Titre : Jalousie.
Personnage/Couple : Si je vous dit "OTP
d'Isil", vous me répondez ?...
Rating : ... PG
?
Disclaimer : Ils appartiennent à J.K. Rowling, la maman
d'Harry Potter.
Note : Ecrit pour la communauté 31jours,
sur le thème "Marque Page", il y a... quelque
temps.. Pour Isil.
°
Parfois, Blaise Zabini aimerait être un marque-page.
Oui.
Parfaitement.
Un petit rectangle de parchemin régulier, du
vélin peut-être. Avec un fin liseré vert et
argent tout le long de la bordure, ainsi qu'un motif simple et
élégant au centre. Un peu plus clair à certains
endroits, pâlis par l'éclat des flammes. Et puis
quelques plis de-ci de-là, dénotant l'usage intensif
dont son propriétaire ferait preuve.
Il coulerait des jours
heureux, gardien digne de confiance au milieu de vénérables
pages fleurant bon le savoir, compagnon infaillible des derniers mots
qu'on emporte avec soi le soir, avant de sombrer dans un profond
sommeil réparateur.
Et puis il y aurait ce toucher. Cet
éphémère contact, presque tendre, qui lui
abandonnerait quelques vestiges d'une chaleur qui gonflerait son
coeur de papier jusqu'à leur prochaine rencontre.
Ces
mains...
Généralement ses pensées s'arrêtent là,
contrariées par un pincement de coeur particulièrement
douloureux.
C'est ainsi qu'il découvre, avec une suprise
chaque fois renouvelée, que si son souhait s'accomplissait
réellement, il ferait un marque-page particulièrement
jaloux et possessif.
Il apprécie beaucoup les fins de soirées dans la
salle commune des Serpentards. Peu de personnes demeurent éveillées,
et le silence qui en résulte est des plus appréciables.
Draco préfère de loin la compagnie d'admirateurs plus
démonstratifs ; quant à Pansy et Millicent, elles ont
depuis longtemps fui la pièce, rebutées par leur
mutisme mutuel.
C'est ainsi que Blaise se retrouve souvent seul
avec le plus discret et effacé des Serpentards.
Théodore
Nott.
Théodore parle peu, et jamais sans bonnes raisons. Il est
calme, doué dans la plupart des matières enseignées
à Poudlard, et très efficace. Il aurait attiré
beaucoup de sympathie (plus ou moins intéressées, cela
va de soi), n'eût été un cynisme particulièrement
développé et une langue bien acérée.
Peu
de gens recherchent sa compagnie. Blaise en fait partie.
Sa
personnalité l'attire. Le fascine même. Un peu comme un
oiseau rare attire l'oeil de l'amateur.
Alors il l'observe. profite de ces moments privilégiés
pour détailler son visage, sa silhouette, ses attitudes, le
moindre petit but d'information qu'il peut glaner dans le but de
comprendre qui est Théodore Nott.
Ce dernier n'est pas
dupe, et semble bien conscient de l'observation dont il fait l'objet.
Il la tolère simplement, contrairement à d'autres.
Parfois même ils parlent, de tout, de rien, librement ou à
mots couverts, à la grande satisfaction de la curiosité
de Blaise.
Il aurait pu en être ainsi longtemps, comme un
mécanisme bien huilé, s'il n'y avait eu cet élément
perturbateur, ce grain de sable dans la machinerie.
Le
marque-page.
Celui-là, il l'a rapidement repéré. Lors de
leurs veillées silencieuses, Théodore a toujours un
livre à la main. Et dans les pages de celui-ci, le
marque-page. Un vulgaire bout de papier froissé maintes fois.
Mais toujours présent. Immanquablement.
A chaque
bruissement, à chaque page tournée, il entend ce bruit
presqu'insignifiant, ce doux frottement du morceau de parchemin qu'on
déplace. Le marque-page suit la lecture de son camarade bien
mieux qu'il ne pourrait jamais le faire.
Parfois même,
Théodore interrompt l'une de leur trop rares discussions pour
lisser affectueusement du doigt le bout de parchemin plié en
quatre.
Et lui, qui doit supporter la vision de ce rival de papier
qui lui vole l'attention de son camarade, qui se tord de plaisir sous
les caresses de ces mains pâles et sûrement si douces
qui...
Et Théodore qui relève la tête pour
observer son regard fixe d'un air amusé, moqueur, presque
provocateur.
Il est vrai que pour un garçon comme Blaise Zabini, se
rendre compte que l'on n'était que second derrière un
marque-page, que l'on a moins d'importance qu'un fragment inerte,
cela avait de quoi vexer. Surtout avec un ego aussi développé
que le sien.
Lorsque ces désolantes constatations lui
laissent un goût amer dans la bouche, il préfère
s'éclipser sous le regard inquisiteur de Théodore.
Il
passe généralement la nuit à ruminer ce qui se
révèle être au fil du temps de la jalousie. De la
jalousie pure et dure.
Et puis un soir, Blaise ne tient plus. Se faire damer le pion
par un morceau de papier l'exaspérant beaucoup trop, il prend
le parti de s'en débarasser définitivement.
Profitant
de l'inattention de Théodore, trop absorbé dans sa
lecture pour réagir, il fond sur son rival et s'en saisit d'un
geste vif.
Le temps que l'exclamation fuse, il est déjà
à mi-chemin entre les fauteuils et la cheminée
flamboyante.
"Hey ! Fais pas le con Zabini !"
Encore quelques pas. Un long regard d'envie lancé aux
flammes crépitantes et affamées. Puis la lassitude qui
tombe comme une chape de plomb sur ses épaules.
A quoi bon
? Il était tout bonnement ridicule.
Résigné,
il se retourne et tend d'un geste mécanique le malheureux et
insignifiant marque-page à son propriétaire, qui s'est
approché entre-temps. Le regard de Théodore est neutre,
quoiqu'un peu plus perçant que d'habitude. Une lueur
d'interrogation brille, quelque part au fond de ses iris
acier.
Blaise détourne la tête. Sa réaction
était stupide. Totalement déplacée.
Il veut
s'éloigner, et aller oublier cette soirée au fond de
son lit, sans avoir à affronter les yeux sarcastiques de son
camarade.
Impossible.
Une main fine s'est posée sur son bras et
l'empêche de fuir.
Et bientôt un bruit léger
vient troubler le silence oppressant qui s'était installé.
Surpris, il se retourne à nouveau.
Le marque-page gît
sur le dallage glacé de la salle commune, tel un oiseau fauché
en plein vol.
Et il y a ce sourire léger sur son visage, à
la fois moqueur et attendri, qui n'est destiné qu'à
lui. Pas à ce morceau de matière inerte. A lui.
Ils
s'embrassent une fois, peut-être dix, peut-être cent. Les
lèvres se découvrent sensuellement, se goûtent, à
chaque fois différentes ; les souffles se mêlent,
murmures silencieux inavoués et dévoilés à
la fois ; et ces mains, ces mains fraîches qui glissent
doucement sur ses joues, son cou et son torse en de longues
caresses...
Oui.
Parfois Blaise aimerait être un marque-page.
Et
parfois non.
Il jette alors un bref coup d'oeil désolé au
rectangle clair sur le sol, pauve petit bout de papier froissé,
abandonné sans remords dans la poussière qui parsème
le froid dallage.
C'est dans ces moments-là que Blaise
réalise pleinement sa chance d'exister en tant qu'être
de chair, de sang bouillonnant, de sentiments contradictoires et de
sensations à fleur de peau.
Théodore, ce n'est pas seulement un éphémère
et délicat toucher affectueux sur un peu de parchemin. C'est
plus, bien plus.
Et plus il découvre, moins il
regrette.
D'être juste lui-même.
Blaise Zabini,
tout simplement.
