Note : Un jour, je réussirai à coudre. En attendant, j'essaye d'écrire un OS théâtre. Et il est là. Je devrais finir d'écrire la suite de "Discoveries", mais le théâtre germe vraiment plus vite que le reste. J'espère que ça vous plaira, je n'ai jamais fait ça avant. Ce sera donc loin d'être parfait.

Note 2 : Merci à Wa pour sa bêta-lecture en direct ! C'est elle qui a trouvé une partie des répliques de Roxas. Merci aussi à vous tous dans l'ombre, et pleins de bisous à Ariani-Lee.

Crédits : Les personnages appartiennent à Square Enix et Disney, bien sûr.

A l'Akuma Team, fous de théâtre.


Démarche Téléphonique

Il est cinq heures de l'après-midi. Le téléphone sonne. Un jeune homme, Roxas, est assis à son bureau : on peut y voir des montagnes de papiers ainsi qu'un pot à crayon bleu. Le garçon se lève et traverse le couloir pour décrocher, un brin irrité.

ROXAS : - Allô ?

Sa voix est grave. Plus grave que ce que son âge laisse penser. D'après sa fiche, il n'a que vingt-ans. L'homme au bout du fil vérifie ce qu'il s'apprête à dire, mécaniquement. Tant pis si ce n'est pas lui.

? : - Bonjour, Compagnie Red Head à l'appareil. Je suis bien à l'adresse suivante...

ROXAS : - Pas besoin de vous donner mon adresse, ni mon téléphone d'ailleurs, vous avez déjà appelé douze fois cette semaine. Fichez-moi la paix.

Ah. Merde. Encore une fausse manip' de la nouvelle. Ça commence à énerver le chaton, on dirait.

? : - Oh.

Un ange passe.

? : Ma collègue vous a peut-être déjà contacté, dans ce cas.

ROXAS : - A ce stade, c'est du harcèlement.

La voix du téléphone est chaude. Oui, après réflexion, elle semble rire. C'est une voix modérée, appartenant sans doute à un jeune homme. Il semble heureux de le faire chier. Parfaitement irritant. Bah, autant le laisser continuer, ce sera plus simple pour lui raccrocher au nez. La voix continue.

? : - Vous l'avez grossièrement ignorée. Ce n'est pas très gentleman...

ROXAS : -Je ne pouvais pas savoir, je n'ai pas répondu.

? : - Je m'en doute. Effectivement, j'ai bien votre nom, votre adresse, votre opérateur et vos coordonnées…

Un bruit de clavier se fait entendre, l'homme effectue sans doute des vérifications. Exaspérant.

? : Donc, Roxas...

ROXAS : - Merci, je sais comment je m'appelle. Je n'ai pas besoin de vos services, aurevoi-

? : - Une minute.

Il insiste. Peut-être est-il déçu ? Après tout, travailler par téléphone doit être bien ennuyeux.

? : - La Compagnie Red Head vous propose des cours d'anglais approfondis… ainsi que pleins d'autres services. Vous êtes étudiant, je crois ?

Gagné. La tension est palpable, maintenant.

ROXAS : - C'est ça. Mais laissez-moi tranquille.

? : - Vous êtes bien ingrat.

Son amusement est largement perceptible, à présent.

ROXAS : - ...Et vous bien entreprenant, pour un démarcheur téléphonique. De quel droit insulte-t-on ses clients ?!

? : - Vous n'êtes pas encore un client, vous n'avez rien acheté.

Si ce type prend plaisir à ce petit jeu, autant le refroidir tout de suite.

ROXAS : - C'est vraiment une mauvaise façon de penser, pour un commercial. Vous m'insultez, vous me harcelez, et vous vous fichez de moi. Même si j'étais un client, je ne viendrais pas chez vous, c'est certain.

? : - J'essaye de vous aider.

Comment peut-il passer d'une voix cassante et grave à une voix suave teintée d'ironie? Quel garçon étrange.

ROXAS : - Je ne vois pas en quoi vous me venez en aide ! Maintenant, j'ai d'autres chats à fouetter. Compagnie ou pas, ne me rappelez pas.

Il s'apprête à raccrocher.

? : - Encore un instant.

Cherches quelque chose à lui dire. N'importe quoi.

? : ...Je vends aussi des canapés cuirs.

ROXAS : - Vous plaisantez ? Comme si j'avais les moyens de m'acheter ce genre de choses... Et pourquoi pas du papier toilette brodé d'or ou des costumes de westerns rétro ! Vraiment, vous êtes un vendeur minable.

? : - Pas si minable que ça, vous payez l'appel depuis déjà dix-sept minutes. Et puis, je compte bien trouver quelque chose qui vous convienne. La Red Head chouchoute ses clients, vous l'aurez remarqué.

Ben voyons. En plus d'être incroyablement barbant, l'homme du téléphone semble avoirdu répondant. Le genre de type collant dont on ne se débarrasse pas en claquant des doigts. Il semble apprécier la conversation. Autant être franc et lui faire passer le message directement.

ROXAS : - Zut. Vous êtes insupportable. Si j'ai bien compris, je suis un client parce-que je paye l'appel, et vous ne me lâcherez pas tant que je n'aurai rien acheté, c'est bien cela ? Un soupir las lui échappe.

? : - Tout à fait, Roxas.

ROXAS : - Ne m'appelez pas par mon prénom. Vous ne faites pas parti de mes intimes.

? : - Soit.

Il se racle la gorge.

ROXAS : - Bon. Un silence. Ces cours d'anglais, vous les faites à combien ?

On ndique le prix d'une voix inaudible.

ROXAS : C'est cher ! En plus d'être impoli, vous êtes un escroc. C'est révulsant.

Le bruit d'une machine à café couvre quelques paroles un moment.

? : - Comme si je choisissais les prix au hasard. Je n'y peux rien, moi !

Un temps.

? : Il avale une gorgée de café. ...C'est un beau prénom.

ROXAS :- De quoi ?

? : - Roxas.

ROXAS : - Ah. Et le vôtre ?

AXEL : - Axel.

ROXAS : - C'est assommant.

AXEL : - Je vous remercie.

ROXAS :- Oh ! Non, pas votre nom. Axel, c'est bien. C'est cette conversation qui est assommante.

AXEL : - Et cela fait vingt-trois minutes qu'elle dure. Sa voix sourit derrière le combiné. Vous payez.

ROXAS : - Oui. Bah, maintenant, ça n'a plus vraiment d'importance. Dites…

AXEL :- Oui ?

ROXAS : - Cela fait longtemps que je n'avais pas parlé autant avec une personne.

AXEL : - Surtout pas à un employé de compagnie démarcheur, je suppose.

ROXAS :- Exact. Pas même avec ma propre mère.

AXEL : - C'est triste. Deux billets pour une comédie au Théâtre, ça vous remonterait le moral ?

ROXAS : - Vous ne lâchez pas le morceau, hein ? Il est amusé, malgré lui.

AXEL : - Non. ...Je vous les fais à moitié prix ?

Leurs deux voix comblent le silence. Plus personne ne souhaite raccrocher. Chacun prend plaisir à entendre la voix de l'autre.

ROXAS : - Non.

AXEL : - Vous n'avez donc aucun humour ?

ROXAS : - Pas quand je paye pour ne rien dire, et pas lorsque je suis forcé d'acheter quelque chose. C'est compréhensible ?

L'étudiant fait mine de ne pas relever la plaisanterie. Tentative ratée : il glousse.

AXEL : - Oui. Mais...

La répartie lui fait défaut à l'instant. L'aurait-il entendu rire ? Un moment s'écoule.

ROXAS : - Et puis, je ne vois pas ce que je ferais de la deuxième place.

AXEL : - Vous êtes seul ?

ROXAS : - Et vous curieux, en plus de tout le reste. Oui, je suis étudiant, je travaille beaucoup, je n'ai pas assez d'argent pour acheter un canapé, je suis seul, et si vous voulez tout savoir, ce soir, je mange des pâtes.

Axel rit. Après une minute de réflexion, sa voix ajoute, pleine de curiosité :

AXEL : - Froides ?

ROXAS : - Froides.

Ils rient tous les deux. Puis, après un long moment de silence très agréable, le vendeur reprend, presque tristement :

AXEL : - Enfin. Je pense que je n'ai plus aucune chance de vous vendre quelque chose, alors ?

ROXAS : - Plus aucune...

AXEL : - Je vois. Je payerai l'appel pour vous dans ce cas, Roxas.

ROXAS : - ...Pardon ?

AXEL : - Bah, Je ne vais pas faire payer quelqu'un qui mange des pâtes tous les soirs et qui plus est, tout seul. Vous me faites pitié, je vais payer.

ROXAS : - Va te faire voir, tu sais !

Il sent la conversation se terminer. Pourquoi à regrets ? Ce type était un parfait inconnu il y a une heure. C'est ridicule.

AXEL : -Je sais. Eh, je peux te tutoyer ?

ROXAS : - Ben voyons. On est plus à ça près.

AXEL : - Peut être. Dans tous les cas, je ne te facture pas l'appel. Je me ferais virer dans la semaine, alors…

ROXAS : - Alors ? Les démarcheurs sont des rapaces. Envoie-moi la facture, tu as déjà mon adresse.

AXEL : - Je ne peux pas.

ROXAS : - Pourquoi ?

AXEL : - Je t'aime bien. C'est ennuyeux à mourir, comme job. Tu m'as fait passer un bon moment, Roxas.

ROXAS : - Je t'en prie, Axel.

Le travail n'est même plus attrayant. Axel tapote sur son clavier. Pourvu qu'il ne quitte pas.

ROXAS: -Je peux avoir ton numéro ?

AXEL: - Hein ?

ROXAS: - La prochaine fois, c'est moi qui t'appelle.

Une intonation mutine colore sa demande.

AXEL: - Ok. Je t'envoie ça par fax. Mais c'est cinquante centimes de supplément.

ROXAS : - Escroc.

AXEL : - Ah, tu v-

La ligne coupe, faute de forfait. Le jeune homme, stupéfié, regarde son téléphone. Son pot à crayon est tombé. Le fax vient d'arriver. Il reverra sûrement ce type, alors il raccroche. Plus tard peut être, il rencontrera cet homme horripilant, à la voix chaude, en bas de sa rue. Et ils iront au théâtre ensembles. Peut-être qu'il aurait dû les prendre ces places, finalement. Il rit.

Comme quoi, ça peut avoir du bon, une démarche téléphonique.