Résumé plus précis :Futur!Fic Merlin est passé aux travers des années comme on passe une porte. L'âme immortelle erre en Bretagne depuis des siècles, et son vieux corps chargé de réminiscences croule peu à peu. Mais un jour, au détour d'une rue, alors que deux opales gorgées de vie s'accrochent aux siennes, il sent renaître en lui la force de sa jeunesse. Merlin n'a jamais oublié la voix éraillée de Kilgharrah qui hier encore lui soufflait qu'un beau jour, Arthur renaîtrait de ses cendres.
Note de l'auteur : Bien le bonsoir! Aujourd'hui je poste une nouvelle fic merthurienne que je compte bien terminer. Je sais. Je dis ça à chaque fois. Mais pour la première fois : j'ai une plotline! Eeeh ouais! Enfin bon, le fandom de Merlin se vide peu à peu ces temps-ci (il faut dire que la série ne date pas d'hier) mais c'est le seul qui m'inspire donc bon. Pourquoi se priver? Alors j'espère que lecteurs il y aura, et... voilà, bonne lecture ^^
Disclaimer : Je ne possède rien, ni l'univers, ni les personnages, même pas la légende, et je n'écris pas pour des sous-sous.
Chapitre I : Ressuscité
C'était une journée désespérément banale, une journée de pavés battus par la pluie, d'arbres croulants sous le poids des nuages et de visages maussades derrière les fenêtres humides. Les gallois avaient beau défendre leurs couleurs en chassant d'un soupir les préjugés sur la pluie et le vent, la nature revenait toujours au galop pour leur rappeler le contraire. Le reste du monde ne savait que trop bien le temps du pays, la mer qui dévore la plage de sa gueule écumante, et le vent qui geint et hurle sur les toits des chaumières. Alors voilà, c'était une journée désespérément banale, et personne n'y pouvait rien. L'automne avait étendu ses longs bras et s'agrippait au pays comme un oiseau à sa branche. Les feuilles vertes du printemps avaient fini par se courber et se vider de leur essence pour devenir ces cadavres brunâtres qui jonchaient le sol bourbeux. Les insectes qui avaient laissé les rayons du soleil miroiter sur leurs ailes étaient tous morts, mangés par les vers infâmes. Et les peaux de bronze avaient laissé place aux rougeurs du froid. Les regards s'étaient assombris, tournés vers une rentrée prochaine, une année de labeur, des journées courtes pour des heures longues, à tirer les jours derrière leurs volets clos.
Je réussirai. Je ne vous perdrai pas.
Pourtant, comme s'il marchait à contre-courant dans des rapides déchaînées, un homme semblait accueillir ce nouvel automne comme l'aubaine qu'il désespérait de voir arriver. Il le sentait, au fond de lui, celui-ci serait le dernier. Il lui restait peu de temps avant de plier bagage et de s'en aller… plus loin. La barbe luttant contre le vent, son bonnet de laine enfoncé sur son regard intemporel, la main gauche refermée sur le nœud d'un sac en plastique, l'autre serrant son bâton usé qui claquait contre l'asphalte : Merlin rentrait chez lui. Il venait de faire les quelques provisions qui lui étaient nécessaires et reprenait le chemin de la maison. La route était dangereuse, surtout par un temps aussi peu clément, car la visibilité était moindre. Mais il n'avait pas de voiture, pas de vélo, et il ne prenait jamais le bus. Alors, comme à chaque fois qu'il s'aventurait loin de chez lui, Merlin se déplaçait à pieds.
Attends. Reste juste à mes côtés. Merlin. Il y a une chose que je tiens à te dire.
Mais sa force et sa vitalité d'antan n'étaient plus vraiment les mêmes. Des siècles à déambuler dans son doux Pays de Galle, semblable à un fantôme de chair et d'os. Le spectre d'une époque qui hante ces terres depuis la nuit des temps. Les années avaient creusé dans sa peau des tranchées de souvenirs, et ses cheveux, autrefois de jais, tombaient dans son dos en une cascade d'argent. Le temps avait usé ses mains, laissant çà et là, d'innombrables petites tâches violacées, tandis que sa voix s'était terrée au plus profond de lui-même. Combien de temps s'était écoulé depuis qu'il avait décroché un mot ? Un jour, un an, un siècle ? Car il avait vu plus de couchers de soleil qu'il n'était possible en dix vies, il avait vu l'humanité monter dans un bateau étincelant, et il l'avait vue mourir noyée. Il avait vu ses terres, jadis verdoyantes et parfumées, se transformer en champs de bataille, puis en immeubles toucheurs de nuages. Il avait vu les hommes s'aimer, se haïr, se détruire, se reconstruire, se soutenir, se défaire, il les avait vus mourir. Mais tout cela, il l'avait fait de loin, dans l'ombre de sa cahute, dans l'ombre de son île, les bras croisés sur sa poitrine frémissante, et l'œil troué de chagrin.
Tout ce que tu as fait jusqu'à aujourd'hui. J'en suis conscient.
Alors que ses vieilles bottes de cuir martelaient le goudron au rythme de sa démarche saccadée, il sentit au plus profond de son être, un ongle gratter son diaphragme. Il n'eut pas besoin de tourner la tête pour savoir où il s'était arrêté. A sa gauche se trouvait l'île. La fameuse, la tristement célèbre, et pourtant l'ignorée. Celle où le corps du jeune roi Arthur reposait. Ce fut comme un déchirement d'y songer encore. Merlin venait régulièrement en ce lieu. Il descendait précautionneusement la pente, puis s'asseyait dans l'herbe fraîche, le visage figé vers le ciel, les yeux dissimulés derrière ses paupières ridées, accueillant en diverses bourrasques sa propre malédiction. C'était difficile, mais cela l'aidait à réfléchir. Car ce jour funeste resterait à jamais ancré en lui, pareil à une cicatrice éternelle, un coup de poignard asséné à chaque fois qu'il passait là. Il sentait encore, au creux de ses vieux bras, le poids de la mort, et celui de l'amour, le soulagement d'un destin qui s'achève, et le fardeau de l'échec qui s'abattait sur lui. Il n'y eut jamais d'Albion. Il n'y eut jamais de cinq royaumes paisibles. Il n'y eut jamais de Merlin et d'Arthur, régnant sur leurs terres de soleil. Il n'y eut jamais la magie. Ni l'espoir. Ni la paix. Juste un monde sans son roi, une couronne bancale sur une reine endeuillée. En fermant les yeux, il se revoyait, lui le pauvre serviteur, portant à bout de bras l'avenir du monde à-demi éteint, hurlant à la Terre entière qu'il ne pouvait pas le perdre. Il avait encore dans la gorge le désespoir de ce jour-là, une boule de regrets coincée dans sa trachée, le châtiment infini de celui qui avait échoué.
Pour moi. Pour Camelot. Pour le royaume que tu m'as aidé à construire.
Ne supportant plus l'air chargé de souvenirs, Merlin reprit sa route, le cœur plus lourd qu'avant. Il atteignit le carrefour dangereux, regarda à droite, à gauche, puis le traversa. Il s'enfonça dans les bois épais. La nuit allait bientôt tomber, et il préférait être rentré avant de devoir faire face aux êtres nocturnes. Son pas pressé faisait voler les feuilles mortes, qui se prenaient dans sa robe. Finalement, alors qu'il était relativement éloigné de la route, il distingua sa cabane qui se détachait à l'horizon. La chaumière était faite uniquement de planches de bois, magiquement assemblées entre elles. Elles avaient résisté à toutes les épreuves possibles et il en était fier. Après la chute d'Arthur, Merlin avait quitté Camelot quelques années, trop effrayé de revenir dans ces couloirs de marbres, trop tétanisé à l'idée de voir Gwen si seule dans la salle du trône. Il avait agi en égoïste pour palier à toutes ces années de privation. Il avait bien vite regretté sa décision quand, se retrouvant seul avec lui-même, la folie le gagna presque à force de ressasser ses erreurs passées. Alors ses amis étaient tombés un par un, en le regardant droit dans les yeux. Chacun leur tour, ils avaient posé une planche de la maison.
Je tiens à te dire… une chose que je ne t'ai encore jamais dite.
Merlin posa ses courses sur la table et, d'un mouvement de paupières, alluma un feu dans la cheminée. Il ouvrit le sac en plastique, se saisit d'un couteau et commença à éplucher les légumes. Il jeta un œil par la fenêtre. La nuit d'encre ne laissait aucune chance à la lune de se montrer. Pour son départ, il désirait un croissant de lune filiforme, comme la branche d'un arc suspendue aux étoiles. Il sursauta lorsqu'il s'aperçut qu'il avait été trop loin dans l'épluchement de sa pomme de terre, et qu'il avait attaqué la chair du légume. Pestant contre lui-même, Merlin chassa d'un geste rageur les pelures humides, qui se collèrent à sa peau. Soupirant, il décida de laisser tomber. La seconde d'après, le couteau épluchait tout seul les ingrédients, et à la perfection. Puis certains légumes furent écrasés, tandis que d'autres étaient plongés dans l'eau bouillante. Avec un léger sourire, Merlin se figura un gamin quelque peu curieux et aventurier, hissant son nez rougit jusqu'au rebord de la fenêtre pour épier l'intérieur de la cabane, se retrouvant le derrière par terre, assommé de stupéfaction.
Du fond du cœur…
Après une soupe des plus agréables, Merlin chercha dans sa malle quelque livre à lire avant de dormir. C'est avec effroi qu'il se rendit compte qu'il avait épuisé tous les ouvrages en réserve. Il haussa les épaules. Tant pis, il irait à la bibliothèque le lendemain. Cela ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps, et il se demandait à quoi pouvait bien ressembler le bâtiment. Il se méfiait de la ville comme de la peste il ne supportait pas ces voitures qui filaient en tous sens en klaxonnant, et ces magasins à l'éclairage agressif, et ces rues bondées d'hommes titubants, de femmes pressées et d'enfants solitaires. Il s'arrangeait toujours pour faire ses emplettes dans une épicerie hors de la ville, et ne mettait les pieds dans la jungle qu'en de rares occasions. Et quand on avait plus de mille ans au compteur, « rare » prenait réellement tout son sens. Merlin souffla la dernière bougie, et rabattit sur son corps fatigué, et le sommeil, et le rêve.
… Merci.
La ville se dressait devant lui, pareille aux monstres qu'il décrivait dans ses mémoires. Grisâtre, l'œil vif quoique quelque peu perturbé, son antre grouillant d'insectes nuisibles qui n'attendaient qu'un signal pour se saisir du vieillard et l'engloutir. D'accord, il était fort plausible que la solitude eût rendu Merlin légèrement paranoïaque, et marginal jusque dans les tréfonds de son âme, mais qui pouvait encore le blâmer ? Qui dans ce monde pouvait prétendre connaître le vieil homme étrange qui restait les bras ballants devant le panneau indiquant le nom de la ville ? Panneau que Merlin ne prenait même plus le temps de lire, car les siècles avaient à de nombreuses reprises rebaptisé la cité, si bien que le sorcier ne cherchait même plus à en comprendre les raisons. Il prit une forte inspiration puis, relevant le torse, fit un pas en avant. Il était décidé. Au loin, un groupe d'enfants, gardés par leurs professeurs postés en chiens de berger, observait le nouvel arrivant d'un œil étonné. Quel était cet homme aux accents féériques qui se présentait à eux dans cette tenue moyenâgeuse ? Les adultes virent un comédien. Les enfants un magicien.
Merlin devait se faire violence pour ne pas maudire chaque passant qui, le nez planté dans son téléphone, ne s'excusait qu'à mi-mots lorsqu'il lui rentrait dedans. Ces gens paraissaient encore plus cloîtrés qu'il ne l'était.
Cela faisait dix bonnes minutes que Merlin tournait en rond dans les rues bétonnées de la ville, et malgré l'air déterminé peint sur son visage, il n'était plus certain de la direction à prendre. Pourquoi les hommes se sentaient-ils toujours obligés de tout changer ? A contrecœur, Merlin se poussa à demander son chemin. Il intercepta une jeune étudiante, se racla la gorge et demanda, de sa voix naturellement agacée, où se trouvait la bibliothèque. La demoiselle lui fit un grand sourire -bien qu'il se doutât que son accoutrement y était pour quelque chose, et lui indiqua en détail l'itinéraire. Il la remercia, puis courut presque jusqu'au bâtiment. Les visages défilaient autour de lui, mais il n'y prêtait pas attention. Tous ces corps hâtifs, pressés les uns contre les autres, et ces sourcils froncés, ces gestes impolis, ces insultes gratuites qu'il ne comprenait pas. A contre-courant dans des rapides. C'était cela. Et à chaque fois qu'il se retrouvait au milieu des habitants, il se sentait plus seul que jamais.
Il tourna à l'angle de la rue principale et, dans sa hâte, heurta de plein fouet un torse inconnu. Sonné par la violence de l'impact, il mit un certain temps avant de s'en remettre. Les yeux solidement fermés, la main plaquée sur son front douloureux. Il en avait plus qu'assez. La mauvaise fois éclata dans sa bouche à l'instant-même où il protestait :
-Mais vous ne pouvez pas faire attention ?!
Il aurait aimé gratter la douleur de son crâne, la faire disparaître d'un coup.
-Quoi ?!
-Tu m'as parfaitement entendu, mon ami.
-On se connaît ?
Une pierre roula dans son estomac. Comme si la roche s'était trouvée là depuis longtemps et que, par un enchantement quelconque, quelqu'un avait réussi à la déloger. Restait à espérer que la pierre n'appartînt pas à Sisyphe, car mille cinq cents ans d'une malédiction interminable n'était pas sans dommage, et l'absurdité de sa condition lui suffisait amplement. Mais cette voix. Cette voix. Elle venait de traverser les époques à la vitesse de la lumière, transportée par les âges, par l'histoire, pour se loger droit dans les oreilles de Merlin. D'un geste brusque, il libéra son front, et ouvrit les yeux. Les cymbales du soleil cognèrent ses tempes, et ses rayons qu'il dardait violemment fouillaient ses yeux jusqu'à le rendre aveugle. Il ne voyait pas son interlocuteur. Mais cette voix. Cette voix.
-J-je suis Merlin.
-Alors on ne se connaît pas.
Le sourire du sorcier fendit son visage en une expression de joie non contenue, dévoilant des dents aussi blanches que le marbre. Mille cinq cents ans d'attente. Mille cinq cents ans. Un nuage dévora les rayons lumineux et il put enfin le voir. Lui et sa peau d'ivoire, lui et ses opales fières, lui et ses cheveux de soleil. Lui et sa stature de roi, dissimulée sous un costume noir. Une tempête d'émotions faisait rage en son sein, et il eut envie de le prendre dans ses bras, et de l'éloigner. Il voulut pleurer, et rire aux éclats. Il voulut hurler au monde sa joie, et lui murmurer sa peine. Mais il dut se contenir. A la place, il chercha dans sa mémoire, ce jour si spécial qui fit des deux faces une seule et même pièce.
-Non.
-Et pourtant, tu m'as appelé mon ami.
-C'est une erreur de ma part.
-Oui, c'est ce que je crois.
-Jamais je n'aurais pour ami quelqu'un d'aussi crétin.
Pour Merlin, chaque mot prononcé gonflait peu à peu son cœur d'un bonheur sans nom. Une nouvelle brise soufflait en lui. On ouvrait les rideaux sur une pièce depuis trop longtemps plongée dans le noir.
-Et moi je n'aurais jamais pour ami quelqu'un d'aussi stupide.
Ah oui. Cette conversation, bien que la première, n'était pas la meilleure ni la plus intelligente qu'ils aient jamais eue. Merlin, épuisé par la trajet et écrasé par l'ampleur de ce qui venait de lui tomber dessus, s'appuya un peu plus sur son bâton, sans jamais lâcher sons vis-à-vis des yeux. Car s'il avait gardé la même apparence physique que celle de leur rencontre, il avait également dans le rictus et les prunelles, une arrogance démesurée qui ne demandait qu'à être exposée.
-Dis-moi, vieillard, que dirais-tu d'une nuit en cellule ?
-Je suis contre.
-Veux-tu que je t'y emmène ?
-A ta place je n'en ferais rien.
Un léger mouvement en arrière, causé par le rire franc qui fleurissait dans la gorge d'Arthur.
-Pourquoi ? Qu'est-ce que tu vas me faire, papi ?
Merlin se redressa. Sourire en coin. Il n'irait pas plus loin. Il savait comment cela se finirait. Et bien que le pilori ne fût plus tellement à la mode, Merlin n'avait aucune envie de frapper Arthur. Pas après autant d'attente. Pas après ces heures passées à cueillir les gouttes de sa patience sur les feuilles du destin. Pas après cet adieu terrible. Pas après tous les regrets qu'il avait rangé dans sa sacoche. Tout ce qu'il voulait, c'était s'asseoir avec lui, sur un banc ou autre part, discuter, de ces mille années d'absence, de ces mille années d'errance. Lui raconter Camelot, et Albion, et le soleil épanchant ses rayons sur leurs terres infinies. Lui peindre les chevaliers de la table ronde, la reine, le roi, qu'il fut et qu'il sera.
Alors, au même moment, tout cela lui parut absurde et terrifiant. Pire que la ville et sa légion d'insectes, devant Merlin se tenait un géant. Un pilier de l'histoire anglo-saxonne, que tout le monde connaissait grâce à la légende, qui s'était faufilée de bouche en bouche jusqu'à atteindre cette époque étrange. Et le vieux sorcier se sentait acculé. Parce que qui écouterait ce qu'il avait à dire, lui, le vieil homme sénile qui ne racontait des histoires qu'à lui-même et qui, retranché loin des hommes et de leur misère spirituelle, s'était inventé un monde dans lequel il avait réellement un rôle à jouer. Son bâton ripa contre l'asphalte et il fut un instant déséquilibré. Son cœur s'emballa. L'univers tournait bien trop vite, et ces gens difformes lui faisaient peur. Il fut pris d'un vertige, mais tint bon. Arthur, nez froncé, finit par se lasser. Il regarda sa montre. Il était en retard.
-La prochaine fois, Mer-lin, regarde ou tu mets les pieds. Ton âge avancé ne change rien pour moi.
Et il bouscula le sorcier pour poursuivre sa route.
-Crétin ! cracha Merlin, qui peinait à se stabiliser.
Il sentit une main se poser délicatement sur son épaule, et une autre attraper son avant-bras. On le remettait sur pieds. Devant lui, un homme d'une quarantaine d'année, dont les jambes courtes supportaient le ventre proéminent, l'observait de ses petits yeux bouffis et inquiets.
-Excusez-nous, monsieur, on aurait dû réagir plus tôt mais… Mais c'est le… Enfin, il s'agit d'Arthur Pragôn.
Des lettres qui s'entrechoquent mais qui sonnent vides.
-Pragôn ?
-Mais oui… Enfin mon bon monsieur, vous connaissez obligatoirement cette famille ! Elle dirige cette ville avec une poigne de fer depuis... cinq ans ?
Puis, comme chaque personne dans chaque rue, l'homme baissa les yeux sur sa montre et gémit quand il vit l'heure. Il allait louper son tramway et arriver en retard au travail. Avec une moue d'excuse, il s'éloigna de Merlin, laissant le vieillard à la merci de la ville. Maintenant qu'il était à l'intérieur du monstre, seul et désorienté, il avait juste envie de se laisser glisser le long du mur pour ne plus jamais se relever. Peut-être qu'Arthur repasserait par-là, et peut-être qu'il lui accorderait, une seule et unique fois, ce regard dont il avait le secret, ce regard où se mêlaient fierté, bonté, courage et redevance. Peut-être qu'il lui tendrait la main, comme il l'avait fait de nombreuses fois auparavant. Et peut-être que de ce contact, de ces deux mains qui s'unissent, naîtraient enfin l'Albion dont Merlin rêvait tant.
Oubliant totalement la raison de sa venue, Merlin rebroussa chemin. Il sentit en lui une sérénité nouvelle, le poids agréable d'un destin lumineux, un soulagement immense et, pour la première fois depuis bien longtemps, il espéra que la mort ne vînt pas le chercher immédiatement.
NdA : On s'arrête là ou on continue? :D
