Décadence

Auteur: Zowl
Genre: Drama/Angst... La première fois que j'écris un truc comme ça... Je m'auto-choque...
Disclaimer: Aucun personnage n'est à moi, mais à Lionhead, car sinon le héros et le méchant finiraient ensemble !
Rating: T pour des raisons évidentes...
Résumé: Dans l'Arène, le Héros est hypnotisé par son regard. Il y succombe comme à la plus puissante des drogues...
Note: Je sais pas quoi dire... C'est juste que mon esprit est parti en cacahuète dès que j'ai commencé à écrire ça... c'est terrible...


Chapitre 1: Victoire

Jack of Blades. Le héros légendaire. Champion de l'Arène, et de je ne sais combien de quêtes fabuleuses. Un idole, voir plus, une passion. Et j'étais là, dans un cercle de sable, de sang, je le regardais ébahi, une dizaine de mètres au-dessous de son balcon, mon cœur loupait un battement à chacun de ses mots. Quel honneur. Sa voix retentissait, elle sonnait comme une musique sombre, inconnue, inimitable, résonnait sur nos têtes. Je frémissais. J'inspirai une grande bouffée d'air poussiéreux et j'attendis. Whisper et moi étions tous deux vainqueurs dans l'Arène, et ils ne savaient pas quoi faire. Mais je voyais ses yeux, ceux de ce héros, qui brillaient de malice. Il clama haut et fort qu'il avait une idée, d'un ton suave, envoûtant, et je retins ma respiration.

C'était comme une épée de Damoclès au-dessus de mon crâne, j'analysai sa demande. Il voulait que l'on s'entretue. Je tournai un regard troublé vers mon amie. En même temps cette voix d'ensorceleur qui possédait mon cerveau, et mon enfance qui voulait retenir mon épée. Je tremblais. La gloire de l'Arène, devant mon idole, ou le respect de nos jeux d'enfants, d'adolescents, de nos chasses aux scarabées, de nos missions en duo, de nos petits combats sans conséquences.

Je déglutis et fis un pas vers elle, l'arme à la main. Je la fixai d'un air décidé. Ou presque. Le doute enserrait toujours mon cœur, mon âme, et je ne pus que jeter un dernier coup d'œil à cet homme qui nous toisait d'en haut. Je le vis, il me vit, ses pupilles se plongèrent dans les miennes et un frissons me secoua le dos. Il semblait me crier de vaincre, de tuer, d'honorer le nom de tous les combattants arrivés ici. J'étais paralysé, une seconde, et ce fut la voix de Whisper qui me réveilla :

«Je ne pourrai pas te tuer, jamais. Mais on va leur donner le combat qu'ils veulent ! Prépare-toi !»

Oh, j'étais prêt. Son regard m'avait décidé. Je ne reculerais pas. J'irais au bout, jusqu'au bout, par le point de non-retour. J'effacerais mes sentiments et deviendrais comme lui, ou non, plus fort, meilleur que lui !

Mon bras se leva, ma lame avec, je glissai mes pas vers mon amie d'enfance, je regardai ses gestes. Un léger rictus habita mes lèvres; je vis qu'elle n'avait pas changé, toujours la même tactique. Remplie d'ouvertures. En quelques coups elle serait à terre. Et j'aurais passé le cap.

On commença, on combattit, elle me fixait parfois d'un air incrédule, car elle voyait que mes mouvements n'étaient pas du chiqué. Elle comprit que j'étais décidé à faire couler le sang. Son sang.

Une première blessure, je lui égratignai l'épaule. Je me trompais, elle s'était améliorée. Beaucoup. Ce ne serait pas simple. Mais je passerais le test, alors qu'elle en serait incapable.

Encore des attaques, comme un ballet meurtrier, une danse macabre qui célèbrerait la cruelle avidité du sang, et toujours ma détermination presque démoniaque. Encore, encore, la violence, là, les coups, les sorts, la force qui combattait.

Elle mit un genou à terre. Épuisée. Mon souffle était haletant, le siens aussi. Elle me suppliait, les mains jointes, comme on prierait un dieu de nous accorder la vie. Mais je n'étais pas un dieu. Ni un démon. J'étais un homme, et c'est pire.

Un simple geste, et son sang vola vers moi, souilla mes vêtements, mes mains, mon arme, mon visage. Un vide. Dans mon corps, comme une simple enveloppe, sans un cœur, sans une âme, sans vraiment une émotion. Tuer ne m'avait jusque là rien fait de vraiment terrible. Pas cette impression de froid. Mais c'était un froid glacial, envoûtant, presque agréable tant il engourdissait. On se sentait libéré de tout poids, de toute obligation, on pouvait réussir ce que l'on voulait, sans barrière. Sans personne pour vous en empêcher. Plus de réalité, juste un rêve total. Et je souris, d'un sourire de dément. Magnifique.

Le silence sembla avoir recouvert l'Arène, j'avais l'impression d'être ici depuis des heures, mes membres s'engourdissaient, le sang – son sang – commençait à sécher. Puis l'ovation envahit les gradins, elle oppressa toute l'atmosphère. Et moi, indifférent, je me dirigeai vers les vestiaires. Mes pieds s'enfonçaient dans le sable poisseux, la poussière collait à ma peau, mon épée, toujours dans ma main, traînait au sol. Je poussai la porte avec mes dernières forces. Un épuisement terrible s'empara de mon corps. À peine dans les coulisses je m'adossai au mur. Les gardes murmuraient, enthousiastes, en me pointant frénétiquement du doigt, les autres types qui voulaient participer me fixaient dégoûtés, l'autre gars qui nous préparait avant l'entrée en scène m'observait d'un air impressionné.

Je soupirai et fis quelques pas, tous ces péquenots me semblaient soudain sans intérêt. Tous inutiles, obsolètes. Facultatifs. Je me verrais presque les tuer, là, sans avoir besoin d'une raison, juste par envie d'épargner leur présence au monde. Je me préparai à quitter l'endroit quand une voix féminine de snobinarde m'interpella. Je me retournai et découvris celle que l'on nommait Lady Grey, et à sa suite le grand frère de celle que j'avais tuée quelques minutes auparavant. J'aurais dû baisser les yeux, rougir de ma faute, tomber à genoux et le supplier de m'achever rapidement, mais je dirigeai vers lui juste un regard indifférent. Rien d'autre. Je ne voulais rien de plus. Il me renvoya toute la haine de la terre, mais je ne flanchai pas, je restai debout, tremblant de fatigue, certes, mais dressé. Et je me foutais de lui comme d'un insecte.

La Lady toussota, s'attirant mon regard, et commença d'une voix de femme fatale:

«J'ai vu votre combat, je suis impressionnée. Et il m'en faut beaucoup ! J'ai donc décidé que vous méritiez un accès à la partie nord de Bowerstone… et éventuellement à ma demeure…

- Mais ! Lady ! protesta Tonnerre, Il a tué ma sœur ! Ce type n'est qu'un… qu'un…

- Un héros de grande valeur ! coupa-t-elle sèchement. Et je tiens à le voir aussi souvent qu'il le désirera. Quant à vous, Tonnerre, vos avances me lassent, je n'ai que faire d'un homme aussi prévisible que vous !»

Ils s'en retournèrent après un dernier regard meurtrier de sa part à lui, et un dernier sourire de pouffiasse venant d'elle. Leur présence m'avait donné envie de vomir, quelle horreur. Je partis, pour de bon cette fois, et traversai le Hall des Héros. Un couloir sombre, mais calme. Agréable. Je souris en me détendant. Agréable. Un bruissement troubla cet instant, et me fit tourner la tête vers une statue. Je mis plusieurs secondes, mais le choc foudroya tout mon être. Je reconnus la personne sculptée, ses traits, sa posture, même son expression de roc m'immobilisa.

«Maman…» soufflai-je en m'effondrant devant-elle.

Incroyable. Elle, ici, dans ce hall, parmi ces légendes, une hache de pierre entre ses doigts de marbre, une cape taillée dans la forme de ses courbes. Et cet air doux mais imposant que je lui avais toujours vu. Je sentais les larmes commencer à perler, quand soudain un bruit de pas se fit entendre derrière moi. J'essuyai rapidement mes yeux et découvris l'espion. Mon cœur explosa. Il se trouvait là, devant moi, en chair et en os, ses iris d'or brillant derrière ce masque, ces vêtements rouges, comme sanguinolents, cette posture si… héroïque.

«Qu-que…?» je ne savais quoi dire, et je devinai son sourire malicieux.

Il marcha vers moi et je voulus reculer, mais une force invisible m'en empêcha.

«J'ai vu ton combat. Tu m'as… impressionné.» siffla-t-il.

Je restai sans voix. Un compliment. Impressionné. Quel honneur…

«Tiens, tu es parti sans ta récompense.»

Il me tendit un sac de pièces ainsi qu'un trophée, blason d'or et d'argent, brillant comme la plus belle des pierres précieuses. Mon regard s'alluma d'une lueur d'enfant. C'était comme le plus bel instant, dans une vie on ne pourrait sûrement rêver mieux. Ou du moins je le croyais. Tout à mon admiration, je ne pus réagir. Une main gantée cacha ma vue, puis des lèvres froides vinrent se poser sur les miennes. Il ôta ses doigts et je ne pus que le contempler réajustant son masque.

Je bégayai. Je croyais avoir tout vu, tout vécu, mais j'étais loin du compte. Et lui, il continua à parler comme si rien ne s'était passé. Juste son regard mutin qui me glissait dessus. Son regard. Envoûtant. Envoûtant. Envoûtant. Vraiment parfait. Et je l'écoutai comme on écouterait un dieu.

«Ta mère… Une grande guerrière. Scarlet Robe, tueuse de baleverines, connue dans tout l'Albion. Et je sais où la trouver…»

Il laissa un blanc, pour que j'analyse ses paroles, me toisant encore. Je n'osais rien ajouter.

«J'ai ouï dire que tu avais retrouvé la trace de ta sœur. Ce serait bien que vous soyez réunis… tous les trois… ensemble. »

Je sentais ma langue pâteuse, mon crâne qui tambourinait, comme après un abus de bière, mais en même temps une plénitude toute nouvelle. Ma famille. Réunie. Mes larmes remontaient, mes doigts se crispaient, je fermai les yeux. Je souriai. C'était comme un rêve qui se réaliserait après qu'on l'eut oublié. De nouveau cette même main gantée contre ma peau, contre mes lèvres. Je l'entendis murmurer à mon oreille:

«Je t'attendrai, Héros…»

C'était l'apogée du bonheur.

À suivre...