French Skins

Skins season 3 : Theme Song

Préambule :

The Temper Trap : Sweet disposition

Cela fait 62 ans qu'elle est à mes côtés, près de moi ou dans mes pensées. Elle ne m'a jamais quitté depuis le Collège de Roundview.

Nous marchons le long de cette route, longeant des haies qui séparent des maisons. Villas avec plus ou moins d'ocre sur les murs, accrochées à des panneaux solaires qui en font de grands papillons dont les éoliennes sont les dards.

La Provence, malgré tout, reste belle sous ce soleil rasant d'automne. La Sainte Victoire se découpe au loin, elle est bleuie par le soir qui se couche sur elle.

Nous rentrons chez nous, vers la maison de mon enfance, lentement mais droits face à la vie, comme nous l'avons toujours fait.

Je me tourne vers elle, son regard est toujours aussi vif. Cela m'avait marqué ce premier jour de rentrée scolaire. Sous ses airs réservés et timides, je sentais une telle volonté, une telle intensité dans ses yeux.

Toujours intenses mais tristes. Ils sont tristes depuis plus de 57 ans et malgré tout mon amour, je n'ai jamais pu les changer. Mais je sais qu'en me regardant, elle dirait la même chose de moi.

Pour éviter de penser, elle a son appareil photo, toujours prête à shooter. La photo l'a sauvée et le combat. Moi, ce sont les livres et le combat.

Monsieur Pagnol a écrit qu'il ne fallait pas dire la vérité aux enfants. Il ne faut pas la dire non plus aux adolescents, la vie se charge de les transformer suffisamment vite en adulte.

Je prends sa main, elle me sourit, deux vieillards sur un chemin. Emily je t'aime.

Assis face à mon bureau en bois, dans ce vieux peignoir miteux qu'Emily aime renifler car elle dit qu'il porte l'odeur de toute ma vie, j'ai ressorti ce journal commencé par un enfant. Cet enfant que j'étais encore à 16 ans. Un enfant qui voulait tout écrire pour ne rien oublier. Un enfant qui sentait que cette ville de Bristol où il venait d'arriver, serait le vrai début de sa liberté. Il ne le désirait pas, il l'exigeait.

Un journal tenu pendant 62 ans et que je tiens encore tous les jours.

J'aurais pu scanner et rendre immortel ce texte en le pixélisant, mais j'ai toujours aimé l'odeur du papier et puis ces pages, elles sont mes amis. Je retrouve mon écriture, rapide et bien formée, les dessins et autres croquis de celle qui sera ma femme, que j'y ai insérés.

C'est un texte de joie et de souffrance. Il y a des pages que j'ai refermées tout de suite après les avoir écrites et que je voudrais ne relire jamais. Et puis toutes celles, nombreuses, où je pourrais me replonger juste pour retrouver le gout du plaisir.

Pourquoi, aujourd'hui, suis-je devant cette toute première page ? La nostalgie vient-elle avec l'âge ou alors la peur que la mémoire s'effrite et qu'il ne reste qu'une vague mélancolie.

Cette première page,… si elle vous intéresse, suivez-moi.

Introduction:

Santigold: Shove It

1er septembre 2009

Monsieur le Journal, avant de commencer à écrire sur vos feuilles blanches, il me semble qu'il serait impoli de ma part de ne pas me présenter. Après tout, vous allez subir mon verbiage pendant un temps que j'espère le plus long possible.

Alors voilà, je m'appelle : Jules Isaac-Cristini, je suis âgée de 16 ans.

Enfant unique, je suis né le 18 novembre 1992 à Marseille et j'en suis très fier.

Je suis brun, mince et assez grand, 1m77. Les cheveux plutôt courts et bien coiffés, le nez droit et les yeux bleus.

Juif alsacien laïque par mon père et provençal-corse chrétien par ma mère, cela fait de moi, une bonne ratatouille.

Mon père militaire, j'ai grandi au gré de ses affectations. Du coup, mes racines je les ai trouvées dans la maison de famille de ma mère à Aix.

Une grande bastide construite par son grand-père, riche négociant, venu de Corse sans un sou où j'ai passé les plus beaux moments de mon enfance.

Je crois pouvoir définir mon caractère assez précisément.

Je suis gentil, intelligent, empathique, pas violent et extrêmement bavard. Je mets au-dessus de tout, la vérité, ce qui, souvent, me met dans des situations difficiles.

Mon problème, c'est les filles. Je suis trop romantique. Je ne suis pas très assuré avec elle, je dois l'avouer. Je pense toujours au sexe comme un puceau que je suis. Je n'ai embrassé qu'une seule fille dans ma vie. J'ai réussis à lui toucher les seins une fois, ce qui alimente mes fantasmes depuis. Elle m'a dit que mon regard était le plus doux qu'elle connaissait et que je devrais sourire plus souvent car j'étais charmant quand je le faisais.

Mais voilà, je suis solitaire, trop solitaire et triste, trop triste surtout depuis la mort de mes parents. Mon père d'abord puis très vite ma mère.

A leur mort, j'ai été pris en charge par le frère de mon père. Mon oncle, Salomon, est un homme qui ne montre aucuns sentiments. Il ne m'a embrassé qu'une seule fois, lors de ma Bar Mitsvah puisque mon père n'était déjà plus là.

Il travaille dans la finance et les affaires mais lesquelles, je n'ai jamais vraiment pu le déterminer. Il s'occupe matériellement de moi. Il m'écoute et me soutient mais sans complaisance.

Il m'a mis en pension dans un établissement chic et côté de la région parisienne.

Je viens donc de passer 3 ans dans un internat de mecs, au mieux des intellectuels bobos boutonneux et au pire des fachos pleins de fric et débiles.

Je suis un élève brillant.

J'ai un seul vrai copain, Charles, il est âgé de 19 ans et c'est un futur grand écrivain. Il a été admis à l'Ecole Normale Supérieure. Moi aussi, un jour je serai rue d'Ulm.

C'est mon ami, mon grand frère. Il est le seul qui s'intéresse à moi.

J'aime la littérature, la philosophie et l'histoire. J'étudie le latin et le grec, vachement cool, non ?

Je suis socialiste, anti facho, anti raciste. Mais je n'en parle pas surtout avec mon oncle.

Je ne connais rien à la vie, j'étudie et je lis toujours.

Je n'ai commencé à comprendre la réalité des choses que depuis que je sors avec Charles. Il me traine partout dès que nous avons un moment de libre, théâtre, cinéma, musée.

Je participe à des réunions d'étudiants de la Sorbonne, d'Henry IV, de l'Ecole Normale. Je suis toujours le plus jeune alors je me cale dans un coin et j'écoute. Ils parlent philosophie, économie, arts et politique.

Il dit en riant qu'avec nos deux prénoms très XIXe au XXIe siècle, nous étions faits l'un pour l'autre.

Nous avons toujours de longues discussions passionnées.

Il y a deux choses que j'ai découvertes par moi-même, la peinture et la musique.

La peinture, c'est l'éblouissement de l'œil et le ravissement de l'émotion.

La musique, c'est l'étourdissement de l'oreille et la révolution de tous les sens.

C'est pourquoi, j'écris en écoutant de la musique. Là, j'ai Santigold (Shove it) dans les écouteurs.

Après le bac, je ne me sentais pas de rester encore deux ans enfermé dans ce lycée de cons à faire une prépa, Khâgne comme on dit. J'avais besoin de respirer et de découvrir des choses. J'en avais marre de la discipline, des esprits étroits et de ce discours sur l'élite que nous étions censés représenter.

Alors une idée m'est venue, partir faire un diplôme dans un autre pays. J'avais envie d'ailleurs, de découvrir d'autres gens, d'autres façons de vivre.

J'ai cherché et trouvé ce collège, Roundview, à Bristol qui acceptait les élèves étrangers dans le cadre d'un accord entre les deux ministères de l'éducation de chaque pays, … bla bla… on s'en fout ….

Bref, j'en ai parlé à mon oncle et celui-ci loin de me décourager, m'a dit tout le bien qu'il pensait de faire un séjour en Angleterre, il semblait ravi, enfin si le rictus qui lui sert de sourire peut traduire cet état.

Bristol, c'est très bien, pas trop loin de Paris pour ne pas inquiéter et suffisamment loin de Londres pour être sûr que « mon tonton » malgré ses promesses ne viendra jamais me voir lors de ses séjours à la City. Time is money.

Avec mon dossier scolaire en béton, mon inscription fut une formalité. Au contraire, le courrier de la Directrice était enflammé avec « tout son plaisir de recevoir un aussi brillant élève d'une nation si cultivée. » (Sic, LoL).

Acte 1 : Sortir de la chrysalide

Scène 1 : 1492

Klaxons : Magick

Je suis arrivée à Bristol, l'après-midi d'un jeudi, d'une fin de mois d'Aout étouffante, après 5 h de train et une correspondance de 2 heures à Londres dont je n'ai rien vu.

Un bus, ma valise qui roule, remplie de livres mais avec peu de vêtements, je veux me mettre à la mode anglaise, et quelques bouteilles pour les cadeaux. Une idée de mon oncle.

Les rues défilent, assez mornes finalement, mais pour moi, c'est une nouvelle Amérique. Je pars tel un explorateur découvrir un autre univers, l'infini et au-delà.

La maison des Sanguers n'est pas difficile à trouver mais la côte pour y arriver est raide. Mon père aurait dit que l'effort doit précéder le plaisir.

Les Sanguers sont un couple d'une soixante d'année qui me loue une chambre à l'étage certes petite mais avec salle de bains privée, ça j'apprécie. Je suis en pension, avec une totale liberté de mouvement. Je n'ai pas voulu d'une chambre dans une résidence étudiante, décidé à s'ouvrir aux autres mais marre de la proximité des internats, des contrôles et interdictions débiles.

Ils sont très gentils, enfin Madame Sanguers, car de son mari, je ne vois que le haut du crane qui dépasse de son journal, qu'il doit lire de la première à la dernière lettre.

La chambre est sympa, simple, toute blanche. La fenêtre donne sur un jardin que borde une rue. Un bureau, une connexion internet, un lit pas très grand, il faudra choisir une copine d'un petit format, et surtout un jeu de clefs. Leur chambre est au rez-de-chaussée à l'opposée, donc Julia, le prénom de Madame Sanguers, m'affirme que « non, tu ne risques pas de nous déranger si tu rentres tard ». Cool. Et mon anglais est parfait, dit-elle.

Je sors mes affaires de la valise, je range les livres sur une étagère, le champagne et le vin que j'ai ramené. Je me dis que mon oncle a eu raison.

J'épingle sur le mur, à côté de mon lit, la photo de Jean Zay. Peu de gens le connaissent mais il fut un grand ministre de l'Education Nationale et de la Culture du Front Populaire. Il fut assassiné par la milice en 1944. Avec une idole pareille comment voulez-vous pécho une meuf ?!

Le plan de Bristol déplié sur le lit, j'ai hâte de partir demain prendre possession de mon nouveau domaine. J'ai une carte bleu visa et suffisamment d'argent pour boire quelques pintes dans les bars de la ville. Je ne suis pas riche, mais mes parents m'ont laissé de quoi finir mes études et puis je me contente de peu.

Bristol a un port, des bateaux, une cathédrale, des jardins, plein de choses à voir et j'ai trois jours devant moi avant la rentrée à Roundview.

Method man : Release yo'delf

J'ai arpenté la ville à pied et en bus, l'iPod aux oreilles au son de Method Man.

J'ai croisé des filles en groupes et des mecs en troupeau. Ils semblaient vouloir profiter des derniers jours de répit avant de plonger dans l'antre de leurs bahuts.

J'ai marché le long du fleuve où des grands-mères laissaient leurs toutous courir sans laisse. Les chiens tout heureux de leur liberté allaient d'un buisson à un arbre, d'une pierre à un banc, reniflant, cherchant la moindre odeur. J'étais comme eux, humant l'air et allant au gré du vent.

Un homeless, sous un pont, faisait le ménage de sa chambre. Ici comme ailleurs, la pauvreté ne se cachait pas.

Les canards séchaient leurs plumes au soleil, ils voulaient, eux aussi, savourer ces moments.

Des oiseaux gris qui m'étaient inconnus piquaient des pommes sauvages avec leurs becs pointus.

Je m'imaginais assis sur un de ces bancs, au bord du chemin de halage, une fille à mes côté.

Et puis, je suis passé au collège pour m'assurer que tout était ok pour mon dossier et repérer les lieux.

J'ai été accueilli par le Proviseur Adjoint, d'un enthousiasme débordant, voire envahissant.

« Appelle-moi Doug », me dit-il en me serrant la main avec force et chaleur.

Je n'ai pas pu échapper à la visite de tout l'établissement, WC compris. Et il est grand, croyez-moi, l'établissement et les WC aussi.

Il me parla d'anciens élèves avec émotion. J'ai compris qu'il les aimait vraiment. D'un Tony, l'excellent, victime d'un terrible accident mais qui avait su se battre pour revenir, d'une Cassie partie loin à New York, de son amour pour un Syd qui la cherchait, de Michelle la belle, Jal l'artiste, de Maxxie le danseur, Anwar son copain musulman et surtout de Chris qui était mort si jeune. En l'écoutant, je me prenais à rêver d'avoir de tels amis, ils semblaient si soudés, si proches.

« Mais Huggy, Huggy, Huggy, il faut savoir remonter en selle, mon petit. »

Cela me réveilla. « Merci Doug à lundi. »

Scène 2: Rouge est l'amour

Eugene McGuinness - Monsters Under The Bed

Face à l'immense baie vitrée, mon visage se reflète. Celui d'un garçon timide mais qui a tellement envie. Elle est ici, devant moi, l'entrée de ce collège. Entre l'appréhension et le désir, je suis dans un coin et je ne veux pas bouger, pas rentrer, non, rester là, à observer tous ces jeunes décontractés qui font du bruit et sont regroupés. Je veux en faire partie, mais leur langage, je n'en comprends pas un mot sur trois. Moi, avec mon 19,5 en anglais au bac, qui croyait parler le british, je ne sais rien de leur argot, putain ils parlent en quoi ? « Fuck », ça j'ai compris. En plus, il y a une bande de blondes débiles qui rient sans savoir pourquoi. Un cirque a dû s'arrêter pas loin.

Sinon, à ma gauche assise sur un banc, j'ai remarqué la mystérieuse. Celle qui pose un regard blasé sur le monde et observe de très haut, les fourmis qui l'entourent. Elle est belle. Ses yeux bleus sont pourtant emplis d'une lueur de spleen indéfinissable. Elle est lucide, trop. Elle comprend tout et trop vite. Elle sait les choses de la vie qui vous blessent et vous font souffrir. Je connais ce pouvoir, après plus rien n'a de gout. Alors soit, comme moi, on se réfugie dans la mélancolie et l'isolement, soit on va plus loin, toujours plus loin, pour retrouver de la saveur à l'existence, pour se sentir vivant. Et ce comportement, c'est plutôt elle, je pense. Mais c'est plus dangereux car il n'y a plus de limites. Moi je ne suis pas aussi courageux, enfin, jusqu'à aujourd'hui.

Un coup de klaxon attire mon attention. C'est quoi lui, carnaval ? J'y crois pas, le mec il frime dans un cabriolet Mégane jaune avec de la pub dessus. Faut lui expliquer qu'en France c'est la voiture des vieux. Ils ne connaissent pas Audi ou BM, les Brittons. Musique à fond, et deux gonzesses dedans bien sûr. Putain, la nana elle n'aura pas chaud. Bon ok dans l'internat des filles à côté de mon bahut, c'était que des bourges, serrées du cul mais là c'est le grand déballage. La vrai sous-classe vulgaire, quoi !

Top bien ouvert qui ne cache rien de la couleur de son sous-tif. La jupe si courte que je ne vois pas l'intérêt d'en mettre une.

Elle se pavane, se tortille, c'est ridicule et bien sûr elle va faire la belle auprès des blondes décérébrées.

Pourtant, elle pourrait être mignonne, en fait, elle l'est. C'est une belle rousse auburn, super bien foutue.

Elle a un je ne sais quoi qui me …...

Lady Belles - Timothy Victor

Une vision s'est échappée de la voiture et là, ma vie a basculé pour toujours.

…. Qu'elle est jolie, jamais je n'ai vu une fille comme ça, avec de la douceur plein, partout, ses yeux, ses cheveux, sa bouche. Une poupée de porcelaine. Putain, on dirait un tableau, une estampe japonaise.

Timide, fragile, presque effacée, elle avance lentement comme par erreur. Elle est là devant moi, s'arrêtant, sans bouger, regardant sa… sœur ? Fuck, Elles sont pareilles, jumelles. Mais non, je rectifie, jumelles peut-être mais distinctes, différentes, rien à voir.

Elle porte une petite veste de laine noire sur un chemisier à fleur imprimé, avec un bermuda gris. Je la trouve simple, sans excès, toute mignonne.

La prendre dans mes bras, la serrer pour sentir son corps, s'emplir de son odeur. Sa peau est si blanche, translucide, comme dans, … oui c'est ça, un portrait de Marie Laurencin.

Elle ne dit rien, se laisse traiter par la grosse tarée qui lui dit de se bouger. Elle doit l'aimer avec une telle force pour la laisser faire, ne rien tenter et suivre. Comment peut-elle le supporter ?

Que je voudrais être aimé avec cette force, qu'elle m'aime avec cette force et c'est moi qui la suivra où elle voudra.

Je marche derrière elle, je regarde ses jambes, ses reins, son dos, ses épaules. Et ses cheveux non pas roux mais rouges, des cheveux de feu.

Sa main ramène une mèche en arrière. Sur son oreille, des piercings.

J'adore ça. Je me dis qu'elle est libre.

Lui prendre cette main, sentir ses doigts se croiser sur les miens … a dream.

Nous rentrons dans un gymnase, je me faufile, je dois lui parler. J'ai pris une résolution, oser, encore oser, je ne vais pas rester seul pendant deux ans. Je dois rompre cette putain de solitude.

Stratégique, hop, juste sur le banc, sous elle, devant sa sœur. Comme ça, je peux la voir du coin de l'œil. Ces genoux, ces cuisses, est-ce que je les caresserai un soir ?

En la regardant mieux, je la sens comme moi, un peu perdue, un peu déconnectée, une confiance pas vraiment au top.

Asobi seksu - lions & tigers

Merde la musique de nase qu'ils passent pour nous accueillir, mais au moins, ce n'est pas froid et silencieux comme chez moi.

Le discours de bienvenue, c'est l'extase, je n'ai jamais vu ça.

Dans mon bahut, c'était costard, cravates, coincé, un peu comme moi aujourd'hui d'ailleurs mais j'ai mis un jean noir quand même. Les discours étaient sérieux. Ils exaltaient les valeurs, l'objectif de l'excellence et tutti quanti.

La directrice se veut calme et posée. Doug s'est muni d'un haut-parleur digne d'un leader de la CGT dockers. Il gueule dedans comme un putois pour nous faire taire. Putain, ils vont avoir une génération de sourds dans ce bahut.

La dégaine du prof principal, il a mis une veste c'est sûr mais alors, elle en jette ou plutôt elle est à jeter.

Ils semblent tous sortis d'un sketch de Groland.

Ce n'est pas vrai, Doug a pété dans le mégaphone, aussi qu'elle idée de le tenir contre son cul. Ca résonne dans toute la salle. Trop de rhubarbe, se défend-il. Je suis écroulé de rire, elle aussi d'ailleurs. Je la regarde, elle me regarde. One point.

Après avoir promis de nous couper les couilles à la première connerie, la directrice nous énumère tout ce qui est interdit dans le bahut. A vrai dire, outre la drogue et l'alcool, je ne savais pas que l'on pouvait tout à la fois et en même temps, coucher avec un prof, un camarade et un animal tout en utilisant un sex toys. Je manque vraiment d'expérience.

Puis la CPE, appelé aussi conseillère d'éducation, avec un air terrorisée, s'avance vers nous. A la voir c'est plutôt elle qui a besoin de conseils. A peine audible, elle fait l'appel des noms. Doug passe lui l'appareil.

Emily ! Elle s'appelle Emily, comment aucun poète n'a-t-il pensé à glorifier ce prénom, je l'écrirai partout, le mangerai, le boirai et m'en enivrerai.

Jules Isaac-Cristini: "Yes, it's me."

Et me voilà pendant un cours instant l'objet de toutes les curiosités. Le discours de la dirlo, « le frenchie qui vient étudier chez nous en Angleterre, l'échange de culture, l'Europe, et on l'accueillera bien n'est-ce pas ? Donnons à cet étranger une belle image de l'éducation britannique, … » Je ne suis pas très à l'aise.

Bon, je me lance, je vais vomir sur ses pompes, c'est sûr.

"Emily, it's right? We are in the same classroom, I'm glad to meet you." Ben, non, ses souliers sont toujours propres.

"Yes, me too." Ses premiers mots ! Son premier mot est « yes » avec le sourire, yes for all my life, Emily.

« Hello, I'm Katie. » Sa sœur s'est penchée entre nous deux, me séparant d'elle et offrant à ma vue, une plongée abyssale vers ses seins blancs certainement sucrées. Mais mon regard reste accroché à celui d'Emily et ma réponse d'un simple « hey ! » m'en fait une ennemie certainement redoutable et rangé dans la catégorie des bolos.

Mais déjà les yeux d'Emily me fuient, qui c'est cette Naomi Campbell ? Les tops anglais retournent au bahut ?

Je la cherche sur les travées. Je la trouve, à notre hauteur un peu plus loin sur notre gauche. C'est clair, c'est un vrai top. Elle est blonde, fine et certainement grande, et des yeux elle aussi. Bordel, les anglaises ont des yeux d'enfer.

Et le regard, ce regard qu'elles échangent toutes les deux, y'a un blême, je le sens. Naomi la joue lointaine et dégoutée mais, je ne sais pas, … et puis Emily, si elle m'avait lancé le tiers de ce regard, j'aurais fondu comme du Nutella au soleil.

Ce n'est pas grave je peux me tromper, j'y comprends rien en fille.

Pendant ce temps, le spectacle continu.

La Naomi se plaint d'un gars qui la harcèle, faut dire qu'elle a de quoi être harcelée ! Un type rieur veut lui montrer son tatouage ! Peut-être pas une bonne idée, Madame la Directrice, de lui demander de l'exhiber et puis Doug, tu peux le faire sans hurler dans ton cornet à la con. Putain, la prévention de la surdité, ça ne te parle pas ?

Hé, Il fait quoi le mec ? Il tombe le froc ? Putain de lycée d'excellence, si mon oncle apprend ça, il me rapatrie dans les deux heures. Il a son cul tatoué avec deux grosses mains qui lui enserre les fesses et je comprends que sa bite, elle aussi est décorée, mais je ne la vois pas. C'est la folie, la CPE a explosé en vol, la Directrice est rouge comme un gratte cul. Ce mec est génial, jamais je ne serai comme lui, mais il est génial. Cook, je crois, putain, à une lettre près, il porte bien son nom.

Jamais de ma vie, je ne me suis senti aussi bien, je ris, je suis amoureux et tout cela en quelques minutes. Bristol, c'est le pied.

Asobi Seksu - Nefi & Girly

Je marche à ses côtés pour rejoindre notre classe :

« Emily, tu suis quel cours ? » l'approche amicale et pas trop pressante.

« Communication et sciences sociales, et toi ? » Ses yeux, putain, ces yeux qu'elle a. Concentre toi, Jules.

« Histoire et philosophie. » Il ne faut pas sortir de blagues à la con. Sérieux, reste sérieux.

« Ah oui, comme Naomi alors. » Elle revient celle-là, ça m'énerve.

« Heu, et c'est qui Naomi ? » Très bien ce ton badin, poli, juste intéressé, mais pas trop.

« Une gouine, brouteuse de chatte ! » Ouah ! Et bien, je crois que ce n'est pas moi que Katie déteste le plus.

« Tu sais en France, c'est pas un problème, en tout cas pas pour moi. » Elle est con ou quoi ?

« Pourquoi, t'es gay ? » La phrase assassine. Aie ! Ma côte est au plus bas.

« Ma foi, les étiquettes c'est bon pour les boites de conserves, non ? » Y a du répondant, vous ne trouvez pas ?

Katie s'éloigne en m'ignorant.

Emily me sourit discrètement. J'aime son nez qui se plisse, c'est craquant.

Tout occupé à la dévorer du regard, je bouscule un garçon qui se tourne en riant.

"Oh, sorry! My name is Jules."

"Yes, the French, I'm JJ !"

Sa poigné de main est franche.

Je lui désigne le gars à côté duquel il marche.

« Ton copain Cook est un sacré numéro. »

« Ouais, il est super, et c'est mon ami de toujours. » Ce mec est sympa, bizarre, exalté, mais sympa.

"Hé, Cook, Freddy, its Jules, the French."

Cook me toise: "Hi, French, good fucker."

Freddy amusé, me tend une main solide et amicale.

« Il faut prendre un casier » me dit Emily, « regarde »

Et nous voici voisin de casier, je progresse.

La classe est là, elle reste plantée devant. Elle attend quoi que sa majesté Katie daigne lui permettre d'entrée. Ou plutôt parce que Naomi arrive.

Putain, Katie est une vraie garce avec Naomi. Elle la branche sec. Elle parle à la belle aux yeux bleus qui répond au nom d'Effy, d'un baiser que Naomi aurait imposé à Emily.

« Méfie-toi de la gouine ! » Très sympa encore une fois. Mais Effy l'écoute à peine. Elle est affublée d'une copine appelée Panda, totalement déjantée, qui semble la suivre partout.

Attention Naomi, c'est une tronche dans tous les sens du terme et sa réplique sur le gode qu'elle pourrait lui enfiler en la prenant pour une autre est géniale.

Emily semble mortifiée même si je décèle un léger sourire. Y a quand même des claques qui se perdent Katie.

Je la suis dans la classe, je ne lâche rien. La salle est petite, pas fun, mais je m'en fous.

«Can I ?»

« Yes, sure. » Mon deuxième yes. Je me pose à côté d'elle.

« Merci, de me piloter. »

« With pleasure. »

Tu parles, du plaisir, je ne demande pas mieux.

Mais une fois de plus, je remarque que son regard se fixe plus sur la nuque de Naomi que sur ma personne. Ce n'est pas gagné.

Kieran, notre prof principal, a l'air dépassé et dépressif. Je n'avais jamais vu un prof dire qu'il déteste enseigner. Cela me heurte, moi qui en rêve.

Puis c'est la sacro-sainte présentation, votre nom et dites une chose sur vous. Le truc gonflant.

Nous apprenons que Katie a toujours eu un petit copain depuis l'âge de 7 ans. Le contraire aurait été étonnant. Ça lui fait de l'expérience en n'en pas douter. C'est con, parce que franchement même avec son caractère de merde, elle a un look d'enfer. Je dois le dire, elle est superbe.

Emily, par contre, n'en a jamais eu. Pourquoi cela me rassure-t-il ?

« Je hais l'injustice et on raconte des mensonges sur moi. » Naomi se tourne vers Emily avec des reproches dans les yeux. Elle vit mal les saloperies que Katie et d'autres certainement débitent sur elle. Pourquoi cela la touche-t-elle autant ? Ces conneries là, il vaut mieux les ignorer sinon elles te bouffent.

Merde, c'est à moi. Essayons de faire au moins une bonne impression.

« Well, I'm Jules, I'm French. I like the truth and I don't want lie. »

Pourquoi ai-je regardé Naomi en disant cela ? Spontanément, j'ai eu envie de la soutenir. Cela n'a servi à rien. Elle m'a à peine regardé.

La réplique de Kieran est très constructive. « Je te souhaite bien du courage. »

Et puis c'est le dvd d'accueil qui va bien. Effy et Cook en profitent pour s'éclipser à l'infirmerie. Ben voyons, ils ne vont pas aller baiser quand même !

Putain, la tronche de Freddy, il n'a pas l'air heureux le mec.

Pendant une heure d'un film dont j'ai tout oublié, j'ai essayé de comprendre Emily à travers ses gestes, son comportement et surtout ce qui l'unissait à cette Naomi. Je ne voulais pas l'admettre mais il fallait envisager un amour contrarié. Du coup, cela faisait de mon Emily, … une gay !

Et Katie avait-elle raison pour Naomi ? Pas question d'abandonner.

A la sortie du cours, je glissais à Emily mon number phone au cas où. Elle le prit avec beaucoup de gentillesse.

Bien sûr, j'attendis le sien mais il ne vint pas. Shit.

Je rentre chez moi, plein d'espoir tout de même et surtout heureux. Pour la première fois de ma vie j'ai le sentiment que tout peut m'arriver. Je m'allonge sur le lit, je respire.

Puis mon phone vibre, un message, mon premier message anglais.

« Comme ça tu auras mon numéro. A demain. Emily.»

Je plane plus haut que tous les ballons de Bristol.

Je me repasse l'album Citrus d'Asobi Seksu. La ville est à mes pieds.

Asobi Seksu - Nefi & Girly