Disclaimer : Je ne fais qu'emprunter les personnages de JK Rowling.
Note : Bonjour !
Ce texte est depuis longtemps dans mes tiroirs et PiccolinaSandra m'a convaincu de le poster après l'avoir corrigé, merci à toi pour ton travail et tes conseils !
Malgré le sujet inhabituel, j'espère que cela vous plaira tout de même !
.II.
« On me traite de féministe lorsque mon comportement ne permet pas de me confondre avec le paillasson. » (Rebecca West)
Elle venait de faire un long discours sur l'importance de l'égalité homme-femme, elle y avait mis toute sa conviction, et même comme ça, Harry sentait que le public, majoritairement composé d'hommes, comme la plupart des organismes de pouvoir aujourd'hui, était peu emballé à l'idée de se battre pour une cause dont ils ne voyaient pas l'intérêt, pire, qu'ils trouvaient incompréhensible. Ils s'entendaient tous pour dire que le viol, c'était mal et que les hommes battant leur conjointe était un fléau. Mais la réalité, c'était qu'ils étaient tous plus ou moins misogynes. Ils appelaient parfois leurs collaboratrices par des mots peu flatteurs, reluquaient leurs assistantes comme si elles étaient de la viande et manquaient régulièrement de respect aux femmes occupant un poste équivalent, ou (plus rarement) supérieur au leur.
Harry croyait beaucoup à la notion d'exemple. Et lorsqu'il voyait l'assemblée, censée regrouper les personnages les plus à même de diriger le pays, il prenait peur. Ce n'était clairement pas à eux qu'il pensait lorsqu'on lui parlait de respect ou d'honnêteté. Il méditait sur l'éducation qu'il tentait de donner à ses fils, prônant l'égalité. Il réfléchissait au monde qu'il allait laisser à sa fille Lily. Un monde où elle devrait se battre plus férocement que ses frères, car elle était une fille. Il était heureux que des femmes comme Hermione se battent pour toutes les petites filles, mais il ne pouvait s'empêcher d'être défaitiste.
Il se souvenait de leur jeunesse, lorsqu'ils avaient tout juste la vingtaine. C'était leur grand jeu avec Ron, voir combien de temps il fallait pour qu'Hermione réagisse à une réflexion misogyne. C'était puéril et un peu idiot mais à l'époque, ils trouvaient qu'elle sur-réagissait.
Et puis un jour, Ron et lui étaient à l'appartement qu'ils partageaient tous les trois. Ils devaient réviser un examen pour leur formation d'Auror mais le manque de motivation se faisait sentir. Ils avaient entendu la porte claquer et ils s'étaient étonnés qu'Hermione rentre aussi tôt.
Elle avait une petite routine quand elle passait le pas de la porte. D'abord, poser son sac sous la patère, puis accrocher son manteau. Elle enlevait ses chaussures, qu'elle posait à côté de son sac. Elle respirait un grand coup, semblant apprécier d'être rentrée à la maison, puis passer la porte du salon. Cette routine lui prenait environ quarante secondes. Cela faisait rire les garçons, mais automatiquement, ils regardaient la porte quarante secondes après avoir entendu la porte d'entrée claquer.
Mais ce jour-là, Hermione ne parut pas sur le pas de la porte. Ils étaient en train de se demander s'ils devaient aller voir lorsqu'elle arriva. Le sourire qu'elle tenta de leur faire, ne leur permit pas d'oublier ses yeux rouges et à quel point ses épaules étaient basses. Harry la prit dans ses bras, pendant que Ron allait à la cuisine faire chauffer de l'eau pour un thé. Après un certain nombre de câlins et de cajoleries, elle accepta de leur raconter ce qu'il s'était passé.
Comme à son habitude, elle avait pris le bus pour rentrer. Elle détestait les Cheminettes et il était impossible de transplaner dans l'enceinte du Square. Ses écouteurs sur les oreilles, son esprit voguant de la journée écoulée à la soirée qui s'annonçait. Et puis, elle sentit quelque chose passer sur ses fesses. Le monde se pressait autour d'elle, le bus était plein de gens rentrant du travail, de l'école. Elle pensait à une erreur_, une inattention. Mais la sensation s'était répétée. Elle s'était retournée pour signaler à la personne de faire attention, lorsqu'elle tomba sur le propriétaire de la main. Et au clin d'œil et au sourire libidineux qu'il lui fit, il était tout à fait au courant de l'emplacement de sa main et ce n'était pas une « inattention ».
Bien sûr, elle savait que ces comportements existaient. Elle avait toujours dit que si ça lui arrivait à elle, elle hurlerait, elle remettrait le type à sa place, elle le giflerait. Mais la vérité, c'est qu'elle s'était statufiée. Ni véhémence, ni fureur. Juste une profonde sidération. Quelqu'un la touchait, sans son consentement. Comment ? … Pourquoi ? … Dans la tête de qui, toucher les fesses d'une femme, à la faveur du monde dans le bus, était une idée acceptable ?
Elle ne hurla pas. Elle ne le frappa pas. Elle resta presque apathique, en le regardant sortir à son arrêt. Et cette apathie l'avait habitée jusqu'à ce qu'elle sorte du bus et qu'elle rejoigne la maison. C'est sur le pas de la porte qu'elle réalisa. On l'avait touchée sans son consentement. Ce qui n'arrivait qu'aux autres, elle venait de le vivre. Et la colère qui l'enflammait lors des discussions, ne lui avait été d'aucune aide. Il n'y avait que du désespoir, et de l'incompréhension.
Dans les bras d'Harry, elle demanda à voix haute :
- Ai-je fait quelque chose qui aurait pu lui faire penser que j'étais intéressée ? Ou est-ce ma manière d'être habillée ? Est-ce que je ne sur-réagis pas ?
Les garçons étaient médusés. Leur Hermione doutait. Leur meilleure amie pensait réellement que, peut-être, c'était de sa faute, ou que peut-être, ce n'était pas si grave. C'était grave. C'est ce qu'ils lui répétèrent. C'était grave, elle n'y était pour rien, elle pouvait réagir comme elle le voulait, c'était toujours une réaction appropriée.
Le paradoxe était splendide : eux qui s'étaient tant moqués de cette colère qui leur semblait exagérée, ils tentaient de la lui ré-insuffler, pour qu'elle puisse continuer à se battre.
Ce souvenir avait beaucoup hanté le Survivant. Dans les jours qui avaient suivi, Ron avait proposé maintes fois de prendre le bus avec elle. Elle avait refusé, ne voulant pas céder à la peur. Mais elle était devenue un peu plus craintive, un peu plus paranoïaque, un peu plus virulente aussi. Ça les avait fait réfléchir. Combien de leurs amies avaient subi / subissaient / subiraient des attouchements dans les transports en commun ? Combien d'entre elles avaient subi les insultes, les remarques graveleuses, les tentatives de drague lourdes qui mettaient mal à l'aise ? Avaient-elles subi pire ? Soudainement, Harry avait eu envie de s'excuser. Pour toute ces fois où il n'avait pas vu, pas su, ce que ses congénères subissaient. Pour ne pas avoir réagi quand il avait vu une femme se disputer avec un homme l'importunant. Et il espérait que la prochaine fois, il réagirait différemment, qu'il serait de ceux qui interviendraient.
Depuis ce jour-là, ce sentiment ne l'avait pas quitté. Il faisait attention à Ginny, même si cette dernière râlait gentiment contre cette protection. Il était très attentionné avec Lily, lui expliquant que les victimes n'avaient jamais de responsabilités, qu'importe ce que d'autres personnes pouvaient dire. Il avait expliqué à ses fils ce qui n'était absolument pas acceptable comme comportement. Mais il n'était pas idiot. C'était une goutte d'eau dans cet océan qu'était le monde. Il y aurait toujours des gens qui pensent que la femme était à disposition. Cela le rendait fou, d'imaginer, sa femme, sa fille, ses amies comme des victimes. Cette impression que sa petite fille était une brebis au milieu des loups lui donnait envie de lui trouver un chaperon. Ginny avait éclaté de rire à cette idée, avant de murmurer férocement que cela avait intérêt à être une blague. Elle l'avait empêché de donner des cours d'auto-défense à Lily mais avait accepté la bombe au poivre. Enfin, elle lui avait expliqué qu'il risquait de faire peur à sa fille, et que ce n'était pas la meilleure solution.
Il s'était calmé (un peu). Mais le comportement de certaines personnes continuait de le faire sortir de ses gonds.
Et voir les politiques s'en laver les mains, comme si aucun d'eux n'était marié, père, ou même capable d'empathie, le rendait furieux et défaitiste.
Après la réunion, les deux amis s'étaient assis dans le bureau d'Harry. Le discours fini, quelques mains avaient été serrées, on avait pris des photos pour prouver que le Ministère s'investissait dans la lutte pour l'égalité homme-femme, et tout le monde était retourné à sa vie, sans plus de pensées pour tous ces « 1 Homme sur deux » qui étaient des femmes et qui voyaient leur vie se compliquer pour une chose qu'elles n'avaient pas choisie.
Hermione était assise dans le fauteuil, serrant une tasse de thé entre ses mains. Elle avait enlevé ses chaussures et remonté ses jambes sous elle. Sans pouvoir s'en empêcher, Harry se sentit admiratif pour cette femme qui se battait depuis ses 8 ans. Pour avoir le droit d'être différente des autres enfants, pour pouvoir être une sorcière née-moldue, pour pouvoir être une femme. Une question le taraudait pourtant, alors il finit par la lui poser, presque timidement :
- Tu n'es pas fatiguée ?
Elle releva la tête et le fixa sans comprendre.
- Tu n'es pas fatiguée de toujours te battre ?
Malgré elle, sa bouche se crispa avant de se détendre, se souvenant que ce n'était pas Harry qui était la source de sa colère.
- Bien sûr que si. Chaque matin, je suis fatiguée. Face aux horreurs des hommes, j'ai envie de baisser les bras. Les mots sont des poignards. Chaque fois que quelqu'un dit, homme comme femme, qu'embrasser quelqu'un de force, c'est « bon enfant » (1), chaque fois qu'on envoie une petite fille, se changer parce que sa tenue est « inadéquate » (2), chaque fois qu'un adulte fait la leçon à une jeune fille sur « comment elle doit s'habiller » (3), j'ai envie de hurler. Littéralement. De frapper ces idiots. De me crever les oreilles aussi. Quand un homme m'explique que l'avortement, c'est un « confort » (4). Que si je ne travaillais pas, un homme aurait mon poste et que le chômage serait moins important (5). Quand une femme lorgne sur les jambes qui dépassent de ma jupe et me jauge ensuite, parce qu'apparemment, c'est une insulte (6). Quand un homme me fait un regard libidineux, qui me donne envie de me cacher, alors que je n'ai rien fait de mal (7). Quand on me klaxonne (8). Quand j'ai l'impression d'être moins autorisée à me déplacer dans l'espace public qu'un homme (9). C'est insidieux. Il n'y a pas de coup, pas de marque, pas de blessure. Tu ne peux pas dire « Il m'est arrivé ceci ». C'est une sensation de malaise, rien qui ne soit prouvable, rien qui ne soit réellement pris au sérieux. Mais quand des femmes évitent des rues, je pense qu'on peut affirmer qu'il y a un problème.
Mais, tu sais ce que c'est, le pire ? C'est que, certains jours, je me dis que ce n'est pas si grave. Je sais ce que je vaux. Pourquoi est-ce important que le reste du monde le sache ? Ce n'est pas grand-chose si on m'appelle « ma jolie », plutôt que Madame. Ou choisir la longueur de ma jupe en fonction de ce que la majorité estime. Qu'il y a des choses plus graves que de se faire raccompagner chez soi le soir.
- Alors, pourquoi tu continues à te battre ?
- Pour les autres.
Le silence qui marqua cette réponse était teinté d'une certaine solennité.
- Qu'ils me manquent de respect s'ils le veulent. Mais je continuerai à me battre pour la femme harcelée au travail. Pour la fille de mon âge qui, n'ayant pas d'ami pour la raccompagner chez elle, a décidé de rentrer seule, et à qui il sera arrivé[e] malheur. Qui aura le courage de porter plainte. Et à qui, la première phrase que l'on va adresser ne sera pas « On peut appeler quelqu'un ? » ou même le ô-combien-banal « tout ira bien » mais « Vous étiez habillée comme ça ?! ». Je me battrai pour la mère débordée, proche de la dépression, qui n'ose pas appeler au secours parce qu'on l'a persuadée qu'une maman, ça gérait la maternité sans souci et sans aide.
Si je ne mérite pas de reconnaissance, si j'arrive à me persuader que ce n'est pas si grave, que ma vie n'est pas horrible et que je dois être contente de ce que j'ai, c'est un affront que je ne leur ferai pas. Elles méritent d'être aidées, aimées, soutenues, comme n'importe quel citoyen ! Si ce n'est pas pour moi que je me bats, alors ce sera pour elles.
Ces mots sonnaient bien, c'était une musique enchanteresse. L'espoir d'un monde meilleur. Il s'en voulu d'être aussi cynique. Mais il avait l'impression que c'était son rôle, de le lui dire.
- Tu ne le verras jamais, tu le sais ? Ce monde merveilleux, où hommes et femmes cesseront de s'opposer, pour s'entraider.
Elle lui sourit, doucement, tendrement. Comme une femme ayant tout vu de l'injustice du monde sourit face à la candeur d'un enfant. Comme si elle savait qu'il ne voulait pas les blesser ou remettre en cause son combat, mais juste la préserver d'une déconvenue.
- Je sais. Et mes enfants non plus. Mais, j'espère que, dans des décennies, on l'obtiendra, cette égalité. Et dans les livres d'histoire, on parlera de « milliers de femmes qui se sont battues ». Et tu vois, dans ce millier, il y aura moi. Je ne me tairai pas.
Et tu sais, on n'est jamais seule dans l'injustice. Quand je pense que je me bats pour rien, seule, David contre Goliath, je regarde autour de moi. Je vois les autres mener leur propre combat. Ça me réchauffe le cœur. On n'est jamais seule dans l'injustice, on n'a jamais froid quand nos sœurs se pressent autour de nous.
.II.
Voilà, j'espère que ça vous aura plu ! C'est un peu comme un cri du cœur qui a eu besoin de sortir, du coup, puisque c'est écrit, je partage ^^
Source des exemples :
mon collègue
voir régulièrement les titres des journaux
les réseaux sociaux, sous chaque titre parlant d'une étudiante renvoyée chez elle pour se changer, d'une femme violentée etc.
Marine Le Pen, mars 2012
Je sais qu'un homme politique l'a dit. C'est aussi un article du Figaro.
, (7), (8), (9) expériences personnelles et/où de copines
Merci pour toutes vos reviews (auxquelles il faut que je réponde ! Promis, je le fais!), vos favorite et vos follow !
En souhaitant un bon week-end,
Potterement vôtre,
Math'
PS : le titre est une référence au livre de Martin Winckler « Le choeur des femmes », un livre que je vous recommande chaudement !:)
