Note de l'auteur : me revoici avec le spin-off faisant suite et fin à l'épopée de l' Enfant des Temps Obscurs, rédigé vers 2012-2013. Certains chapitres approfondissent des scènes évoquées rapidement dans le premier opus, donc ne soyez pas surpris, à des fins d'enrichissement. D'autres oeuvreront comme épilogue par la suite, pour la période après-guerre contre Ganondorf.
Je tiens toutefois à signaler qu'il sera normal dans les derniers chapitres que certains évènements soient mentionnés mais non développés. En effet, ces derniers proviennent d'une collaboration rp sur un vieux forum Zelda, mais mon équipier ayant disparu en cours de route et mon temps libre s'étant effrité, je n'ai pas eu le temps de poursuivre la réécriture pour l'adapter en fanfiction. Même si j'admets que le projet me trotte de nouveau en tête... xD Je ne remercie pas mon cher équipier qui m'a rendu le virus de la fanfic (il se reconnaîtra)... enfin si quand même ! Peut-être :P
Bonne lecture ! Je suis à votre écoute par commentaire ou par MP/PM.
Lenia41
Arc I - Chapitre I : Cette époque rayonnante... bientôt révolue : l'air d'une promesse à travers le temps
Il était une époque où notre contrée ne manquait de rien. Depuis sa fondation par nos bienfaitrices déesses Nayru, reine de sagesse, la raison incarnée, Dihn, puissante souveraine l'épée du sacré, et la douce Farore, Farore la brave, Farore la courageuse gardienne de nos terres. Elles créèrent la terre, l'eau, la vie, l'air et la justice en ce monde avant de se retirer en ne laissant qu'un joyau derrière elles, la Sainte Triforce, conservée en un lieu secret pour la garder de bien vilaines mains. Ainsi naquirent les peuples des Kokiris, les enfants des bois, les Zoras, seigneurs de l'eau, les Gorons, les fiers guerriers des montagnes, les Gerudos, les maitres du désert furieux, et nous, les Hyliens, désignés comme le peuple le plus chéri des déesses. En ces temps bénis et de nombreux siècles durant, la paix fut assurée par des relations paisibles entre de justes souverains unis et repoussant sans mal le moindre bandit qu'il soit. Les terres étaient alors fertiles, les commerces foisonnants et la bonne humeur avait sa place toute assurée. Mais une ombre menaçait déjà à l'horizon tel un orage en approche qui dévorerait lentement le bleu d'un ciel pur d'été, grondant dans les terres perdues du désert Gerudo.
La Citadelle était alors étincelante de prestige et de beauté, guidée par un juste roi d'Hyrule, le digne père de la célèbre et sage Princesse Zelda, et grouillait de vie et de joie. Les troubadours chantaient leur mauvais vers dans les rues, les musiciens se donnaient à cœur joie pour entretenir l'atmosphère de liesse constante alors que des couples dansaient à l'ombre des pins sans la moindre trêve. C'est dans une de ces familles réjouies que je cède ma parole de récit, alors qu'une jeune femme comblée Katerina attend son premier enfant, choyée par son époux, un jeune capitaine de la garde de la citadelle, fier et digne, brave et fort comme un lion : Keran, descendant d'une longue lignée de soldats de la garde personnelle de la famille royale et pressenti à la même destinée. C'est de cette heureuse et digne union que naquit l'héritier mâle de la famille, Alan, une naissance qui continua à réjouir le très jeune foyer né d'une passion sincère et réciproque et non de mariage arrangé entre familles.
Les années s'écoulèrent ainsi que poussière dans le vent et le nourrisson devint un jeune enfant extraverti, instruit dès son plus jeune âge à la lecture et à l'entretien des chevaux, accompagnant régulièrement son père. C'est ici que je laisse la parole à la Muse qui guide mes propos, bons seigneurs, c'était ainsi un doux matin d'Avril...
C'était un doux matin d'Avril alors qu'Alan comme de coutume accompagnait son père aux écuries, invité cette fois ci à partager un secret avec lui. Fasciné par les grandes personnes qui essayaient de les séparer, le petit bonhomme de neuf années pas haut comme trois pommes encore dans les jambes de son père, ses yeux bruns d'enfant regardaient les attirantes étales des rues aux mille et une couleurs chatoyantes ou au doux musc de nourriture étrangère à la citadelle. Mais il ne peut s'y attarder, son père semblait pressé cette fois-ci, et il fut obligé de courir pour le rattraper, ce qui fut bien épuisant honnêtement ! Son éternelle besace sur la hanche, il caracola comme un tout jeune poulain, trottinant joyeusement alors qu'il interrogeait inlassablement son paternel si gentil :
- Papa, pourquoi tu te presses tant ? Qu'est ce que tu veux me montrer ? Allez papa, tu as refusé de me donner le moindre indice depuis hier soir, ce n'est pas gentil du tout !
- Patience Alan, tu verras bien ! Il faut toujours savourer l'attente, mon garçon, elle est bien plus délicieuse encore que la surprise révélée !
Alan vit alors son père se faire saluer par deux gaillards en armures luisantes, ce qui l'étonna drôlement : son père était-il si craint que tout le monde le saluait ? Il n'y comprenait rien lui ... Pourtant ils faisaient la même chose à d'autres bonhommes plus vieux encore ! Pourquoi ? Ils étaient si contents que cela de se voir ? Mais son père connaissait tous les gardes de la cité alors ! C'est alors que le petit garçon remarqua qu'ils s'éloignaient des écuries principales pour se diriger dans l'un des enclos de la garde de la citadelle, où se détendaient de fringants étalons, destriers et autres palefrois qui ne manquèrent pas d'enchanter le petit garçon quand son père s'accouda à l'enclos et désigna un jeune yearling d'un bai flamboyant, un destrier jeune de trois ans, aux yeux noirs pétillants d'une intelligence toute particulière :
- Fils, tu vois ce jeune étalon là-bas ? Peux-tu me dire à quel type il appartient ?
Alan plissa des yeux pour essayer de mieux voir tout en agrippant à la barrière de bois pour mieux observer l'équidé, avant de répondre d'une voix hésitante, ayant peur de se tromper et de décevoir son si cher père :
- Le marron ? Heu le bai pardon ... Il a l'air imposant et puissant, mais jeune encore ... Un palefrois serait bien plus mince et élégant, puisque tu m'as dis qu'ils servaient pour la parade, alors que les destriers sont faits pour le combat, n'est ce pas ? C'est un vrai destrier ? Pour de vrai ?
Il put observer ainsi le visage sévère et marqué de son père, au teint buriné par le soleil et les nombreuses excursions de surveillance depuis qu'il avait été nommé garde de la famille royale, un honneur qui avait ravi l'humble maisonnée, aux cheveux bruns pareils au sien coupés très courts, voire presque rasés à la coupe guerrière, et ses mêmes yeux bruns légèrement plus foncés que ceux de son fils unique pénétrants et inquiétants, avant que le père ne pose sa main dans les cheveux de son fils et les lui décoiffe un peu plus dans un geste affectueux :
- Tout juste, Alan, c'est bien un destrier. C'est mon futur destrier pour la mission de demain, puisque Invierno est tombé à la dernière bataille d'épuisement pour sauver ma vie ... il se nomme Sysco, tu veux le voir ?
Les yeux du petit garçon se mirent alors à pétiller d'étincelantes étoiles, approuvant vivement de la tête tout en manquant de tomber puisque son petit pied au soulier de cuir glissait sur le bois humide de la barrière, mais son père le rattrapa et le porta sur ses épaules tout en lui soufflant avec un sourire mystérieux :
- Alors il faudra que tu le fasses venir à toi, Alan.
- Mais comment ? Papa, tu sais bien qu'il ne me connait pas, et je suis trop petit pour lui courir après ! Alleeeeez tu ne peux pas l'appeler pour moi, dis ?
Son père soupira légèrement tout en prenant délicatement le jeune garçon de neuf ans et l'asseyant sur la barrière de manière stable tout en le fixant dans les yeux, sortant un petit harmonica usé tout en lui ordonnant avec une sévérité affectueuse et impérieuse à la fois :
- Non, tu ne peux recevoir les choses que si tu t'en montre digne de les avoir ! L'honneur et le mérite, Alan, valent autant que toutes les morales existantes ! Écoute bien, car ce sera ton tour ensuite. Compris ?
Le petit garçon dépité mais attentif ouvrit donc grand ses oreilles alors qu'une mélodie étrangère vint se graver dans sa mémoire, et que le yearling finit par s'approcher d'eux en trottant d'un air vif, filant droit vers son père mais boudant toute caresse de la part du petit garçon, s'amusant à lui souffler bruyamment dessus pour lui faire peur, ce qui lui valut une légère tape sur le museau de la part de Keran, et indigné il coucha les oreilles et partit brouter un peu plus loin, fouettant l'air de sa queue avec vigueur. Alan allait s'en aller de dépit quand son père le retint fermement au bras tout en lui tendant l'harmonica, avec un ordre silencieux d'essayer à son tour. Le pauvre Alan, pas musicien pour un sou quand il était enfant, avait bien du mal à boucher les bons trous pour former les bons sons, et de là à reproduire la mélodie. Mais à force d'efforts et d'essoufflements, il parvint, rouge comme une tomate, à reproduire la mélodie et le beau et jeune destrier vint aussitôt vers eux, l'air surpris de voir que le petit garnement avait l'instrument magique entre ses mains, et daigna en ronflant fortement des naseaux à se laisser caresser l'encolure quelques minutes avant de s'éloigner au galop, sous le regard dépité du jeune enfant. Son père lui expliqua tout en reprenant l'instrument et aidant son fils à descendre de son perchoir :
- Rien n'est gagné d'avance, patience et courage forgent le mérite nécessaire, le temps seul te dira quand tu pourras recevoir ce que tu recherches. Il est encore fougueux, ne t'en fais pas...
- Dis papa, je pourrais le monter à ton retour à la maison ? S'iiiil te plaaaaaît !
- Quand tu auras quelques années de plus, peut-être ! Ce serait trop dangereux là ... Viens, que je te raccompagne à la maison avant mon départ.
Alan se remit sur le chemin du retour en silence, enserrant la main de son père dans la sienne, restant un long moment silencieux, avant de demander d'une voix douce et timide, presque dans un murmure :
- Papa ... Tu vas encore partir longtemps ? Maman est si inquiète à chaque fois que tu t'en vas ... Tu reviendras, hein ? Promis ?
Son père ne voulut pas répondre, plongé dans ses pensées, et Alan dut le tarauder pour obtenir un faible renvoi de promesse, mais plus tard le jeune homme dirait avec dédain que la réponse n'était ni droite ni honnête. Ce fut avec le coeur étrangement douloureux qu'il vit sa mère étreindre son père alors en armes, prêt à monter sur l'indigne Sysco si méchant avec lui, et le petit garçon, se rappelant les sages paroles d'une vieille mère-grand, s'aventura jusqu'au mystérieux Temple de la ville, surprenant la population âgée des visiteurs adultes ou doyens visitant le bâtiment par son très jeune âge, et imitant timidement son voisin, un vieux monsieur pas maigre du tout et au goût vestimentaire des plus étranges à ses yeux, il s'accroupit sous la statue perchée au plafond représentant les trois déesses de son royaume, disant avec toute la maladresse et l'innocence de son jeune âge :
- Mesdames les déesses, heu ... Dame Nayru, Dame Farore et ... Et ... Dame Dihn, veuillez me pardonner mon hésitation votre honneur, j'aimerais bien que vous protégiez mon papa qui s'en va encore, parce que maman aurait le coeur brisé et que ce ne serait pas très gentil de la pousser dans un tel état. Vous savez, elle est fragile ma maman sans mon papa, et mon papa, eh bien il fait tout pour protéger ces terres des gros méchants qui veulent nous faire du mal ! Alors heu ... Non, c'est pas cela ... Je crois ... Ah oui, voilà ! Je vous prie, très saintes déesses, de veiller sur mon papa, qu'il nous revienne vivant ... Ainsi que tous ses copains les gardes, parce qu'eux aussi c'est des gentils ! Merci très grandes déesses, je vous prie d'écouter mon humble prière ...
Le petit garçon qui priait ainsi avec toute la naïveté de son âge ignorait encore la fourberie des ténèbres grandissantes, ignorant des méchancetés de la guerre et que le monde n'était pas tout rose et que tout le monde n'était pas très gentil. Mais quelqu'un jura qu'il vit après ces paroles l'une des statues divines s'illuminer doucement et très brièvement l'espace de quelques secondes, la dextre déesse, Nayru la sage, d'une discrète lueur bleutée... mais personne ne put confirmer le phénomène, puisque le concerné lui-même refusa de se prononcer sur cet épisode de sa vie. Mais je puis vous jurer, mes bons sires, que j'ai été fidèle à ce que m'a dit ma Muse, servante des déesses, et je m'en dois hélas vous quitter pour ce jour, et priez pour l'espoir du renouveau de notre royaume, et honorez les héros qui protègent sans cesser nos terres de toutes les vilénies de l'enfer...
[...]
Muse, j'ai donc chanté l'enfance heureuse, les jours dorés de l'existence de l'élu oublié de Nayru. Mais vous tous, bons seigneurs, vous savez tout comme moi que cette période de liesse n'a guère duré au moment où le sournois Ganondorf a posé ses sales pattes sur notre territoire, terré dans les sables brûlants du lointain désert Gérudo. Et lentement la situation se renversait, ce qui affecta bien entendu notre manière de vivre tandis que le Mal pourrissait déjà les cœurs des plus grands d'entre nous. C'est donc là que je laisse ma voix à la légende, alors que le crépuscule doucement annonçait son arrivée...
Le bourg n'était déjà plus ce qu'il était. Certes, le voyageur non averti pouvait toujours y voir une citadelle éclatante, aux mille et un parfums, aux mille et une étranges découvertes, à la musique virevoltantes. Mais l'habitué du bourg pouvait déjà pressentir les temps qui changeaient. Derrière l'apparente opulence de la cité, à l'envers du miroir, il y avait des foyers qui souffraient dans l'ombre de la lumière de la couverture de la Cité, au coeur qui déjà en pâtissait. Les enfants parcouraient toujours les rues, mais parfois des rues déjà bien sombres, dont certaines mal famées, corrompues par quelque chose que les gardes ne pouvaient plus résorber en totalité. Les orphelins aimaient jouer en groupe dans ces rues dangereuses, et Alan les connaissait bien, il allait souvent les rejoindre puisque sa mère ne se préoccupait plus vraiment de lui, avait des yeux ternis et distants, toujours recouverts de larmes, ce qui altérait lentement sa beauté et sa joie de vivre. Alan était triste lui aussi, son papa lui manquait et ne donnait aucune nouvelle. Même les étales perdaient de leur saveur et de leur curiosité à ses yeux, et il s'était enfermé dans la lecture des récits et autres légendes de l'âge d'or de la contrée hylienne. Il voulait seulement son papa, lui. Pourquoi son père tardait-il à rentrer à la maison alors que les déesses devaient veiller sur lui ? Ce n'était pas comme d'habitude, il se faisait long. Pourquoi sa maman pleurait depuis ce jour... ?
Alan était alors allé en ville et s'était orienté vers le château, dont la sécurité avait été renforcée, trottant comme si de rien n'était, poussé par l'inquiétude dévorante et une tristesse sans nom et presque sans visage, ce qui ne la rendait que plus terrifiante encore. Il faisait beaucoup de cauchemars en ce moment, où il voyait son papa se faire dévorer par des ténèbres qui se transformaient pour devenir un monstre aux crocs gigantesques que seule l'imagination puérile et infantile peut engendrer. Une jeune fille rousse semblait attendre près de l'arbre, et il la salua d'un petit hochement de tête réservé et poli, bien élevé qu'il avait été. Il voulait tant aller à la caserne proche du château, les gentils soldats devaient savoir, non ? Papa disait toujours que ses supérieurs connaissaient tout des gestes et faits de leurs soldats, alors il devait forcément quelqu'un qui pourrait le renseigner ! Fort de cette pensée innocente, le petit garçon du bourg osa aller plus loin que d'habitude, c'est à dire quitter le coeur de la ville pour emprunter le petit sentier menant aux portes de la zone royale. L'herbe était alors encore bien verte et la terre bien brune, très sableuse, et on pouvait voir un grand arbre vigoureux sur sa gauche, très très grand, d'où on entendait des crissements qui terrorisaient le petit enfant qui pensait que le monstre géant de l'arbre allait le dévorer tout cru ! D'un pas guère assuré, il dévora des yeux l'immense porte de pierre à la herse en fer de fermée, intimidé et fasciné tout à la fois. Timidement il vit deux gardes à l'air sévère qui semblaient déjà s'occuper d'un petit garçon blond très étrange, probablement étranger à la ville, qui semblait lui aussi vouloir passer. Les yeux d'un brun ocre du petit enfant se posèrent sur l'étrange attirail du garçon de son âge : une sorte de tunique toute verte, avec un grand bonnet de lutin tout aussi vert et de grandes bottes brunes. Mais Alan restait perplexe en voyant dans le dos du petit un fourreau richement coloré d'où se pointait la garde bleue saphir d'une épée. Cela ne pouvait être une vrai, n'est ce pas ? Ses yeux s'illuminèrent alors : mais oui, cela devait être un des jouets que l'on donnait aux enfants des riches familles ! Il en avait de la chance l'inconnu, cela coûtait beaucoup de joyaux et c'était très rare et très prisé ! Mais il vit les gardes repousser rudement le garçonnet avec une sorte de chose ronde avec des ailes toutes bleue, et avec son bon coeur habituel, il s'approcha du petit garçon blond malmené tout en s'écriant avec souci :
- Tu vas bien ? Tu ne t'es pas fait mal, hein ?
Puis il tourna sa petite tête brune et ses yeux ocres indignés vers les gardes qu'il vénérait d'ordinaire pour commenter avec la force et l'inconscience d'une enfance encore présente tout en aidant l'inconnu à se redresser :
- C'était méchant ! Il ne vous a rien fait de mal, j'ai tout vu ! Mon papa lui il ne faisait jamais cela à des enfants, il disait que c'était honteux de lever la main sur eux ! Mon papa il aurait honte de vous, méchants !
L'autre enfant semblait interdit et restait à ses côtés, observant avec des yeux bleus sans pareils le petit garçon brun indigné, tandis que les soldats regardaient d'un œil dédaigneux celui qui osait lever la voix sur eux, avant d'éclater d'un rire moqueur et que l'un ne lui rétorque avec ce qui parut extrêmement mesquin pour le petit garçon, du venin dans la voix :
- Ha ha ha ! En voilà un p'tit drôle ! L'armée ce n'est pas pour des enfants de chœur, gamin ! L'accès est interdit ici, des citadins comme vous n'ont pas le droit de passer, alors disparaissez !
Alan rougit alors comme une tomate d'indignation, les joues fumantes et les yeux ocres déçus du mythe qu'il s'était fait des soldats alors qu'il les voyait aux côtés de son père adoré, et il répliqua d'une voix criarde d'un enfant indigné :
- Ce n'était pas comme cela avant ! Avant, le roi, la princesse, et bien ils acceptaient de recevoir les personnes qui avaient besoin de les voir et de leur faire une prière ! Menteurs ! Vous n'êtes que des menteurs ! Mon papa ne ment pas d'abord, mon papa il est garde de la famille royale, c'est le capitaine même, et il s'appelle Keran ! Mon papa ne mentirait jamais !
Il prit un air boudeur, attendant de voir l'effet que cela ferait en disant que son père était aussi un soldat et qu'ils n'étaient que de méchants menteurs, mais il ne s'attendit certes pas à ce que l'un des gardes, celui qui n'avait pas parlé, ne s'avance vers lui, un air à la fois dégoûté et compatissant sur le visage, javelot toujours en main, dans sa cuirasse dorée reluisant au soleil du matin, il semblait très grand et très imposant, répétant tout en se baissant à sa hauteur :
- Le capitaine Keran tu as bien dis, garnement ? C'est bien cela ? Oui, tu lui ressembles presque bien que plus maigrichon... tu serais donc le petit gosse qui l'accompagnait toujours, son fils je crois ? Je t'ai vu quelque fois à la caserne. J'ai connu ton père, on m'appelle Gary ici et je suis lieutenant.
Les yeux d'Alan s'illuminèrent d'espoir alors d'entendre des nouvelles de son cher papa porté disparu, mais il ne fut pas satisfait car avant de pouvoir poser la moindre question le soldat lui remit un étrange billet noir, d'un noir d'encre tout en insistant en le faisait se retourner et le poussant vers la ville avec moins de brusquerie que l'autre soldat :
- Je ne suis pas habilité à te répondre, gamin, mais ne t'attends pas à ce qu'il rentre de sitôt. Donne cela à ta mère, elle comprendra. On a oublié de vous le donner je pense. Maintenant ne nous fait pas perdre plus de temps et rentre chez toi. File !
Alan ne comprenait pas, et voulut insister tout en tenant le billet entre ses petits doigts, mais le garçon tout de vert vêtu prit son poignet et lui fit en silence un geste négatif de la tête pour lui faire comprendre qu'ils devaient s'en aller pour ne pas s'attirer des ennuis. Alors qu'ils commençaient à s'éloigner l'autre soldat leur lança avec une méchanceté qui blessa et glaça le sang du petit bonhomme du bourg déjà déçu et désorienté :
- Tu es le fils d'un traitre, le gosse ! Compte pas sur le fait que les soldats seront gentils avec toi, il n'y a pas de pire faute que la trahison, et il n'y a pas de pire honte que d'être le fils d'un déshonoré !
Vexé Alan se retourna, furieux que l'on blesse ainsi son papa, et se serait jeté stupidement sur le méchant soldat si le blond ne le contenait avec une force surprenante sans relâcher la prise sur son poignet. Il le suivit sans rien dire, trop bouleversé et ne comprenant rien des termes du méchant homme à la langue sifflante de méchanceté, car il était encore trop jeune pour comprendre ce que des années et des années plus tard représentera pour lui l'une des pires hontes qu'il aurait à amender pour laver l'honneur de sa famille, et tout jeune encore dans sa tête, il était convaincu que ce n'était là que des mensonges brodés par des jaloux, alors que plus tard il saurait que ce n'était que le vérité pure, et qu'il serait destiné à croiser le fer avec son paternel, avec pour seul désir de le tuer. Mais ne nous avançons pas trop, ceci est une autre histoire que je vous conterais plus tard. Les larmes aux yeux de colère et de tristesse, il oublia un moment la présence du petit garçon tout vert à ses côtés mais perçut un brin de sa conversation avec la madame rousse près de l'arbre. Voyant l'air perdu et découragé de son camarade d'infortune, il s'approcha de ce dernier qui commençait à revenir vers la ville, le retenant par l'épaule tout en s'écriant :
- Hé attends ! Attends moi, je veux te parler ! S'il te plait !
Le garçon blond fut surpris de ce contact et se déroba brutalement, la main à la garde de son épée, les yeux bleus méfiants et attentifs, toujours silencieux, mais curieusement, même dans ce silence, Alan parvenait à le comprendre. Ce dernier le rassura tout de suite, mais à voix basse, un léger sourire un peu triste aux lèvres :
- Je tenais à te remercier... je ne sais pas qui tu es mais tu m'as empêché de faire une grosse bêtise dont papa n'aurait pas été fier du tout ! Moi c'est Alan, et toi, tu t'appelles comment ? Tu viens d'où ? Je n'ai jamais vu de vêtements pareils et jamais une vraie fée... tu viens de la forêt de l'Ouest, des Kokiris ? On en parlait dans mes livres... avec un gros et vieil arbre qui parlerait !
Le petit bonhomme blond finit par se détendre et relâcha la garde de son épée, hésitant et consulta du regard sa fée bleue, avant d'approuver de la tête les questions de son interlocuteur, puis de murmurer un nom d'une voix si basse qu'Alan aurait pu ne pas l'entendre du tout s'il n'avait pas été un peu plus attentif. Ce dernier ravi tendit une main vers son camarade, comme faisait son papa quand il voyait de proches amis ou des personnes qu'il respectait, tout en gardant une voix basse :
- C'est génial ! Tu en as de la chance, tu sais, de voyager ! Moi je connais que le bourg, si tu voulais je pourrais t'y guider, je connais les rues comme ma poche ! Mais tu as l'air pressé... écoute Link - je peux t'appeler Link hein ? - j'ai cru comprendre que tu voulais vraiment aller au château pour une raison inconnue mais urgente rien qu'à voir ton expression de tout à l'heure. Les gardes sont méchants et tendus en ce moment... tout le monde est inquiet et on ne te laissera pas passer facilement. Je veux t'aider par contre. Si tu me promets de garder le secret, je peux te montrer un passage secret pour contourner la herse. Ce sont des copains du village qui m'en ont parlé et je l'ai déjà testé, mais j'ai eu trop peur d'aller plus loin, papa n'aurait pas été content du tout ! Mais faudra que tu l'emprunte le soir ensuite, le jour les gardes sont trop nombreux et trop méfiants, s'ils te surprennent ils le seront encore plus ! Tu es d'accord ? S'il te plait, je voudrais vraiment t'aider, alleeez !
Le petit garçon tout de vert vêtu parut hésiter un moment, ses yeux bleus essayant de voir si son interlocuteur ne voulait pas le tromper sournoisement, puis eut une ombre de sourire sur son visage si réservé en dépit de sa jeunesse et approuva avec assurance de la tête, une lueur reconnaissante dans le bleu ondin de ses yeux, promettant du regard de garder le secret tout en serrant rapidement la main tendue de son homologue civil brun. Ce qui enchanta Alan au plus haut point alors qu'il prit le bras de celui qu'il considérait comme un copain maintenant sans demander l'avis de l'autre garçon et l'emmena discrètement dans un endroit du passage caché à la vue des gardes et lui indiqua une sorte de groupe de lierre grimpant sur le mur qui pouvait servir à un habile grimpeur pas trop lourd à aller sur la corniche bien au dessus. Tout en lui intimant inutilement le silence absolu, il passa le premier pour le rassurer de la sûreté du passage floral et l'attendit près d'une étrange pierre au visage hilarant dont il n'avait jamais comprit l'utilité et que certains appelaient "pierre à papote" ce qui étonnait Alan au plus haut point : comment une pierre pourrait parler ? Après tout on dit bien "silencieux comme une pierre ?" non ? Alors pourquoi ? Alan ne comprendrait jamais la logique délirante des adultes. Il montra à son camarade ensuite la pierre pour s'y cacher et lui pointa discrètement le petit pont de pierre formé par les portes, tout en hochant négativement la tête, c'était le mauvais le chemin. Puis il indiqua la petite trappe présente peu surveillée le soir, car les gardes pensaient que personne n'aurait l'audace de se pointer ici presque sous leur nez et donc la surveillait de manière plus relâchée. C'était son papa qui s'en plaignait les soirs où il était de surveillance, quand il était encore au château, de ce laxisme à cet endroit précis. Un adulte n'aurait aucune chance de passer en effet, mais un enfant assez discret... Puis une fois que le blondinet eut retenu le truc, ils redescendirent discrètement et Alan insista pour guider son nouvel ami dans la ville pour lui montrer les nouveaux commerces et autres merveilles du bourg, déboulant d'une rue à une autre, se trompant des fois de maison et s'enfuyant en riant avec gêne aux cris furieux d'une mégère. Puis quand le soir finit par s'annoncer, il raccompagna son camarade devant le passage tout en soufflant une dernière fois :
- C'est le moment. Sois patient et prudent, j'ai pas envie qu'il t'arrive quelque chose, tu es si gentil ! Le pont levis du château se lève juste après le chant du coq à ce que j'ai entendu des gardes une fois, alors tu devras être patient jusque là. Que les déesses soient avec toi et te protège, je ne connais rien de plus à partir du pont levis ! A plus tard peut-être, Link, préviens moi si tu reviens dans le coin un de ces jours, je te présenterais maman !
Avec un dernier geste de salut, il quitta son camarade d'un jour, persuadé qu'il ne le reverrait sans doute jamais, mais content de l'avoir rencontré, il ne s'en plaignit pas et gambada jusqu'à chez lui pour donner l'étrange billet noir à sa mère. Elle eut une réaction à laquelle il ne s'attendit pas, persuadé justement que c'était une lettre de son papa qui pour être original aurait changé la couleur de papier, mais sa mère tomba à genoux et fondit en larmes, grondant Alan de ne pas lui avoir donné le billet avant, le giflant même sous l'effet de la colère et le renvoyant dans sa chambre avec sécheresse, le petit bonhomme très choqué de cette réaction y accourut en pleurant à chaudes larmes à son tour, estimant qu'il n'avait rien fait pour mériter une pareille punition et était encore plus désorienté. Triste, il était allé à la fenêtre et observa la lune au loin ainsi que les cieux étoilés, se demandant si l'étrange petit garçon tout de vert vêtu aurait plus de chance que lui et pria les déesses de veiller sur son nouvel ami d'un jour. Il ne put dormir cette nuit là, choqué et surtout en proie à de terribles et insaisissables cauchemars...
Au commencement il y eut les mots,
Indispensables à la préservation éternelle,
Des récits des sombres démons et des héros,
Qui les combattirent sans faille sous un ciel vermeil.
Toute légende se munit d'un prologue,
Qui permet de narrer les racines de la légende
Toute légende se munit d'un épilogue
Qui permet d'illustrer les branches de la légende.
La légende est comme cet arbre millénaire qui perdure
Alors que les mortels s'effacent et disparaissent ceux qui furent,
Car si la parole disparaît, s'éteint, l'écrit reste immortel, éclatant et pur !
Moi, pauvre aède, pauvre hère, je viens donc vous annoncer,
Bonnes gens, bons seigneurs, que le Héros de l'Ombre que j'ai chanté
Autrefois n'a pas toujours été héros, l'un des nôtres il a longtemps été,
Mes doux seigneurs, écoutez donc l'histoire encore méconnue du Héros Oublié...
Les mots sont la base même d'une civilisation sereine,
Les mots sont le lien entre le vilain profane et le divin;
Les chants sont les messagers du sacré aux âmes vaines,
Et je suis donc le héraut, qui chante le passé pour le lendemain !
Vous avez donc ouïe hier les racines de la légende
Qui touche aux serviteurs des protectrices de notre monde,
Les Trois Pures, les Trois sacrées, qui les cieux fendent,
Et observent nos gestes tout en guidant le destin qui gronde.
Ainsi il n'était pas un, mais ils étaient deux. L'un destiné
A combattre le mal d'un courage resplendissant, l'épée
Dressée vers les cieux, et que le mal ne pouvait que redouter.
L'autre était promit à défendre dans les ombres, discret,
Ses gestes demeuraient certes dans l'ombre du premier,
Mais en rien il n'a mérité de n'avoir sa légende de chantée.
