Préface :

/!\Attention/!\ Cette fanfic est un yaoi et plus précisément un shonen-ai ! C'est à dire qu'une relation amoureuse entre deux garçons, bien qu'implicite, est présente ! Si vous êtes intolérants, homophobes ou que tout simplement vous n'aimez pas, passez votre chemin. Vous serez prévenu.

Pairing : Yûgi/Yami. Je répète que c'est un slash. (hommexhomme)

Disclaimer : Rien n'est à moi, tout appartient à Kazuki TAKAHASHI ! Je ne gagne rien en postant cette histoire, je n'écris que pour mon plaisir et celui des lecteurs.

Rating : M (Pour violence, langage grossier pouvant heurter et - peut-être - quelques scènes à allusions ou à caractère sexuel. Avertissement : Présence de scènes choquantes et difficiles.)

Résumé : Yaoi. Dans les plus obscurs bas-fonds de la ville de Domino, se trouve la cité Kul Elna, régie par la terreur et contrôlée par de monstrueux criminels et trafiquants de drogue. Yûgi, un lycéen de 15 ans compté parmi leurs victimes, croisera le chemin d'un groupe de rebelles qui refusent de se plier aux règles. Puzzleshipping.

Rythme de parution : Je n'ai pas encore décidé, étant donné que l'on est dans une période d'examen (et oui, je suis victime des oraux et épreuves écrites !). Mais je peux vous garantir que je suis motivée à écrire cette fic et que je tiens à la finir. Je vous tiendrai au courant. Normalement, dans moins d'un mois, le deuxième chapitre sera déjà en ligne. (Devrai-je préciser que mes chapitres seront assez long ?)

Veuillez m'excuser d'avance pour les éventuelles fautes dans la fic.

Notes :

Pour ceux qui n'ont jamais vu ou lu Yu-Gi-Oh! pas d'inquiétude. Un univers alternatif est utilisé dans cette fic et l'ensemble des personnages sera présenté. Il se peut que cela soit difficile de retenir les prénoms mais je ferai un petit récapitulatif à chaque fin de chapitre (du moins au début). Je vous conseille aussi de regarder la tête des personnages sur internet si vous voulez voir à quoi ils ressemblent vraiment mais vous pouvez tout aussi bien vous l'imaginer dans votre tête.

Les noms des personnages sont ceux de la version original, et non de l'anime censuré par 4kids. Téa sera donc appelée Anzu, Joey Jôno-Uchi et Tristan Honda.

Notes 2 :

Sachez que si vous êtes venus uniquement pour la romance entre Yûgi et Yami, elle peut mettre du temps à venir. Les sentiments, ça se développe, ça n'apparaît pas comme par magie. Surtout quand les personnages concernés sont hétéros dans un premier temps et n'ont pas d'attirance envers les personnes du même sexe. Aussi, cette romance sera mise en second plan et l'histoire ne sera pas centrée sur elle. Il y aura bel et bien une intrigue construite et crédible (du moins je l'espère).

Je réfléchis encore si je dois mettre un Lemon ou un Lime ou rien, mais j'ai tout mon temps encore, je tiens quand même à préciser que cette fic n'est pas un récit pornographique. Loin de là.

/!\Derniers avertissements avant la lecture/!\

Mention de drogue, de suicide, de viol, de torture, de meurtre et d'autres crimes. Ames sensibles, s'abstenir ou lire avec précaution. Univers sombre.

Je pense avoir tout dit. J'espère répondre à toutes vos attentes ! Donnez moi votre avis en rewiew ou des conseils, je suis preneuse. Sur ce, je vous souhaite à tous une très agréable lecture !


Sweet Dreams


Chapitre 1 : Kul Elna


Domino était une gigantesque ville, s'étendant sur des centaines voire des milliers de kilomètres, et qui possédait de multiples facettes. Les quartiers les plus connus étaient sans aucun doutes ceux bondés de magasins, boutiques, restaurants, arcades de jeux-vidéos, parcs d'attraction… De très beaux quartiers remplis de touristes et de jeunes, tous ayant la joie de vivre, tous souriants, tous insouciants… C'était le paradis, pour eux. Pouvoir jouer, boire, s'amuser, dépenser sans compter, passer du bon temps entre amis, découvrir de nouvelles choses… C'étaient ce qu'ils ont toujours voulu. Mais certains n'avaient pas cette chance.

La ville de Domino, aussi belle était-elle, s'efforçait de cacher un endroit obscur, terrifiant, un immense quartier aussi sombre que la nuit et aussi froid que la mort. Ce quartier si craint et ignoré, s'appelait « Kul Elna », inspirant peur et méfiance à qui entendait ce nom. Cette partie lugubre et désolée de Domino semblait constamment plongée dans les ténèbres, constamment tourmentée par des démons invisibles, constamment pourrie de l'intérieur un peu plus chaque jour. Kul Elna abritait de nombreux immeubles difficiles à compter. Des immeubles délabrés, défraîchis, ou en ruines. Il y avait aussi des petites maisons, mais elles avaient l'apparence de taudis ou d'un empilement de divers détritus. C'était la misère, ici. Les rues, jonchées de débris de plusieurs tonnes, étaient vides, laissant apparaître sur la route d'énormes cratères, des bosses et des failles. De part et d'autre, parfois, des voitures s'y trouvaient, mais elles étaient soit carbonisées, soit leurs pneus et leurs sièges avaient été volés, les fenêtres brisées et la carrosserie cabossée. C'était un véritable désert, ici, comme si une catastrophe s'y était produite et que tous les habitants avaient dû évacuer en urgence. Derrière les montagnes de déchets, les bouts de route et les restes de maisons, se faufilaient d'innombrables rats, grignotant tout ce qu'il restait. Les murs branlants et fissurés qui faisaient rempart tout autour du quartier, affichaient un nombre considérable de tags. On pouvait lire sur les plus visibles : « Pauvreté », « Aidez-nous », « Kul Elna réclame du sang » ou encore « SD ». Ce mystérieux sigle était d'ailleurs le tag le plus répandu dans ce terrible endroit.

« SD ». « Sweet Dreams ». Littéralement : « Doux rêves ». C'était le nom de cette drogue circulant à Kul Elna, une drogue abominable, aux conséquences effroyables et fulgurantes. Celui qui en prenait, même à petite dose, devenait totalement dépendant de cette dernière. Et les effets de la SD étaient atroces le drogué avait, dans un premier temps, l'impression de « planer », d'être dans un état second, plutôt agréable, d'oublier toutes les misères du monde, mais les effets secondaires étaient plus qu'horribles : le corps de la victime devenait soudainement glacé, était pris de soubresauts, ne se contrôlait plus et le malheureux devenait complétement dément, adoptant un comportement des plus agressifs. La SD plongeait la personne l'ayant ingérée dans un état de béatitude et de plénitude total avant de le détruire à petit feu, de l'intérieur, lentement et vicieusement. Voilà pourquoi cette drogue était nommée « Sweet Dreams », ironiquement parlant. Parce que son rôle était de faire croire au drogué que tout allait bien, dans le plus complet des bonheurs, en échange de son argent, sa liberté et sa vie.

La SD était la drogue la plus populaire de Kul Elna. La moitié de la mince population la consommaient, voulant oublier ses misères, au plus grand plaisir des trafiquants. Parce qu'il était facile de se procurer de la SD, qu'il était facile de la revendre, et que personne ne pouvait perturber leurs marchés. En effet, la police de Domino n'était plus revenue à Kul Elna depuis des dizaines d'années, trop lâche et trop « occupée » pour faire face au terrifiant quartier. Elle s'était contentée de bâtir des murs encerclant la cité, pour la couper et l'isoler du reste de Domino.

Kul Elna était comme un autre univers, un monde ténébreux et inquiétant, où il n'existait ni justice, ni bien, ni mal, et où le plus fort régnait et imposait sa loi. Les trafiquants de SD, les plus riches et les plus malins, contrôlaient toute la cité d'une main de fer. Ils avaient bâti un géant réseau où ils marchandaient de la « Sweet Dreams », étendant leur empire des frontières de Kul Elna au centre-ville de Domino. Rien ni personne ne pouvait les arrêter. Pas même la police, ni les civils, et encore moins la population de Kul Elna, soumise aux règles du quartier, et esclave de la drogue et des trafiquants. Car oui, ces derniers avaient, effectivement, les pleins-pouvoirs sur la petite ville, mais il arrivait qu'ils ne s'entendaient pas entre eux, et il n'était pas rare que de simples querelles se transforme en règlement de compte qui aboutissaient le plus souvent à la mort. A Kul Elna, tout était permis. Cela signifiait que même les meurtres étaient autorisés. Ainsi, la population était contrôlée par la peur et les menaces. Sur la grande place déserte et apocalyptique, nombreux étaient les hommes torturés et abattu devant un public apeuré et totalement soumis. On les appelait les exécutions publiques, la plupart des victimes n'étant coupables que pour le fait de ne pas avoir admis la supériorité de certains. Kul Elna était sans pitié, et sa cruauté monstrueuse et atroce n'avait de limite. C'était le chaos et l'enfer, là-bas.

Dans un coin de la cité, se trouvait un immense bâtiment, qui n'était autre que le seul et unique lycée que l'on pouvait trouver ici. Personne ne lui avait trouvé de nom, c'est ainsi qu'il fut simplement baptisé : « Le lycée Kul Elna ». Cet établissement était mal entretenu, menaçait de s'effondrer, une des ailes étant déjà en ruines, et plusieurs de ses façades étaient fissurées ou brûlées. Les nombreuses fenêtres qui figuraient sur les murs étaient brisées, sales, ou inexistantes. Les portes, pour la plupart arrachées, étaient en acier, couvertes de suie noire, de tags et criblées de balles. Il n'y avait pas de cour. Le lycée était placé dans un endroit désolé, abandonné, et entouré d'un paysage dévasté, anéanti, où l'on ne comptait plus les débris et les vestiges sinistres d'anciens logements. Le lycée Kul Elna, aussi affreux et menaçant était-il, « accueillait » des centaines d'élèves, tous pauvres, drogués, insignifiants et misérables. Ils vivaient tous à Kul Elna, les habitants ayant majoritairement une tranche d'âge entre 15 et 25 ans, car les plus vieux, étant dépendants et accros à la SD, ne demeuraient pas longtemps et les petits enfants étant faibles et vulnérables mourraient très rapidement. Ainsi étaient faites les lois de cette ville seuls les plus jeunes et les plus forts avaient le droit de vivre.

L'intérieur du lycée Kul Elna était aussi miteux et funeste que la façade qu'il laissait entrevoir. Il n'y avait presque pas d'électricité seuls les longs couloirs étroits, sombres, effrayant et obscurs bénéficiaient d'ampoules clignotantes et grésillant dans le silence morbide de l'école, accrochées par des fils de fer, et se balançant lamentablement au-dessus des têtes des élèves qui passaient. De tout l'établissement, il n'y avait que deux vestiaires garçon et fille qui faisaient office de douche et de toilettes. Les douches étaient pitoyables, petites et crasseuses, et l'eau qui sortait des pommeaux était froide et boueuse. Les toilettes, dans une autre pièce, n'étaient pas mieux les multiples cabines se succédant une à une étaient répugnantes et malpropres, les portes en bois se faisaient ronger par les termites et les rats, et les poignaient pendaient malheureusement. Les vestiaires n'occupaient que le 1er étage du lycée avec la cafétaria délabrée et quelques autres salles. Le 2ème et 3ème étage n'hébergeaient seulement des salles de classe et des bureaux. Les classes étaient de taille moyenne, les fenêtres cassées recouvertes d'épais rideaux noirs et troués, les tables usées étaient branlantes, leurs pieds tremblants piteusement, le tableau semblait dans un sale état, presqu'en morceaux, et le plafond et le sol étaient lézardés de fissures. Sans parler des murs noircis et poussiéreux, dont la peinture s'écaillait au fil des ans, tombant par terre par petites plaques. On pouvait accéder au grand toit par une imposante porte à battants. Le toit était cerné de barrières, mais certains pauvres adolescents les franchissaient pour mettre fin à leurs vies insignifiantes, quelques cas qui restaient rares néanmoins.

Le lycée Kul Elna était loin du havre de paix qu'il était pour les étudiants. C'était plutôt une prison, qui prenait en otage les élèves. En effet, ces derniers venaient au lycée car ils n'avaient nulle part où aller, que c'était le seul endroit qui ressemblait à autre chose que des décombres, qu'ils pouvaient s'instruire et apprendre, bien que le programme et les leçons qui y étaient données étaient de la plus mauvaise des qualités qu'il pouvait exister, et rencontrer des jeunes de leur âge. Mais surtout, c'était l'endroit où des personnes malfaisantes faisant partie de l'équipe de l'établissement leur vendait de la « Sweet Dreams ». Les étudiants, avides et dépendants de la SD, revenaient chaque jour à l'école avec une petite bourse en main, afin de se la payer et d'oublier leur misérable, pauvre et malheureuse vie en la noyant dans la drogue. Les vendeurs et trafiquants, et même les professeurs, profitaient d'eux pour leur tirer le plus d'argent possible, le racket et les menaces ayant très souvent lieu. Les étudiants infortunés étaient alors pris dans un cercle vicieux redoutable et infini rester prisonnier d'un lieu où l'on les « nourrissait » à la SD et où l'on les soutirait tout l'argent qu'il leur restait, tout en les menaçant de s'en prendre à leur famille et à tout ce qu'ils possédaient s'ils ne revenaient pas au lycée. Ainsi marchait les ventes de SD au lycée Kul Elna.

La terreur régnait dans cet établissement. Etablissement gouverné par un proviseur mystérieux et par le Président du Conseil des élèves. Bakura. Un Président cruel et sans pitié, sans états d'âme, sans aucun scrupule. Bakura aimait tourmenter et menacer les élèves, il aimait user de son pouvoir de Président du Conseil pour faire régner l'ordre de façon tyrannique, pour remettre les autres à leur place, les soumettre à sa volonté. Son passe-temps favori était d'impressionner et de terrifier les étudiants, et de tabasser ceux qui ne lui plaisaient pas. Il rackettait souvent les plus faibles pour leur argent, et réglait les comptes des plus malins pour leur faire comprendre qui était supérieur ici. La plupart du temps, heureusement, il était dans son bureau personnel, situé au 3ème étage, mais sinon il se baladait tranquillement dans les sinistres couloirs, le regard détaillant chaque élève marchant tête baissée, courbant l'échine devant lui, le saluant avec une voix tremblante et cassante, et se dépêchant de partir le plus vite possible. Souvent, il était accompagné d'Ushio, son imposant et effrayant chien de garde prêt à le suivre partout et prêt à accomplir toutes les besognes dont le Président se débarrassait. Ushio était un homme épais d'une grande carrure, et il avait pour rôle de maintenir la réputation terrible de Bakura en se servant de ses poings quand il le fallait. Oui, tout le monde craignait Bakura. Ce dernier, à la simple pensée qu'il inspirait la peur aux autres, laissait apparaître un mince sourire de satisfaction sur son visage.

Mutô Yûgi était un jeune homme de 15 ans, en classe de 1ère B au lycée de Kul Elna. Il avait une stature frêle et fragile et ne mesurait même pas 1 mètre soixante pour une quarantaine de kilos. Il possédait de grands yeux couleur améthyste aux reflets légèrement mauves et une chevelure impressionnante et inhabituelle, qui rappelait fortement celle d'un porc-épic ses cheveux hérissés formaient des sortes de piques, la racine étant noire et les pointes bordeaux virant au pourpre, et de longues mèches rebelles blondes encadraient son visage infantile. Son apparence chétive et fluette correspondait à son caractère doux, naïf, effacé et particulier. Il portait presque tous les jours l'uniforme du lycée Kul Elna, qui était une veste et un pantalon bleu, qu'il mettait par-dessus sa chemise blanche, ou son t-shirt noir. Yûgi était un grand fan de divers jeux il en collectionnait par dizaines chez lui et les réussissait tous. C'était un garçon singulier et candide qui aimait profiter de la solitude pour jouer ou pour s'amuser. Il n'était pas imposant du tout, toujours en retrait, et ne donnait jamais son avis systématiquement dans une conversation de groupe. Il était terriblement timide et facile à embarrasser et perturber. Au lycée, il n'avait que 3 amis : Jôno-Uchi, Anzu et Honda, mais c'étaient des amis d'enfance, donc très proches de lui. Il n'a jamais su s'affirmer et ses amis, très protecteurs, le lui reprochaient souvent, tout en continuant à l'encourager. Peut-être à part sa famille et ses jeux, Yûgi n'avait rien de plus précieux que ses amis.

Yûgi n'a pas toujours vécu à Kul Elna. Il est né dans un quartier modeste de Domino, vivant avec sa mère et son grand-père, le tout dans une existence calme et paisible, malgré le manque évident d'argent dont ils étaient victime. Son grand-père, Mutô Sugoroku, tenait la petite boutique de jeux « Turtle Game », mais, après avoir fait faillite et avoir été endetté à vie, il fut expulsé lui et sa famille dans la cité lugubre de Kul Elna, là où finissaient tous les « parasites » de la société. A ce moment, Yûgi avait à peine 5 ans.

Yûgi se réveilla en sursaut. Il se redressa sur son futon, poussant les draps usés en dehors, et se frotta vigoureusement les yeux. Ces derniers papillonnèrent nerveusement, éblouis par la lumière qui filtrait à travers les vieux stores de la fenêtre, avant de s'ouvrir complètement. Le garçon bailla à s'en décrocher la mâchoire et se leva précipitamment, bousculant des cartons vides se trouvant dans la pièce. Il chercha à tâtons quelque chose derrière tout le désordre se trouvant là, avant d'attraper un objet. C'était une horloge murale poussiéreuse à la vitre abîmée et fissurée. En voyant l'heure qu'elle affichait, le jeune homme aux cheveux « porc-épic » poussa un soupir de soulagement.

« Ouf ! il n'est que 7 heures 50. J'ai bien cru que j'étais en retard à l'école ! »

Il s'étira longuement avant de se tenir droit, au milieu de sa chambre, et de la contempler avec minutie. C'était une pièce étroite, fermée par une porte de bois où des fentes se formaient, avec des murs qui s'effritaient et des restes de papier-peint décollés, et des stores qui ne semblaient pas tout neufs pendaient piteusement devant l'embrasure de la fenêtre. Des cartons, de vieux jouets, des papiers froissés et d'autres affaires non-identifiées, formaient un bazar considérable dans la petite pièce. Tout était à présent confiné dans un amas d'attirails. Yûgi retira son pyjama, qui était une chemise et un pantalon large de couleur bleu pastel, pour enfiler sa chemise blanche, et se vêtir de l'uniforme du lycée (une veste et un pantalon bleu marine), ainsi que des chaussures de ville noires, qu'il avait en sa possession depuis un bon bout de temps déjà. Cessant de rêvasser, il se dirigea vers sa porte décrépite, et l'ouvrit.

- Oh, Yûgi ! Tu es enfin réveillé ! claironna la voix sifflante et chevrotante du Grand-Père. Tu devrais te dépêcher, ton amie Anzu ne devrait pas tarder à arriver…

- Oui Grand-Père, se souvint le jeune homme blond, j'avais complétement oublié !

Et il se précipita vers la salle de bain en chantier pour effectuer sa toilette en vitesse.

Lorsqu'il eut fini, il traversa en courant le peu de pièce que contenait sa pauvre maison, jusqu'à atteindre rapidement la porte principale menant directement à la rue. Il s'apprêtait à tourner la poignée tordue lorsque son grand-père l'arrêta en l'interpellant de l'autre côté du minuscule salon en désordre.

- Tu es bien pressé mon garçon ! Tu as oublié de prendre ton bento, le panier-repas fait par ta mère !

- J'ai encore oublié, marmonna Yûgi en sprintant vers le côté opposé.

Il toqua à une barrière en bois qui faisait office de porte. Une voix enrouée l'invita à entrer. Yûgi poussa la barrière, faisant entrer un faisceau de lumière à l'intérieur de la chambre de sa mère, et se déplaça sur la pointe des pieds, comme s'il avait peur de déranger. En effet, sa mère était souffrante depuis plusieurs jours, et la famille Mutô n'avait pas les moyens de se payer des médicaments pour la soigner. La mère était allongée dans un futon au milieu de la misérable pièce, qui était presque vide, cette fois. Le garçon blond à la chevelure originale la contourna pour attraper son bento.

- Merci, Maman, chuchota Yûgi. Je m'en vais. Je vais au lycée, à ce soir !

- Sois prudent, Yûgi, lui dit sa mère en guise de réponse. Le lycée n'a jamais été un endroit sûr comme tu le pensais…

- Je ferai attention, promis le jeune homme en faisant demi-tour, son cartable sur son dos et son bento à l'intérieur.

Yûgi s'arrêta brusquement dans son mouvement. Il eut soudainement l'envie d'en dire plus, mais, au moment où il allait se raviser, les mots lui échappèrent de la bouche.

- Je suis heureux d'aller au lycée ! C'est moi qui ai fait ce choix, d'y aller tous les jours !

Sa mère, étonnée du brusque changement du ton de la voix de son fils, cligna des yeux et lui lança un regard d'incompréhension.

- J'ai toujours voulu y aller de toute façon, poursuivit Yûgi, affichant une expression niaise. Il n'y a pas d'école primaire à Kul Elna, et le lycée était ma seule chance de pouvoir m'instruire, même si les professeurs sont… particuliers. De plus, c'est là que je me suis fait des amis ! Et rien que pour eux, je suis prêt à venir au lycée tous les jours, même si je n'ai pas de bonnes notes et même si l'ambiance là-bas est plutôt… sinistre.

Sa mère ne dit rien. Enfin, elle eut le temps de ne rien dire car la voix du Grand-Père s'élevait déjà dans toute la masure.

- Yûgi ! Anzu est là !

- J'y vais !

Il salua rapidement sa mère toujours allongée sur son matelas, et se précipita vers la sortie, traversant le salon-salle-à-manger-cuisine-et-chambre-de-Grand-Père, pour se ruer à la porte. C'est hors d'haleine qu'il tomba nez-à-nez avec Anzu, sur le perron de sa maison.

Anzu était une jeune fille de 15 ans, les yeux d'un bleu discret, des cheveux chocolat avec une coupe « au carré » dont les longueurs arrivaient juste en dessous de sa nuque, le tout agrémenté d'une frange sobre et en pagaille. Elle portait elle aussi l'uniforme du lycée Kul Elna par-dessus sa chemise blanche une veste rose accompagnée d'un nœud papillon et d'une jupe bleu persan, sans oublier les longues chaussettes noires atteignant le haut de ses genoux. Elle faisait une tête de plus que Yûgi, mais elle n'avait pas l'air d'y faire attention. C'était la plus vieille amie du jeune homme : ils se connaissaient depuis leurs 5 ans, et s'étaient toujours très bien entendus. Anzu habitait à quelques pâtés de maisons plus loin que celle de Yûgi, et c'est en se promenant dans la rue qu'elle le rencontra. Depuis, ils étaient devenus inséparables, et Anzu venait chercher Yûgi tous les jours pour faire le trajet de l'école ensemble. La jeune fille était d'un caractère doux et enjoué à la fois, elle était très protectrice envers Yûgi aussi, et elle adorait la danse.

- Bonjour monsieur Mutô ! s'exclama Anzu à l'intention du grand-père. Salut Yûgi ! ajouta-t-elle à son ami.

- Anzu… souffla Yûgi en lui lançant un regard timide.

- Allez, on y va ou tu préfères être en retard ? fit Anzu avec un clin d'œil.

La jeune fille attrapa le poignet du garçon pour l'entrainer plus loin. Ils marchèrent durant quelques temps dans les rues vides de Kul Elna, profitant du silence paisible, du soleil radieux, et du petit chant des oiseaux. L'ambiance était légère, le seul bruit qui résonnait était celui des pas des deux adolescents marchant côte-à-côte. Tous les matins, c'était la même routine Anzu attendait Yûgi devant chez lui, et ils s'en allaient ensemble au lycée, où devaient les rejoindre Jôno-Uchi et Honda. Alors que Yûgi se libérait de l'emprise de la main d'Anzu pour remettre maladroitement son sac sur le dos, il brisa le silence :

- Dis, Anzu…

- Oui ? répondit l'intéressée.

- Ça ne te dérange pas de venir me chercher tous les jours, et d'attendre devant ma maison qui ressemble à un taudis ?

Anzu sourit gentiment et passa sa main dans les drôles de cheveux du plus petit.

- Pas du tout, Yûgi ! En plus, ta maison est sympathique et confortable, c'est tout ce qui compte !

Yûgi hocha la tête, rassuré. Les deux amis continuèrent de marcher au milieu de la route déserte, et aperçurent enfin la silhouette du lycée Kul Elna. Ils ralentirent le pas, le jeune homme traînant des pieds.

- Dis donc ! Tu n'es pas pressé d'aller au lycée, on dirait ! rit Anzu.

- C'est que… bredouilla Yûgi. C'est aujourd'hui que le prof rend les devoirs corrigés, et je ne suis pas sûr d'avoir une bonne note…

- Je suis sûre que tu t'en est bien sorti ! Après tout, tu avais passé toute la soirée à réviser. Ne t'inquiète pas !

- Hm…

Ils finirent par arriver tranquillement devant le sinistre panneau indiquant « Lycée Kul Elna ». Ils s'arrêtèrent et laissèrent passer quelques élèves titubant au teint maladif. Le bâtiment qui s'élevait devant eux, le lycée, était délabré et amoché. Il n'avait rien d'accueillant et était même plutôt repoussant. Malgré cela, Yûgi et ses amis y venaient cinq jours sur sept, ne manquant presque jamais de cours. Ils bénéficiaient ainsi d'un uniforme (que le lycée fournissait bien qu'il fût très pauvre), et de cours gratuits (s'ils ne se faisaient pas remarquer par des personnes malintentionnées en recherche d'argent).

- Que font ces deux imbéciles, s'impatienta Anzu. Ils devraient déjà être là depuis long…

Elle n'eut pas le temps d'achever sa phrase que Yûgi bondit en avant en poussant un cri et en retombant sur ses fesses. Elle se retourna et vit Jôno-Uchi et Honda surgir de derrière eux en pouffant bruyamment. Jôno-Uchi venait de faire peur au pauvre Yûgi, ce dernier manquant de peu la crise cardiaque.

- Ce n'est pas drôle ! gémit le garçon encore au sol.

- C'est vrai, les garçons, gronda faussement Anzu à l'adresse des deux grands gaillards qui venaient d'arriver. Vous ne pouvez pas grandir dans vos têtes ?

Jôno-Uchi ricana et aida Yûgi à se relever, avant de lui lancer une accolade amicale et de lui tapoter le dos avec force. Jôno-Uchi était très grand et était dans la même classe que lui, en 1ère année. Il portait l'uniforme de l'école seulement les jours où il avait cours (contrairement à Yûgi qui le portait en permanence), toujours avec ses épais cheveux blonds en bataille et ses yeux sombres. Il adorait se battre et taquiner les autres, et était toujours accompagné de son acolyte Honda, un jeune homme de 15 ans lui aussi, costaud et à la carrure impressionnante et qui possédait des cheveux bruns coupés en brosse. Jôno-Uchi et Honda étaient les deux meilleurs amis de Yûgi après Anzu.

- Yo ! fit Honda de sa voix grave.

- Venez, les potes ! s'écria Jôno-Uchi. Qu'est-ce qu'on attend pour entrer au bahut ?

Anzu et Yûgi hochèrent la tête d'approbation et dépassèrent le panneau « Lycée Kul Elna » pour franchir les grandes portes ouvertes qui menaient à l'intérieur du bâtiment. D'un coup, l'ambiance se fit lourde et étouffante. Les couloirs, sales et miteux, étaient plongés dans le noir, l'air menaçant. Il y avait un étudiant au sol, les yeux entrouverts, tenant une bouteille d'alcool vide à la main, et un autre plus loin en train de pleurer silencieusement.

- Je ne sais pas vous, commença Jôno-Uchi, mais j'ai l'impression que ça craint aujourd'hui.

- Pour une fois, je suis d'accord avec toi, frissonna Anzu.

Les 4 amis traversèrent en vitesse le corridor affreusement angoissant, pour rejoindre les escaliers tordus et monter au 2ème étage. Là, ils croisèrent des lycéens qui marchaient en silence, les mains crispées sur leurs sacs. Yûgi sourit nerveusement.

- Nous devrions nous dépêcher ou nous serons en retard pour de bon, conseilla-t-il à ses compagnons avec une petite voix.

Ils ne tardèrent pas à arriver devant la porte de la classe des Premières Années B, comme l'affichait un petit panneau en bois pourrit. Honda fit glisser la porte coulissante, et les 3 autres purent voir avec soulagement qu'ils étaient arrivés à l'heure, et que le professeur n'était pas encore dans la salle. Il y avait une vingtaine d'adolescents présents, et le premier rang était libre. Les 4 amis s'installèrent à des tables toutes à côtés, et patientèrent en discutant à voix basse, jusqu'à l'arrivée du professeur.

Ce dernier ne tarda pas à pénétrer dans la classe.

- Hello les enfants ! fit-il d'une voix mielleuse tout en levant la main d'une façon théâtrale.

Les élèves ne semblèrent pas vraiment remarquer l'entrée de leur professeur. Ce dernier était vêtu d'un ensemble rouge très élégant (à croire qu'il ne venait pas de Kul Elna) et possédait de longs cheveux raides, grisâtres et soyeux à souhait. Il secouait sans cesse sa chevelure – à laquelle il tenait, visiblement –. Tout le monde au lycée savait qu'il était excentrique, avait un égo surdimensionné et quelques manières étranges il glissait parfois des mots anglais dans ses phrases, ou « -Boy » derrière le prénom d'un garçon.

- Bonjour Monsieur Pegasus, balbutia Yûgi avant de rougir en se rendant compte qu'il était le seul à avoir salué son professeur.

- Ah ! Yûgi-Boy ! Je suis content de te voir en pleine forme, s'exclama Pegasus d'une voix guillerette et affreusement hypocrite. Je vois que tu es le seul à te souvenir que j'ai des contrôles à vous rendre aujourd'hui, mais ce n'est pas en te montrant aimable avec moi que cela va rehausser ta note !

- Euh, non, vous vous trompez, je n'ai jamais pensé à...

- Assez parlé, mon petit ! Voilà vos copies que j'ai corrigées avec horreur, claironna joyeusement le professeur Pegasus en ignorant royalement Yûgi.

Les adolescents en 1—B parurent enfin se réveiller et grognèrent en voyant la note inscrite sur les feuilles qui tombaient sous leur nez. Anzu souleva légèrement sa feuille et eut un mince sourire. Yûgi la regarda pensivement. « Elle doit avoir une bonne note… » Il tourna la tête vers ses deux autres amis. Jôno-Uchi venait d'arracher son devoir de la main du prof et se précipita sur le bureau de Honda pour comparer sa note avec la sienne. Yûgi entendit des « Oh non ! C'est pas vrai ! Comment t'as fait pour avoir une note pareille ? T'as triché ! ». Il étouffa un petit rire en les entendant se chamailler gentiment, jusqu'au moment où M. Pegasus arriva à sa hauteur.

- Et voilà pour Yûgi-Boy, gazouilla narquoisement le professeur en effectuant une courbette exagérée et en tendant le papier au jeune homme.

Yûgi le saisit du bout des doigts, presque avec délicatesse. Il ferma puérilement ses paupières, approchant doucement la feuille près de son visage, avant de les ouvrir d'un coup. Il écarquilla ses yeux en contemplant sa note désastreuse.

- 20 sur 100 ! souffla le garçon aux cheveux « porc-épic », les larmes commençant à monter aux yeux.

- Continue comme ça little Yûgi, et le Président entendra parler de toi et de tes mauvaises notes, susurra Pegasus d'une voix venimeuse.

Yûgi se raidit instantanément à la mention du Président Bakura, le cruel Président du conseil des élèves qui appréciait vouer ses activités à la maltraitance des autres étudiants. Il déglutit difficilement lorsque le professeur s'éloigna de lui pour continuer à distribuer les copies. Il tenait toujours la sienne entre ses mains tremblantes lorsqu'il sentit une autre main douce sur son épaule. Il pivota sur sa chaise pour apercevoir le visage familier et compatissant d'Anzu.

- Ce n'est pas grave, Yûgi, tu feras mieux la prochaine fois, c'est certain, affirma-t-elle.

- Mais… Mais, bégaya le garçon. Le Président n'aime pas les cancres, j'en suis un, il va s'en prendre à moi j'en suis sûr, et je vais décevoir une nouvelle fois ma mère et mon grand-père, je ne suis qu'un incapable qui…

Il fut soudainement coupé par la brune aux yeux bleus qui l'étreignit tendrement. Il arrêta de respirer et se décontracta dans les bras d'Anzu. Elle sentait bon, l'odeur des fleurs et du printemps. Il passa doucement ses bras autour des épaules de son amie avant de fermer les yeux, profitant du moment. Mais rapidement, il se tendit et Anzu se redressa. Elle plongea ses yeux bleus dans ceux mauves de Yûgi avant de rire gentiment.

- Tu as le visage tout rouge, Yûgi !

Yûgi rougit encore plus à ces mots et tenta de couvrir ses joues avec ses mains. Il bredouilla des excuses toutes sauf plausibles avant de détourner précipitamment le regard et de baisser la tête sur son pupitre. Cette vision amusa Anzu qui remarqua – encore une fois – à quel point son ami pouvait être timide et réservé.

Le pauvre Yûgi resta coincé toute la matinée sur sa chaise tandis que Jôno-Uchi se livrait à des débats animés avec le professeur rien que pour se faire remarquer, que Honda envoyait des boulettes de papier à Jôno-Uchi et qu'Anzu prenait des notes soigneuses sur son cahier. Le garçon aux yeux mauves observa pensivement la brune. Il regarda son écriture élégante et courbée, agréable à regarder, couchée sur un cahier propre et bien tenu. Puis son regard dériva vers le poignet fin et la main souple qui tenait le stylo avec agilité, pour remonter vers la nuque immaculée légèrement inclinée. Les yeux de Yûgi lorgnèrent alors le visage ovale d'Anzu, avec sa bouche entrouverte trahissant le fait qu'elle faisait des efforts pour se concentrer sur ses notes, son nez aquilin bien au milieu mais pourtant discret, ses grands yeux bleu canard plissés, ses fins sourcils noirs froncés au-dessus de ses yeux et de sa frange chocolat lui retombant sur le front. Yûgi sourit doucement. Anzu était son amie depuis 10 ans, rien n'avait changé entre eux. Pourtant, Yûgi se sentait plutôt bizarre en sa présence. « Je ne suis quand même pas amoureux d'Anzu, non ? » se demandait-il. Il ne le savait pas. Comment pouvait-il aimer une fille quand c'était cette dernière qui le défendait et le soutenait face aux problèmes ? Yûgi eut un peu honte à la pensée qu'il ne pouvait pas protéger Anzu, mais que c'était elle, qui paraissait aussi fragile que de la porcelaine, qui venait à son secours.

La cloche finit par sonner, marquant le 1er intercours de la journée. Les élèves se précipitèrent en dehors de la salle, tandis que Yûgi trainait encore à son pupitre. Il arborait une mine triste, en repensant à la déception qu'auraient son grand-père et sa mère au sujet de sa mauvaise note. Il ne comprenait pas, il avait pourtant passé au moins des heures à réviser. Au final, il n'était bon à rien. Il bouda, sa tête entre ses mains . Anzu, Honda et Jôno-Uchi s'apprêtaient à franchir la porte menant au couloir quand ils le remarquèrent. Le blond fit volte-face et héla le plus petit.

- Hé ! Yûgi ? Tu te dépêches ?

- Hm…

Anzu donna un petit coup de coude dans les côtes de Jôno-Uchi pour le faire taire. Puis elle tira sur la veste de Honda pour former un petit cercle.

- Je crois qu'il a besoin d'être seul, chuchota-t-elle. Laissons-le.

- C'est à cause de sa note, pas vrai ? demanda Honda de sa voix rêche.

- Quoi d'autre sinon ? haussa les épaules Jôno-Uchi.

Ils se séparèrent en souriant nerveusement et en se grattant l'arrière de la tête. Yûgi les regardait depuis tout à l'heure, mais ne disait rien.

- Euh… Rougit Anzu. On se retrouve tout à l'heure, Yûgi.

- Oui, je vais faire un tour moi aussi, fit Yûgi en se levant finalement.

Lorsqu'il passa devant ses 3 amis, alors que ceux-ci s'écartèrent, Anzu lui agrippa le bras et le stoppa dans son élan.

- Yûgi… Commença-t-elle. Sois prudent. On a vu ce matin que l'ambiance au lycée n'était pas très rassurante, donc s'il-te-plaît, fait attention à…

- C'est bon, je sais, riposta Yûgi en se dégageant vivement de la prise d'Anzu, à la grande surprise de Jôno-Uchi et de Honda.

Yûgi s'éloigna dans le couloir du 2ème étage, la tête basse. Il était terriblement vexé qu'Anzu veuille encore une fois le protéger et prendre soin de lui. Ils avaient le même âge, et Yûgi n'était plus un enfant, alors pourquoi voulait-elle continuer à le couver ? Pourquoi le voyait-elle comme un enfant à garder alors qu'il était un jeune homme à 3 ans d'être majeur ? Il continua à marcher, dans le long corridor délabré sans fin, écoutant le son de ses pas contre le sol fissuré et moisi. Pourquoi avait-il des aussi mauvaises notes ? Il n'était pas si bête pourtant… Mais à Kul Elna, il fallait au moins avoir de bons résultats à l'école, pour s'en sortir. Il ne cessa pas d'avancer, les murs détériorés et lépreux défilant de plus en plus vite, et ses chaussures claquant de plus en plus souvent par terre. Il ignora les personnes trainant au sol ou fumant appuyées contre les parois ou s'insultant verbalement entre elles. Mais il dût s'arrêter lorsqu'on l'interpella brusquement.

- Hé, petit !

Yûgi se retourna rapidement pour faire face à un 3ème année les cheveux gras et en bataille, le visage contusionné de bleus, les lèvres gercées, des piercings sur le nez et les sourcils, et des yeux injectés de sang, à la pupille contractée et aux énormes cernes et poches en dessous. On pouvait voir dans son regard toute la folie et le dérangement dont il était victime. Cela se voyait, il avait consommé de la drogue récemment.

- Tu veux de la came, petit ?

Le jeune homme à la chevelure en pic cligna plusieurs fois des yeux avant de se reprendre.

- De… De quoi ? bafouilla-t-il.

- De la came, répéta le 3ème année de sa voix bourrue. Regarde, c'est de la bonne SD.

- Non merci, refusa Yûgi.

- Allez, ne m'dis pas que t'as pas d'problèmes dans ta vie, insista le plus âgé. Prends de la Sweet Dreams, mon gars. Je te jure que tu vas te sentir mieux, après. T'as de la chance je la vends pas trop chère.

- Non, je…

- Regarde ta tête, mec ! T'as l'air coincé, viens que je te donne un échantillon gratos. Tu verras, tu vas plus pouvoir t'en passer ensuite, ajouta le drogué en souriant, dévoilant ses dents noires et pourries et son haleine acide.

Yûgi se détourna de son interlocuteur et s'écarta rapidement. Il s'éloigna à grand pas, presque en courant. Il entendit le 3ème année vociférer des paroles tout seul.

- Hé, morveux ! Attends ! C'est urgent, j'ai besoin de fric ! Ou il va s'en prendre à ma famille !

Yûgi ne l'écoutait déjà plus et continuait à détaler le plus loin possible. Il finit par arriver au bout du couloir, faisant face à d'imposants escaliers de pierre. Il s'appuya contre un mur, une main sur le cœur, essayant de reprendre désespérément son souffle. Puis, ne sachant pas exactement ce qu'il faisait, son pied commença à gravir les marches menant au 3ème étage une à une. Il se tenait à la rambarde usée des escaliers, essoufflé, et ne tarda pas à arriver tout en haut. « Je suis au 3ème étage… Je n'y suis jamais allé auparavant… » se fit-il la remarque.

Le 3ème étage n'était pas très différent du 2ème ou encore du 1er. Il y avait ce même long et sombre couloir, avec ses rangées de portes de différentes salles de classe, et ses ampoules usées qui grésillaient au plafond. Mais il y avait une porte noire, sans vitre, qui paraissait moins vieille que les autres. Yûgi plissa les yeux et essaya d'apercevoir ce qu'il y avait sur cette porte mystérieuse. Une plaque y figurait. Yûgi, toujours de loin, tenta de lire l'inscription qu'il y avait sur la plaque. En se rapprochant légèrement, il y parvint.

- « Bureau… du Pré… Président du… conseil des élèves », déchiffra-t-il finalement.

Yûgi, apeuré, s'apprêtait à rebrousser chemin quand il entendit des éclats de voix à travers la porte. Puis vint des bruits d'objets cassés et des coups sur des meubles. Le Président était apparemment en train de se disputer avec quelqu'un. Yûgi pivota sur lui-même et remarqua une chose le couloir du 3ème étage était, malgré la pause, complétement désert. Seul lui-même s'y trouvait. Il sursauta exagérément lorsque la porte noire du bureau du Président s'ouvrit avec fracas. Le Président sortit en trombe de la pièce, sa main crispée sur un téléphone, et un homme baraqué le suivit de près. Yûgi écarquilla les yeux et se figea.

Le Président Bakura possédait de longs cheveux gris aux quelques mèches hérissées, les pointes arrivant à ses épaules. Ses paupières contractées renfermaient des iris sombres, et le tout était entouré de cernes, rendant son regard acéré et tranchant. Il était âgé de presque 18 ans, mais il faisait plus jeune, avec son corps mince. Il avait l'air furieux. Sa démarche était nerveuse et saccadée. Il s'éloigna à grand pas dans le couloir, vers la direction opposée de celle où Yûgi était. Le Président serrait les dents, marmonnant des injures, et son visage se tordait dans un rictus effrayant. Tandis qu'il s'éloignait, le grand homme costaud essayait de le suivre avec de petites foulées. Il semblait tenter d'apaiser le Président mais Bakura l'ignora totalement, continuant sa marche enragée.

- Président ! Attendez, nous pouvons encore arranger la situation, pleurnicha l'homme trapu. Sa mâchoire était carrée, ses sourcils étaient noirs et fort épais, et une chevelure grasse surplombait son visage désagréable.

- Tsss, siffla Bakura, sans prendre la peine de se retourner. Trop tard, ces imbéciles ont déjà merdé. Casse-toi maintenant, Ushio. J'en ai marre que tu traînes dans mes pattes. Y'a déjà trop d'ennuis en ce moment, j'ai besoin de fric.

- Mais… bredouilla le dénommé Ushio. Je… Je m'excuse ! Je vais arranger cela, vous pouvez en être sûr !

- Et comment ? Vu que t'es un incapable ? cracha le Président.

- Je m'en charge, Monsieur le Président ! J'ai déjà commencé à m'occuper de certains élèves ce matin et…

- … Pff… Pathétique.

Yûgi n'eut pas le loisir d'écouter un peu plus leur conversation pour le moins étrange car Bakura et Ushio s'enfonçaient déjà au fond du couloir du 3ème étage. Le jeune homme remarqua qu'il était tendu et que tous ses muscles étaient contractés. Il relâcha la pression, en poussant un véritable soupir de soulagement. Il avait eu chaud ! Il ne souhaitait pas que le Président le remarque, surtout lorsqu'il était dans un tel état de fureur. Qui sait ce que Bakura aurait pu faire ! Il a toujours été d'une nature violente, tous les élèves du lycée Kul Elna le savaient.

Yûgi fit demi-tour et s'avança vers les vieux escaliers de pierre du 3ème étage. Ses pas résonnait bruyamment alors qu'il essayait de se faire le plus léger possible. Il commença à descendre les marches lorsqu'il remarqua une chose. En haut des escaliers se trouvait une colossale porte à battants qui menait au toit du lycée. Elle semblait être en acier blindé, efficace contre les tirs de diverses armes à feu. Le jeune homme aux yeux améthyste se demanda pourquoi. En observant mieux, il constata que la grande porte était entrouverte. Il s'arrêta au milieu des marches, se demandant intérieurement s'il devait aller jeter un œil sur le toit. Il n'y était jamais allé auparavant. Il changea finalement d'avis, se résignant à céder à sa curiosité, et continua à descendre les escaliers. Quand soudain, des gémissements étouffés parvinrent à ses oreilles. Il s'arrêta net, son pied en suspens. Il resta dans cette position peu agréable durant quelques secondes avant que les plaintes ne reprennent, plus fortes cette fois-ci. Yûgi hésita.

- Il… Il y a quelqu'un ? demanda-t-il, tremblant.

- Ai… Ai… Aidez-moi, geignit une voix sifflante.

- Euh… Je ne vous entends pas très bien…

- Aidez-moi, répéta la voix.

Yûgi frémit et des frissons lui parcourent le dos. Il sentait des gouttes de transpiration lui couler sur le front et dans le dos. Que devait-il faire ? Il sentit la peur et le doute l'envahir. Il se retourna encore une fois, et remonta les marches. Il marqua un arrêt, arrivé en haut, mais se décida finalement. Il s'avança d'un pas ferme vers la porte blindée, et saisit la poignée entre ses doigts, et la tira vers lui. La porte s'ouvrit, et un courant d'air puissant fit barrage à Yûgi. Cela le décoiffa un peu, et le jeune homme dut se couvrir le visage d'une main, tandis que l'autre remettait son imposante chevelure en place.

Une échelle en fer se dressait devant lui. Yûgi en attrapa les barreaux et commença à grimper, gesticulant nerveusement à cause de son cartable sur le dos. « Pourquoi j'ai pris mon sac ? grogna intérieurement le garçon. Il me gêne, maintenant ! » Après avoir monté l'échelle, il atterrit sur du gravier. Il se frotta les mains sur son pantalon bleu marine et s'épousseta. Il se redressa la tête. Il était sur le toit de l'école une grande plateforme spacieuse, entourée de miséreuses barrières rouillés et abîmées par le temps. Une forme gisait au sol. Yûgi hésita et la détailla du regard. C'était un garçon, probablement de son âge c'est-à-dire 15 ans, petit en taille, roulé en boule, portant l'uniforme du lycée, et gémissant de douleur.

- Euh… Ça va ? fit maladroitement Yûgi.

Il ne reçut pour réponse que des geignements plaintifs. Le jeune homme à la coupe de cheveux « porc-épic » s'approcha prudemment du corps immobile et observa sa tête. Le garçon par terre avait des joues rondes et écorchées, une petite bouche rendue violette par des bleus surement, de ronds yeux noirs au bord des larmes, un grand front et des cheveux blond doré séparés en une raie au milieu. Des lunettes rondes se trouvaient à côté de lui, les verres cassés. Yûgi le reconnut c'était Hanasaki, un élève de sa classe. Il n'était pas présent en cours ce matin, quand on y pensait.

- Aidez-moi, répéta encore une fois Hanasaki.

- Tu… Tu es Hanasaki, n'est-ce pas ? demanda Yûgi, mal à l'aise. Je… Moi c'est Yûgi. On est dans la même classe, tu dois me connaître… Je suppose ?

En ouvrant grand les yeux et en reconnaissant Yûgi, Hanasaki se sentit tout de suite rassuré. Il se racla la gorge, toussa et parla d'une voix plus forte et plus assurée.

- Oui, je te connais. Tu es le petit avec la coupe de cheveux bizarre qui traîne tout le temps avec ces voyous de Jôno-Uchi et Honda.

Yûgi rougit furieusement.

- Euh… Attends, je vais plutôt t'aider à te redresser, proposa précipitamment Yûgi pour changer de sujet.

- Aïe ! Ça fait mal…

Yûgi passa sa main derrière la tête de son camarade pour le mettre en position assise. Le visage de Hanasaki se tordit en une expression de douleur. Il se massa furtivement la nuque et les épaules.

- Tu peux te lever ? demanda Yûgi en tendant sa main à l'autre garçon.

- Oui, mais j'ai un peu mal à la jambe aussi, grinça le petit blond en ramassant au passage ses lunettes rondes.

Hanasaki saisit la main de Yûgi et y prit appui pour se relever. Une fois debout, il vacilla légèrement mais ne tomba pas. Il défroissa son uniforme du plat de la main et examina ses pauvres lunettes aux vitres brisées.

- Merde, marmonna-t-il entre ses dents.

- Les lunettes sont rares à Kul Elna, observa Yûgi. Elles sont chères, et comme il n'y a pas d'ophtalmologues, on n'en trouve pas qui sont adaptées à notre vue… Comment tu as pu te procurer cette paire ?

- Mon père. Elles appartenaient à mon père. Et ces salauds les ont cassées.

- Ah… Désolé.

- Pas la peine de t'excuser, dit Hanasaki en se massant le bras.

Yûgi observa Hanasaki d'une façon peu discrète. Il regarda les bleus qu'il avait au visage et sur les bras. Puis, son regard se déplaça vers la jambe de son camarade de classe. Elle était légèrement relevée, comme si le simple fait de la poser par terre faisait mal. Yûgi fronça les sourcils, inquiet.

- En fait… Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Pourquoi tu es sur le toit, dans un sale état ?

- Un groupe de mecs, cracha Hanasaki, plein de haine dans son regard.

- Qui ? s'enquit Yûgi, peu rassuré.

- C'était plusieurs 3èmes années. Il y avait un certain… Nagumo. Ils cherchaient de l'argent comme si leur vie en dépendait. Et le pire c'est…

Il s'arrêta soudainement de parler. Yûgi allait ouvrir la bouche quand il remarqua l'expression terrifiée du visage de Hanasaki. Ce dernier était muet et incapable de bouger le moindre muscle. Il était figé, figé de terreur. Ses yeux noirs étaient écarquillés au maximum, et tous ses membres commencèrent à trembler brutalement, sa mâchoire claquant bruyamment. Le jeune homme aux yeux améthyste ne comprit qu'au moment où il entendit des pas sur le gravier, près de l'échelle et de la porte blindée. Il se retourna et fit face à un groupe de 3ème année à l'air menaçant. Pourtant, tous affichaient un sourire bête sur leurs visages.

- Mais regardez-moi ça, ricana un voyou. Encore celui-là. Oh ! il y en a un autre avec lui, si c'est pas notre jour de chance aujourd'hui, hein, Nagumo ?

Le prétendu Nagumo était un jeune homme plutôt musclé pas très loin des 18 ans. Son visage anguleux était couvert de cicatrices. Il avait un nez rappelant la truffe d'un porcelet, de grands et fins sourcils froncés à l'extrême et une chevelure de la même couleur que le curry lui retombait sur les épaules. Lui aussi souriait d'une façon atroce, écartant les lèvres au maximum pour laisser apercevoir des dents pointues. Il portait un large débardeur violet par-dessus le pantalon de l'uniforme du lycée. Son poing était déjà serré et les jointures de sa main blanchissaient sous la pression. Il paraissait trépigner d'impatience à l'idée de l'imminence du combat.

- Comme on se revoit, sourit-il à Hanasaki. T'es encore là ? T'en veux encore, peut-être ?

- Non, non pitié ! implora Hanasaki. Je vous ai tout donné ce matin ! Laissez-moi partir, je vous en supplie !

- Puisque c'est si bien demandé…

Nagumo empoigna ses cheveux et l'envoya valser vers l'échelle en fer. Hanasaki s'écrasa piteusement, face contre le sol, créant un sillon dans le gravier. Malgré cela, il se releva rapidement, du sang sur le visage, et, tout en boitant, il descendit l'échelle et s'enfuit le plus vite possible dans les escaliers. A la vue de ce pitoyable spectacle, la bande de Nagumo s'esclaffa sans retenue. Yûgi, lui, tremblait de la tête aux pieds. Pourquoi Hanasaki l'avait laissé tout seul ? Il sentait des gouttes de sueur couler dans son dos, le faisant frissonner. Qu'est-ce qu'ils allaient lui faire ?

- Ton pote est marrant, commença Nagumo en s'adressant à Yûgi avec son sourire cruel. On vient lui régler son compte tôt le matin, et à la pause il a toujours pas bougé son cul du toit.

Yûgi n'ajouta rien, la terreur lui nouant la gorge, lui oppressant les poumons et lui clouant les pieds.

- Bah alors, petit ? T'as perdu ta langue ?

Nagumo jeta un œil à la coupe de cheveux du jeune homme qui avait les cheveux noirs, avec les extrémités bordeaux et des mèches blondes, et des épis partout.

- Hé ! Mec, tu t'es vu ? C'est quoi ces putains de cheveux ? Wow, ça rigole pas, avec toi. Si t'as des mèches hérissées comme ça, c'est pour compenser ta petite taille ?

Ses compagnons ricanèrent, rappelant le bruit que faisaient les hyènes. Nagumo ne se décidait toujours pas à enlever le sourire répugnant qui ourlait ses lèvres. Yûgi, lui, ne faisait plus un geste, espérant seulement disparaître ou s'enfuir. Il serra inconsciemment les bretelles de son sac entre ses doigts. Les 3ème année surplombaient le garçon aux yeux améthyste de toute leur hauteur et semblaient en prendre grand plaisir.

- Alors on a un deal à passer avec toi, poursuivit Nagumo en prenant une voix mielleuse. Ton argent et on te laisse tranquille. C'est une affaire raisonnable, non ?

Yûgi essaya de parler mais aucun son ne sortit. Ses membres continuaient à trembler sans qu'il ne puisse les arrêter. Il se racla la gorge, toussa, et, finalement, ouvrit la bouche et débita une phrase en faisant dérayer sa voix :

- D… Désolé ! Je n'ai p… pas d'argent…

- Comment ça, t'as pas d'argent ? fit Nagumo en feignant d'être déçu. Tu n'en n'aurais même pas un tout petit peu pour le Président Bakura ? Après tout, c'est pour lui qu'on fait ça. C'est lui qui nous a chargé de ramener du fric. Alors ? Tu n'en as toujours pas ?

Yûgi, terrifié à la mention de Bakura, se figea et se tendit encore plus que tout à l'heure, si c'était possible. Il eut cependant la force de secouer sa tête de gauche à droite pour informer le 3ème année de sa réponse négative. Nagumo soupira avant de se tourner vers ses camarades et de faire semblant qu'il regrettait ce qui allait arriver.

- Dommage, vraiment dommage, se désola Nagumo en faisant la moue. T'avais une bonne tête, gamin. J'étais pourtant sûr qu'on allait bien s'entendre.

Il regarda ses camarades et les invita à s'approcher d'un signe de tête. Ils arrivèrent à son niveau, se réjouissant et s'échauffa les poignets en même temps.

- Je n'ai pas pour habitude de me battre contre des plus faibles, surtout à plusieurs contre un, mentit innocemment Nagumo en jetant un coup d'œil à ses ongles. Mais les circonstances d'aujourd'hui m'y obligent. Je vais devoir tout te prendre par la force. Tu m'excuseras, hein ?

Yûgi n'eut même pas le temps de réagir que le poing de Nagumo s'abattit avec force contre sa mâchoire. Il eut l'impression que cette dernière s'était décrochée face à la puissance du coup, tandis que des filets de sang s'échappaient de ses narines, et qu'un liquide chaud et affreusement salé emplissait sa bouche. La douleur traversa en un éclair le bas de son visage avant de remonter vers les yeux. Le regard de Yûgi se voila, il se sentit perdre l'équilibre, le paysage tournoyait autour de lui en faisant un bruit infernal. Un sifflement strident prit ses oreilles et le jeune homme pouvait sentir son cerveau pulser sous sa boîte crânienne, encore sous le choc du coup de poing. Une douleur fulgurante assaillit sa tête entière, et après même pas deux secondes de lutte, Yûgi s'effondra au sol.

- Lamentable… Je n'ai même pas eu le temps de me battre convenablement, renifla Nagumo en essuyant sur sa veste les quelques gouttes de sang qu'il avait sur ses doigts. Fouillez son sac.

Les autres 3ème année, restés passifs durant le court échange entre Nagumo et Yûgi, s'avancèrent et s'emparèrent du cartable de Yûgi. Ce dernier était encore conscient mais restait par terre, incapable de bouger. Les 3ème année vidèrent le sac au sol. Des feuilles s'échappèrent et volèrent tout autour. Les stylos rebondissaient et roulaient. Et le bento tomba simplement.

- Chouette, sourit Nagumo. Un bento !

Il s'adressa de nouveau à ses camarades :

- Visiblement, ce gamin n'a rien dans son sac à part des cours et son repas. Pas même un billet d'argent. Quelle déception !

Il marqua une pause, son sourire s'élargissant.

- Mais son bento a l'air délicieux. Hey, le porc-épic, tu veux bien nous le filer ? Ça sera notre prix de consolation. Bien entendu, je ne m'attends pas à ce que tu me répondes, c'est pour ça que je vais faire comme chez moi et me servir tout seul.

Il attrapa le bento au moment où il prononçait ces mots. Les 3ème année ricanèrent une nouvelle fois et s'éloignèrent en direction de l'échelle de fer, leurs pieds trainant dans le gravier. Nagumo s'attarda près de Yûgi, alors que ce dernier remuait en poussant des plaintes inintelligibles. Il s'accroupit.

- T'as de la chance de n'avoir pas plus de dégâts que ça, susurra Nagumo à l'oreille du plus petit. Mais sache que j'attends toujours mon argent. Si je te revoie dans les couloirs, je n'hésiterais pas à te régler ton compte. Et n'espère pas t'en sortir avec un seul coup dans la tronche. Je ferai bien pire.

Nagumo se releva et s'épousseta. Il jeta un regard vers l'échelle et la porte blindée qui menait dans les escaliers du 3ème étage. Il soupira lorsqu'il vit que ses camarades étaient déjà dans la cage d'escalier et n'attendaient plus que lui. Nagumo tapota les cheveux décoiffés de Yûgi dans un geste purement hypocrite.

- Il est temps pour moi de tirer ma révérence, déclara-t-il tout simplement. Surtout, ne t'approche pas trop des barrières, sur le toit. Tu risquerais de tomber et de te faire mal, ajouta-t-il avec son éternel sourire venimeux.

Il prit une marche rapide et descendit l'échelle en sautant directement. Il s'engouffra dans le couloir. La porte blindée se referma dans un bruit assourdissant. Yûgi sursauta. Il était à présent seul, sur le toit. Par terre. Comme un animal. Il se redressa en position assise, la tête encore sonnée par le puissant coup de poing de Nagumo. Sa mâchoire était toute endolorie. Au moins il la sentait, même s'il ne pouvait pas la bouger. Son nez avait arrêté de saigner mais il restait du sang séché tout autour de sa bouche. Il essaya d'ailleurs de l'ouvrir. Aucune dent n'était tombée pourtant ses gencives saignaient abondamment. Il cracha le sang à côté de lui, se dégoûtant de lui-même, puis il entreprit de s'essuyer le visage avec la manche de son uniforme.

Il venait de subir une terrible humiliation. Pourtant, Yûgi avait l'habitude d'être honteux ou gêné très facilement. Mais c'était la première fois qu'il se faisait lyncher par d'autres types, alors qu'il ne voulait qu'aider son camarade de classe, au début. Il avait été si ridicule et si inutile. Yûgi sentit ses yeux se remplir de larmes et sa vision s'embua. Où étaient donc ses amis dans ce genre de moment ? Où étaient Anzu, Jôno-Uchi et Honda ? Il avait tant besoin d'eux ! D'autre part, à la pensée d'Anzu, sa meilleure amie, le jeune homme sentit son cœur se serrer. Encore une fois, il n'avait pas été à la hauteur. Il n'avait pas su se défendre tout seul. Que devait penser Anzu de lui ? Elle se moquerait peut-être, ou prendrait pitié. Dans tous les cas, Yûgi n'avait pas de quoi être fier. Il voulait devenir un homme, un vrai. Pouvoir défendre les filles, tout en évitant que ce ne soit les filles qui le défendent lui. Il souffla, en sentant des larmes dévaler ses joues légèrement rebondies. Il ne faisait que de décevoir les personnes les plus proches de lui…

Yûgi ne sût combien de temps il resta là, assis à-même le sol, laissant ses larmes couler. Mais il fut pris de frissons glacés lorsque le vent se leva et le frappa de plein fouet, d'autant plus qu'il se trouvait sur le toit d'un lycée à 3 étages. Il ne pouvait pas claquer des dents : sa mâchoire le faisait encore souffrir, mais il trembla tout en se recroquevillant. Il grelottait : il ne portait qu'un t-shirt avec la veste bleue et le pantalon de l'uniforme. Il ne trouvait pas le courage de se lever et de rejoindre ses amis en classe. Cela devait faire au moins une heure que la pause de quinze minutes était terminée. Mais il n'avait plus la force de ne rien faire.

De gros nuages noirs ne tardèrent pas à arriver, précédés de peu par les coups de vent. De grosse gouttes glacées commencèrent alors à tomber. Elles se mêlèrent aux larmes salées de Yûgi, qui pleurait silencieusement, roulé en boule. Le soleil était complétement voilé par les nuages obscurs et un orage menaçait d'éclater. Mais le garçon aux yeux améthyste s'en fichait. Il priait simplement que quelqu'un vienne le chercher, n'importe qui. Sauf peut-être les personnes malintentionnées, cela allait de soi. La pluie s'abattit, puissante et froide comme l'hiver. Yûgi se mit à trembler sérieusement et se décida finalement à commencer à se déplacer pour se réfugier. Il rampa tout d'abord au sol, s'écorchant les mains avec le gravier, puis il se releva en prenant appui sur une barrière. Ses cheveux tombaient dans sa nuque, alourdis et mouillés par l'eau. Il éternua en se demandant si l'on pouvait mourir à cause de la pluie. Mais il n'eut pas le temps de chercher la réponse car ses pensées furent arrêtées net lorsque la porte blindée s'ouvrit dans un grincement. Une voix l'appelait.

- Viens, espèce d'idiot, viens !

Yûgi, interloqué, ne fit plus un geste. Jusqu'à ce que la voix insiste, énervée.

- Alors, tu viens ou quoi ?

Alors le garçon à la coupe porc-épic remit son sac sur le dos, descendit prudemment l'échelle rendue glissante par la pluie et, arrivé en bas, poussa la porte blindée avec hésitation. Elle s'ouvrit sur la cage d'escalier du 3ème étage, cela n'avait pas changé. Mais derrière elle, se trouvait une silhouette féminine. En la détaillant, Yûgi resta interdit.

Devant lui se trouvait une jeune fille à peine plus grand que lui, à la peau bronzée, aux beaux yeux vert émeraude, aux longs cheveux châtain foncé et au sourire candide et enfantin. Elle avait l'air enjouée et ravie que Yûgi fût enfin venu. Le jeune homme ne l'avait jamais vue au lycée, à moins qu'elle ne fût très discrète.

- J'ai bien cru que tu ne viendrais jamais ! s'exclama-t-elle, l'air soulagé. Tu vas bien ?

- Euh… commença Yûgi, mal à l'aise.

- J'ai vu ce groupe de 3ème année rentrer du toit. Alors je me suis dit qu'ils avaient dû encore embêter quelqu'un.

« Embêter » était un euphémisme dans le cas de Yûgi. Le garçon grimaça.

- J'ai attendu longtemps près de la porte. Je ne suis pas allée en cours à cause de ça, reprit la jeune fille bronzée. Je voulais m'assurer que leur victime allait bien. Mais tu n'es jamais rentré. Dès qu'il a commencé à pleuvoir, je t'ai appelé. Tu t'y plaisais tant que ça, sur le toit du lycée ?

- Euh… Non, ce n'est pas ça, c'est…

- …Compliqué ? acheva-t-elle. Bon, l'important est que tu ailles bien. Montre-moi tes blessures.

Yûgi s'approcha d'elle et inclina sa tête.

- Je… J'ai reçu un coup à la mâchoire.

- A la mâchoire ? répéta la jeune fille en prenant le visage de Yûgi entre ses mains et en l'examinant de plus près. Ça ne m'a pas l'air sérieux. Viens, on va arranger ça.

Elle ne laissa pas Yûgi donner son avis et, lui prenant le poignet, l'entraina dans le couloir du 3ème étage. Ils passèrent devant le bureau du Président du Conseil des élèves, devant plusieurs salles de classe de 3ème année essentiellement, puis, ils arrivèrent vers le fond du couloir. Il y avait des salles de club, la plupart étaient verrouillées et condamnées. La jeune fille bronzée s'arrêta devant une salle et lâcha Yûgi pour sortir des clés de la poche de sa veste. Yûgi en profita pour se plier en deux, les mains sur ses genoux, son dos courbé, afin de reprendre son souffle. Lorsqu'il se redressa, il vit la jeune fille en train d'ouvrir une porte moins usée que les autres. Un panneau était accroché en haut. Et à ce moment précis, Yûgi sut que quelque chose allait changer dans sa vie. Quelque chose qui se trouvait derrière cette porte ordinaire. Que rien ne serait plus comme avant, après avoir franchi son seuil. Qu'une nouvelle vie l'attendrait. C'est du bout des lèvres que Yûgi lut ce qu'il avait d'écrit sur l'écriteau accroché :

« Club de révision : le Savoir est l'arme la plus tranchante si la plus aiguisée »


A suivre...


Merci à tous d'avoir lu ce chapitre ! L'aventure est loin d'être terminée, tenez-vous au courant pour les prochains chapitres à venir ! N'hésitez pas à laisser une rewiew, ça peut être une critique positive ou négative, votre avis, ou des conseils pour m'améliorer. Vous pouvez même me suggérer des répliques ou des actions à placer. Je suis ouverte à tout. Merci encore pour tout, on se revoit pour le chapitre 2 !

Camecriva