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Le mal avait enfin péri, Ganondorf n'était plus. Le possesseur du fragment de la Force avait succombé à l'Épée de Légende. Le mal avait enfin quitté cette terre qu'il terrorisait depuis sept longues années. Le ciel orageux était redevenu azuré, peuplé de nuages cotonneux que la brise légère s'amusait à charrier au-dessus de la plaine fleurissante, et les eaux avaient retrouvé leur pureté d'antan. Le royaume se libérait ainsi peu à peu du joug des Ténèbres, la Lumière revenant chatouiller le visage des habitants désormais en paix.
Le royaume était en fête. La rumeur de la mort du monarque s'étant répandu telle une traînée de poudre dans les moindres recoins de la plaine, tous les peuples se rendirent au ranch Lon Lon pour célébrer cette victoire. Tous n'avaient que deux noms en tête : leur précieuse futur souveraine, la princesse Zelda, et le héros du Temps. Et bien que les deux concernés n'étaient pas là pour célébrer avec eux cette fête, cela n'empêchait pas les habitants de boire à leur santé, l'hydromel coulant à flots des tonneaux. Le roi Zora discutait avec Mido, le chef des Kokiri. Plus loin, quelques Gorons et Hyliens échangeaient des paroles joyeuses. L'on riait, l'on chantait, l'on dansait, l'on vivait enfin. Oui, cette soirée était parfaite, sans doute la plus belle depuis si longtemps. Oui, ils avaient réussi. Oui, ils étaient enfin en paix. Et ce crépuscule éclairé de millier de lanternes, telles des prières s'envolant pour un avenir lumineuse, resterait à jamais dans les mémoires. Comme un rideau de spectacle se refermant sur une tragédie, comme une nouvelle page qui se tournait pour débuter un nouveau chapitre. Oui, ils étaient heureux.
Plus loin, sur une haute falaise, les sages contemplaient ce spectacle qui leur réchauffait le cœur. Eux ne pouvaient y assister, ne pouvaient rejoindre leurs amis ni même leur famille qui devaient continuer de vivre sans eux. Ils étaient sages à présent, et en temps que tel il devait continuer de veiller sur le royaume. Leurs pouvoirs avaient permis de sceller le tyran maléfique et les ténèbres composant son être. Malheureusement le Mal pouvait ressurgir à tout moment et il était de leur devoir de veiller sur le sceau afin que ce dernier ne soit jamais brisé. Perchée sur la tête de Darunia, Saria souriait à la vision de ce peuple heureux. Soulagées de savoir leur peuple respectif sain et sauf, Ruto et Nabooru l'imitait. Zora et Gerudo étaient entre de bonnes mains. Peu habituée à dévoilée ses sentiments, Impa accorda cependant à ce paysage plein de promesse un sourire esquissé. Rauru, lui, arborait toujours son facial neutre, exempt d'émotions. Sans doute son expérience était la cause de ce manque de réaction, sans doute avait-il déjà assisté à temps de victoire que celle-ci lui semblait être une évidence et non pas un miracle. Darunia, quant à lui, observait avec fierté les lanternes s'envoler dans le ciel. Oui, vraiment, cette nuit était l'une des plus belles qu'ils n'avaient jamais vue.
Pourtant, personne ne ressentit cette nuit-là la peine de deux êtres, la souffrance de deux cœurs qui devaient se séparer. Elle et lui, observant la fête par-delà des nuages, ressentant le bonheur du royaume qui, malheureusement, était bien trop faible comparé au chagrin grondant au fond de leur poitrail. Pour eux, cette soirée ne serait pas qu'une page que l'on tournerait, mais plutôt un trait que l'on effacerait. Le Mal avait enfin péri, leur quête était achevée, et pourtant la paix ne leur était toujours pas accordée.
« - Le temps est venu pour toi, Link. »
Telles furent les paroles prononcées par la princesse, les larmes au bord des yeux faisant miroiter leur bleu si délicat. Quelques mots qui eurent l'effet d'un poignard enfoncé violemment dans le thorax du jeune homme. Pourquoi devaient-ils se séparer ? Elle avait pourtant répondu fiévreusement à son baiser, confirmant ainsi le lien relationnel qui les reliait. Elle l'aimait, tout comme lui. Alors pourquoi une telle décision ?
Parce qu'elle n'avait pas le choix, parce que c'était la meilleur chose pour lui. Elle savait la peine que causerait le débard du héros, causant la perte de son seul et unique ami. Malgré cela, elle ne pouvait se résoudre à se montrer égoïste. Elle lui avait volé son enfance, son innocence, faisant de lui un guerrier aux mains tâchées de sang. Pour elle, il avait accepté le sommeil de l'épée de Légende. Pour elle, il avait tué et mit sa vie en jeu à plusieurs reprises sans même trembler. C'en était trop ! Elle l'aimait, oh oui elle l'aimait, mais l'obliger à rester dans un monde, dans une époque qui n'était pas sien serait trop cruel. Alors, pour son bien, il devait l'oublier, retourner à sa vie de Kokiri. Oui, c'était la meilleure chose à faire.
« - Link, ta place est auprès des tiens, pas ici.
- Princesse, ma place est auprès de ceux que j'aime. Auprès de celle que j'aime. »
Disant cela, il ancra son regard dans les iris céruléens de Zelda. Ses pupilles en disaient long sur ses sentiments. Il l'aimait, il était fou d'elle. Rien n'aurait pu être plus torture que de se séparer d'elle. Il était comme une plante qui avait besoin de soleil pour survivre, ce même soleil qui le protégeait des Ténèbres, qui depuis tant d'années l'aidait à ne pas fléchir sous le poids de son rôle, ce soleil qu'il aimait de toute son âme et de tout son cœur.
Mais Zelda ne pouvait répondre à ses sentiments si semblable aux siens. Leur amour était impossible. Une princesse devait épouser une personne de sang royal. De plus, jamais les déesses ne permettraient une telle relation. Un amour inter-temporel était interdit, impossible, impensable...
Cette pensée la fit doucement soupirer. Le jeune Hylien la fixait toujours, chose qui la perturbait. Aussi déclara-t-elle :
« - Cesse de me regarder de la sorte.
- Pourquoi ? Cela vous dérange-t-il ?
- Oui, dit-elle avec hésitation »
Évidemment, elle mentait. Les saphirs du héros sur son corps avaient le don de faire naître en elle des picotements si agréables qu'elle pourrait en oublier ses projets. Les iris du jeune homme étaient si envoûtants que la septième sage dû se concentrer sur un autre point pour ne pas perdre le masque sérieux qu'elle avait peiné à forger. Et pourtant, le blond ne retira pas son regard, toujours autant emplit de profonds sentiments.
« - Link, soupira-t-elle, s'il te plaît arrête.
- Alors ne m'obligez pas à retourner dans mon temps. Ma place est désormais ici, à vos côtés.
- Non Link ! Ta place a toujours été là où elle doit être, il veut dire il y a sept ans de cela.
- Je ne pourrais survivre à la souffrance de vous quitter.
- Alors dis-toi que ce ne sera pas le cas. Même dans ton temps, je serais toujours la princesse de ce royaume. »
Le jeune homme voulut lui répondre mais elle ne lui donna pas le temps. Elle tendit ses paumes gantées en avant. Le jeune homme les observa, intrigué.
« - Redonne-moi l'épée de Légende et... l'ocarina du Temps. »
Elle tenta de donner un ton royal à sa voix afin de masquer sa peine, en vain. L'Hylien fixait toujours les paumes tendues. Puis, soupirant, il mit Excalibur, sa fidèle lame qui l'avait suivit durant sa longue quête, dans les mains de la princesse. Lorsqu'elle referma ses doigts dessus, l'arme disparue aussitôt. Ainsi, c'était bientôt la fin. Plus qu'un objet et ils ne se révérèrent plus jamais. Plus que l'ocarina du Temps par lequel tout avait commencé. Link sortit l'instrument en porcelaine bleue de sa sacoche et le tendit à l'Hylienne royale. Celle-ci le prit et le serra tout contre sa poitrine. Une tomba sur sa main, une larme solitaire s'échappant de son océan. Non, Link ne devait pas la voir dans cet état, elle devait être forte pour lui et pour son double du passé. Des larmes encore sur les joues, elle sourit à Link dont les yeux bleus reflétaient toute la mélancolie qui le rongeait.
« - On se retrouve dans la cour du château, ne l'oublie pas, dit-elle d'une voix tremblante.
- Qu'importe le destin, je vous reviendrez toujours, princesse.. »
Disant ces mots, cette même promesse qu'il lui avait de si nombreuse fois répété, il lui accorda une révérence. Des mèches blondes tombèrent devant son regard, masquant à la vue de la souveraine la peine qui commençait à décorer ses joues. Dans quelques minutes, il ne se ressentirait plus cette douleur lancinante dans la poitrine, ne se souviendrait plus la raison de ces larmes. Dans quelques minutes, il aurait jusqu'à oublié son existence, ainsi que tous ses sentiments à son égard.
« - Alors bon voyage, héros du Temps. »
Elle porta l'ocarina à ses lèvres. De l'instrument s'échappa une douce mélodie. Link ferma les yeux, se laissant bercer par ses notes mélancoliques. Autour de lui, tout se mit à tournoyer. La mélodie s'éloignait progressivement de lui. L'espace autour de lui devint néant : les méandres du Temps. Et alors qu'une voix criait son prénom, il tomba dans un immense trou noir qui l'absorba. Puis plus rien...
