Disclaimer : tout appartient à Kuramada.
Avertissement :
Cette fic est la suite directe de Résurrection (que vous trouverez également sur ce site). Dans la mesure du possible, je vous conseille de la parcourir, ne serait-ce que pour connaître les couples en présence – ils sont nombreux, c'est le moins qu'on puisse dire, et j'ai la flemme de les récapituler – et avoir une idée de la situation… Si vous désirez lire Résurrection, il faudrait mieux le faire maintenant, histoire de ne pas vous spoiler la fin. Ce serait tout de même dommage. Tiens… on me souffle dans l'oreillette que non, ce ne sera pas si problématique que ça. Votre seul souci sera que je prendrai pour acquis ce qui s'y est passé. On a déjà vu pire.
Résumé :
Pas de résumé, puisque nous sommes au début… Ou pas en fait. Puisque tout ceux n'ayant pas lu Résurrection et souhaitant la lire ont dû fermer cette fenêtre lançons nous (whaaaaaaaaaa… - bruit de la fille qui se lance elle-même et ce n'est guère facile).
Nous retrouvons nos héros environ trois semaines après la résurrection d'Hadès – j'avoue humblement ne pas tenir une chronologie exacte. Disons que ça a permis à chacun de digérer la nouvelle, et de commencer à comprendre les nouveaux rapports de forces qui existent puisque, pour la première fois depuis longtemps, quatre Olympiens sont présents et la Terre, les Océans, et les Enfers ne sont pas en guerre. Woohoo. Youpi. C'est complètement dingue. Tout le monde crie sa joie. SA JOA. SA JOA. Ou pas.
NdA :
J'avais dit que peut-être éventuellement, et surtout que j'allais m'accorder une pause. Elle aura été longue, ça fait peur… Donc j'ai craqué. Voilà, ça arrive… je suis faible que voulez-vous. J'espère que cette suite vous plaira. Elle sera probablement moins construite, et moins structurée que ne l'était Résurrection. Les mises à jour seront probablement moins rapides (j'espère tenir le rythme d'un update par semaine en gros, pas plus en tout cas). La manière dont je l'aborde est radicalement différente. On va dire que là où Résurrection était un film – certes un peu long -, Numen Inest a plus ou moins vocation à en être la série dérivée. Avec son lot de one-shoot, et sa trame principale qui vous suit durant toute une saison. Autre détail. Contrairement à Résurrection qui était très soft (même si la scène où Eaque se retrouve à califourchon sur Minos est, de mon point de vue, particulièrement chargée en tension sexuelle), je placerai probablement, de temps en temps, quelques scènes pseudo lime/lemon - vous en trouverez un exemple dans ce chapitre. Maintenant, je reste moi, hein, donc ce sera, je pense, très sage dans le genre. Si vous voulez vraiment lire du vrai lemon, il y a des gens qui font ça beaucoup mieux que je ne le ferai jamais. Mais j'ai quand même choisi de mettre un rating M, histoire d'être tranquille. Enfin bref… Nous verrons bien ce que cela donnera sur le moyen/long terme. Tout ce que je souhaite, c'est partager avec vous cette nouvelle aventure. J'espère qu'elle vous plaira.
La chambre n'est ni très grande, ni très luxueuse. Le sol est fait d'un banal carrelage blanc moucheté, de mauvaise qualité. L'armoire est toute simple, de même que le fauteuil en osier sur lequel quelques vêtements ont été jetés sans soin. La lumière du jour perce à travers les volets de bois, et un rayon de soleil vient caresser la chevelure de l'homme endormi dans un lit double, son visage complètement détendu. Dans un faible gémissement, il tend un bras pour ne rencontrer que le vide. La place, à côté de la sienne, est froide. Il ouvre faiblement les yeux. Il est seul. Il se laisse aller quelques instants, sa tête reposant toujours sur son oreiller, son regard perdu caressant l'autre. Il s'étire comme un chat, et finit par repousser le drap, découvrant son corps musclé. Il se lève, va vers le fauteuil, enfile un caleçon qui traîne là. Sans précipitation. Le carrelage, sous ses pieds nus, le fait frissonner. Il quitte la chambre pour déboucher dans un petit couloir. Il pousse une porte et se retrouve dans une petite salle de bain. Il entre dans la douche et tourne les robinets. Un autre frisson. L'eau est froide dans les premiers moments. Elle se réchauffe enfin, jusqu'à devenir brûlante. Il baisse la tête, pour en savourer l'écoulement sur son corps endormi. Il coupe l'eau, prend du shampooing et lave ses longs cheveux. Gel douche. Il se savonne, en fermant les yeux. Un léger sourire passe sur ses lèvres. L'eau chaude, à nouveau. Cette fois-ci, il lève le visage pour éliminer toute trace de sommeil de son esprit. Il sort de la douche et tend un bras pour attraper une serviette. La première est légèrement humide. Il prend la seconde et se sèche consciencieusement. Il jette un coup d'œil à son caleçon, et finit par le jeter dans un panier à linge déjà bien rempli. Retour dans la chambre. Il ouvre l'armoire et sourit à nouveau. Il met un caleçon propre, une chemise qu'il enfile sans prendre la peine de la boutonner. Il attrape son pantalon, qui gisait sur le fauteuil. Il n'a pas un regard pour le grand lit défait.
Il entre dans la pièce principale, une pièce rectangulaire au centre de laquelle on trouve une table et quatre chaises en formica. Dans un coin, deux petits canapés forment un angle devant un poste de télévision minuscule tout droit sorti d'une série d'anticipation des années 50. Il se dirige vers le coin cuisine, enclenche la cafetière sans avoir pris la peine de la remplir. Pendant que le café coule, il va chercher du beurre et de la confiture d'abricot dans le réfrigérateur. Petit, le réfrigérateur. Tout petit. Il doit se mettre accroupi pour atteindre ce qu'il veut. Il prend aussi une bouteille de jus d'orange. Il pose son butin sur la table, et va ouvrir un placard mural, au-dessus du meuble où trône la cafetière. Il en sort un bol transparent, dont la teinte semble osciller entre le brun et le vert. Il prend aussi un verre, qui a dû servir de pot à moutarde dans une vie précédente. Il les pose sur la table. Il ouvre un tiroir, en retire un couteau à dent au manche en plastique bleu. Il se penche, ouvre le meuble bas et sort une boite de biscottes bon marché, qui rejoint le reste sur la table. Il s'installe et commence à préparer ses tartines, lentement. Il n'est pas pressé. Il se sert un verre de jus d'orange. En boit deux gorgées. Il se retourne. Le café a fini de couler. Il se lève, remplit son bol, et va jeter le reste dans l'évier où une tasse sale est déjà présente. Il sourit encore une fois et retourne à sa place, pour prendre son petit déjeuner. Sur la table en formica, un papier attire son attention. Il ne l'avait pas vu. Il le prend tout en croquant sa biscotte.
Kanon,
Je suis parti faire des courses au village.
Je t'aime.
Il sourit à nouveau et laisse courir ses doigts sur les mots de Rhadamanthe. Il les adore, ces petites attentions. Comme il adore sentir sa présence partout. Des cheveux blonds sur un oreiller, une serviette humide dans la salle de bains, une tasse dans l'évier, cette cafetière que l'Anglais aura préparée et qui n'attendait plus que le réveil du Gémeau. Le Grec pose son menton dans le creux de sa main. Ils vivent une vie simple et il chérit ces vacances que leur ont accordées Perséphone et Athéna. Les deux Déesses leur ont laissé le choix de leur destination. Ils auraient pu parcourir le monde, dans les plus luxueux hôtels, voir les plus beaux paysages, ou les plus grandes villes. Mais ils ont choisi cette petite maison et sa plage privée, sur une des Cyclades. Un cadeau de Poséidon qu'ils ont meublé à la va-vite dans un des vide-greniers locaux. Leur seul luxe, cette plage privée, ils ne l'échangeraient pas contre tout l'or du monde. Etre enfin seuls, au calme, complètement libres… Quel bonheur de se câliner sous la caresse brûlante du soleil, sans crainte de voir un importun arriver ! Quel bonheur de pouvoir se laisser complètement aller entre la douceur des vagues et la puissance des bras de Rhadamanthe… Un frisson de plaisir lui parcourt l'échine. Rhadamanthe… Il ferme les yeux, sent sa poitrine s'embraser. Une sensation de vertige. Il secoue la tête. Le Juge n'est pas là, pour le moment. Repenser à la nuit dernière, rêver aux moments qu'ils vont encore partager ne servirait qu'à se frustrer. Il faut qu'il sorte ses images de son esprit. Plus facile à dire qu'à faire, lorsqu'il s'agit de l'homme qui vous a tout appris de l'amour et du désir. Le Gémeau prend une grande inspiration, et pousse un long soupir. Se concentrer sur le café… en voilà une idée qu'elle est bonne.
Bang. La porte qui s'ouvre et la silhouette de Rhadamanthe qui se dessine dans la lumière aveuglante. Le Juge entre et pose les courses à terre. Des fruits et des légumes frais… probablement du poisson. Un journal. Kanon pose son bol et va se jeter sur le lui. Ses lèvres avides trouvent celles du Juge. Les mains du Gémeau cherchent leur route jusqu'à la peau de l'Anglais qu'une insupportable chemise de lin protège.
-Hé… tout doux…, murmure Rhadamanthe, à la fois surpris et ravi de cet accueil.
-J'ai envie de toi…
Ces mots l'électrisent. Il passe une main dans les cheveux humides pour la poser sur la nuque de Kanon, l'autre venant trouver sa place dans le creux de ses reins, et attire le Grec davantage encore contre lui. Le Gémeau n'a pas menti. Pour le plus grand bonheur du Juge. La bouche Kanon dévore sa gorge tandis que ses mains ont eu raison de la chemise. Soupirs. Frissons. Fièvre. Le Juge ferme les yeux et penche la tête, pour laisser libre court à la passion dévorante de son compagnon. La main de l'Anglais glisse dans le caleçon du Grec. Frôlements. Caresses. Kanon qui gémit au creux de son oreille. C'est presque douloureux. C'est presque trop. Continuer. Encore. Pour le réentendre, ce son divin. Encore. Encore. Se perdre totalement dans les plaintes lascives et les soupirs d'extase… N'être plus que l'oreille qui les saisit, que la main qui les provoque. Se devenir étranger. Ne plus exister que pour le plaisir de l'autre… Ivresse.
-Arrête… arrête, je t'en prie…
Surprise. Retour à la réalité… un peu. La voix supplie. Inquiétude.
-Tu n'aimes pas ?
-Si… si, mais… je ne veux pas… pas comme ça… s'il te plait…
-Dis-moi alors... Je ferai tout… je ferai tout pour toi…
-Viens…
Rhadamanthe sourit. Un sourire tendre. Il soulève Kanon, un bras dans son dos, l'autre sous ses hanches. Le Gémeau entoure la taille du Juge de ses jambes, sa tête toujours enfouie dans son cou. Il se mord les lèvres. L'Anglais l'emmène dans la chambre, le dépose délicatement sur le lit.
-Quoiqu'il arrive…, souffle le Gémeau, quoiqu'il arrive, ne t'arrête pas…
Rhadamanthe accepte sans un mot. Les mains de l'Anglais remontent le long des cuisses du Grec tandis que sa bouche le dévore… Kanon gémit, soupire, supplie… Il sait qu'il ne maîtrise pratiquement pas les réactions de son corps… mais ce n'est pas grave. Rien n'est grave quand Rhadamanthe lui fait l'amour. Après, il sera toujours là… et il profitera de sa présence sans ressentir l'impatience qu'il avait fait naître d'abord. Il sera déjà au septième ciel et son compagnon l'emmènera plus haut, encore plus haut… Rhadamanthe lui ouvre les portes de l'infini. Encore. Encore. Encore.
Le Juge vient coller son visage contre la poitrine d'un Kanon alangui sur le lit. Le Gémeau n'a pas encore totalement repris pied avec la réalité. L'Anglais ferme les yeux et écoute les battements du cœur du Chevalier ralentir pour devenir parfaitement calmes.
-Ca va ?, demande-t-il, d'une voix douce.
-Oui… ça va… merveilleusement bien. Comme toujours. Et toi ?
-Je t'aime.
-C'est pas une réponse, ça…
-Qu'est-ce que tu veux que je te réponde, alors ?, fait le Spectre dans un sourire.
-Ce que tu veux, du moment que tu me dis si ça t'a plu…
-Je t'ai donné l'impression que tel n'était pas le cas ?
Kanon soupire, caresse les cheveux blonds.
-Non. Mais… j'aimerais … m'améliorer… je ne sais pas moi…
-Kanon… Tu es un amant formidable. Evidemment, je ne peux pas me prévaloir d'une grande expérience ni de pléthore de points de comparaison… mais tu es tout ce que je désire. Et tu me combles. Totalement.
-C'est gentil…
-Non, ce n'est pas gentil, c'est sincère. Et puis, c'est plutôt moi qui devrais m'inquiéter : je ne suis pas certain de pouvoir suivre éternellement ce rythme.
Kanon explose de rire.
-Fais-moi passer pour un obsédé, je ne dirais rien.
-Disons que tu es enthousiaste…
-Là, c'est toi le responsable. Tu n'as qu'à ne pas me faire aussi bien l'amour. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. Tu serais lamentable, je n'aurais pas tout le temps envie de te sauter dessus.
-Chacun sa croix…
Rhadamanthe embrasse délicatement le torse de Kanon. Réaction immédiate. Un frisson parcourt le corps du Chevalier et un soupir de plaisir lui échappe.
-Le pire, c'est que tu te plains mais, qu'en fait, tu es fier de toi, constate le Grec.
Il a parfaitement raison à en juger par le sourire machiavélique et satisfait qu'arbore le Juge, tandis qu'il glisse le long du corps du Gémeau pour venir sceller ses lèvres. Et l'Anglais se lève du lit, sans lui avoir laissé le temps de réagir.
-Tu ne veux pas rester un peu ?, demande Kanon.
-Il faut ranger les courses.
-Evidemment… Tu es parfois un peu trop sérieux, mon amour. Un peu trop responsable…
-Je sais. Mais c'est aussi pour ça que tu m'aimes.
-Ca fait parti de ton charme, c'est vrai, confesse le Gémeau en regardant le Juge quitter la pièce, vêtu simplement de son caleçon.
Une chance que Milo soit dingue de son Camus, au point de ne plus voir que lui. Kanon n'a pas d'autre explication au fait que le Scorpion, qui a pourtant eu l'occasion d'observer l'Anglais dans cette tenue, a su résister à la tentation de ce brûlant appel à la luxure. La vie est faite de petits miracles.
Il entre dans la pièce principale. Rhadamanthe a rangé les courses, nettoyé la table. Il fait la vaisselle. Il lui tourne le dos. Kanon culpabilise un peu. Il aurait dû venir plus tôt, au lieu de traîner encore au lit. Il vient se lover contre le Juge, passe ses bras autour de sa taille. L'Anglais ne réagit pas et continue à frotter consciencieusement sa tasse de thé.
-Tu veux que je t'aide ?
-J'ai pratiquement fini.
-Désolé…, murmure Kanon en embrassant son cou.
-Tu n'as pas à l'être.
-Mouais… tu fais tout ici…
Rhadamanthe repose la tasse et coupe l'eau. Il se retourne et fixe le Gémeau avec gravité.
-Je le fais parce que ça me plaît. J'aime que les choses soient ordonnées.
-Et moi, je suis bordélique… encore une qualité, à tes yeux.
-Ce n'est pas ce que je voulais dire. Et puis, tu fais la cuisine.
-Faire griller deux filets de poisson, et couper trois tomates, tu parles d'un travail…
-Tu veux qu'on reparle de ma tentative de risotto ?
Kanon grimace. Mauvais souvenir. Flash-back. Cinq jours en arrière.
Ils viennent de finir de s'installer. Rhadamanthe vire littéralement Kanon de la maison, pour qu'il aille siroter un Ouzo sur la terrasse, pendant que lui s'occupe du repas. Le Gémeau accepte, puisque le Juge semble vraiment y tenir. C'est l'été : malgré l'heure tardive, le soleil est encore haut dans le ciel. Le Grec profite de ses rayons en regardant l'océan. Un cri. Quelques injures anglo-saxonnes.
-Tout va bien ?, demande Kanon, sans pour autant se lever de sa chaise longue.
-Oui ! Ne t'inquiète pas !
-Tu es sûr ?
Rhadamanthe apparaît dans l'encadrement de la porte, en larmes, suçant son index gauche.
-Me suis coupé en éminçant les oignons. Rien de grave.
-Si tu veux un coup de main…
-Non. Ce soir, tu es mon invité.
-Ton invité chez nous. J'adore le concept, mon amour.
Rhadamanthe ne répond rien, et rentre dans leur maison. Oui, leur maison. Poséidon leur en a fait cadeau. Kanon est toujours ébloui à chaque fois qu'il y pense : le Dieu ne lui en veut vraiment pas. Pas que ce soit un grand sacrifice pour l'héritier des Solo, mais quand même… L'ex-Marina sourit. Il apprécie le Dieu des Mers, maintenant qu'il a appris à le connaître un peu. Il est même certain que, si le destin en avait décidé autrement, il aurait adoré être sous ses ordres. Il espère que Pandore finira par céder à ses avances. Pas qu'il ait une très haute opinion de la Prêtresse – dire cela, ou même le sous-entendre simplement, serait mentir – mais le Dieu a l'air bien accroché. Déterminé. Là où, dans le cas d'Athéna, le refus de Saori avait vexé Julian plus qu'il ne l'avait déçu, l'opposition de la sœur d'Hadès ne semble pas froisser Poséidon, ni le démoraliser. Il cherche simplement et régulièrement des idées un peu originales afin que la jeune fille, avec qui il a entamé une correspondance régulière, n'oublie pas les sentiments qu'il nourrit à son égard. Et même si Pandore clame haut et fort qu'elle n'est pas du tout attachée au Dieu des mers, Eaque n'a pu s'empêcher de souligner le fait qu'elle avait été de méchante humeur lorsque le courrier habituellement quotidien de Poséidon avait eu deux jours de retard.
Kanon sourit… Un nouveau cri en provenance de la cuisine. De nouveaux jurons anglais.
-Rhadamanthe ?
-C'est rien !, hurle le Juge sans se déplacer. C'est rien… Je me suis juste un peu brûlé avec l'eau du riz, quand je l'ai versé dans l'égouttoir…
-Quoi ?!
-Ne t'inquiète pas. J'ai été surpris mais je ne me suis pas fait mal. J'ai juste perdu un bon tiers du riz… De toute façon, j'en avais trop fait.
-Tu es certain que tu ne veux pas que je t'aide ?
-Kanon ! Combien de fois vais-je devoir te le dire ?! Ce soir, c'est moi qui te fais à manger !
-Oui, d'accord. Excuse-moi…
Repli stratégique. Dans la cuisine, Rhadamanthe grommelle. Kanon constate avec bonheur que son compagnon a fait d'immenses progrès : jusqu'à présent, et malgré sa colère et sa frustration que le Gémeau devine grandissantes, il n'a encore rien balancé contre un mur. Des injures à nouveau… un grand bruit, un hurlement. Kanon bondit. Devant la cuisinière, l'Anglais est à terre, recouvert de riz carbonisé, une poêle gisant à ses côtés. Le Gémeau s'avance, coupe le gaz qui continuait à brûler, et se penche. Les jambes et le torse de Rhadamanthe ont été légèrement brûlés par le riz et les oignons. Quelle idée de faire la cuisine en short aussi… Le Grec lève les yeux vers le Juge, pour le rassurer, mais c'est lui qui s'inquiète maintenant. L'Anglais a mal, même s'il tente de le cacher. Devant le visage anxieux du Gémeau, Rhadamanthe soupire et montre ses mains, paumes vers le ciel. Kanon découvre, horrifié, le massacre. Des cloques commencent à apparaître. Sensibilisée par la vapeur, la peau n'a pas supporté le contact de la poêle ou du riz… Kanon se retient, avec difficulté, de hurler contre son compagnon. Il choisit de le prendre dans ses bras, et de le soulever de terre. Direction la salle de bain.
-Qu'est-ce que tu fais ?, l'interroge Rhadamanthe.
-Je m'occupe, histoire de ne pas te crier dessus.
Le Gémeau l'installe dans la douche, et commence à faire couler de l'eau fraîche sur le Juge. Il cherche de la crème, de la gaze, des bandages pour ses mains… Il est sur le point de craquer nerveusement. Il ne sait pas s'il est en colère ou s'il a envie de pleurer. Les deux, probablement. Il s'intéresse à nouveau au Juge. Qui n'a pas bougé, incapable de laver lui-même ses plaies. Kanon soupire et entreprend de s'occuper du nettoyage. Rhadamanthe, qui sent son compagnon proche du point de rupture, n'ose pas parler. Tout ce qui lui vient à l'esprit lui semble totalement hors de propos ou carrément stupide. Le Grec le sort de la douche, le sèche avec une infinie délicatesse, passe de la crème sur les brûlures légères de son torse et ses jambes, panse celles, beaucoup plus sérieuses, de ses mains.
-Je suis désolé, finit par murmurer le Juge.
-Désolé ? Tu es désolé ? Tu n'as pas le droit d'être désolé, Rhadamanthe. Tu t'es entêté à refuser mon aide, alors ne me fais pas le coup du mec qui culpabilise. Surtout que si tu es peiné, ce n'est pas de m'avoir empêché de te filer un coup de main, ce n'est pas de t'être mutilé à cause de ta fierté mal placée, mais c'est juste parce que le repas n'est pas prêt. Alors tes excuses, mon amour, tu te les gardes.
Le Juge se tait et baisse les yeux. Kanon le connait trop bien.
-Ce n'était pas très glorieux, en effet…, admet le Grec.
Le pire ayant été les deux jours qui ont suivi, sans pouvoir sentir le contact des mains de Rhadamanthe sur sa peau. Une source de frustration. Pour l'un comme pour l'autre.
-Le terme adéquat est catastrophe, le corrige le Juge.
-Mais tu as plein d'autres qualités…
-Oui. Et l'organisation en est une. Toi, tu as les tiennes également.
-A commencer par celle d'avoir réussi à te faire tomber dans mes filets, roucoule Kanon.
-Parce que tu m'as dragué ?, fait Rhadamanthe en haussant un sourcil.
Kanon rit doucement.
-On ne peut pas dire ça, non… C'est plutôt toi qui m'a allumé…
-Moi ?!
-Cette tenue sexy à Venise…, soupire lascivement le Gémeau.
-C'était une idée de Milo, souviens-toi. Moi, je n'étais clairement pas pour.
-Il était au courant ? Que je te plaisais, je veux dire ?
-Tu ne me plaisais pas, Kanon. Je t'aimais. Et oui, Milo était au courant. Et avant que tu ne poses la question, il n'y avait que lui et Perséphone à l'être à cette époque. Je l'ai dit à Milo... parce que j'avais besoin d'en parler, je crois. Je te revoyais… il fallait que je fasse le point sur ce que je ressentais. Et Milo était là. Quant à Sa Majesté, je ne peux rien lui cacher…
-Tu as été particulièrement discret…
Le Juge hausse les épaules.
-Je ne tenais pas à l'annoncer à tout le monde. D'autant qu'il était probable que tu ne veuilles pas de moi.
-Une histoire de fierté ?, fait Kanon dans un sourire.
-Quelque chose comme ça, oui.
Calme et sérieux, gravité et nonchalance… Rhadamanthe confesse, une fois de plus, son ego démesuré sans la moindre gêne. Le Juge assume tout, à commencer par cet orgueil et cette assurance, affichés et revendiqués. Qui disparaissent, cependant, dès que Kanon entre en scène. Même face à sa Reine, le Juge n'est jamais aussi fragile que lorsqu'il croit sa relation avec le Gémeau en péril.
-J'ai l'impression que tu vas mieux…, murmure Kanon en jouant avec une des mèches de l'Anglais.
-Qu'est-ce que tu veux dire ?
Rhadamanthe ne bouge pas. Il se contente de regarder les yeux de Kanon, et de se perdre dans les profondeurs de cet océan.
-Tu as l'air plus sûr de toi… par rapport à nous, explique le Grec.
-Difficile d'être jaloux lorsque je te séquestre ici.
La lucidité détachée du Juge, comme toujours. Kanon sourit.
-Je suis un prisonnier volontaire.
-Parce que tu ne veux pas que je tue quelqu'un.
Leur passage à la brocante locale. Successivement deux femmes, et un homme, ont tenté de charmer Kanon. Sous les yeux dangereusement possessifs du Juge. Trois accrochages que le Gémeau a su négocier subtilement, dès qu'il a compris la situation.
-Je ne peux pas empêcher les gens de me trouver irrésistible…, fait-il dans un sourire.
-Je peux parfaitement m'en charger. Les morts ont d'autres préoccupations.
-T'ai-je donné le sentiment qu'ils m'intéressaient, ne serait-ce qu'un peu ?
Rhadamanthe ne prend même pas la peine de réfléchir.
-La petite brune. Vous avez discuté longtemps… et tu lui as souri…
-Parce que je négociais le service à thé !
-Tu m'as posé une question… j'y réponds…, répond calmement l'Anglais.
-Je n'y crois pas ! Tu… tu me crois capable de te tromper pour un service à thé ?! Mais tu me prends pour qui, Rhadamanthe ?!
Kanon est en colère. Vraiment. Il semble sur le point d'ajouter quelque chose, mais les mots se perdent dans sa gorge, nouée par la rage. Alors il plante son compagnon, pour filer dehors. Le Juge cache son visage dans ses mains. Il ne voulait pas blesser son Gémeau. Jamais. Grande inspiration. Profond soupir. Il va rejoindre le Grec, qui regarde la mer, les bras croisés, fulminant. Rhadamanthe baisse la tête.
-Je ne voulais pas…
-Je sais… Je sais.
Pause. Le soleil est haut dans le ciel. Il fait chaud. L'eau est du même bleu que les cheveux de Kanon. Sa peau dorée dessine ses muscles, contractés par la fureur.
-Ca fait mal… d'imaginer que tu n'as pas confiance en moi. Tu y crois si peu quand je te dis que je t'aime ?
-Je crois que tu y crois…
Kanon grogne. Rhadamanthe a gardé la tête baissée et n'ose même pas poser le regard sur son compagnon. Il a peut être tord d'être aussi franc. Mais il ne sait pas arrondir les angles. Et, surtout, il se rend compte qu'une part de lui-même ne veut pas vraiment apprendre. Il veut être honnête avec Kanon. Aussi honnête que possible. Quitte à le perdre. Stupide fierté. Stupide orgueil, qui vous pousse à vouloir que l'autre vous accepte d'un bloc. Je suis comme ça, si tu n'es pas content, tu peux partir… Crétine petite voix. Rhadamanthe se laisse glisser contre le mur de la maison.
-Je suis désolé, mon amour.
Kanon lui tourne toujours le dos. Le Gémeau a fermé les yeux, mais cela Rhadamanthe ne le sait pas. Il ne sait pas l'effet que ces deux mots ont sur le Grec. Le Juge allume une cigarette.
-J'essaie de faire des efforts… mais, j'ai besoin de temps. Je ne pensais pas que ce serait si long de… changer. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en toi… Je te l'ai déjà dit, tout ça… Je te jure que j'essaie, Kanon ! Mais cette voix… cette voix… !
-Quelle voix ?
Kanon s'est retourné. Il n'est plus en colère, il se contente de froncer les sourcils, intrigué.
-Celle qui me dit que je suis un minable.
-Elle te le dit toujours ?
Le Gémeau vient s'installer aux côtés de son compagnon.
-Non. Enfin si, mais moins qu'avant. Maintenant, elle me dit de me comporter comme un mufle.
-Sans rire ?
-Sans rire. Je n'arrive plus à réfléchir. J'ai toujours été quelqu'un d'impulsif, même si je reste le plus souvent calme… ça peut paraître contradictoire mais je suis comme ça… Je me contrôlais tant bien que mal. Je m'empêchais de dire la première chose qui me passait par la tête, la plupart du temps, parce que je sais que je blesse facilement les gens. On avait travaillé là-dessus avec Valentine. Lui ne se formalise jamais des énormités que je peux sortir et il n'hésite pas à me le dire lorsque je vais trop loin, avec Queen ou Sylphide, notamment. Il m'est arrivé de leur dire de véritables horreurs. Valentine était là pour m'aider à m'excuser, pour remettre les choses à plat.
-Il compte vraiment beaucoup pour toi…
Rhadamanthe prend la main de Kanon dans la sienne et leurs doigts s'entremêlent.
-Ce n'est pas mon meilleur ami pour rien.
Kanon sourit. Il n'a pas à être jaloux de la Harpie. Il n'a pas à le craindre. D'autant que Valentine et Sorrente ont l'air bien accrochés l'un à l'autre. Le Gémeau vient poser sa tête contre l'épaule du Juge.
-Et cette voix, alors ?
Rhadamanthe soupire.
-C'est comme si elle me poussait à exagérer mes défauts… et c'est toi qui en fais les frais. « S'il m'aime, il m'acceptera comme je suis. » pour qu'au final, j'accentue mes côtés les plus insupportables… comme pour voir jusqu'où tu pourras tenir. C'est débile. Quand je m'en rends compte, j'essaie de faire machine arrière… mais je me dis qu'un jour, je réagirai trop tard et que tu me quitteras. Et là, elle revient, pour me dire que, dans ce cas, c'est que tu ne m'aimais pas vraiment…
-Elle est complètement débile, cette voix…
-Je sais.
-Tu sais ce qu'on va faire ?, demande Kanon, en embrassant l'épaule de son Juge.
-Non.
-Dès qu'elle commence à te parler, tu viens me le dire. On va lui clouer le bec. Mais que je ne te prenne pas à me sortir l'excuse de la petite voix pour te permettre des horreurs.
Rhadamanthe se crispa instantanément.
-Jamais je ne me cacherai derrière elle, Kanon… je te le jure. Je veux t'aimer… Je veux apprendre à t'aimer… comme tu le mérites.
-Je te ferais remarquer que c'est toi qui a le plus d'expérience…
-Je ne parlais pas de ça… De nous deux, c'est toi le plus fort.
Kanon explose de rire.
-Tu dis n'importe quoi. Je ne suis pas le plus fort. J'ai juste eu le temps, dans ma grotte, d'apprendre l'introspection, vu que je n'avais que ça à faire de mon temps. J'ai tout le temps des petites voix mesquines dans ma tête, j'en ai toujours eu. On ne décide pas de devenir le maître du monde sans avoir un problème. Mais j'ai appris que ces petites voix, on ne doit pas les croire. Quand j'ai appris la vérité de la bouche d'Athéna, quand Milo m'a « adoubé », quand Ikki m'a sauvé de Minos… quand tu m'as dit de me ressaisir, pour Milo… à chaque fois, la petite voix m'avait menti. Comme elle m'a menti en me disant que tu ne m'aimais pas. Comme elle m'a menti quand elle a voulu me faire croire que nous deux, ce ne serait jamais possible, à cause de Perséphone. Comme elle me ment quand elle essaie de me faire croire que, parfois, c'est trop dur entre nous et que je serais mieux sans toi… La petite voix ment, Rhadamanthe. Il ne faut pas l'écouter. Ou plutôt si, il faut l'écouter. Et avoir une longue discussion avec elle, pour finir par lui clouer le bec. C'est plus facile à deux, d'après mon expérience.
-Quand je dis que tu es un homme exceptionnel, mon amour…, sourit le Juge.
-Répète-le.
-Quoi ?
-Ce que tu viens de dire…
-Tu es le plus grand…
-Non. L'autre chose.
-Mais je n'ai…
-Si. Réfléchis. Et redis-le.
Kanon le regarde avec un air presque rêveur. Il y a quelque chose de féérique dans ces yeux, et dans ce sourire. Comment réfléchir devant ce visage ? Rhadamanthe s'en veut. Rhadamanthe est désolé…
-Mon amour, je…
-Encore…
-Que… ?
-Encore.
Il a compris. Enfin. Alors il le prend tendrement dans ses bras.
-Mon amour... Mon amour… Mon amour…, répète-t-il inlassablement.
Kanon est au comble du bonheur.
Rhadamanthe et Kanon profitent de leur après-midi, et de la journée ensoleillée. Le Juge flotte dans son pantalon et sa chemise de lin, allongé sur une chaise longue, à l'ombre d'un pin parasol. Kanon lui revient de sa dernière baignade. Il s'étire et laisse son regard se perdre sur l'horizon.
-Je me demande comment vont les autres…
Rhadamanthe relève les yeux de son journal. Durant quelques instants, il est fasciné par le ballet des gouttes le long du corps de son Gémeau. Mais il se reprend.
-Ils vont bien.
Rhadamanthe a repris sa lecture. Kanon se laisse tomber sur sa serviette.
-Comment peux-tu le savoir ?
-S'il y avait un problème, ils nous auraient contactés. Ils savent où on est, on a nos cosmos…
-Mouais… Ils peuvent très bien se dire « ne les embêtons pas pendant leurs vacances, ils en prendront suffisamment dans la tête en revenant ».
-J'admire ton optimisme, Kanon.
-Gniagniagnia…
Rhadamanthe sourit, devant la moue boudeuse de Kanon et la langue tirée.
-La seule chose que je sais, continue l'Anglais c'est qu'il nous reste une poignée de jours, et qu'il est hors de question que je laisse mon esprit s'inquiéter pour ce genre de problème.
-Tu as vraiment mis ton rôle de Juge entre parenthèses ?
-J'y pense de temps en temps, évidemment… Mais je doute pouvoir profiter de toi autant que je le souhaiterais quand nous serons rentrés. Alors je fais ce que je peux.
-Profiter de moi ?
Le sourire de Kanon. Les yeux brillants de Kanon. L'odeur de Kanon. Le goût salé des lèvres de Kanon.
-Oui. Profiter. Abuser, même.
-Voilà un programme qui me plait…
Une plage privée. Un luxe. Inestimable.
