Chapitre I

Cela faisait quelques mois déjà qu'elle avait quitté Josh mais Kate n'arriverait sans doute jamais à se faire à ce grand lit froid. Ce n'était pas véritablement Josh qui lui manquait mais la sensation de se réveiller à côté d'un corps chaud qui l'enlacerait.

Malgré le fait que ce soit son jour de repos, elle quitta sa couette de bonne heure et décida d'aller courir. Courir pour échapper à toutes ses obligations, oublier l'affaire de sa mère et surtout oublier Castle. Comment pouvait-il autant accaparer ses pensées ? Elle se couchait en repensant à ses lèvres, ses yeux, ce côté enfantin qui n'était qu'une façade pour cacher la personne sensible et attentionnée qu'il pouvait être.

Avec cette heure matinale, New York semblait quelque peu différent. La ville était pratiquement déserte. Elle arpenta les allées de Central Park, seule face à elle-même. C'était ce qu'elle aimait dans la course. Elle était seule ! Aucun compte à rendre, aucun besoin de se justifier. Juste le bruit de ses pas sur l'asphalte et sa respiration erratique. Elle n'avait pas besoin de se regarder dans une glace avant aller courir. Ses efforts ne seraient pas plus simples si elle portait une tenue plus sexy ou un brin du rouge à lèvre.

Au bout d'une heure, le souffle commença à lui manquer. Elle s'étira à l'aide d'un banc à la sortie du parc et marcha jusqu'à son appartement. Il était 8 heure passé, 9h à peine et la Grosse Pomme ressemblait déjà à une véritable fourmilière.

Beckett fit couler un bain et plongea ses longues jambes dans l'eau bouillante. Elle courait, sans doute, pour cela aussi ! Sentir l'eau décontracter chaque centimètre de son corps musclé à la perfection. Elle ne demandait rien de plus, un bain et un bon livre.

La matinée passa rapidement mais le calme ne fut que temporaire. Elle était assise dans son canapé lorsque son téléphone sonna… un meurtre.


Il était là devant l'immeuble tenant deux cafés, un noir serré pour lui et un latté avec deux doses de vanille pour elle. Il était là comme chaque jour depuis quatre ans, exceptés les jours de paperasses mais comment l'en blâmer, elle aussi préférerait fuir plutôt que de remplir les rapports.

Ses yeux ne pouvaient s'empêcher de le chercher et de le fixer du regard. Il était tiré à quatre épingles comme d'habitude, un jeans clair et un manteau bleu nuit avec le col relevé. Il portait une barbe de trois jours qui le rendait diablement sexy. Et voilà ! Elle le dévorait sans retenue, comme si le monde autour n'existait plus. Mais lorsque l'émeraude rencontra l'azur, elle sentit ses joues rougirent et écourta sa rêverie.

Elle montra son badge à l'officier Jones et passa le fameux ruban jaune. Le même que celui qui l'avait projetée dans ce monde injuste un peu trop rapidement, il y a pratiquement 14 ans maintenant. A chaque fois, elle se remémorait cette soirée. Le retour du restaurant accompagné par son père, et la déception que sa mère est encore préférée un inconnu à sa propre famille. Puis l'annonce de Raglan et la douleur dans sa poitrine à ce moment là. Cette soirée… où elle avait cessé de vivre…

Suivit de Castle, elle entra dans l'appartement. Il était immense, sans doute un peu trop à son goût. Le mur vitré en face de la porte d'entrée permettait une vue imprenable sur Central Park. Le loft semblait chaleureux et paisible mais comme pour créer un contraste, il y avait cette femme en soutien-gorge attachée sur une chaise au milieu d'une grande étendue de sang. Ses poignets et ses chevilles étaient maintenus par du scotch.

Castle ne put s'abstenir de repenser à l'expérience qu'il avait menée quelques années auparavant en se mettant dans la peau de Nikki Hard. Sauf que cette fois, ce n'était pas un jeu et ce réalisme le fit déglutir difficilement.

La pièce paraissait glaciale, cette scène lugubre aurait très bien pu appartenir à l'un des romans de l'écrivain. La jeune femme portait un bâillon, et ses yeux pouvaient encore vous transmettre sa peur. Elle avait la lèvre inférieure fendue, l'épaule gauche déboîtée et une entaille ensanglantée au niveau du foie. Kate était habituée, ce n'était pas sa première scène de crime mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à la souffrance de cette femme. Aucun Homme sur cette Terre ne mériterait de finir comme ça…

. Bonjour Lanie, qu'est ce que t'as pour nous ?

. Bonjour Kate, une femme, quarante ans environ. Le coup de couteau porté au niveau du foie lui a été fatal, elle s'est vidée de son sang très lentement. L'agresseur l'a laissée agoniser sur cette chaise un bon moment. Je pourrais te donner plus de détails après l'autopsie. Il y a bien longtemps qu'une scène de crime ne m'avait pas autant dégoutée.

. Oui, ce n'est pas beau à voir. Une heure pour la mort ?

. Ca a dû se produire i heures. Ah, au fait, Kate… il y avait ça dans sa poche de pantalon, dit-elle en lui tendant un bout de papier. Il y a ton nom dessus.

. Une lettre ?

Beckett déplia précautionneusement le bout de papier plié en 8. Il était taché par des gouttelettes de sang à certains endroits. L'écriture était manuscrite et semblait masculine. Elle prit une grande inspiration et commença la lecture.

« Bonjour Lieutenant,

Si vous lisez cette lettre, ça veut donc dire que vous avez trouvé mon cadeau. De l'art, n'est-ce pas ? A la fois léger mais puissant, sensible mais agressif…

Vous êtes le meilleure flic de New York paraît-il, alors accepterez-vous mon défi ?

Bien-sur que vous l'accepterez… Comment ne pas rendre justice à une famille dont l'existence va être transformée, dont la vie s'arrête aujourd'hui ? Dont les moments de joie ne seront plus qu'un lointain souvenir ! Une famille comme la votre Kate…

Quoi de plus dure que de vivre sans savoir, d'être chaque jour dans la même ignorance que la veille. D'être incapable de trouver la vérité sur ce qui vous touche le plus dans votre vie ! Car on n'oublie jamais un événement pareil, on essaye juste de vivre avec, n'est ce pas ?

A très bientôt, j'espère. »

Elle n'avait pas été écrite dans la précipitation, chaque terme était choisi après mure réflexion. Kate semblait hypnotisée par chaque mot. Chaque fin de phrase lui laissait imaginer les rires sadiques du meurtrier en écrivant cette lettre. Comment cette personne pouvait-elle en savoir autant sur elle ?

Lanie la sortit de sa stupeur.

. Kate ? Tu vas bien ? Elle fit signe à Esposito d'attraper une chaise.

. …

. Kate ?

. Il… il veut me mettre à l'épreuve… dit-elle en regardant Castle dans les yeux comme pour y trouver la sérénité qui l'avait quittée depuis quelques minutes.

Puis elle finit par lui tendre la lettre. Plus ses yeux descendaient sur le papier, plus la colère de l'écrivain montait en flèche. Ses doigts serraient de plus en plus fort la feuille. La terre semblait s'écrouler sous ses pieds, Kate était devenue sa raison de vivre et il n'accepterait jamais qu'un dégénéré s'en prenne à elle.

Elle ne l'avait pas quitté des yeux. Ce qu'elle y lisait faisait naître en elle un sentiment contradictoire. Elle trouvait très agréable de sentir qu'il tenait à elle au point de maudire un homme qu'il ne connaissait pas. Mais d'un autre côté, il était capable d'agir imprudemment quand ses proches étaient en danger… Elle ne voulait pas le perdre par excès d'orgueil. Elle n'y survivrait pas ! Elle finit par poser sa main sur son avant-bras ce qui le calma presque instantanément.

On va le trouver Kate, et il payera pour cette femme ! déclara Esposito sur un ton rageur. Il était hors de question qu'une personne fasse souffrir celle qu'il considérait comme sa petite sœur.

. Qui a découvert le corps ? Demanda-t-elle.

. La femme de ménage. Elle l'a trouvée en entrant, il y a 40 minutes à peu près.

. Ok, bon, Ryan et toi, interrogez les voisins. Il y a forcément quelqu'un qui a dû voir ou entendre quelques choses. Moi je retourne au poste et Lanie, tu me trouves rapidement quelque chose. Car je doute, qu'il s'arrête à une seule victime…

L'équipe de médecine légale mettait le corps dans un sac mortuaire alors que Kate et Castle regagnaient la rue et son agitation. Encore sous le choc, Beckett monta dans sa voiture, côté conducteur évidemment, sans décrocher un mot. L'écrivain s'assit côté passager, pas beaucoup plus bavard. La tête appuyait contre la vitre, il regardait les arbres, légèrement blanchis par la neige, qui défilaient.

Sa propre conclusion lui avait donné des frissons, mais il fallait être réaliste ce ne serait pas la dernière victime. La lettre était sans appel…