Coucou tout le monde!
Alors me revoici avec une nouvelle fanfiction: Tsunami. En réalité cette fiction est écrite depuis un certain temps déjà, mais elle était sur mon petit pc, qui était HS depuis un certain temps (oui certains d'entre vous pourront remarquer que la technologie et moi, ça ne fait pas bon ménage :p).
J'espère que vous aimerez!
N'hésitez pas à me suivre sur facebook: Little-Dolls24's World. Ou partout ailleurs :p
Bisouuuuus!
Aéroport de Los Angeles, six heures dix-sept. Milo pesta pour la vingtième fois en moins d'une heure, cherchant d'un regard encore embué de sommeil le numéro de son vol sur le panneau d'affichage. A quelle heure était-il censé décoller au juste ? Sept heures et quart ? Sept heure trente ? Dans tous les cas il était en retard, et le nombre incalculable de vacanciers qui avaient évidemment décidé de partir le même jour que lui lui promettait une course contre la montre ce matin. Si seulement il avait pu être quelqu'un d'important, il aurait été en droit de passer devant tout le monde. Oui. Mais il n'était pas quelqu'un d'important. Alors il ne lui restait plus qu'à se glisser dans la longue file d'attente et prier pour que tout se passe bien.
Il pouvait déjà presque imaginer le savon qu'Aiolia lui passerait si jamais il ratait son avion. A croire que son meilleur ami était pressé de le voir s'en aller. Meilleur ami qui d'ailleurs lui avait déjà laissé plus de dix messages auxquels il n'avait jamais répondu. Evidemment, traîné hors du lit par une rouquine plus que ponctuelle, Aiolia l'attendait déjà depuis plus d'une heure. Mais ce n'était pas sa faute s'il était en retard ! Ce n'était pas sa faute si sa dernière soirée américaine avait été un peu plus arrosée que prévu, et ce n'était pas non plus sa faute s'il avait rencontré ce grand blond si sexy, tout comme ce n'était toujours pas sa faute si ce même blond sexy lui avait proposé de finir la nuit dans son lit et enfin, ce n'était pas sa faute si son réveil était tombé en panne. Bon d'accord il l'avait peut-être légèrement brutalisé pour qu'il se taise mais tout de même…ce n'était qu'un détail.
Bon au moins il avait trouvé son vol maintenant : départ pour Miyagi à sept heure vingt-cinq. Il avait plutôt intérêt à passer à la vitesse supérieure et, très franchement, il n'était pas certain que cette ribambelle de gamins qui peinaient à traîner leurs énormes valises Winnie l'ourson derrière eux et barraient le passage à tout le monde était encourageante. Surtout si leurs parents continuaient à leur hurler dessus de cette façon, non. Il soupira tout en s'appuyant contre sa valise : à quoi avait-il pensé le jour où il avait rempli ce formulaire de bénévole ? Lui qui n'était même jamais parti en vacances avec sa famille abandonnait maintenant tous ses repères pour partir un an à l'autre bout du monde. Ce n'était vraiment pas raisonnable…il n'avait jamais été raisonnable.
Le Japon…c'était un autre continent, un autre monde pour lui. Tout ce qu'il savait sur ce beau pays il l'avait appris grâce aux énormes livres d'images qu'il avait un jour gagnés à un jeu télévisé. C'était bien la seule chose qu'il ait jamais gagné, d'ailleurs. Et les seuls livres qu'il possédait, aussi. D'abord il n'y avait pas vraiment prêté attention, sachant qu'il n'aurait probablement jamais l'opportunité de s'y rendre. Et puis il y avait eu cette terrible catastrophe qui s'y était abattue. Une catastrophe dont on avait parlé dans le monde entier et qui l'avait touché. Il avait voulu se rendre utile. Il avait voulu être quelqu'un pour une fois. Quelqu'un qui resterait gravé dans les esprits de ceux qu'il aurait aidés. Alors il avait rempli ce formulaire et maintenant, un mois plus tard, il était dans cet aéroport, au milieu d'une foule d'inconnus et il n'avait qu'une seule envie : partir en courant.
- Suivant…Monsieur s'il vous plaît, on n'a pas toute la journée.
Secouant la tête de gauche à droite, Milo souffla pour se donner contenance et s'avança vers la jeune femme à lunettes qui lui lançait un regard noir, certainement très contrariée de perdre cinq minutes de sa pause-café à cause de lui. Il lui fit son plus beau sourire tout en lui tendant son passeport qu'elle lui arracha des mains. Elle était décidément de très mauvaise humeur.
-Votre nom ?
-C'est indiqué-là, répondit-il, incrédule, en pointant du doigt la ligne sur laquelle était indiqué son nom.
-Je sais où c'est indiqué ! Je vous demande comment vous vous appelez !
Il la dévisagea d'un regard blasé : était-elle analphabète ou était-elle vraiment idiote ? Dans les deux cas, Milo était bien embêté par cette situation qui lui faisait perdre un temps précieux : il était maintenant sept heures moins le quart et il n'avait toujours pas avancé d'un iota. Visiblement, le monde était contre lui ce matin ça devait certainement être un signe. Cette mission était une mauvaise idée et…
-Votre nom !
-Milo. Milo Thunder .
Sans même lui répondre, la jeune brune tapota sur son clavier d'ordinateur avant de l'obliger à poser sa valise sur le tapis d'un mouvement peu sympathique du menton. Milo grimaça tout en s'exécutant : ce que les gens pouvaient être sympathiques quelques fois ! Il adorait leur bonne humeur matinale et leurs sourires resplendissants. Le grec se pencha un peu en avant : Bertha. Pas étonnant qu'elle fasse la tête avec un nom pareil !
-Vous pouvez y aller.
-Où est-ce que j'embarque ?
-C'est indiqué. Suivant !
Et sans plus de cérémonie, Milo fut poussé sur le côté pour laisser place à un autre infortuné qui avait droit, comme lui, à l'humeur de dogue allemand de cette…ravissante jeune femme. Maintenant il se retrouvait seul comme un imbécile avec son billet d'avion dans la main gauche. Porte C134 ? Où était-ce d'abord ? Cet aéroport était presque aussi grand que la ville de Los Angeles elle-même c'en était affolant ! De toute façon, il devait d'abord retrouver Aiolia avant d'embarquer. Ça ne devrait pas être bien difficile de dénicher un grec en colère précédé d'une furie rousse…
-Milo !
-Je peux tout vous expliquer, anticipa le grec en voyant les regards terrifiants de colère de Marine et d'Aiolia réunis.
Si son meilleur ami était habituellement enclin à lui pardonner très facilement toutes les bêtises qu'il pouvait faire, une fois qu'il était entraîné par sa petite amie, il pouvait devenir presque aussi furibond qu'elle et ça, c'était très impressionnant à voir.
-Je ne doute pas que tu aies encore une excellente excuse, comme toujours d'ailleurs, mais cette fois c'est trop Milo ! Tu sais depuis combien de temps on t'attend au juste ?
Milo jeta un coup d'œil au cadran de sa montre : ah oui, quand même…
-Presque deux heures ?
-Presque deux heures ! On s'est levé à cinq heures du mat' pour toi, tu réalises ?
-Je suis désolé Aio…j'ai eu du mal à me réveiller et…
-Dis plutôt que tu as passé la nuit à t'envoyer en l'air ! Ce charmant jeune homme avait l'air plutôt contrarié d'être réveillé si tôt par une inconnue qui lui hurlait dessus.
Ah ? Il n'était pas encore parti, celui-là ? En même temps, après la nuit qu'ils avaient passée, Milo pouvait très bien le comprendre. Face à lui, les bras croisés sur la poitrine, Marine tapait du pied. Ce n'était visiblement pas le moment de plaisanter. Milo soupira tout en se passant une main sur le visage. Il n'avait pas envie de se fâcher avec ses amis maintenant pas alors qu'il allait les quitter pour une année dans quelques minutes seulement. Alors, comme il se sentait incapable de répondre, il se contenta de s'approcher pour serrer la rouquine contre lui. Sous l'effet de la surprise, elle se détendit et l'enlaça à son tour, non sans subir les protestations de son propre petit ami.
-A bientôt, Marine. Je suis désolé de t'avoir causé tant de soucis depuis tout ce temps. Au moins maintenant tu pourras profiter de tes soirées avec Aiolia sans redouter que je débarque à tout moment armé d'un casier de bières, mhm ?
-Idiot, répondit-elle simplement en lui ébouriffant les cheveux, vous allez me manquer, toi et tes plans foireux pour me ruiner mes soirées, fais attention à toi.
Décidément, personne ne pouvait résister à la mine triste que Milo employait pour se tirer de toutes les situations qui tournaient à son désavantage : ni Marine, ni Aiolia, qui se jeta dans ses bras dès qu'il eut à peine fait trois pas dans sa direction. Les deux jeunes hommes se connaissaient depuis l'âge des couches culottes et des tétines. Ils étaient toujours fourrés ensemble dans n'importe quelle situation si bien que, tous les deux, ils s'étaient déjà retrouvés au jardin d'enfants parce que leurs parents travaillaient tard, derrière un banc d'école parce qu'ils y étaient obligés, dans une salle de cinéma parce qu'ils faisaient le mur, derrière les barreaux d'une cellule pour conduite en état d'ivresse et sous le toit d'une église parce que l'un d'entre eux se mariait. Bref ensemble ils avaient tout vu, tout testé et aujourd'hui, ils devaient se séparer.
-Putain mon vieux, promets-moi de revenir en un seul morceau.
-Je te promets de revenir avec l'essentiel en tout cas !
-Et ne vas pas choper je ne sais quelle maladie foireuse, d'accord ?
-Ne t'en fais pas.
-Et si jamais tu vois une grosse vague venir vers toi, n'essaie pas encore de jouer le gros dur et sauve-toi !
-Aio, ça va bien se passer, promis.
Pour toute réponse, le brun le serra une dernière fois contre lui, comme pour se souvenir à tout jamais de cette étreinte.
-Je ferai une réserve de bières pour ton retour.
-C'est la meilleure idée que tu aies jamais eue !
-Je ne te demanderai pas de m'écrire, je sais que tu ne le feras pas.
Milo lui lança un petit sourire gêné : il détestait écrire et puis son meilleur ami avait raison, il ne le ferait pas. Il n'aimait pas s'encombrer de tâches aussi futiles qu'il ne prendrait de toute façon aucun plaisir à accomplir. Il n'était pas une personne qui aimait s'asseoir à une table, un stylo à la main pour rédiger sur papier les évènements qu'il avait vécus non. Il était une personne qui aimait raconter ses aventures de vive-voix et avec un verre de bière à la main de préférence. Alors non, Milo ne lui écrirait pas.
-Je te demande juste de faire attention. Ne vas pas t'enticher d'un mangeur de poisson cru, mon pote !
-Aio, je vais là pour aider je te rappelle, pas pour batifoler !
-C'est bien ça qui m'inquiète. La dernière fois que tu es parti avec une bonne intention, tu es revenu avec un tas de problèmes !
Le grec à la chevelure bouclée sourit au souvenir de cette ''bonne intention'' : il était parti quelques jours à Las Vegas pour dépanner un ami dans le besoin et il était rentré aussi fauché qu'un chien de prairie et avec une infection qu'il avait choppée en couchant avec un drogué à l'état mental douteux mais au portefeuille bien rempli. Bref un véritable désastre. Il avait traîné cette infection pendant des semaines et avait été obligé d'enchaîner plusieurs petits boulots pour payer ses dettes.
-Ne t'en fais pas pour ça, j'ai bien retenu la leçon. Pas de casino, pas de beau parleur non plus.
-Et pas de mangeur de sushis !
-C'est noté.
-Qu'est-ce que tu vas me manquer toi alors !
-Pas autant que toi tu vas me manquer !
-Les garçons, ce moment est très touchant mais je pense qu'il est temps de vous séparer maintenant…
Milo regarda une dernière fois sa montre : il était effectivement temps pour lui de partir. Il serra une dernière fois ses amis dans ses bras s'imprégna de leurs visages dont il devrait se passer pendant douze mois et, rassemblant les dernières bribes de courage qui l'habitaient encore, il franchit la porte qui le maintenait à présent prisonnier de la zone transit. Il ne pouvait plus faire demi-tour. Il voyait Marine, serrée contre Aiolia. Il voyait les larmes de la rousse et le sourire triste de son meilleur ami et cette scène lui fendit le cœur et lui fit prendre conscience de la situation : il allait partir. Pendant un an. Il allait vivre une aventure unique à l'autre bout du monde et seul. C'en était fini de ses soirées de débauche, de ses aventures d'un soir et de sa petite vie tranquille. Il passait à autre chose sans savoir ce qui l'attendait, sans savoir si ce qu'il faisait était raisonnable. Il n'avait jamais été raisonnable.
-Excusez-moi, bafouilla-t-il en vérifiant une dernière fois son billet d'avion, mais je pense que mon siège est là et…
-Et au lieu de venir à l'heure comme tout le monde, tu as décidé de venir m'emmerder dix minutes avant le décollage, marmonna l'homme tout en étendant ses longues jambes devant lui avant de se relever.
Milo se contenta de se glisser sur son siège sans rien dire. Décidément, il avait gagné le gros lot ce matin : non seulement il s'était fait remarquer en passant la douane, ayant oublié de retirer sa ceinture et avait été emmené dans une petite pièce à l'écart où on l'avait obligé à retirer tous ses vêtements mais en plus maintenant, les gens le regardaient de travers comme s'il était un terroriste présent dans l'unique but de détourner l'avion direction les îles canaries. Pas que le regard des autres lui importait mais tout de même…pour son baptême de l'air, il n'aurait pas pu rêver meilleure situation. Surtout que maintenant, il allait devoir se coltiner cet homme à l'air sadique qui avait probablement dû être un tueur à gages dans une autre vie, il en était certain.
De toute façon, avec ce sourire en coin de malade mental, il ne fallait pas avoir fait de hautes études pour deviner que l'homme n'était pas un enfant de cœur. Milo ne jugeait pas, loin de là, il constatait juste avec une certaine nostalgie qu'il devait probablement avoir un mauvais karma qui le suivait depuis sa naissance puisqu'il tombait toujours sur ce genre de phénomènes en édition limitée. Aiolia et Marine mis à part, ses fréquentations n'étaient généralement pas très…fréquentables. Au contraire. Entre le numéro d'un trapéziste capable d'ingurgiter des litres de whisky sans vaciller et celui d'un ancien dealer de drogue qui entretenait toujours une plantation de marijuana dans les bas quartiers de Los Angeles, son carnet d'adresses n'était pas bien épais.
-Qu'est-ce que tu vas foutre dans ce trou paumé ? Lui demanda finalement la voix grave en louchant sans aucune discrétion sur la destination indiquée sur son billet d'avion.
-Je me suis engagé dans une œuvre humanitaire, répondit simplement Milo sans tenir compte du rire moqueur qui avait pris place sur les lèvres de son interlocuteur.
-Laisse-moi rire. Toi ? Avec ta gueule d'ange, tu vas vraiment aller te salir les mains au milieu des cadavres ?
Milo haussa simplement les épaules. Oui, avec sa gueule d'ange, il partait pour le Japon mais pas pour se salir les mains simplement pour offrir son aide. Et puis de toute façon, il n'avait rien à perdre à faire ce voyage, n'est-ce pas ? Qui était-il au juste ? Quel avenir avait-il ? Aucun. Il avait peut-être eu tort d'avoir quitté l'école si jeune. Il avait certainement eu tort de vouloir se lancer seul dans une carrière de jongleur professionnel et enfin, il avait incontestablement eu tort d'être tombé amoureux de cet enfoiré. Jusqu'à aujourd'hui, sa vie n'avait été qu'une erreur alors…il pouvait bien risquer de se tromper encore une fois. Après tout, il avait l'habitude, après toutes ces années, de voir tous ses espoirs réduits à néant.
-Tu sais, souffla l'homme en approchant son visage tout près du sien, il paraît que c'est si terrible là-bas que les derniers volontaires sont revenus la queue entre les jambes après une semaine à peine. Des gueules d'ange comme toi.
-Fiche-moi la paix, grogna Milo en le repoussant, et toi d'abord, qu'est-ce que tu vas y faire ? N'essaie pas de me faire croire que tu veux jouer au bon samaritain ?!
-Si tu crois que ça m'amuse d'aller patauger dans la boue pour y repêcher des cadavres ! Non, moi j'ai pas eu le choix. On m'y a envoyé de force, ouais. Tout ça parce que j'ai été choppé complètement défoncé alors que j'étais censé suivre une cure de désintox'. Comme si m'envoyer à l'autre bout du monde allait purifier mon âme damnée, continua-t-il dans un rire que se termina en toux rauque. Au fait, moi c'est Angelo.
-Milo, répondit-il en serrant la main poisseuse que lui tendait son voisin.
Une cure de désintox, hein ? Oui vraiment, ça devait être le mauvais karma. A moins qu'il se balade avec une pancarte sur laquelle il était écrit ''Brebis errante cherche grand méchant loup pour partager galette de vie et petit pot d'emmerdes''… mais ça, il l'aurait probablement remarqué. Il devait donc se rendre à l'évidence : il était maudit. Bel et bien maudit. Et il regrettait déjà d'être parti alors qu'il n'avait même pas encore quitté le sol américain. Lui qui avait pensé fuir pour un temps la vie malsaine qu'il menait depuis des années, réussissait à lier connaissance avec probablement le seul camé qui se trouvait dans ce fichu avion. Si ça ce n'était pas de la malchance, il se demandait bien ce que ça pouvait être d'autre.
-Bah je m'inquiète pas trop. Je suis certain que j'arriverai à troquer un peu de poudre blanche contre un moignon de pain, là-bas. Ils sont pas plus propres que nous, ces japonais.
Milo grimaça : il se demandait de plus en plus s'il n'était pas encore temps de descendre de cet avion pour fuir à tout jamais. Après tout, il pouvait très bien simuler un malaise et prendre le prochain vol, n'est-ce pas ? Sous ses yeux, il vit la piste défiler de plus en plus vite avant de finalement quitter le sol. Non. Il ne pouvait plus faire marche-arrière. Il lança un bref regard à son nouvel 'ami', qui passa une main dans ses cheveux courts tout en hélant déjà une hôtesse pour réclamer un verre d'alcool tout en précisant bien sûr ''le plus fort que vous ayez sur ce tas de ferraille''. Il était donc vraiment condamné à le supporter au moins jusqu'à leur arrivée à Miyagi pourtant il avait l'étrange pressentiment que ce cinglé ne le lâcherait pas de sitôt…
-Ils se foutent de nous, Mil', totalement !
-Et toi tu es totalement bourré mon vieux.
Si seulement Angelo n'avait pas passé plus la moitié de leur temps de vol à vider des bouteilles et si seulement il ne s'était pas écroulé dans ses bras après s'être trébuché à l'aéroport, Milo ne se serait pas senti obligé de rester avec lui. Oui mais voilà, celui qu'il savait à présent italien avait bel et bien passé la moitié de leur temps de vol à vider des bouteilles avant de finalement s'écrouler dans ses bras. Alors évidemment, comme il avait un don inné pour se mettre dans les pires situations, Milo avait eu pitié de lui et s'était senti obligé de l'aider. Après tout, il ne pouvait tout de même pas le laisser décuver sur le sol carrelé de l'aéroport.
-On est pas du bétail, bordel de merde.
-Tu deviens vulgaire.
-Fais pas ta petite prude !
Milo leva les yeux au ciel avant de finalement aider Angelo à s'allonger sur le lit de camp qui lui avait été attribué. Il devait bien avouer que lui non plus, il ne s'était pas attendu à se retrouver dans ce hangar militaire désaffecté. Il pensait, comme les quatorze autres qui l'accompagnaient, qu'il irait directement sur le terrain mais non. Dès qu'ils eurent tous récupéré leurs bagages, ils avaient pris une navette qui les avait déposés devant ce hangar où ils avaient été entassés en attendant les instructions. Au bout d'une heure, un homme à la stature imposante était simplement venu leur dire qu'ils passeraient les prochaines quarante-huit heures ici, où ils apprendraient les premiers gestes de secours ou comment panser correctement une plaie, faire des points de suture,… Alors évidemment Angelo, qui lui voulait de l'action, avait protesté avec virulence.
-Ils nous ont tous bien baisés, avec leurs photos à la con ! Si ces gosses sont vraiment en train de crever, pourquoi on nous garde ici ?
-Calme-toi. Essaie de dormir, tu en as bien besoin.
L'italien empestait l'alcool à des kilomètres à la ronde et ses pupilles dilatées ne cachaient rien de son état plus que déplorable. Même pas une journée qu'ils étaient ici et il fallait déjà qu'il se fasse remarquer. Instinctivement, tous les autres s'étaient un peu éloignés, probablement parce qu'ils étaient sains d'esprit, eux. Mais pas Milo. Milo lui, il restait. Enfin, il n'avait pas vraiment le choix : Angelo avait les mains accrochées à son t-shirt et il l'attirait dangereusement vers lui, un sourire carnassier aux lèvres.
-On peut toujours coucher ensemble toi et moi, ça nous passera le temps !
-Je ne crois pas, non, répondit Milo en essayant vainement de le repousser.
-Oh comme si tu n'en avais pas envie ! Juste une fois.
-Je t'ai dit de me lâcher !
Il en avait déjà connu des pervers sexuels, des psychopathes et des pots de colle mais généralement, les trois caractéristiques n'étaient pas réunies en une seule et même personne. Angelo était vraiment le plus timbré et le plus dangereux de tous, incontestablement. Non seulement il était alcoolique, pot de colle, pervers et psychopathe mais en plus Milo avait bien cru comprendre qu'il n'y avait pas que des pétunias qui poussaient dans son jardin. Le pompon, en quelques sortes. Comment pouvait-il y avoir autant de vices en un seul être ? C'en était alarmant.
-Il y a un problème ici ?
Milo tourna la tête, se dévissant presque la nuque avant qu'Angelo ne le lâche, laissant ses bras retomber sur le matelas. Devant eux, un jeune homme d'environ leur âge et dont la longue chevelure lilas était tressée dans son dos les regardait avec insistance. La blouse blanche qu'il portait ne leur laissait aucun doute quant au poste qu'il occupait au sein de l'organisation.
-Tu sais que t'as une tête de gonzesse ? Demanda Angelo comme le jeune homme s'approchait de lui pour inspecter ses pupilles.
-Et toi tu sais que tu as une tête d'ivrogne ?
Sans aucune raison apparente, l'italien éclata de rire, laissant un air blasé prendre place sur le visage de Milo, qui ne comprenait décidément pas pourquoi il ne trouvait tout simplement pas le courage de le planter là. C'est vrai quoi après tout il ne le connaissait que depuis quelques heures et encore, l'autre moitié de leur voyage, Angelo l'avait passée à ronfler à côté de lui. Ils n'étaient donc pas vraiment proches mais Milo ne parvenait pas à l'abandonner. Au fond, il était persuadé que son nouvel ami n'était pas méchant. Il devait souffrir tout comme lui ils n'étaient pas si différents.
-C'est ton ami ?
Milo sursauta quand la voix étonnamment douce s'adressa à lui.
-Pas vraiment…nous nous sommes rencontrés il y a peu de temps.
-Je vois…quoi qu'il en soit, il a vraiment besoin d'être tenu à l'écart des bouteilles. L'alcool ne lui vaut visiblement rien de bon. Il doit être remis sur pieds le plus rapidement possible. Je ne pense pas que mes supérieurs seront aussi cléments que moi s'ils le trouvent dans cet état.
-Eh ! Eh toi là mon mignon, de quel droit tu veux me priver de mon eau de vie ? On est dans un pays libre oui ou merde ?
-Théoriquement oui. Mais crois-moi, tu as tout intérêt à te tenir à carreaux, à moins que tu préfères être envoyé dans un hôpital très loin d'ici et où là tu n'auras vraiment rien à dire, mon mignon ?
-Si tu le prends comme ça, c'est vrai que je préfère cent fois rester ici à mater ton joli cul que…aie !
Quelques secondes plus tard à peine, Angelo sombrait dans un profond sommeil, faisant soupirer de satisfaction et Milo et le médecin qui l'avait vu sous son plus mauvais jour. Avec une grande habilité et des gestes toujours aussi doux, le jeune homme à la chevelure lilas recouvrit le corps musclé et couvert de cicatrices qu'était celui de l'italien. Il resta un instant à ses côtés pour s'assurer que tout se passait bien avant de finalement se relever, obligeant Angelo à lâcher son poignet, qu'il avait enserré quelques minutes plus tôt.
-Qu'est-ce que vous lui avez fait ?
-Rien de bien méchant, je lui ai seulement administré un sédatif. Ça l'aidera à mieux dormir et à bien récupérer il aura besoin de beaucoup d'énergie demain matin. Si jamais tu observes le moindre problème, demande Mu. Je viendrai aussi vite que possible.
-Merci…pour lui.
-C'est un crétin, répondit simplement Mu en posant tout de même un regard tendre sur le visage à présent endormi, mais un crétin qui mérite qu'on prenne son mal être au sérieux. Aucun être normalement constitué ne boit autant sans raison…bien que je doute que cette personne soit un être normalement constitué.
Ils s'échangèrent un sourire avant que Mu ne finisse par s'éclipser quand son devoir le rappela à l'ordre. Milo, profitant enfin de ce moment de calme auquel il aspirait depuis des heures, prit lui aussi possession de ses quartiers. Il était mort de fatigue et Mu lui avait conseillé de se coucher de bonne heure s'il voulait être d'attaque le lendemain. En fermant les yeux il pensa à Aiolia et à Marine, qui eux devaient tout juste se réveiller. Il se demanda un instant s'il leur manquait et s'ils ne l'oublieraient pas rapidement. C'était ce dont il avait le plus peur : de sombrer dans l'oubli. S'il était de toute façon condamné à disparaître tôt ou tard, il voulait au moins avoir le luxe de perpétuer dans les cœurs et les esprits de ceux qu'il avait aimés.
Il pensa ensuite à Angelo à cet homme dont il ne connaissait rien mais dont il se sentait tout de même déjà proche. Après tout ils devraient apprendre à vivre ensemble pendant un an alors autant partir sur de bonnes bases, non ? Et puis lui non plus n'était pas un exemple à suivre concernant la consommation d'alcool. Il avait même plutôt tendance à en abuser assez régulièrement. ''Aucun être normalement constitué ne boit autant sans raison''…cette phrase était si pleine de sens et pourtant, il était incapable de combattre son mal-être. C'était tellement plus facile de boire pour oublier…Perdu dans ses pensées, Milo se laissa peu à peu entraîner par le sommeil pour quelques heures seulement quelques heures durant lesquelles il s'échappait loin, très loin de ses problèmes quotidiens.
-Je peux savoir ce que vous faites ?
Milo stoppa net la valse qu'il avait improvisée avec le mannequin sur lequel il était censé s'entraîner au bouche à bouche. Cette voix était glaciale tellement qu'elle en avait même cloué le bec à son ami italien, qui était pourtant un grand bavard dans l'âme. Angelo…c'était encore à cause de lui s'il faisait une bêtise : quand son nouvel ami s'était réveillé le matin même, la bouche pâteuse, il avait d'abord cherché à revoir son ''sauveur de la veille'' mais quand on l'avait informé que Mu était sur le terrain pour la journée, il avait tout fait pour pervertir Milo et l'obliger à mettre de côté son entraînement intensif. Et comme le grec était un véritable pitre qui ne manquait jamais une occasion pour s'amuser, il n'avait pas dû user de beaucoup d'arguments pour le convaincre.
Quand le grec trouva assez de courage pour relever la tête, il cligna plusieurs fois des yeux comme pour s'assurer que l'homme qui lui faisait face était bien réel. Tout comme Mu, il était vêtu d'une blouse blanche qui s'accommodait parfaitement à la pâleur de sa peau et accentuait un peu plus le bleu profond de ses yeux de chat. Les traits de son visage étaient fins et encadrés par une longue chevelure sombre qui ne lui donnait qu'un peu plus de splendeur. Il était vraiment très beau bien plus beau que tous ceux que Milo avait déjà pu croiser et pourtant dieu seul savait combien d'hommes il avait vus défiler au cours de sa vie.
-On s'amuse juste 'sieur.
-Le bac à sable c'était la prochaine escale, répondit froidement le nouvel arrivant, vous êtes ici pour travailler, pas pour vous amuser.
-On faisait juste une pause.
-Vous n'êtes pas en colonie de vacances ! Si vous vouliez passer des vacances au soleil vous vous êtes trompés de destination ! Dois-je vous rappelez ce qu'il s'est passé ici ? Chaque minute compte, ce n'est pas pour que vous gaspilliez votre temps à jouer aux imbéciles !
-Ah ouais ? Puisque votre temps est si précieux, pourquoi est-ce que vous venez nous emmerder avec votre morale à la con au lieu d'aller aider les gens qui crèvent dehors ?
Un long silence suivit la réflexion faite par Angelo. Long silence durant lequel ils se toisèrent longuement du regard. Un peu en retrait, Milo n'osait pas faire le moindre geste craignant de briser le fragile équilibre qui les empêchait de se sauter à la gorge. Il savait que son ami italien était à fleur de peau, enfermé dans ce hangar sans la moindre goutte d'alcool et, si le médecin restait imperturbablement impassible, il ne doutait pas qu'il devait être lui aussi très instable. Après tout il devait être ici depuis bien plus longtemps qu'eux il avait dû voir des choses que personne ne pouvait imaginer.
-Petit insolent. Nous verrons si tu arboreras un tel sourire lorsque tu seras sur le terrain.
-Je ne demande que ça !
-Un problème Camus ?
-Aucun, Mu, répondit le dénommé Camus sans même se retourner, comme s'il avait reconnu le jeune homme à la seule odeur de son parfum.
Mais si le médecin avait reconnu la présence de son collègue, il n'était pas le seul. Angelo aussi avait parfaitement reconnu ce jeune homme dont les longs cheveux mauves ne le laissaient visiblement pas indifférent. Avec cet air de séducteur né qui ne le quittait jamais, il s'avança vers lui, bien décidé à rependre sa conversation là où il l'avait laissée la veille. Si Mu pensait réellement qu'il avait oublié ses paroles au même titre que son cerveau avait évacué le trop-plein d'alcool, il se trompait. Angelo n'oubliait jamais les plans drague foireux qu'il mettait sur pieds.
-Hé beauté, pas très sympa de m'avoir laissé en plan hier soir.
-Je ne discute pas avec les gens ivres, rétorqua Mu sans tenir compte du regard perplexe que lui lançait Camus.
-Et maintenant que je suis sain de corps et d'esprit ?
-Au vu de ton état hier soir, je pense qu'il te faudra bien plus d'une journée pour devenir aussi sain que tu prétends l'être, puis se retournant vers Camus, alors raconte-moi ce qui se passe ?
Milo détailla longuement le visage de Camus, sans pouvoir y déceler le moindre sentiment. Il ne savait pas si ce qu'il se préparait à dire était bon pour eux ou si au contraire ils avaient tout intérêt à se méfier de cet homme pourtant incroyablement beau. Il le vit simplement lisser une mèche de ses longs cheveux entre son index et son pouce avant de dire d'un air horriblement détaché :
-Il commence demain.
-Demain ? Mais enfin Camus, il ne connaît encore rien et…
-Et de toute façon il pense ne pas avoir besoin de la moindre formation. Puisqu'il pense être prêt, il montera sur le terrain demain matin et son ami aussi.
Mu ne répondit rien : de toute façon quand Camus décidait quelque chose, il fallait faire preuve de beaucoup d'acharnement pour le faire changer d'avis et il n'avait franchement pas envie de jouer à ce petit jeu. Camus voulait refroidir les ardeurs des petits nouveaux ? Soit. Et puis, secrètement, le jeune homme pensait lui aussi que ça ne ferait pas de tort à l'italien d'être remis en place. Il n'appréciait que moyennement son comportement déplacé. Son ami Milo semblait gentil pourtant, mais il se laissait malheureusement trop facilement influencer alors peut-être qu'un petit tour sur le terrain lui remettrait les idées en place, à lui aussi.
Lorsque le regard de Milo croisa celui, imperméable, de Camus, il ne put s'empêcher de rougir : le médecin était vraiment intimidant avec ses deux lacs profonds qui semblaient sonder votre âme. Le mannequin toujours callé entre les bras, il se sentit honteux d'avoir agi de la sorte : après tout il venait ici pour se rendre utile et il savait pertinemment qu'il n'était pas encore prêt à prendre possession de ses fonctions mais il n'osait pas prendre la parole. Tout était de sa faute. Il avait eu une chance mais il l'avait bêtement gâchée en suivant Angelo dans son raisonnement imbécile et maintenant, il devait payer les pots cassés au même prix que son ami. Au bout de quelques secondes, il vit Camus tourner les talons et c'est uniquement à ce moment-là qu'il se permit de respirer à nouveau. La tension était palpable et il détestait ça. Il n'avait jamais aimé le conflit.
-Très bien, reprit Mu plus calmement, vous commencerez donc demain.
-Mais je…on n'est pas prêt, osa tout de même Milo après un bref silence.
-Ca, il fallait y penser avant d'agir. Tout se passera bien, ajouta-t-il avec un sourire pour le grec. Je viendrai vous réveiller à l'aube. Soyez prêts, ce n'est pas le moment de le mettre en rogne.
Et il quitta la pièce à son tour, laissant les deux nouveaux seuls face à leur triste sort. Camus avait le chic pour mettre les bénévoles mal à l'aise, décidément. Une fois qu'ils furent seuls, Angelo fit craquer les os de sa nuque, visiblement ravi d'entrer enfin en action. Après tout ils étaient là pour ça, n'est-ce pas ? Pas pour rester les bras croisés à embrasser une poupée gonflable ! Milo, lui, était moins enjoué à l'idée d'aller sur le terrain : il n'avait pas envie de se rendre ridicule il en avait déjà assez fait aujourd'hui. Quel imbécile tout de même ! Ce n'était certainement pas comme ça qu'il parviendrait à se rapprocher de Camus. D'ailleurs, le médecin devait probablement déjà le considérer comme quelqu'un sur qui on ne pouvait pas compter. Il avait eu raison : ils n'étaient pas là pour s'amuser.
-Tire pas cette tête mon pote, je suis certain qu'on va bien s'amuser.
-Est-ce que tu entends ce que tu dis, Angelo ? Il n'y a rien d'amusant dans ce qu'on va aller faire !
-Bah j'ai déniché un petit malin qui a réussi à passer du rhum. Un verre ou deux et on sera parés pour l'aventure.
Milo soupira : le cas de l'italien était décidément plus grave que prévu. Comment pouvait-il prendre cette histoire à la légère ? Le grec, lui, n'avait pas envie de rire, loin de là. Il avait peur et il savait très bien que rien ni le rhum ni aucun autre alcool fort, ne parviendrait à le rassurer. Aller sur le terrain c'était prendre contact avec la réalité et il était effrayé par ce qu'il pourrait y trouver. Mais c'était trop tard à présent, il n'avait plus le choix.
-Laisse-moi tranquille Angelo, dit-il comme l'italien voulait l'entraîner vers le petit groupe déjà attablé autour d'une bouteille.
-Tu ne vas pas rester ici tout seul à déprimer ! Viens boire avec nous.
-Non, je n'ai pas envie.
-T'avais l'air vachement moins coincé dans l'avion.
-Pense ce que tu veux. Ce n'est pas moi qui aurait encore besoin d'une piqûre tout à l'heure.
-Je ferais n'importe quoi pour que cette gonzesse pose encore ses mains sur moi, lâcha Angelo avant de rejoindre les autres.
Milo soupira tout en remontant la couverture jusqu'à sa taille. S'il devait faire un rapport de sa première journée passée à l'autre bout du monde, il n'y aurait rien d'autre à dire si ce n'est 'pathétique'. Non seulement il avait déjà fait n'importe quoi mais en plus il avait presque rougi comme une adolescente quand Camus avait débarqué. Comme si un médecin aussi engagé que lui pourrait s'intéresser au petit bénévole frivole et irresponsable qu'il était. C'était totalement stupide d'y avoir ne serait-ce que pensé une seule seconde. Il soupira encore en se glissant maintenant totalement sous la fine couverture. Demain, il allait vivre sa première journée au cœur de l'action, il tenait à être à la hauteur cette fois. Il ne savait pas ce qui l'y attendait mais il était prêt à tout affronter. Il ferma les yeux, laissant les rires imbibés de rhum s'éteindre dans la nuit.
Son comportement n'avait pas été raisonnable aujourd'hui mais après tout, Milo n'avait jamais été raisonnable…
