Ni les personnages d' "Esprits criminels", ni ceux de "Sherlock" ne m'appartiennent. Les premiers appartiennent à Jeff Davis, les seconds à leur créateur, Sir Conan Doyle et puis à Marc Gatiss et Steven Moffat qui en ont fait l'adaptation.
La fanfiction n'est qu'un partage entre auteurs et lecteurs. Je n'en tire nul bénéfice.
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Texte écrit dans le cadre du Challenge mensuel du Collectif NONAME: rassemblement d'auteurs qui encourage l'échange et la solidarité entre auteurs et lecteurs. N'hésitez pas à participer à leurs défis et à laisser une petite trace de votre passage.
Thème du défi de juillet : univers alternatif
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"La vie s'arrête lorsque la peur de l'inconnu est plus forte que l'élan."
(Hafid Aggoune)
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Chapitre 1. Découverte
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Sherlock délaisse son éprouvette afin de répondre au bip-bip persistant de son téléphone portable. C'est le troisième message en une demi heure. Ils consistent en peu de mots à vrai dire, le premier dit « Besoin de toi immédiatement », le second : « Enquête en cours. Où es-tu ? » et enfin l'ultime, trahissant l'agacement croissant de Greg, n'en contient plus qu'un seul en majuscules : « URGENT ». Il esquisse un bref sourire. Il espère ces coups de fil depuis trois jours. Le bureau londonien d'Interpol vient une fois de plus de changer de dirigeant et, avec les meurtres en série commis sur des ressortissants américains ces dernières semaines, il était évident que le superviseur allait faire du zèle. Que Greg serait mis au pied du mur et n'aurait qu'une solution : l'appeler. Il avait toutefois estimé son attente à plus de cinq jours. Manifestement, le nouveau boss est un rapide.
C'est parfait, il s'ennuie seul au 221B, Baker Street. Bien que John ne soit plus là, il a renoncé définitivement à son amie blanche et même aux patchs de nicotine. Cette investigation tombe à pic et lui rappelle que la vie a du bon. Il ne perd pas de temps. Repoussant son expérience aux calendes grecques, il empoigne une veste légère et dévale les escaliers.
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Installé dans le fauteuil en face du lieutenant Lestrade, le grand Américain patiente. Arrivé lundi, il se remet à peine du décalage horaire. Il adresse une œillade complice au sergent Sally Donovan qui dépose devant lui une tasse de café. En passant une main dans ses cheveux d'un geste qu'elle veut sensuel, elle sourit avant de sortir rapidement. Dans le couloir, il la voit intercepter son patron qui revient avec les dossiers qu'il lui a demandés et profite de l'occasion pour envoyer un unième SMS à son détective génie qui se fait désirer. Oui. Ils en ont un aussi. Certainement, un quelconque binoclard coincé, bourré de diplômes divers et d'idées préconçues. Il n'y a qu'un seul et unique Pretty Boy. Il pense à son ami, à Garcia, aux autres, toute l'équipe qu'il a laissée derrière lui. Il n'a pas choisi de prendre ce poste, regrette de les abandonner mais ce n'était plus pareil. Depuis le départ de Prentiss, la mort de Gideon et celle toute récente de Rossi, il n'avait plus le même feu. Peut-être que cette promotion est une bonne chose après tout. Dans sa précipitation, elle a mal fermé la porte et il entend l'échange entre le chef du service et sa subordonnée.
— Vous téléphonez encore au taré, reproche la métisse.
— Suffit, Sally ! Arrêtez donc de tourner en rond et nous n'en aurons pas besoin, s'exclame son supérieur d'un ton agacé. Cela vous étoufferait de reconnaître que c'est lui, à chaque fois, qui nous sort des mauvais pas ?
— Depuis que John n'est plus avec lui, il est pire qu'auparavant, persiste la femme. Si c'est possible.
— Il se montre imbuvable, c'est vrai. Il a ses raisons, vous le provoquez perpétuellement.
Lestrade la plante là. Manifestement nerveux, il lui donne l'épaisse farde sans un mot. Il n'est pas le bienvenu. Il sait par Emily qui l'a briéfé avant sa visite que Scotland Yard piétine lamentablement en cette enquête. Il ignore pourquoi leur génie de la déduction ne travaille pas avec eux à temps plein. Il n'est qu'un consultant extérieur et n'est sollicité par Scotland Yard qu'en cas d'extrême nécessité. Six ressortissants américains assassinés n'en constituaient pas une jusqu'à présent.
C'est à l'expression soulagée de son vis-à-vis qu'il comprend que le détective est enfin là. La porte vitrée est poussée de façon énergique. Il n'a pas frappé. Ils se dévisagent. Son métier lui a appris à ne pas imaginer les gens. À ne se fier qu'à ses yeux. À ses observations. Pourtant, il est surpris. Il est plus jeune qu'il ne l'avait cru. Il a un air dédaigneux qu'il voudrait impénétrable en un beau visage froid. Holmes debout, lui assis, l'Anglais en profite afin de le toiser. Pas de ça avec moi, mon coco, pense-t-il. Au fond des iris gris, il lit la fragilité des génies incompris. Reid a eu ce même regard tourmenté pendant longtemps. Il avait vingt trois ans lorsqu'il a atterri au département des sciences du comportement du FBI à Quantico. Peu à peu, il a perdu son air apeuré, a pris confiance. L'équipe est sa famille. Celui-ci doit avoir presque son âge, il a eu le temps de se forger une solide carapace. Devenir un solitaire qui ne veut ni lien, ni ami. S'il faut en croire l'officier Donovan, il y a parfaitement réussi.
— Derek Morgan
Il se lève et lui tend la main. L'autre hésite puis la prend fermement.
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Sherlock envisage l'afro-américain dressé devant lui. Il s'attendait à un fonctionnaire près de la retraite, bedonnant, soufflant comme un phoque asthmatique et souffrant de sciatique. On en est loin. Homme de terrain, sans l'ombre d'un doute. Il y a en son regard incisif qui le scrute avec beaucoup d'acuité une grande intelligence. De la beauté. C'est un beau mâle également. Oui.
— Ancien profileur, assène-t-il. Homme de terrain. Sport de combat. Sans attache sentimentale. Un désir de plaire jamais assouvi. Vous avez un chien. Arrivé depuis moins de quarante huit heures, vous subissez encore le contrecoup du décalage horaire. Vous êtes ouvert, vous privilégiez les relations humaines et croyez à la famille et à l'amitié. Vous avez quitté Quantico parce que...
— Cela suffit, le coupe-t-il brièvement. Je ne suis pas là pour ça. Vous avez raison, reconnaît-t-il afin de ne pas se l'aliéner. C'est brillant.
Le consultant lui adresse un coup d'œil stupéfait. Une brève étincelle d'intérêt s'allume en ses prunelles. Il pince les lèvres avant de reprendre une attitude des plus distantes. Il l'a atteint. En quoi ?
— Où en êtes vous ? lance-t-il à Lestrade.
— Nulle part, avoue ce dernier. Sept cadavres et pas le commencement d'une piste.
— Sept ! s'exclame Morgan qui feuillette le dossier. Il n'y a là que six victimes mentionnées.
— Lorsque Murray Evanner a été assassiné il y a trois nuits, il n'était pas seul. Il s'offrait du bon temps avec une compagne disons éphémère. Son épouse est député du Connecticut. Nous avons préféré être discrets.
Discrétion ? Voilà qui ressemble peu à Lestrade. Dans l'esprit de Sherlock flotte l'image de son frère.
— Une call-girl, constate-t-il tranquillement. Je veux les examiner.
Le policier se lève aussitôt. Morgan les suit. Il ne peut qu'entendre la remarque insultante de l'officier Donovan claironnée à voix haute sur leur passage. Et la réponse.
— Le psychopathe va voir des macchabées. C'est l'unique chose qui le fasse jouir, clame-t-elle méprisante.
Il identifie un léger raidissement de le maintien de Holmes.
— L'épouse d'Anderson est de nouveau rentrée à la maison. Pas de chance, Donovan. Vous serez éternellement la roue de secours.
Un hoquet indigné salue sa riposte. Il ne la plaint pas. Cette femme sue la jalousie par tous les pores de la peau. Rappelé à son bureau à peine en était-il sorti, Lestrade les laisse. Non sans l'avoir rassuré sur le fait qu'il va se libérer au plus vite. Il rattrape l'élégante silhouette longiligne. C'est qu'il a de l'allure le British. Un peu cabotin, un peu provocant. Il s'impose à ses côtés calquant son pas sur le sien sans difficultés.
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— Bonjour Molly. Comment vas-tu ? demande Holmes à la légiste qui les accueille avec un air ravi.
Il l'embrasse du bout des lèvres avant de la lui présenter, avec un ou deux compliments en prime. Elle rougit et le couve de regards énamourés. Apparemment, il sait y faire avec la gente féminine. Quand il le veut.
— La prostituée d'abord, lui enjoint-il.
— Bien sûr, dit-elle en ouvrant un des compartiments et en faisant glisser le chariot supportant une forme sous un drap blanc. Ne touchez à rien ! Une tasse de thé ?
— Volontiers, dit son accompagnateur. Je suis persuadé que tu nous trouveras quelques scones. Souffrant toujours du décalage horaire, Monsieur Morgan n'a pu manger au déjeuner et est affamé.
Il a faim ? Il se marre. Que mijote-t-il ?
— Bien sûr. J'y vais. Ne touchez à rien !
Cela parait être les seules paroles cohérentes qu'elle arrive à prononcer en face du détective qui manifestement lui fait un certain effet. Dès son départ, avec un petit sourire en coin, celui-ci s'empare des notes de la légiste et tourne autour du cadavre. Après avoir enfilé des gants, il le palpe à plusieurs reprises, soulève un bras, une cheville dans le but d'observer tel ou tel point décrit dans le rapport. Lui le regarde opérer. Il a des gestes sûrs, précis. Tout est maîtrisé. Pour Holmes, la dépouille n'a rien d'humain. Elle n'est qu'une pièce d'un puzzle à reconstituer. Bien qu'il ne l'approuve pas, il comprend mieux la remarque de Donovan. La porte s'entrebâille sur un homme entre deux âges qui fuit dès qu'il voit le consultant.
— Anderson. Il ne fait pas bon dire la vérité, lâche ce dernier à qui rien ne semble échapper malgré qu'il n'ait pas levé la tête du cuir chevelu qu'il examine avec soin.
— Pourquoi elle ? interroge-t-il.
Il soupire, agacé.
— Élémentaire, non ? Elle n'est qu'un dommage collatéral. Le coupable a probablement été moins minutieux en ce qui la concerne, comptant qu'on s'attardera peu sur la mort d'une call-girl alors que nous avons sur les bras d'importants et surtout riches personnages.
A son tour, Morgan tend la main vers le dossier qu'il a posé sur les jambes. Flavia Deasary, vingt-quatre ans, étudiante, assassinée à son domicile par un ou des inconnus lors d'un cambriolage qui a dérapé. Découverte par sa colocataire lorsque celle-ci est rentrée de week-end. Ils ont tout mis en place très vite, songe-t-il. Les parents vivant dans le nord de l'Écosse sont prévenus. Ils ne seront jamais au courant que leur enfant chérie se prostituait. Ce n'est pas plus mal. La sonnerie d'un téléphone résonne. Holmes sort son portable, hésite à renvoyer l'appel avant de se décider à décrocher.
— John ? La petite famille va bien ?
— ...
— Non. Désolé. Je suis sur une affaire.
— ...
— John, j'ai dit non. Je ne suis pas libre.
— ...
— Nous n'en sommes qu'au début.
— ...
— Non. Je travaille avec un profileur américain.
— ...
— Oui.
— ...
— Je l'ignore, John.
— ...
— Un tueur en série, oui.
— ...
— Remets mon bonjour à Mary et embrasse mon filleul de ma part.
Il éteint le smartphone avant de l'enfouir en sa poche d'un geste nerveux.
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Ils ne quittent la morgue que deux heures plus tard. Lestrade n'y est pas venu. A ses côtés, Holmes fait un tour sur lui-même en une gracieuse envolée, il inspire l'air ambiant avec un grand soupir de satisfaction. Ses boucles brunes reviennent sur son front. Tout son corps dit qu'il sait son regard sur lui.
— Je vous emmène manger un bout ? lui propose-t-il.
Le consultant le fixe horrifié.
— J'ai une enquête à résoudre, dit-il d'un ton passionné.
Il a fait la même réponse à ce John lors de leur conversation.
— Pourquoi le prélèvement de peau ?
— Elle est cyanosée. Je veux en connaître la cause.
— Vous auriez pu demander une analyse au labo de Scotland Yard.
— Ou le faire moi-même, rétorque-t-il. Ce sera rapide et je serai sûr du résultat. Bonsoir.
Avec l'élégance qui parait le caractériser en toute chose, il hèle un taxi et l'abandonne là, au bord du trottoir.
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Absorbé par la prise en main de l'équipe londonienne, Morgan n'a pas vu les jours passer. Assis derrière son bureau, le nez sur son agenda, il réalise qu'une semaine s'est enfuie discrètement. Emily repartira à Washington à la fin du mois, il n'a pas une minute à perdre. L'interphone grésille, il appuie sur la touche machinalement. Déjà des habitudes.
— Monsieur Holmes voudrait vous voir, Monsieur.
Il n'a eu de nouvelles ni de Scotland Yard ni du détective. Il a énormément ouï au sujet de ce dernier et pas que du bien. Si l'on vante son efficacité sur le terrain, sa manière d'être gêne. Sa muflerie. Ses grossièretés. Ses éternelles provocations. Sa vie personnelle aussi. Beaucoup les évoquent, lui et son acolyte, le docteur John Watson, comme un couple. Ils vivaient ensemble dans tous les cas. Si Sherlock est gay sans l'ombre d'un doute, la nature de leur relation lui échappe. Colocataires ? Amis ? Amants ? Compagnons de vie ? Peu probable. Holmes qui avait feint son propre suicide pour sauver ses proches a disparu deux ans. A son retour, il a trouvé le médecin fiancé. Le mariage a bien eu lieu. Holmes y assistait en temps que témoin et meilleur ami du marié. L'ancien militaire, tireur d'élite, faisant preuve de courage et de sang froid en toutes circonstances, compagnons des bons et des mauvais moments est maintenant père d'un petit garçon de deux ans et bientôt d'un second. Holmes semble le tenir à l'écart et a repris ses enquêtes en solitaire. Certainement un peu amer. Un peu blessé. Pourtant John Watson apporte le témoignage qu'il peut travailler en tandem.
— Faites entrer.
C'est un inconnu qui est face à lui. Plus âgé que Sherlock Holmes, il est tellement solennel, tellement anglais dans son costume trois pièces ligné, avec sa cravate, sa pochette de soie écarlates et, évidemment, le parapluie noir que tout gentleman se doit d'avoir, qu'il en rit intérieurement. Son air condescendant fait place à un sourire quelque peu obséquieux. Un politicien, c'est évident. Il retrouve en lui le regard gris acéré du détective. Mycroft Holmes sans doute ou le pouvoir occulte du gouvernement britannique. Selon la rumeur, un homme dangereux.
— Vous espériez mon frère, constate-t-il après s'être présenté et lui avoir serré la main.
— Je ne connaissais pas d'autre Holmes, répond-il de façon évasive.
Même si oui, il doit l'avouer, il apprécierait revoir le détective qui l'intrigue, il n'en laisse rien paraître. Ne jamais donner à son vis-à-vis un moyen de pression sur lui, même infime, car il s'en servira sans aucun remord.
— Mon frère, Monsieur Morgan, est un être extraordinaire mais fragile, commence-t-il en s'installant dans le fauteuil réservé aux visiteurs.
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Dès le départ de Mycroft Holmes, il appelle la secrétaire, lui demande d'annuler ses rendez-vous. A titre privé, il contacte Garcia à Quantico et lui confie quelques recherches. Trente minutes plus tard, il débarque à Scotland Yard dans le service de Lestrade. Une heure plus tard, il gravit derrière le policier les marches qui mènent à l'appartement du détective consultant au 221B, Baker Street.
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— Vous me plaisez beaucoup, Derek Morgan, murmure Mycroft Holmes en éteignant son écran vidéo et en faisant glisser devant celui-ci, le tableau de grand maître qui le dissimule. Vraiment beaucoup. Anthéa, introduisez Sir Robert.
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