Il n'y a pas si longtemps, dans un village adossé à la montagne et protégé par un écrin de verdure, vivait un humble jeune homme dans une humble maison. On disait beaucoup de bien de lui. Il ne sortait que deux fois par jour ; la première, pour aller balayer les marches du temple et la deuxième, pour acheter sa part de riz quotidienne à un marchand de la grand-rue. Ce jeune homme s'appelait Kiku Honda, et vivait seul depuis plusieurs années.
Un jour de tempête, Kiku s'épuisa à calfeutrer portes et fenêtres, dans l'espoir de ne pas souffrir du vent et du froid. Il allait glisser ses jambes sous son kotatsu lorsqu'il entendit frapper à sa porte.
« Je vous en prie, mon ami, ne me laissez pas dehors ! »
Reconnaissant la voix qui le suppliait, Kiku se précipita pour ouvrir à un ami de longue date, Ivan Braginski. C'était un solide gaillard à la mine innocente, toujours chaudement habillé et dont l'accent fleurait bon les campagnes russes.
« Spasibo ! » s'exclama-t-il quand Kiku eut de nouveau verrouillé la porte. « Je ne pensais pas que la pluie pouvait être si violente par chez vous. Elle m'a surpris alors que je sortais du bus pour vous rendre visite !
- N'ayez crainte. Je ne vous laisserai pas repartir par ce temps. »
Kiku fit craquer une allumette et l'approcha de ses vieilles plaques de cuisine à gaz. Il ne s'en servait jamais, à part quand il recevait du monde. Il remplit une théière d'eau et la posa sur le feu.
« S'il vous plaît... Vos chaussures...
- Da, je les pose à l'entrée. »
Les bottes d'Ivan étaient trempées. Il les retira prestement, et fit de même avec son manteau et son écharpe. Kiku l'invita à s'installer sous le kotatsu. Quand il revint avec son plateau, une flasque était posée devant le Russe.
« J'ai apporté une bouteille de vodka. En souvenir du bon vieux temps. »
Kiku sourit. Il se souvenait bien des soirées étudiantes en compagnie de leurs amis venant de tous pays. Chacun apportait une bouteille d'alcool typique de chez lui, et les jeux à boire s'enchaînaient jusqu'à pas d'heure, uniquement interrompus par l'arrivée des pizzas ou le visionnage d'un quelconque dessin animé. À l'époque, le petit brun participait volontiers. Il s'était assagi depuis et ne buvait plus une goutte d'alcool, pas même de saké. Mais la venue de son ami était une occasion à ne pas manquer !
« Bon, d'accord. Mais juste un peu. »
Il posa le plateau et sortit deux verres. Le thé et les biscuits pouvaient bien attendre. Ivan servit deux généreuses doses de vodka et porta un toast.
« À nos retrouvailles ! »
