NB : Voilà le tout premier chapitre de ma fiction sur l'univers d'Hunger Games. Bon, évidemment, les personnages et l'univers appartiennent à Suzanne Collins. Enfin bref. J'espère que ce début vous aura plu.

Chapitre 1 : Les Chance du District 7

C'était une habitude pour elle, de se lever tous les jours avant l'aube. Plutôt normal lorsqu'on s'occupait de l'unique boulangerie du District. C'est ce que faisait Maze –Maisie- Chance. Pourtant, ce jour-là, elle s'autorisa quelques instants de paresse. Allongée sur son lit, elle fixait le plafond. Elle se sentait étonnamment calme. Comme si elle ignorait quel jour on était et ce qui allait se passait, comme si c'était une journée normale. Après un soupir, elle se leva. Elle pouvait sentir la bonne odeur du pain en train de cuire. Maze tira une bassine et la remplit d'eau aussi chaude que possible. Elle s'y plongea rapidement. Elle sentait son calme apparent s'effriter et être remplacé par une indicible angoisse. L'eau avait toujours eu le pouvoir de la calmer mais cette fois, ses angoisses étaient plus tenaces. L'odeur du pain lui chatouillait les narines et lui donnait en même temps la nausée. L'impression d'avoir le cœur au bord des lèvres, elle renversa sa tête en arrière, comme si ça pouvait empêcher ses larmes de couler. Après quelques instants, elle se lava le visage et les cheveux et sortit. Maze s'empara de ses affaires de la veille, les mit et s'arrangea pour coiffer ses cheveux de sorte qu'ils ne la gênent pas. Ils n'étaient plus assez longs pour être tressés depuis qu'elle avait décrété, deux semaines plus tôt, qu'ils lui tenaient chaud. Malin. A présent, ils flottaient au niveau de son menton, et elle n'était guère plus avancée. Après avoir maugrée quelques secondes, elle descendit. Au rez-de-chaussée, ses jeunes frères s'affairaient à préparer la pâte du pain. La première fournée qui était en train de cuire embaumait la pièce. Le District 7 était l'un des plus pauvres de Panem, rares étaient les gens qui pouvaient s'offrir du bon pain. C'était pour cela que Maze acceptait à peu près tous les échanges qu'on lui proposait. Le soir venu, Maze sortait distribuer le surplus à ceux qui ne pouvaient même pas échanger. Elle ne laissait jamais ses frères s'en charger. La plupart des pacificateurs n'aimaient pas la charité. Ils n'aiment pas grand-chose.

Penn, le plus jeune de ses frères, vint immédiatement l'embrasser. Maze le souleva comme s'il ne pesait rien –c'était presque le cas- et le serra contre elle, humant son odeur au passage et enfouissant son visage dans ses boucles blondes. A nouveau, elle sentit les larmes lui monter aux yeux alors que son frère nouait ses petits bras derrière son cou. Cette envie redoubla lorsqu'elle croisa le regard de son autre frère, Cody, qui continuait de pétrir consciencieusement la pâte. Il avait l'air soucieux, tellement qu'il ne crût pas au sourire rassurant qu'elle tenta de lui adresser. Maze reposa Penn à terre et il se précipita poursuivre la confection de ses pâtisseries. Il adorait cela et il avait un talent plus que certain, compte de tenu de son jeune âge. Huit ans… Maze s'approcha et ébouriffa les cheveux de Cody qui, une fois n'est pas coutume, ne protesta pas. Elle les observa un instant, la gorge serrée, avant de murmurer :

« - Je vais chasser. »

Ses frères se contentèrent d'hocher la tête. Âgés de onze et huit ans, ils étaient parfaitement capables de faire tourner la boulangerie seuls. Maze avait fait son possible pour qu'ils le soient. Elle les avait élevés dans cette optique après la mort de leur mère, presque quatre ans auparavant. Parce que Maze savait pertinemment qu'elle ne serait pas toujours là pour eux. Pourtant, la simple idée de les laisser seuls la rendait malade. Mais elle n'aurait certainement pas le choix. Personne ne l'avait.

Dehors, l'air était encore frais. A l'approche de l'aurore, le ciel s'éclaircissait et les dernières étoiles disparaissaient. Maze adorait ce moment. Au dessus de la porte, l'enseigne « Boulangerie Chance » en lettres écaillées tanguait, soulevée par la légère brise. On lui avait toujours raconté que la famille Chance, sa famille, s'occupait de la boulangerie depuis des décennies. Les parents de son père s'en étaient occupés, et les parents de son grand-père avant lui. L'un dans l'autre, les Chance ne faisaient pas partie des gens à plaindre. Sans faire partie des plus riches, ils parvenaient à vivre convenablement. Maze n'avait jamais eu à prendre une seule tesserae de toute sa vie pour subvenir aux besoins de sa famille. Et pourtant, en l'occurrence, ça ne changerait rien.

En traversant le District, elle croisa les travailleurs qui se dirigeaient soit vers les forges, soit vers les bois ou encore les scieries. Ils étaient encadrés par des pacificateurs, Maze les laissa passer. Quand ils se furent éloignés, elle se dirigea à l'opposé, vers les limites sud du District. Elle passa devant le Village des Vainqueurs et s'arrêta un instant. Seules quatre maisons étaient occupées, le District 7 ne fournissait pas beaucoup de gagnants. « Il fournissait plutôt de la chair à canon… » songea Maze.

Les maisons paraissaient grandes et spacieuses, Maze devait l'admettre, pourtant elle ne les aimait pas. Elles avaient l'air hanté.

Maze se détourna et continua son chemin. A l'instar des autres districts, le septième était délimité par une clôture électrifiée, généralement surveillée par les pacificateurs. Bien entendu, il était interdit de sortir du District mais cela n'empêchait pas Maze de s'y risquer. Ceux qui franchissaient les limites risquaient de lourdes peines –la torture ou la peine de mort, les Pacificateurs ne faisaient pas dans la dentelle- mais c'était le seul moyen d'obtenir de la viande. Le braconnage, la chasse. Maze laissait sans problème ses frères s'occuper de la boulangerie, mais il leur était formellement interdit de poser ne serait-ce qu'un orteil au-delà du grillage. Ramener du gibier était son travail. Il était hors de question qu'il arrive quelque chose à Penn ou à Cody. Il était toujours possible de passer au-delà du grillage, notamment par le côté sud. Les fils avaient été découpés il y a des années, ce qui permettait un passage, à condition de ne pas rechigner à ramper dans la terre. Maze laissa les dernières habitations derrière elle pour se diriger vers le grillage, faisant attention à ce qu'aucun pacificateur ne traîne dans le coin. Généralement, ils surveillaient plus au nord. Maze se précipita vers le grillage. Elle déchira son pantalon aux genoux en passant mais peu importait. Elle se dépêcha de courir se mettre à l'abri parmi les arbres. Elle prit quelques instants pour observer le District et elle jeta un regard mauvais aux grilles. Elle était prisonnière. Ils étaient tous prisonniers. Prisonniers du District. Prisonniers du Capitole. Prisonniers de Snow. Plus personne ne résistait ou ne rêvait de liberté. Plus personne ne savait ce que ça voulait dire.

Maze s'enfonça dans les bois. Elle adorait s'y balader et oubliait parfois qu'elle n'avait pas le droit de s'y trouver. Elle sifflait en essayant de suivre la mélodie des oiseaux. C'était son grand-frère qui lui avait appris à siffler. Enfin, il avait commencé. Puis, il avait été Moissonné. Maze enjamba un tronc immense qui barrait le chemin et à l'intérieur, elle récupéra un arc et des flèches. Meg, sa sœur aînée, les avait fabriqués, quelques années plus tôt. Maintenant, c'était Maze qui s'en servait. Elle n'était pas aussi douée que Meg mais elle l'était assez pour nourrir sa famille. Elle était obligée de dissimuler ses armes au milieu de la forêt, si elle ne voulait pas prendre le risque de se faire couper la main pour braconnage. Maze marcha près d'une heure. A peine levé, le soleil tapait déjà fort et les arbres n'offraient qu'une ombre toute relative. A nouveau, Maze sentit son estomac se nouer. Elle n'avait rien mangé depuis la veille, pourtant elle avait la nausée. Elle finit par arriver à une clairière. Elle s'était assez éloignée, peu de gens venaient jusqu'ici. Elle longea la lisière sur quelques mètres jusqu'à se retrouver devant un chêne immense. Elle passa son arc sur son épaule et attrapa la branche la plus basse. Elle se hissa petit à petit, faisant très attention où elle posait les pieds. Elle n'avait jamais été douée en escalade. C'était plutôt le talent de Meg. Elle était agile et souple alors que Maze n'était jamais aussi à l'aise que sur la terre ferme. Meg pouvait sauter de branche en branche comme un écureuil. Maze grimpa jusqu'en haut du tronc, là où les branches partaient dans tous les sens. Les oiseaux s'envolèrent en un battement d'aile alors que Maze s'installait aussi confortablement que possible. L'espace d'un instant, elle les envia. Ils pouvaient aller où ils voulaient. Puis son regard tomba sur son arc. Ils étaient peut-être libres, mais tellement faciles à abattre… L'écorce lui grattait le dos et ses jambes battaient dans le vide mais cela lui était égal. Du bout du doigt, elle caressa les marques laissées sur une branche. Elle pouvait les tracer les yeux fermés, c'était elle qui les avait inscrites. Il n'y avait que des noms et des âges. Elle effleura le premier. Elliott Chance, 16 ans. Et aussitôt, elle se sentit envahie par la rage, la rage mêlée à une tristesse qu'elle s'était efforcée d'oublier. Elle était venue écrire ce nom sept ans auparavant, après avoir entendu le coup de canon à la télévision. Elle se souvenait encore de ce qu'elle avait ressenti alors. L'incompréhension, le déni, la douleur tellement forte qu'elle avait envie de passer ses journées à hurler. Au coup de canon, elle était sortie en trombe, laissant Meg et Jeff s'occuper de leur mère. Elle avait couru hors du District sans faire attention aux Pacificateurs qui patrouillaient. C'était idiot et dangereux, mais elle n'avait pas pu s'en empêcher. Elle avait besoin de fuir. Ses pas l'avaient guidée aux pieds de ce chêne. Elliott l'avait emmenée ici une fois qu'elle l'avait suivi hors des limites. Elle adorait son grand-frère et il pouvait rarement faire un pas sans qu'elle ne le suive. A l'aide d'une pierre, elle avait gravé son nom. Ses mains tremblaient et elle ne voyait rien à cause de ses larmes. Son frère préféré était parti… C'était lui qui l'avait surnommé Maze. Les deux noms suivants avaient été écrits quatre ans plus tard. Meg Chance, 16 ans. Jeff Chance, 16 ans. Jumeaux, ils étaient venus au monde ensemble et ils l'avaient quitté ensemble. A quelques heures près. Ils furent Moissonnés la même année. Maze se souvenait parfaitement d'Elliott mais les souvenirs qu'elle gardait des jumeaux étaient plus confus. Elle devait se concentrer pour se souvenir. Elle savait, bien sûr, que comme tous les enfants Chance sauf elle, ils avaient hérité le physique de leur mère. Ils étaient tous blonds avec de grands yeux bleu pervenche. Meg était belle. Pas juste jolie, vraiment belle. Maze se rappelait des regards qui se retournaient sur son passage quand elle l'accompagnait en ville. Maze avait partagé sa chambre avec Meg durant toute sa vie, pourtant elle parvenait à peine à se souvenir du son de sa voix. Meg chantait faux. Et ça la faisait rire. Le soir, il arrivait souvent qu'ils chantent pour leur mère et si Elliott chantait très bien, Meg était une véritable catastrophe. Maze sourit à ce souvenir. Jeff était plus timide que Meg, plus calme aussi. Il souriait toujours mais parlait peu. Il était le meilleur pour confectionner les pâtisseries et décorer les gâteaux –talent dont Penn avait également hérité. Quand Meg et Jeff étaient ensemble, ils étaient une seule et même personne. Ils mettaient une certaine distance entre eux et le reste de la fratrie. C'était peut-être pour cela que Maze avait toujours préféré Elliott. Elle l'avait adoré et même sept ans plus tard, elle avait l'impression de ne pas pouvoir s'habituer à son absence. Quand ils avaient été Moissonnés, tous les trois, Maze avait voulu qu'ils gagnent. Désespérément. Mais aucun d'entre eux n'était jamais rentré à la maison. Elliott avait fait partie des quatre derniers et elle avait cru dur comme fer qu'il gagnerait. Puis, il s'était fait poignarder par le garçon du District 5. Maze avait haï ce garçon même si au fond d'elle, elle savait qu'il n'avait pas eu plus le choix qu'Elliott. C'était la fille du District 4 qui avait gagné, cette année-là. Len Lord, elle s'appelait. Des années plus tard, les jumeaux avaient attirés quelques sponsors. Meg, surtout. Mais elle s'était servie de tout ce qu'on lui envoyait pour garder Jeff en vie. Elle avait passé dix jours à le protéger. Il ne pouvait y avoir qu'un seul gagnant et elle voulait qu'il vive, tout simplement. Meg avait été tuée par l'un des Carrières. Quand Maze vint inscrire son nom sur l'arbre, elle inscrivit aussi celui de Jeff. Il était encore vivant à ce moment-là mais Maze avait compris qu'il ne rentrerait jamais sans Meg. Elle avait raison. Il restait six personnes et les organisateurs déclenchèrent un immense raz-de-marée peu avant l'aube. Les derniers tributs furent éliminés et la fille du District 4, Annie Cresta, remporta cette édition. Jeff ne savait pas nager, il n'avait aucune chance de s'en sortir.

Tous les enfants Chance étaient Moissonnés l'année de leurs seize ans. C'était une malédiction à laquelle ils ne pouvaient échapper. Elliott ne se doutait de rien quand ça lui est arrivé, il était le premier. Les jumeaux ne l'avaient pas vu venir non plus. Maze, elle, avait eu le temps de se préparer. Du moins, c'était ce qu'elle croyait. Elle avait élevé Penn et Cody pour qu'ils puissent se débrouiller le moment venu mais elle n'était pas prête. Elle aurait dû l'être, elle avait eu trois ans pour se faire à l'idée…

Du haut de son arbre, elle soupira et fit tourner plusieurs fois la pierre dans sa main. Puis, elle se décida et écrivit son nom et son âge. Maisie Chance, 16 ans. Elle allait être Moissonnée aujourd'hui.

La cérémonie avait lieu à onze heures et, bien entendu, tout le monde devait y assister. Les Pacificateurs vérifiaient chaque maison et pressaient les retardataires. Il était dix heures passées quand Maze revint à la boulangerie. Elle envoya ses frères se laver et se changer et se dirigea vers sa chambre. Elle prit la robe qu'elle mettait toujours pour la Moisson et enfila ses chaussures. Elle attacha la ceinture de son mieux mais la robe demeurait tout de même trop ample. Elle jeta un coup d'œil peu amène à ses cheveux et s'empara d'une brosse. Il lui fallut cinq bonnes minutes pour les démêler. Pour finir, elle prit deux barrettes qui avaient appartenu à sa mère et s'en coiffa pour dégager son visage. Elle était prête. Physiquement, du moins. Elle rejoignit ses frères pour les aider à se préparer, il valait mieux qu'elle se tienne occupée. Penn se battait avec les boutons de sa chemise et Cody, avec ses cheveux en bataille. Maze entendait les pas cadencés des Pacificateurs et au plus ils se rapprochaient, au plus son ventre se nouait. Elle serra les poings pour s'empêcher de trembler et secoua la tête lorsque Penn lui tendit un morceau de pain. Elle ne pourrait rien avaler. Elle croisa le regard de Cody qui détourna le sien. Après un soupir, elle prit ses frères par la main et les entraina hors de la boulangerie. Ils avaient les mains chaudes, pourtant même leur contact ne put la réchauffer. Les voisins commençaient également à sortir des maisons, tous impeccablement vêtus. Ils marchaient vers la grand-place, où une cinquantaine d'enfants éligibles attendait déjà. Les filles avaient l'air moins nerveux que les garçons, elles devaient savoir que cette année, elles ne risquaient rien. Alors qu'ils avançaient, Maze tentait d'ignorer les murmures sur son passage et ce n'était pas chose facile.

« - Ne t'inquiète pas, chuchota une mère à sa fille. Cette année, tu es protégée. La fille Chance sera Moissonnée. Ne t'en fais pas. »

En plus des murmures, Maze devait aussi supporter les regards curieux. Les plus ne comprenaient pas, ils n'avaient pas encore vu la malédiction des enfants Chance à l'œuvre. Maze accéléra le pas. Elle n'était pas pressée, elle voulait juste s'éloigner d'eux. Sur la grand-place, tout avait été préparé : de l'estrade aux drapeaux. Des Pacificateurs séparaient le public des enfants. Maze entraina Cody et Penn à l'écart. Ils allaient rejoindre le public, ils étaient trop jeunes pour participer. Mais l'année prochaine, Cody aurait douze ans, alors il serait éligible… Et quatre ans plus tard… Non ! Maze refusait d'y penser. La malédiction serait peut-être levée avec elle, après tout… Penn ne semblait pas vouloir lâcher sa main alors Maze l'embrassa sur la joue.

« - Tu reviens nous chercher toute à l'heure ? »

Maze et Cody échangèrent un regard mais elle ne répondit pas. Elle ne pouvait pas. Ni elle ni Cody n'avaient expliqué la malédiction à Penn. Il n'avait que huit ans… Il était trop jeune pour se souvenir vraiment d'Elliott ou des jumeaux…

« - Je dois y aller… » murmura-t-elle, la voix étranglée.

Elle étreignit ses frères, sans doute un peu trop fort, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Puis, elle rejoignit les autres devant l'estrade. Sur l'estrade, il y avait plusieurs chaises et deux tables. Sur chacune d'elle, une urne ronde contenant les noms des tributs potentiels. Maze fixait l'urne comme si elle pouvait la faire disparaitre avec son regard. Ca ne fonctionna pas.

Quelques minutes plus tard, tout était prêt et la cérémonie pouvait commencer. Les Pacificateurs se rapprochèrent pour mieux encadrer la foule. Le maire et quelques notables montèrent sur l'estrade. Le maire était un homme maigre au crâne dégarni il portait des lunettes plus grandes que son visage. L'envoyée du Capitole les rejoignit. Elle s'appelait Polly. C'était elle qui commentait la cérémonie, année après année. Maze la trouvait insupportable avec ses manies, son rire de crécelle et son air de croire que tout le monde était ravi de mourir pour ce foutu Capitole. Cette année, elle était vêtue toute en mauve. Des cheveux aux pieds. Ses cheveux, teints en violet, bouclaient et formaient comme un casque autour de son visage anguleux outrageusement poudré. Elle portait un tailleur sûrement onéreux et elle était perchée sur des chaussures qui ne devaient sûrement pas lui permettre de faire de grandes enjambées. Les anciens vainqueurs, les mentors, ont à leur tour rejoint l'estrade.

Le premier s'appelait Blight. Il avait le visage tellement usé qu'on n'aurait su lui donner un âge avec certitude. Les deux suivants semblaient plus jeunes, ils devaient avoir dans les trente ans. La dernière était Johanna Mason. Petite et menue, elle semblait pourtant plus imposante que tous les autres réunis. Quand on la croisait dans le District, on s'écartait. Surtout si elle avait sa hache. Pour l'heure, elle toisait l'assistance. Polly s'avança, toujours souriante. Elle détonnait, au milieu des habitants du District, que ce soit par les couleurs qu'elle portait ou par le sourire qu'elle affichait. Elle tapota le micro.

« - Joyeux Hunger Games ! Et puisse le sort vous être favorable ! »

Maze ne savait pas ce qu'elle trouvait le plus horripilant : cette formule d'accueil ou sa voix de crécelle. Polly ne s'émut pas du manque de réaction et poursuivit en présentant un film « très intéressant, apporté spécialement du Capitole ». Maze leva les yeux au ciel. C'était le même film chaque année. La voix doucereuse du président Snow expliquait pendant dix minutes pourquoi les Hunger Games existaient, comme si les habitants pouvaient oublier… Les images montraient les tributs des éditions précédentes s'affrontant jusqu'à la mort. De peur de reconnaitre le visage d'Elliott ou des jumeaux, Maze garda les yeux fixés au sol. Le film s'acheva c'était l'heure.

Maze entendait son cœur tambouriner. Il battait tellement fort qu'il résonnait dans ses oreilles.

« - Il est à présent temps de choisir les tributs du District 7. Comme d'habitude, les dames d'abord. »

Polly s'avança vers l'urne de droite. Maze avait l'impression qu'elle faisait exprès d'avancer au ralenti, puis elle se dit qu'elle ne devait pas pouvoir avancer plus vite à cause de ses chaussures. Polly plongea sa main aux longs doigts dans l'urne et remua les papiers.

« Il y en avait tant, songea Maze. Pourquoi fallait-il que ce soit mon nom qui sorte ? »

« - Et le tribut femelle du District 7 est… Maisie Chance ! »

Et voilà, la malédiction avait à nouveau frappé. Il fallut quelques secondes à Maze pour réagir mais déjà les premiers rangs s'écartaient pour la laisser passer. Cela formait une haie d'honneur parfaite… L'espace d'un instant, elle eut l'espoir que quelqu'un se porte volontaire pour elle, mais la foule demeura silencieuse. Alors, Maze s'avança.

« - Viens donc, ma chérie… » l'encourageait Polly.

Maze la rejoignit sur l'estrade. Elle paraissait tellement ravie. C'était absurde. La voix de Polly lui parvenait comme de très loin. Maze n'entendait plus ce qu'elle disait, elle s'en moquait. Elle allait mourir. Elle balaya la foule du regard à la recherche de ses frères. Elle se mordait l'intérieur des joues pour ne pas pleurer mais lorsqu'elle aperçut Penn cramponné à Cody, elle ne put retenir ses larmes. La voix de Polly continuait de bourdonner. La cérémonie continuait mais Maze n'y prêtait pas attention.

« - Et le tribut mâle du District 7 est… Kenai Olly ! »

Comme pour Maze plus tôt, la foule des garçons se fendit en deux jusqu'au dénommé Kenai. Il ne bougeait pas, comme s'il espérait avoir mal entendu. Puis, quand les Pacificateurs se rapprochèrent de lui, il avança. Maze le connaissait vaguement. Elle lui échangeait souvent du pain contre du bois ou de la viande. C'était le quatrième fils d'une famille de bûcheron. Bien que petit, elle savait qu'il était doué avec une hache. Ses cheveux bruns tombaient devant ses yeux et il adressa à Maze un sourire timide. Maze n'était même pas sûre d'avoir réussi à lui répondre. Polly se rapprocha d'eux et demanda qu'ils se serrent la main.

Maze remarqua que la main de Kenai était aussi froide que la sienne. Comme chaque année, Polly s'attendait à des applaudissements et à des cris de joie. Au moins, des encouragements. Comme chaque année, il n'y eut que le silence. Le maire et les mentors s'approchèrent et les premières notes de l'hymne retentirent dans la grand-place. A côté d'elle, Kenai Olly chantait aussi. Il avait une voix claire et forte. Maze demeura muette. Quand un Pacificateur lui fit signe de chanter, elle l'ignora. Elle croisa le regard de Johanna Mason, qui lui adressa un léger sourire. Ses lèvres bougeaient mais aucun son ne les passait. L'hymne s'acheva et avant qu'elle ait pu comprendre ce qu'il se passait, elle était entrainée hors de l'estrade par Polly.

Trois minutes pour dire adieu à sa famille, c'est court. Maze passa la majeure partie de ce laps de temps à essuyer les larmes de Penn. Il ne comprenait pas et Maze ne pouvait pas lui expliquer. Elle non plus ne comprenait pas. Il n'y avait aucune raison… Cody essayait de ne pas pleurer mais c'était dur, ses yeux brillaient. Alors, Maze serra ses frères contre elle et espéra qu'avec elle, la malédiction serait levée…

« - Il faut que tu gagnes, renifla Penn. Comme ça tu reviendras à la maison. »

Facile à dire. Il allait falloir qu'elle tue des êtres humains… Cette simple idée la rendait malade. Avant qu'ils repartent, Maze fit ce qu'elle s'était toujours jurée de ne pas faire. Elle leur promit de revenir. Parce qu'elle ne pouvait pas leur dire adieu. La porte s'ouvrit et un Pacificateur fit sortir ses frères. Penn pleurait et criait. Maze l'entendit jusqu'à ce qu'ils soient dehors. Alors, elle s'approcha de la fenêtre et les regarda s'éloigner. Elle n'attendait personne pourtant la porte s'ouvrit de nouveau. Il était grand et semblait remplir toute l'embrasure de la porte. Il s'approcha. Cory.

« - Je suis désolé, a-t-il murmuré. Vraiment.

- Ce n'est pas vraiment une surprise, n'est-ce pas ? »

Cory avait été le meilleur ami d'Elliott et Maze le connaissait depuis toujours, puisqu'elle les avait toujours suivis. Avec le temps, il devint aussi l'ami de Maze. Ses deux frères aînés avaient été Moissonnés, il savait ce que c'était, une malédiction. Il avait douze lorsque son deuxième frère mourût dans l'arène. Il eut peur d'être le prochain alors il demanda à Elliott de s'entrainer avec lui. Au cas où. Cory ne fût jamais Moissonné. Elliott, oui. Après la mort d'Elliott et des jumeaux, ce fut Maze qui lui demanda de l'aide. Elle avait compris ce qui l'attendait.

« - Comment tu te sens ? lui demanda-t-il.

- Malade. »

Il eut un sourire triste.

« - Fais attention à toi. Et reviens. » dit-il.

Cory n'avait jamais été très bavard. Quand Maze était avec son frère et lui, ils pouvaient passer des heures ensemble sans décrocher un mot. En l'occurrence, il semblait de pas savoir quoi dire. Il est vrai que les circonstances étaient un peu particulières.

« - Fais comme à l'entrainement. » murmura-t-il alors que la porte s'ouvrait.

Il ne s'est pas fait prier pour sortir. Maze soupira. Personne d'autre ne viendrait la voir. Quelques minutes plus tard, on vint la chercher. Polly et Kenai l'attendaient. Ils montèrent dans une voiture pour rejoindre la gare. C'était la première fois que Maze montait dans une voiture. Ils traversèrent le District, qui avait repris sa routine comme si rien ne s'était passé. Les gens se retournaient sur leur passage. Ils passèrent devant la boulangerie et Maze sentit les larmes lui monter aux yeux. Jamais elle ne reviendrait. Vingt minutes plus tard, ils arrivèrent à la gare, où le train les attendait. Polly les fit monter et le train démarra immédiatement.

« - Ca y est, songea Maze en observant la gare s'éloigner. C'est fini. »