Ce matin là, tout le poste de police numéro 4 était en effervescence chacun s'affairait pour que tout soit impeccable jusque dans les moindres recoins et que chaque dossier, chaque objet soit à sa place. Aujourd'hui était un grand jour et tous les agents avaient envie de faire bonne impression à celui qui allait prendre ce matin ses nouvelles fonctions d'inspecteur en chef.

L'agent Crabtree, qui espérait secrètement obtenir une promotion, ne cessait de s'agiter dans tous les sens et avait vérifié de nombreuses fois que le bureau de leur futur supérieur soit parfaitement rangé, car il connaissait mieux que quiconque les habitudes de ce dernier.

Higgins, appela-t-il, où avez-vous rangé les dossiers des affaires en cours?

Eh bien, je... euh, c'est-à dire... répondit celui-ci d'un air embarrassé.

C'est-à-dire quoi ? le rabroua-t-il sèchement. Vous connaissez l'inspecteur, il va vouloir se tenir au courant des dernières enquêtes dès son arrivée et je ne tiens pas à le mettre de mauvaise humeur dès son retour.

George congédia Henry et tout en maugréant, se mit à la recherche des dossiers. Il était en train de grommeler et de pester tout bas quand il se sentit soudain observé et sentant un parfum agréablement familier, il se retourna.

Bonjour, agent Crabtree.

Bonjour Docteur Grace.

Emily s'approcha de lui et lui déposa un tendre baiser sur la joue. La mauvaise humeur de George s'évanouit aussitôt, fondant littéralement sous la chaleur des lèvres de la jeune femme.

Tu m'as l'air passablement énervé ce matin, que se passe-t-il ? l'interrogea-t-elle.

C'est aujourd'hui que l'inspecteur doit prendre ses nouvelles fonctions et personne n'arrive à mettre la main sur les dossiers en cours, et je ne tiens pas à ce qu'il...

Sans se départir de son sourire, Emily avisa une pile de dossiers négligemment posés sur une chaise dans un coin et les pointant du doigt, s'adressa à George :

Et ce ne serait pas cela que tu cherches, par hasard ?

Oh Emily, merci, mais que ferais-je sans toi ? répondit le jeune homme en attrapant les documents.

Je crois que je mérite bien une récompense, lui susurra–t-elle en l'enlaçant.

Emily, rougit George, confus, on pourrait nous voir et j'ai encore des tas de choses à vérifier...Mon dieu, il est déjà presque neuf heures, excuse moi...

J'ai compris, répondit la jeune femme, l'air contrit, je retourne à mes chers cadavres et si tu as un moment, essaye de passer me voir dans le journée.

Poussant un profond soupir, George regarda sa fiancée s'éloigner, contrarié de ne pas avoir pu passer un plus long moment en se compagnie, et retourna à sa tâche.

Il aimait sentir le vent lui fouetter le visage en roulant et trouvait l'air frais revigorant et vivifiant. Tandis qu'il pédalait à vive allure, les idées se bousculaient dans sa tête et il repensait aux doux instants passés en la compagnie de celle qui était désormais sa femme. Ils avaient décidé de s'offrir des vacances juste après la cérémonie du mariage et ce qui ne devait être au début qu'une escapade pour amoureux s'était transformé en véritable voyage de noces. Ils avaient goûté à leur bonheur retrouvé et étaient partis à l'aventure, découvrant des lieux qui leur étaient inconnus jusque-là et oubliant les épreuves du passé.

Il s'arrêta devant le poste de police et rangea son vélo à sa place habituelle, puis poussa la lourde porte et pénétra dans le hall. Il resta un moment à observer ce qui était son lieu de travail depuis plusieurs années déjà et qui le serait sans doute pour de nombreuses autres encore. Rien n'avait changé en son absence, les mêmes agents étaient à leur poste et tous semblaient bien occupés ce matin. Il sentit un agréable sentiment de bien-être l'envahir en se retrouvant dans ce qu'il considérait comme sa deuxième maison.

Il ôta son chapeau et s'avança vers l'agent qui se trouvait à l'accueil, occupé à remplir un formulaire. Celui-ci leva demanda sans même lever la tête :

Que puis-je faire pour vous ?

Bonjour, agent Jackson.

Oh, inspecteur Murdoch, comme je suis heureux de vous revoir ! s'exclama -t-il en faisant le tour du comptoir pour venir le saluer. Comment allez-vous?

Je vais bien, merci, répondit William, un grand sourire aux lèvres. Tout le monde me paraît bien occupé ce matin, dites-moi.

Eh bien, hésita Jackson, nous essayons que tout soit en ordre pour votre retour, Monsieur...enfin, Chef, devrais-je dire...

William lui répondit d'un ton rassurant :

Ne vous inquiétez pas, je suis sûr que George a fait du bon travail en mon absence !

Sur ces mots, il se dirigea vers les autres agents qui vinrent tour à tour le saluer chaleureusement, chacun y allant de sa petite phrase de félicitations pour sa promotion.

Peu de temps après son mariage avec Julia, et juste avant qu'ils ne partent en voyage pour se reposer, Thomas Brackenreid l'avait convoqué dans son bureau pour lui proposer de lui succéder à la tête du poste de police. Ce dernier avait accepté un poste dans une autre ville, afin que Margaret puisse s'occuper de sa mère devenue trop âgée pour vivre seule. L'inspecteur en chef Giles s'était au début montré hésitant, mais la manière dont William avait brillamment résolu l'affaire Garland et déjoué les pièges de James Gillies avait ensuite largement pesé en sa faveur.

William se dirigea vers son nouveau bureau et s'arrêta sur le seuil pour contempler la plaque qui portait son nom. Entendant du bruit à l'intérieur, il passa la tête par la porte : il sourit en voyant le pauvre George en train de pester tout bas contre des dossiers mal rangés. Il resta un moment à l'observer en silence, puis se racla discrètement la gorge pour signaler sa présence.

- Inspecteur, s'écria George en le voyant accoudé au chambranle, vous êtes de retour parmi nous !