m'empoigna le bras sèchement pour me relever de force.
Je papillonnai des yeux et reconnu un des gardiens les plus jeunes, Lear McGolden, grand et musculeux malgré son ossature plutôt fine.
Je me demandais comment il avait fait pour atterrir dans un tel lieu, et pour faire un tel métier.
Il me souleva sans aucune délicatesse et me fit sortir de ma geôle brutalement. Il essaya de me pousser en avant, sans doute dégoûté de devoir me porter, mais aussitôt que son bras quitta ma taille, je m'écroulai au sol.
Il soupira bruyamment et m'attrapa par la peau du cou pour me remettre debout, me soulevant presque pour me diriger vers les toilettes au fond du couloir, sales et puantes.
Je réussis à atteindre la cuvette avant de déverser dedans le peu que mon estomac contenait. Très vite, la bile vint me brûler la gorge, et les spasmes me devinrent douloureux.
McGolden s'était reculé précipitamment à mon premier haut-le-cœur, me laissant m'effondrer contre la cuvette crasseuse.
Je toussai, la gorge irritée par la remontée des sucs gastriques, et me hissai de toutes mes forces sur les toilettes pour pouvoir uriner.
Je remis du mieux que je pus mes loques, et me redressai, comme un pantin, dans le but de marcher seul et d'éviter de me prendre des coups pour mon immobilité.
«Malfoy, tu fais vraiment pitié, allez, bouge ton cul, j'ai pas toute la nuit...»
J'aurais aimé pouvoir lui faire un doigt d'honneur et lui cracher une insulte au visage, mais je me concentrai sur mes pieds, qui devaient avancer jusqu'à «mon chez-moi».
Il me balança avec force à l'intérieur de ma cellule, et il me sembla que je m'endormis tel quel, les membres tout mélangés sur ma paillasse. Trop fatigué pour trouver une position plus tenable.
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Ils enlevèrent rapidement leurs habits trempés et enfilèrent des vêtements secs avant d'aller préparer le repas du midi. Le dimanche faisait l'objet d'une sorte de petit rituel immuable et agréable. Ils se levaient à l'heure où ils sentaient qu'ils avaient récupéré de leur sommeil en retard de la semaine, se douchaient et petit-déjeunaient ensemble, s'occupaient de petites choses -comme ici le déblayage de la neige et le bricolage de la véranda- allaient préparer le repas ensemble, puis passaient l'après-midi agréablement, toujours ensemble.
Le dimanche pouvait se qualifier par ce mot: ensemble. Dans la semaine, ils étaient séparés par le travail, ne se levaient pas à la même heure et ne se voyaient que le soir; ils appréciaient donc les dimanches à leur juste valeur.
Ils décidèrent de faire un plat typiquement anglais: une tourte au poulet. C'était absolument délicieux, mais demandait une certaine préparation.
Pendant que l'un surveillait la pâte qui se mélangeait à l'aide d'un sort, l'autre restait attentif à ce que les morceaux d'œufs, de saucisses et de poulets soient correctement émincés, tout en parlant joyeusement de leur semaine passée.
Draco expliqua qu'il avait réussi une potion extrêmement difficile, et dont le résultat était crucial dans le monde de la médicomagie, et Harry parla d'un ministre hongrois récalcitrant qu'il avait eu dû mal à convaincre de la nécessité d'une limitation de l'expansion magique autour de l'École Magique Hongroise, laquelle commençait à alerter les Moldus, en raison de quelques fuites de sorts mal contrôlés. Harry travaillait au Ministère des Relations et Instances Magiques Étrangères, où son charisme ainsi que son éloquence et sa mise en confiance faisaient des merveilles.
Draco quant à lui travaillait dans la Recherche Avancée des Potions contre les Maladies Dangereuses ou Inconnues. Il avait récemment mis au point un antidote durable contre le souffle empoisonné du Nundu d'Afrique orientale qui décimait des populations entières.
Ils mirent enfin le plat au four, car même s'ils se servaient de la magie pour la confection, il fallait bien un temps d'attente pour la cuisson. Une demi-heure à tuer. Harry alla chercher un livre dans leur chambre et s'installa sur le canapé du salon, tandis que Draco s'occupait de paperasse telle que factures ou courriers d'hôpitaux divers. Il faisait des interventions chirurgicales en cliniques, et était l'un des meilleurs Médicomages reconnu, il était donc très demandé, et devait souvent refuser des offres de postes dans de grands hôpitaux pour pouvoir continuer la Recherche.
Soudain, au bout de dix minutes, Harry referma son livre bruyamment d'un air paniqué.
«Mince ! J'avais complètement oublié !
-Quoi donc ? S'inquiéta aussitôt Draco.
-Ron et Hermione viennent prendre le dessert avec Rose, aujourd'hui !»
Draco jura et se leva précipitamment, se ruant vers la cuisine.
«Tu aurais pu t'en souvenir plus tôt !
-Mais c'est toi qui leur avais proposé !»
Ils plongèrent dans les livres de recettes de desserts rapides pour essayer de faire quelque chose d'acceptable, mangeable dans à peine...une heure et demi.
Ils eurent une idée simple: des scones. Avec du thé, ce serait parfait, et c'était rapide à faire.
«Hé ! Si on remplaçait les raisins secs par des pépites de chocolat ?
-Bonne idée, la petite aimera mieux je pense.»
Ils préparèrent la pâte des biscuits et les mirent au four en sortant la tourte au poulet.
Soulagés, car tout serait prêt à temps finalement (ils comptaient également sur un retard opportun de Ron), ils se mirent à table. La tourte était délicieuse, cuite à point, et ils mangèrent avec appétit.
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Cette fois ce fut mon ventre qui me réveillât. Il grognait et gargouillait; je mourrais tout simplement de faim, comme d'habitude. Ma cellule était sombre, la nuit était tombée pendant mon sommeil. Ma gorge était acide et sèche, et j'eus le besoin impérieux de bouger pour boire un peu d'eau.
Erreur fatale.
J'avais oublié que mon corps avait été amoché, et je gémis bruyamment quand je sentis mes côtes cassées se manifester. Je contrôlai ma respiration du mieux que je pus pour qu'elle ne distende pas mon buste et ne pousse pas contre ma cage thoracique.
J'eus besoin de longues secondes pour pouvoir bouger sans trop souffrir. Le broc n'était pas très éloigné de ma paillasse -encore fallait-il que je l'atteigne.
Je réussis à me redresser puis à me mettre à quatre pattes pour ramper vers la cruche.
Ma respiration se fit sifflante tant l'effort était grand, mes côtes rendaient tout mon torse douloureux et appuyaient certainement sur mes poumons, vu la difficulté que j'avais à respirer.
Avec l'énergie du désespoir, je saisis le broc et avala une lampée du liquide tiède qui s'y trouvait. J'eus soudain l'impression que cette petite gorgée emplissait toute ma gorge, et je suffoquais, avalant de travers en raison de ma précipitation. Ma gorge était nouée, mes poumons se démenaient pour accéder à une goulée d'air, je paniquai, en proie à une sourde angoisse car je commençai à voir des points lumineux se former devant mes yeux. Toujours à quatre pattes mais la tête dans les avants-bras, je me forçai à tousser, dans un éclair de lucidité.
Ma trachée se déchirait, j'eus l'impression qu'elle était à l'agonie tant elle me brûla au moment où je réussis à me dégager la gorge, aspirant vivement à pleins poumons, les larmes aux yeux et les yeux piquants.
Toussant encore, mais plus faiblement, je m'écroulai au sol, retenant un cri de douleur quand mon poignet abimé se tordit de nouveau, et roulai sur le dos, passant la main sur ma bouche pour essuyer les vestiges de mon étouffement. Dans la pénombre de ma cellule mal éclairée, je distinguai des tâches sombres sur ma main, qui n'étaient certainement pas de la salive. J'avais dû m'abimer un poumon à force de tousser, ou peut-être n'était-ce qu'une manifestation de mes côtes. Je n'y avais pas pensé, mais il était possible qu'elles aient transpercé un de mes poumons, ce qui expliquerait la douleur lancinante que j'éprouvais dans la poitrine et le sang sur mes mains.
Sans déplacer mon dos, ma main rampa à la recherche de l'eau, et je tentai de me redresser pour boire encore un peu, plus lentement pour limiter les dégâts cette fois. Je grimaçai à la souffrance qui me parcourut le sternum quand je m'appuyai sur un coude, portant l'eau à ma bouche.
Je réussis à boire de nouveau, soulagé par cette eau pourtant putride qui faisait du bien à mes lèvres craquelées et à ma gorge tuméfiée. Je m'aperçus soudain que je tremblais malgré moi, et lâchai la cruche qui se renversa sur moi et roula sur le sol dans un bruit sourd.
Frissonnant, je me pelotonnai sur place, essayant de réprimer mes tremblements.
Pitoyable. Après avoir tenu deux ans, voilà que je perdais progressivement les pédales et tombant dans un état de décrépitude pathétique.
J'ouvris brusquement les yeux. J'avais entendu une voix. Une voix que je n'avais entendu réellement depuis longtemps. Effrayé, j'oubliai un instant mes douleurs corporelles pour rejoindre ma paillasse, recherchant un semblant de protection.
Ça ne pouvait pas être lui. Je...j'avais rêvé.
Mes yeux fébriles scrutèrent ma pauvre cellule, et je sursautai en poussant un glapissement en découvrant une silhouette ténue qui entrait dans ma geôle.
«Draco... Tout va bien... Ce n'est que moi, je vais t'aider.»
Je pris une énorme inspiration et écarquillai les yeux, reconnaissant les chevveux indisciplinés et les lunettes rondes de celui qui occupait mon monde imaginaire et mes rêves salvateurs. Ses yeux verts brillaient d'une lueur de compassion et de tristesse.
«Pour...pourquoi...n'es-tu pas... venu...plus tôt ?» Articulai-je avec un dernier effort, un sanglot dans la voix.
La silhouette se brouilla devant mes yeux, perdant sa malheureuse consistance, et le noir me submergea.
0o0o0o0
Ici je perds le nord
Descente au enfer
Moi j'explore
A bord d'la machine à
Remonter le temps
L'océan d'insomnies
Qui me ramène vers ton île aux
Trésors…
0o0o0o0
A suivre...
Qu'en pensez-vous finalement ? Je sais que ça change de ce que j'ai écrit dernièrement, mais c'est un sujet qui me plaisait beaucoup.
J'espère que ça vous a plu, et surtout n'hésitez pas à commenter, même si j'ai une peur bleue que cette histoire soit démolie vu comme je l'ai gardé sous l'aile ^^''
A très vite pour la suite, qui arrivera très prochainement. Elle est de longueur à peu près équivalente. Et pour les diverses suites et fin que j'ai promis pour d'autres fictions (surtout pour le dernier chapitre de "Trois jours..", pour lequel j'ai vraiment méga honte mais sur lequel je bloque), elles arriveront toutes, progressivement.
Anabanana94
