Chapitre 1 : Les Nomades Rouges.
La fillette faisait courir les flammes sur ses mains sous les yeux ébahis de sa famille et des chamans de la tribu. Jamais dans toute l'histoire des Nomades Rouges, quelqu'un avait montré de telles aptitudes à la magie.
Sous la tente principale du campement, autour du feu du Chef de la Tribu, Maëval de Sambre, la plus jeune enfant de la tribu, avait tout simplement prit une flamme dans sa main et jouait avec sous l'œil consterné de sa mère et de son père. Car cela signifiait que leur fille allait bientôt partir.
En effet, présent dans l'assemblée, fumant sa pipe de Hobbit, un homme de grande stature, habillé de gris avec un chapeau à larges bords, observait la scène d'un œil curieux. Assis parmi les oncles et tantes de l'enfant, parmi tous les vêtements rouges et chatoyants, Gandalf le Gris, magicien de la Terre du Milieu faisait tâche dans la tente.
"Magicien, dit alors la matriarche et mère du Chef de la tribu, au fier port de tête et au cheveux parsemé de bijoux or et cuivre qui tintaient clairement au moindre de ses mouvements, quel est votre idée concernant cette enfant ?"
Gandalf souffla un nuage de fumée et dit d'une voix calme :
"Libre à vous, nobles Nomades de choisir son sort. Cependant, je puis vous dire que son pouvoir deviendra plus dangereux avec le temps, si il n'est pas contrôlé. Je vous conseillerai de la confier à mon apprentissage. Je la ferai voyager autant qu'elle voyagerait avec votre tribu et l'emmènerait à Imladris où elle sera en sécurité. J'ai cependant conscience que c'est un choix terrible à faire pour sa famille. J'attendrai le temps qu'il faudra.
Le père et la mère de l'enfant se regardèrent troublé puis l'homme prit la parole :
"Elle suivra votre apprentissage, Mithrandir. Mais elle ne vous suivra pas tout de suite. Nous n'ignorons pas que la Terre du Milieu manque de magiciens accomplis et qu'ils ne sont aujourd'hui qu'au nombre de cinq. Cependant je refuse que ma fille dépende entièrement de ses pouvoirs magiques. Car je sais qu'en abuser fatigue le corps et l'esprit. Je tiens à ce que ma fille suive l'entrainement nécessaire pour devenir une jeune guerrière de la tribu. Et lorsque viendra la fin de son âge premier, lorsqu'elle atteindra l'âge de dix ans, elle sera à vous. Je la conduirais moi-même jusqu'à Imladris.
- Votre raisonnement est judicieux et votre jugement est sage, Asteral de Sambre, répondit Gandalf. C'est une bonne décision et je me plierais à votre volonté. Nous nous reverrons donc dans cinq ans.
- Restez pour cette nuit, Mithrandir, proposa le Chef de la tribu. Nous sommes loin de toute zone habitable et votre présence, bien qu'elle ne nous annonce aujourd'hui la perte d'une enfant prometteuse, nous honorerait grandement. Nous vous invitons ce soir près de notre feu pour chanter aux ancêtres. Depuis des siècles nous chantons les mêmes chants et votre grande culture musicale nous fera grand bien. Nous serions heureux de vous entendre.
- C'est réciproque et j'accepte avec plaisir."
Gandalf resta donc auprès des Nomades Rouges pour la nuit.
Les Nomades Rouges étaient des individus particuliers. Ils se déplaçaient exclusivement à cheval et étaient reconnaissables de loin grâce à leurs flamboyantes tenues. Les femmes se battaient aussi bien que les hommes, et elles le devaient car, cette tribu était petite et les guerriers peu nombreux. Leurs manières étaient telles que les hommes qui les voyaient pour la première fois en seraient choqués. Elles avaient un franc parlé, étaient intrépides, buvaient et frappaient aussi fort que les hommes. Mais elles chantent mieux que leurs compagnons et pour faire honneur à leur genre, elles portaient un grand nombre de bijoux sur elles qui les rendaient plus belles qu'elle ne l'étaient déjà. C'était bien la seule marque de féminité dans leur attitude.
Les Nomades Rouges étaient aussi fiers que des Rohirrim et leurs aptitudes de cavaliers n'avaient rien à envier aux hommes de Rohan. Ils sont réputés pour ne rien craindre et ne se laissent intimider par aucune autre race. "Les Elfes peuvent être belles", disaient par exemple les hommes, "mais nos femmes le sont plus encore, et nous sommes plus à l'aise avec elles."
Ils admiraient cependant les Nains, qui sont d'habiles sculpteurs et constructeurs mais c'était construire des bâtiments qui provoquait chez eux cette sédentarisation que leur reprochaient les Nomades.
Les Nomades Rouges étaient ouverts et accueillaient quiconque qui souhaitaient chevaucher en toute liberté et sans contraintes et qui se battaient au nom des merveilles que pouvaient offrir la vie. De nombreux hommes et femmes ont fini par porter le rouge des Nomades et étaient sous la protection de la tribu. Et personne ne venait leur en tenir rigueur. Car il n'était pas conseillé de s'attirer les foudres de la tribu des Nomades Rouges.
Tous les guerriers étaient d'habiles cavaliers et ne portaient comme armure que d'épaisses couches de cuir, ils gardaient donc leurs mouvements souples et vifs. Leurs sabres étaient précis et leurs flèches mortelles. Et pour avoir arpentés les plaines du Gondor et du Rohan des siècles durant, ils connaissaient le terrain et pouvaient aisément entrainer les ennemis les plus passionnés dans des pièges mortels. Leur petit nombre leur permettaient une grande mobilité et ils jouaient sur d'habiles stratégies pour vaincre des adversaires nombreux.
Si bien que c'était devenue une règle dans les plaines du sud : on ne défiait pas les Nomades Rouges.
La soirée fut belle et les chants résonnaient dans le campement. Les chants des Nomades n'étaient pas aussi raffinés que les chants des Elfes ou de Bilbon, mais ils étaient beaux car ils étaient puissants et venaient du coeur, ils faisaient échos aux étoiles. Certains étaient des chants de guerre, d'autre des chants racontant la course des étoiles et des astres...
Mais ils laissèrent bientôt place aux histoires passionnantes de Mithrandir le Pélerin Gris. Les jeunes guerriers écoutaient avec attention car c'étaient des histoires des terres de l'Est et du Nord, des terres dans lesquelles les Nomades Rouges ne s'aventuraient pas.
Bientôt les familles retournaient dans leurs tentes et Gandalf se retrouva bientôt seul près du feu apercevant de temps à autres des gardes qui faisaient leur ronde.
Vint alors Maëval qui s'approcha de lui à pas de loup.
"Salut, Mithrandir, dit la petite fille.
- Salut, Maëval de Sambre, fit-il en riant.
- Maëve suffit", indiqua-t-elle, d'un air très sérieux.
Elle s'assit à côté de lui, enveloppée dans une couverture rouge frappée du blason de la tribu, le Taureau à l'Anneau, tissés dans des fibres d'or.
"On m'a dit que votre nom n'était pas Mithrandir, demanda-t-elle. Qu'est-ce que c'est votre vrai nom ?
- Mon nom est Mithrandir comme il est celui avec lequel on m'appelle dans le Nord et l'Ouest. Gandalf le Gris est aussi mon nom.
- Mes parents disent que vous allez m'emmener. Où comptez-vous me prendre ?
- Je ne compte pas te "prendre", corrigea-t-il. Je voudrais t'enseigner l'usage de la magie. Et peut-être deviendras-tu une magicienne. Et je trouve ton impertinence assez alarmante, jeune Maëve !" ajouta-t-il en faisant les gros yeux.
La fillette fit mine de se cacher dans sa couverture en riant. Ses longs cheveux roux et bouclés constituaient une cachette parfaite pour son regard vert et espiègle.
"Maître Gandalf, demanda-t-elle ensuite, qu'est-ce que c'est, la magie ?
- C'est ce que tu peux faire avec ces petites mains que voilà. C'est ce qu'un être humain peut faire en collaboration avec la nature et l'énergie de ce monde. En Bien.
- Collaboration ?
- C'est un peu compliqué, je pense", rit-il.
Elle le regarda longuement puis demanda encore :
"C'est vrai que vous êtes un magicien, maître Gandalf ? Que vous pouvez faire des choses incroyables ?
- Je peux faire bien des choses, répondit-il seras la seule qui jugera si elles sont incroyables ou non. Tu peux faire des choses incroyables toi aussi. Mais tu dois apprendre comment."
Elle hocha la tête puis leva les yeux vers le ciel. Elle écarquilla les yeux comme si ils transperçaient le firmament et annonça :
"Les étoiles vont pleurer. Regardez !"
Des traits de lumière blanche transpercèrent le ciel, alors que des étoiles filantes venaient se frotter à la Terre. Elle se leva et courut autour des restes du feu en poussant une exclamation émerveillée. Et Gandalf souffla un nuage de fumée en songeant que il était peu de choses plus réjouissantes que d'entendre le rire d'un enfant.
