Une fiction que je viens de retrouver sur mon ordinateur, c'est un AU donc pas de problème de timing avec la série. Je me souviens avoir adoré l'écrire et en la relisant elle me plaît toujours autant (ce qui n'est pas forcément le cas pour tout ce que j'écris!), du coup j'ai eu envie de la partager à nouveau. Bonne lecture!
Elle marche la tête baissée. Ses longs cheveux cachent son visage, comme toujours. Il se demande quelle est la couleur de ses yeux.
Elle marche lentement. Non, pas vraiment en fait, elle marche au même rythme que les autres. Presque. Elle a comme un temps de retard, comme un infime décalage. Comme si elle ne faisait pas vraiment du mouvement. Comme si elle ne savait pas, ou plus, et qu'elle suivait au fur et à mesure, simplement. Un pied, puis l'autre. Traverser le parvis de la fac. Monter une marche, puis l'autre.
Il est assis sur l'escalier, comme tous les matins depuis un mois, depuis la rentrée. Il aime la regarder arriver. Il l'a remarquée dès le premier jour. Elle l'intrigue. Elle le fascine. Elle passe devant lui sans le remarquer, comme toujours. Quelle est la couleur de ses yeux ? Elle pousse la porte d'entrée et s'éloigne. Silencieuse. Comme toujours.
Une feuille morte vient se poser à ses pieds. Il soupire et la ramasse. Fait rouler la tige entre ses doigts. L'automne est déjà bien avancé.
Demain, se promet-il. Demain.
…
Il inspire profondément.
Aujourd'hui.
Il la voit arriver au loin. Elle marche avec un groupe d'étudiants, mais elle pourrait aussi bien être seule. Elle ne leur parle pas. Ne les regarde pas. Ça le console un peu.
Elle approche des marches, ses livres serrés contre elle. Jamais de sac, mais toujours des livres ou des cahiers dans les bras. Elle les tient contre sa poitrine. Fort. Comme un bouclier.
Elle porte un jeans, des bottes à talons, un manteau. Elle ressemble à toutes les autres. Pas tout à fait pourtant. Son manteau est boutonné jusqu'au cou. Consciencieusement. Son écharpe est parfaitement nouée. Les deux pans ont la même longueur, exactement.
Elle monte une marche, puis l'autre. Il se lève brusquement. Elle trébuche, lâche les livres, se rétablit aussitôt. Il se précipite pour ramasser les ouvrages éparpillés. Il se relève, il les lui tend. Il lève les yeux vers son visage.
Il sent son cœur frapper dans sa poitrine avec force. Son corps est chargé d'une telle électricité qu'il sent ses doigts fourmiller. Enfin il va savoir. Il a l'impression que son cœur va s'échapper de sa poitrine et s'envoler.
Mais c'est l'inverse qui se produit : il tombe. Aspiré dans un no man's land. Dans un abysse sans fond. Dans un désert sans vie.
Tout ce qu'il voit, c'est la douleur, immense. Tout ce qu'il ressent, c'est le vide, infini.
Elle baisse les yeux. Elle prend les livres. Rapidement, sans toucher ses mains. Elle ne dit rien. Elle pousse la porte et elle s'efface. Silencieuse. Comme toujours.
Il regarde longtemps l'endroit où elle a disparu. Pétrifié, perdu. Choqué. Son thorax se soulève soudain, se remplit d'air. Il se rend à peine compte qu'il avait cessé de respiré. Son cœur est aussi lourd qu'une pierre.
Il n'a pas vu la couleur de ses yeux.
