Chapitre 1

POV AOI

Le vent souffle calmement sur mon visage serein. Ma guitare posée à côté de moi, je me laisse aller lentement.
Le ciel bleu est resplendissent et moi, comparé à ce firmament, je ne suis rien. Bizarrement, je n'ai pas envie de composer.
Juste envie de faire le vide dans mon esprit. Mais à mon plus grand malheur, mon portable vibre. Je le sors de ma poche et constate que Kai m'appelle. Je décroche, ne voulant pas l'inquiéter.

« _ Allo ?
_ Aoi ! Mais où es-tu ? Ça fait dix minutes qu'on te cherche.
_ Désolé. Je ne voulais pas vous inquiéter. J'avais besoin de prendre l'air.
_ Ça n'empêche pas le fait que tu aurais pu au moins nous prévenir.

Je soupire.

_ Aoi ça ne va pas ?
_ Si si. Juste un coup de fatigue.
_ Tu comptes revenir répéter avec nous ou dois-je dire aux autres que tu ne reviendras pas aujourd'hui ?
_ Je viens ne t'en fait pas. J'arrive dans quelques minutes. »

Je raccroche et range mon portable. Après m'être étiré, je me lève, saisis ma guitare et retourne au local. Je n'avais vraiment pas envie d'y retourner mais je savais que Kai m'en voudrait de les abandonner ainsi. Pourtant une autre partie de moi voulait à tout pris fuir loin d'ici. Et la cause de ce mal être n'était autre que Reita. Comment ai-je fait pour en arriver là ? J'ai beau me dire que ce n'est que passager, que ça s'améliorera avec le temps, rien y fait. Je me rend compte de jour en jour que je perd la personne qui compte le plus à mes yeux. Je suis las de faire semblant d'aller bien, las de lui mentir, las de devoir faire taire tous ces sentiments qui ne demandent qu'à sortir. Mais il semble ne pas le comprendre. Je me dis que je ne suis peut être pas fait pour lui, que je devrais abandonner mais d'un autre côté je veux me battre pour obtenir son attention, son amour. Quand je pense que tout ceci dure depuis deux ans maintenant. Au début ce n'était qu'une simple affection puis ça c'est développé en une réelle amitié pour finalement devenir un amour fort. Je pensais pouvoir m'en sortir mais au bout du compte je n'ai fait qu'empirer la situation. Peut être devrais-je en parler à Kai ? Non. Il ne comprendrait pas.

Plongé dans mes pensés, je ne remarque pas tout de suite que je suis planté devant la porte du local. C'est la voix de l'homme que je redoutais tant qui me sort de ma torpeur.

« _ Bah alors Aoi restes pas planté là.

Mon regard se voile d'une infini tristesse. Je prie pour qu'il ne l'ait pas remarqué mais il semblerait que le ciel soit contre moi.

Qu'est ce qui se passe ? Ça va ?
_ Oui...
_ Aoi ça fait quasiment cinq ans qu'on se connaît alors arrêtes de me mentir tu veux ?
_ Écoutes Reita, je veux pas en parler.
_ Tu devrais. »

Je le regarde avec pitié et il finit par abandonner. Il me prend dans ses bras, se voulant réconfortant. Seulement ce geste ne fait que me déchirer encore plus. Avec regret je me dégage de son étreinte si protectrice autrefois. J'entre dans la pièce sans adresser le moindre regard aux autres. Surpris, ils questionnent Reita du regard qui se contente de lever les bras, impuissant. Ils ne cherchent pas à en savoir plus et cela me soulage. Je n'aurais pas à affronter leur regard. Mais quelque chose me dit que Kai ne lâchera pas l'affaire aussi facilement.

La répétition reprend son cour. Je tente d'oublier ma souffrance pour me concentrer sur la musique. Heureusement, elle agit comme un baume et cicatrise progressivement mes blessures. Petit à petit, je me laisse envahir par le son de ma guitare, retrouvant par la même occasion le sourire. Je sens le regard protecteur du bassiste se poser sur moi et je ne peux m'empêcher de le regarder à mon tour. Lorsqu'il me voit tourner les yeux vers lui visiblement plus joyeux, il me sourit, probablement soulagé de voir que je vais mieux. Ayant besoin de sentir le contact de sa peau, je me rapproche naturellement de lui. Il ne dit rien et fait de même. Dos à dos, nous jouons chaque note de la chanson tout en appréciant le contact et la chaleur de chacun. Je ferme les yeux, imprégnant cette sensation au plus profond de moi. Puis je retourne à ma place, la douceur de sa peau me manquant déjà. Kai m'observe de loin sans dire un mot. Je prend soudainement peur. Et s'il avait compris ? Qu'est ce que je dirais ? Qu'est ce qu'il dirait ? Irait-il en parler à Reita ? Tant de questions aux quelles j'ai du mal à répondre. J'essaie de faire abstraction de mes peurs et continue à jouer.

Les répétitions sont enfin terminés. Il est tard et je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Je n'ai pas faim, mes muscles sont endoloris et la fatigue me gagne. Je prend place dans l'un des fauteuils et ferme les yeux, essayant de me reposer un peu. Mais c'est sans compter sur Kai qui prend place sur mes genoux.

« Allez debout marmotte !
_ Kaiiiii, je suis fatigué.
_ Mais tu dois manger avant. Tu es pâle. Ça t'aidera à aller mieux.
_ Je n'ai pas faim.
_ Pas de ça avec moi. Tu viens manger et c'est tout.
_ Oui maman. »

Il sourit et me tend sa main que je saisis avec lenteur. Je m'assois entre Ruki et Uruha. Ils me regardent affectueusement et je leur souris pour les rassurer. Cela semble marcher puisqu'ils entament leur repas sans me poser de questions. Ruki engage la conversation.

« Alors les gars, qu'est-ce que vous compter faire demain ?
_ Aucune idée, avoue Uruha. Je pense que je vais surtout dormir.
_ Moi je compte aller voir ma mère, dit simplement Kai. Et toi Reita ?
_ Je ne sais pas non plus.
_ Moi ça sera shopping, déclare fièrement Ruki. Et toi Aoi ?

Je réfléchis un instant avant de leur répondre.

_ J'irai probablement à la mer, confessai-je.
_ Chouette ! Je peux venir avec toi, me demande Reita.

Je serre les dents. Je voulais à tout pris l'éviter mais je me sens incapable de lui refuser.

_ Si tu veux.
_ Ouai ! Merci Aoi.
_ Derien. »

Le repas se poursuit dans un calme religieux inhabituel. Usuellement, le bassiste blond s'arrangeait toujours pour mettre l'ambiance mais là, rien. Inquiet, je m'empresse de lui faire remarquer.

« Reita tu n'es pas malade ?
_ Ah je me disais bien que quelqu'un finirait par remarquer.
_ Impossible de ne pas remarquer quand tu es anormal. Tu es tellement discret, rétorquai-je non sans amusement.
_ Ne joues pas à ça avec moi baka.
_ Comment ?! Répètes un peu pour voir ?!
_ Baaa-ka.
_ Espèce de...
_ Ça suffit vous deux, ordonne Kai.
_ Hai. »

Je reprend place, faisant la moue. Reita me tire la langue, souhaitant mettre mes nerfs à vif. Et le pire, c'est que ça marche. Le batteur me lance un regard réprobateur et je m'empresse de me calmer. Toute fois, je frappe le blond de mon pied. Il grimace et me rend mon coup. Je ne dis rien, ne souhaitant pas m'attirer les foudres de ce cher Kai.

Après le repas, je retourne m'asseoir dans le fauteuil alors que les autres se préparent à partir. Personne ne semble remarquer mon absence hormis le bassiste.

« Aoi qu'est-ce que tu fais dans ce fauteuil ?
_ Ça se voit non ?
_ Tu ne viens pas ? Tu veux que je te raccompagne chez toi ?
_ Non merci. Je vais rester dormir ici.
_ Mais tu vas attraper froid tout seul ici, renchérit Uruha. Tu ne veux vraiment pas venir ?
_ Non Uru. Mais c'est gentil de ta part de t'inquiéter.
_ Bon très bien. Bonne soirée Aoi. Tu viens Rei ?
_ Non allez y. Je reste ici avec lui. »

Uruha hausse les épaules avant de rejoindre les autres. Ils nous souhaitent une bonne nuit avant de partir. Gêné, je n'ose pas regarder Reita. Il prend une couverture dans le placard et me la lance puis en saisit une autre pour lui. Il s'assied par terre face à moi et me fixe du regard. Je ne sais plus où me mettre.

« T'as pas bientôt fini de me regarder ?
_ Si je te gêne faut le dire hein.
_ C'est pas ça... Mais je me sens mal à l'aise quand tu me regarde comme ça.
_ Bah fallait le dire plutôt. C'est pas compliqué. »

Il se retourne et pose sa tête sur ses bras, vexé. Attristé par son comportement, je tente une approche pour le faire sourire.

« Restes pas par terre comme ça. Tu vas tomber malade. »

Accompagnant la parole avec les gestes, je me place sur le canapé et lui fait signe de me rejoindre. Il m'attribue un sourire rayonnant avant de s'affaler sur le divan, posant sa tête sur mes genoux. Il ferme les yeux et resserre sa couverture autour de lui. Je ne peux pas m'empêcher de le contempler, ayant subitement envie de lui caresser les cheveux. Et comme s'il lisait dans mes pensés, il saisit ma main et la pose sur le sommet de son crâne.

« Vas-y fais le. Ne te gênes pas. »

Légèrement surpris, je caresse sa tête timidement. Il soupire lentement, apaisé et détendu. Je me laisse progressivement aller, n'ayant plus honte d'un tel comportement. Il ouvre les yeux à nouveau et je vois à son expression qu'il tente de me dire quelque chose. Il cherche ses mots puis se lance finalement.

« Aoi je veux vraiment pas t'embêter avec ça mais ça m'a vraiment inquiété de te voir aussi triste. Tu ne veux pas me dire ce qui ne va pas ?
_ Rei on en a déjà parlé aujourd'hui.
_ Comme tu voudras. Mais si jamais tu changes d'avis, tu sais ou me trouver. »

Je hoche simplement la tête pour lui signifier que j'ai compris. Il me sourit et ferme à nouveau les yeux. Sa présence calme et rassurante m'apaise et me relaxe. Je ne ressens même plus l'envie de dormir. Je ne désire qu'une chose : l'observer dans son sommeil toute la nuit sans avoir peur d'être pris en flagrant délit. Sa respiration se fait plus régulière et lente. J'en déduis qu'il s'est enfin assoupi. Je murmure alors des paroles que je n'aurais jamais pensé prononcer.

« Ça me tue de te le dire mais... je t'aime. »

Évidemment, aucune réponse en retour. Reita est profondément endormi. Je décide finalement de laisser Morphée me prendre dans ses bras en espérant que ma journée demain ne sera pas trop rude en émotions.