0, la tête à Pattemol
J'ai toujours aimé la regarder dormir Lily. La voir s'évader sans avoir cette impression qu'elle m'échappe. Toujours aimé cette sensation qui s'empare de moi lorsque je la vois comme je l'ai toujours vu : semblable à un ange. Pourtant, il faut bien avouer qu'elle n'en avait que l'apparence. Elle ne s'est jamais laissée faire ma Lily. Ni par moi, ni par les affreux gugusses qui me servaient d'amis d'ailleurs.
Du plus loin qui m'en revienne, je n'ai jamais éprouvé de sentiments plus agréables que ceux ressentis lorsque j'enlaçais son corps chaud en prenant garde de ne pas la réveiller. Lorsque je me souvenais que quelques heures auparavant nous mêlions nos corps à n'en faire plus qu'un.
Et pourtant, totalement rodé et comme chaque jour, à quatre heures moins le quart précise, je devais quitter son paradis et rejoindre l'enfer de notre monde. Il n'y avait réellement qu'elle qui pouvait me faire oublier que dehors, la guerre grondais et que j'avais mon rôle à tenir au sein de l'ordre. Un rôle qui ce matin, consistait à me lever le ventre vide et rejoindre le 10 Eyton's Street dans un quartier nord de Londres.
Presque comme un automate, je me contorsionne pour déposer un baiser sur son front et je quitte la chambre en rageant contre cette chaise placée au milieu de la pièce et qui, en me tirant un cri étouffé, la fait gémir de mécontentement. Il n'est pas encore quatre heures et j'aurais déjà réussi à faire crier Lily.
Notre maison n'est pas des plus spacieuses ni même des plus jolies. Nous n'avons pas de carrelages blancs dans la cuisine et je n'ai pas encore trouvé le temps de réparer le volet de la cuisine qui menace à tout moment de s'effondrer sur notre parterre de pensées fanées et pas encore remplacées. Et même si Patmol a tendance à la comparer à la maison dans laquelle nous nous planquons lorsque Lunard est sur le point de prendre du poil, moi je la trouve plutôt chouette notre baraque.
Certes, on aurait pu attendre encore un peu avant d'emménager. Disons, prendre le temps de trouver quelque chose à la hauteur de la merveilleuse femme que je venais d'épouser, seulement voilà, je ne concevais pas de passer le peu de mon temps dans un deux pièces surplombant le chemin de Traverse. Nous avions vu cette maison, nous y avions emménagé.
Il est vrai que nous avions tendance avec Lily, à faire les choses plutôt rapidement. Lunard nous le faisait bien souvent remarquer, mais Lunard avait un peu trop tendance à être Terre à Terre. Un comble pour quelqu'un qui voyait son existence régit par un astre lunaire.
Moi, je pensais que nous avions déjà perdu assez de temps à nous chercher, Lily et moi, au temps de Poudlard. Enfin plutôt, j'avais mis trop de temps à lui faire comprendre que j'étais celui dont elle ne pourrait plus se passer. La guerre sur le pas de la porte, j'étais conscient que personne ne pourrait envisager son futur à plus de quelques jours d'avance. C'est ainsi qu'à vingt ans, nous étions les plus jeunes recrus de l'ordre du phoenix mais également mariés et futurs propriétaires d'une maison sans volets.
L'ordre du phoenix… C'est à cause de lui que je me retrouvais emmitouflé dans un cape, agressé par le vent de novembre. Je hais le mois de novembre. Bien plus que celui d'octobre. Je me posais encore la question de savoir pourquoi je me retrouvais dans mon propre jardin alors qu'il m'était tout aussi facile de transplaner à l'intérieur, avant de me souvenir que Lily avait posé cette limite. « Transplaner à l'intérieur d'une maison, m'avait-elle dit, c'est comme violer l'intimité d'une personne. A quoi serviraient les portes sinon ? » Je m'étais bien retenu de lui répondre que sans portes, notre maison comme elle dit, serait l'hôtel des courants d'air.
Je n'ai jamais aimé la sensation que procurait le transplanage. Cette impression d'être compressé à un tel point qu'on ne serait pas étonné de se retrouver enfermé dans une bouteille en verre. Seulement, il fallait bien avouer que c'était plutôt pratique. En quelques secondes, je me retrouvais devant la porte d'une maison encore plus déglinguée que la mienne.
A partir d'ici, tous mes faits et gestes devenaient pathétiquement automatiques. Ma main rentrant dans ma poche pour en sortir ma baguette. Mon regard cherchant fébrilement autour de moi l'ombre machiavélique d'un mangemort. Mes doigts frappant quatre coups contre la porte de chêne et ma bouche susurrant le mot de passe du jour :
- Ampoule Eklectique.
Enfin la porte s'ouvrit et je m'engouffrai à l'intérieur de la pièce. L'Horloge indiquait quatre heures. J'étais à l'heure mais j'en connaissais un qui ne l'était pas. Pour changer. La personne qui m'avait ouvert, semblait avoir perçu la lueur de dépit traverser mon regard. Elle regarda à tour de rôle mes yeux et la fameuse horloge, puis me proposa :
- Vous voulez que j'attende avec vous ?
La proposition était tentante. Seulement, je n'avais pas l'habitude de demander l'aumône et puis surtout, la cape déjà enfilée, cette homme ne rêvait que d'une chose : rejoindre son foyer et enfin avoir une bonne nuit de sommeil.
- Non. Il ne devrait pas tarder à arriver. Aller vous reposer.
- Oh… reposer, c'est un grand mot. Je suppose que comme chaque matin dès sept heures il y aura bien un de mes fils qui aura une idée lumineuse pour faire râler sa mère. Enfin… Bon courage Potter.
Je répondais à son signe de la main avant de fermer la porte derrière lui. Puis, je m'installais autour de la table en posant mon regard sur ce que nous avions surnommé « l'annonceur ». Il s'agissait en fait d'un système qui nous ralliait aux autres membres et nous permettait de savoir en temps réel où avait lieu l'attaque. Jusque maintenant, il n'y avait rien eu de bien grave, juste quelques apparitions. Seulement, plus les jours avançaient et plus ce pseudo silence devenait inquiétant. Nous étions tous d'accord sur une chose : ça ne pouvait pas durer.
A tour de rôle, des membres étaient désignés pour venir monter la garde dans notre QG. A tour de rôle, certains membres (généralement les plus expérimentés) devaient attendre l'appel aux secours de ceux qui attendaient les nouvelles de l'annonceur.
Je n'avais pas à me plaindre, rien de grave ne s'était jamais passé de mon côté. Et Lunard ne cessait jamais d'en dire « C'est ce qu'il y a de plus dangereux. Tu perds de ta méfiance et c'est comme ça que… » et bla bla bla.
- Toc Toc Toc.
Je connaissais le son de cette voix et surtout, quelle était la seule personne capable de mimer l'acte avec sa bouche plutôt que de réellement frapper à la porte. Il était un peu comme moi… Tendance presque suicidaire à ne rien prendre au sérieux. Pas même les règles de sécurité.
- Toc Toc Toc.
Il réitérait l'animal. Je levais les yeux plus par habitude que réellement par lassitude et je répondais :
- Qui est là ?
- Théo.
Il est inutile de chercher à comprendre où même à essayer de trouver son piège avant qu'il ne l'ait posé. A vrai dire, seul Lunard en était capable. Et encore, je le suspectais de me laisser gagner pour avoir le plaisir de rejouer plus tard. Toujours est-il que, me préparant moralement je lui répondis finalement :
- Théo qui ?
- Théo Riblébête, idiot !
Plus fort que lui, ce genre de blague ne faisait rire que lui et pourtant, il s'enfonçait dans son délire. J'ouvrais la porte et lui faisais quand même remarquer :
- Nous sommes en temps de guerre Pattemol. Ca serait quand même sympa de penser aux normes de sécurité et puis… tant que tu y es, essayer d'arriver à l'heure.
- Toi, ça fait déjà trop longtemps que tu traînes avec Evans… Enfin, moi aussi je suis content de te voir Cornedrue.
