Bonjour à tous, voici une Préserie que j'avais commencé il y a longtemps mais que les talents d'auteur de Moht m'ont motivée à finir. Pour être honnête, je ne l'ai pas 'finie', je l'ai complètement réécrite. Cette fic à été très particulière à écrire car mes doigts sont partis tous seuls dans une incroyable improvisation sur clavier et le résultat est bien différent de l'idée de base. J'ai jamais eu autant de pages de rush. En la relisant j'ai presque découvert des passages, comme s'ils n'étaient pas de moi !

J'espère que vous apprécierez de la lire, autant que j'ai aimé l'écrire car pour être très honnête, j'en suis plutôt fière!

Petit avertissement : je n'avais pas envie de classer cette fiction en M parce que j'estime que M concerne surtout les trucs vraiment violents ou relatifs au sexe, mais j'use malgré tout d'un langage qui peut déranger. Concernant nos amis les Winchester, je pars du principe que des types qui vivent comme des routiers, toujours baignés dans la testostérone, les armes à feu et les monstres, ne sont pas les personnes les plus poétiques du monde. Quand je suis dans leur tête où quand j'écris leurs dialogues, je me passe la scène en me disant « qu'est ce qu'il dirait » et c'est rarement « auriez-vous l'extrême obligeance de … », c'est plutôt « bouge ton cul pour… ». Donc vous voilà prévenus !

Remerciements à Moht pour son inconscient service de muse, et à sams1ra pour le OS The Assignement qui m'a hanté pendant toute l'écriture.

Nbre de chaps : 8 (ma plus courte fic jusqu'à lors !)

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...Si Demain Vient

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Chapitre 1 : Jeudi

Et BAM dans la table. John serra les dans pour retenir le « Putain ! » qui lui brûla les lèvres. Voilà ce qui arrive quand on rentre à pas d'heure et qu'on est trop borné pour allumer la lumière. Borné et non pas bourré, car John n'avait pas bu ce soir là, et le soir d'avant non plus. En réalité, il n'avait pas bu une seule goutte d'alcool depuis plus de deux semaines. Cependant il avait constaté que le stock de bière dans le frigo continuait de descendre… hum… il faudra qu'il ait une petite discussion avec son aîné.

En attendant, si la chope quotidienne était passée à la trappe, c'est que le père Winchester avait autre chose en tête. Pas qu'il y ait grand chose à voir ou à faire dans un bled comme 'Normal' dans l'Illinois… mais la ville portait très mal son nom. A Normal, un chasseur de monstre pouvait se trouver très occupé par le paranormal. Blague usée jusqu'à la corde par Dean pendant plusieurs longues heures de voiture pour arriver jusque là d'ailleurs. Si John entendait encore « Quoi ?! un fantôme ?? Normal ! Devine où on est ?! » sortir de la bouche de son fils il serait bien capable de charger son flingue avec de vraies balles.

John revenait d'une rencontre plutôt brutale avec la créature qui les avait amené dans cette ville à la base. Selon les légendes peaux-rouges, ça s'appelait un 'Nuu-Chah-Nulth' . Si comme John vous n'arrivez pas à prononcer ce mot ni à imaginer la bestiole, fiez vous à l'honnête description du père Winchester : 'une espèce de hyène qui pue la mort et mange des gens'. Au final peu importait le nom de cette chose, après deux semaines de traque acharnée le score venait de tomber : John Winchester 1, Nuu-machin bidule qui pue-Nulth 0. Enfin… 0,5 pour être tout à fait honnête car l'épaule déboitée et les griffures sur l'abdomen étaient quand même à ajouter au crédit du monstre.

Toujours est-il qu'à l'instant présent John avait décrété obstinément qu'il n'allumerait pas la lumière quitte à se péter les genoux sur la moitié du mobilier. On est têtu ou on ne l'est pas. Le but de l'opération était de ne pas réveiller les garçons et les alarmer avec un t-shirt trempé de sang. C'était superficiel, il avait vérifié, alors autant éviter d'en faire tout un plat ; la spécialité de ses fils.

Le problème restait l'épaule déboitée qui n'allait certainement pas se remboiter par l'opération du Saint-Esprit. John avait essayé de se la jouer Martin Riggs dans l'Arme Fatale en se cognant le bras contre un arbre mais de toute évidence, Mel Gibson n'avait jamais affronté de hyène qui pue. 'Ces conneries ne marchent que dans les films… et putain ça fait mal !'

Il fallait se rendre à l'évidence, il allait devoir réveiller Dean. Avant toute chose, il fallait absolument qu'il se débarrasse de ce t-shirt déchiré et plein de sang, qu'il s'occupe des plaies sur l'abdomen et qu'il essaie d'avoir l'air un peu moins crevé que ce qu'il était. Crevé était d'ailleurs un euphémisme. Il en venait presque à se demander s'il garderait, en travers du visage, la marque du semi-remorque qui venait de lui passer dessus.

Et re-BAM dans je ne sais pas quelle connerie qui trainait par terre. « Fais chier ! » marmonna John en essayant de garder l'équilibre. C'est alors qu'il entendit le clic familier du flingue que l'on arme. Il soupira – 'et merde'. La lumière scintilla tout à coup lui agressant les yeux. Dean se tenait en haut de l'escalier, un Beretta pointé droit sur la poitrine de son père, toujours en bas, les pieds empêtrés dans la paire de basket de Sammy.

« Papa ? » demanda-t-il, soulagé, sans pour autant baisser son arme.

« Non, c'est le père noël. » grogna John.

Dean reconnu le charme et l'amabilité habituelle de son père qu'aucun Shapeshifter ne pourrait jamais imiter et dévala l'escalier quatre à quatre. Instinctivement John resserra son blouson autour de lui pour cacher le bordel qu'il y avait en dessous. Il essaya d'avoir l'air à peu près humain bien qu'il se sente à cheval entre un mollusque et une serpillère. Le fils aîné ne prit même pas la peine de demander comment il allait, sachant d'avance ce qu'il récolterait, et se contenta de jauger l'état de son père en le scrutant des pieds à la tête. John détestait ça et le fit savoir en grognant.

« J'espère que tu lui à réglé son compte. »

« Il est cramé. »

Voilà, c'est bien John, des phrases courtes, peut-être qu'il ne remarquera pas que…

« T'as pas l'air bien… »

Raté. John leva les yeux au ciel.

« Je viens d'affronter un Nunchaku, je rentre pas d'un cours de yoga, Dean. »

« Un Nunchaku ?» répéta Dean amusé « Et t'as pas croisé Bruce Lee dans la forêt tant que t'y étais ? »

Se rendant compte qu'il s'était encore planté dans le nom de la bestiole et le cerveau trop embrumé pour réaliser à quel point cette vanne était pourrie, John se mit à rire. Il rit. Vraiment. A gorge déployée.

Dean secoua la tête en souriant.

« Nom de dieu, c'est plus grave que je pensais. »

La douleur se rappela soudain au bon souvenir de John qui grimaça en resserrant ses bras autour de son ventre.

« Je vais chercher le kit de secours. » s'écria Dean prêt à prendre l'escalier en direction de la salle de bain.

John le saisit par l'épaule avec son bras valide, l'obligeant à le regarder.

« Non. Moi je vais chercher le kit. Toi, tu retournes te coucher. » intima John.

« Mais papa… »

« Dean. »

Immédiatement le fils aîné reconnu le ton. Ce ton qui le faisait toujours réagir, le ton de l'ordre. Il se raidit, droit comme un i, le visage fermé, les sens en alerte, et acquiesça.

« Oui chef. »

John n'appréciait pas spécialement d'avoir un tel pouvoir sur Dean, ça le mettait mal à l'aise parfois. Mais pour être honnête, la plupart du temps c'était quand même bien pratique. Au départ quand Dean était encore gamin, John avait redouté comme la peste la période de l'adolescence, pensant qu'il perdrait surement l'autorité qu'il avait sur son aîné. Pourtant aujourd'hui Dean avait 16 ans et rien n'avait changé par rapport à quand il en avait 4.

Si John utilisait le ton de l'instructeur de l'armée il pourrait tout demander, tout exiger et Dean obéirait sans poser de questions. Il ne savait pas vraiment si c'était une bonne où une mauvaise chose. Quoi qu'il en soit, il s'était bien foutu de la gueule des parents qui se laissent déborder par leurs gamins sous prétexte que la sacro-sainte puberté prenait le dessus. A l'époque, il s'était même félicité de son travail. Pas si naze que ça en paternité finalement le John !

Il était très fier de son coup quand il s'agissait de constater que son fils n'était pas un grand machin tout maigre, capricieux et insolent. Mais ça, c'était avant. Avant que Sammy, du haut de ces 11 ans ne commence à claquer des portes et à déclarer sans sourciller 'de toute façon, tu m'emmerdes.' La évidemment, il fallait bien admettre que le côté obscur de l'adolescence était parfois plus fort que maître John 'Kenobi' Winchester.

Se remémorant soudainement l'épaule déboitée John prévint son fils qu'il aurait peut-être besoin d'un coup de main, …après. (Quand il aurait nettoyé les 30 litres de sang qui dégoulinaient de son ventre.)

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Une sonnerie retentie. John ouvrit vaguement un œil qu'il réussit à focaliser sur son réveil : 11h48. Il écouta le bruit de la maison, rien. Les garçons devaient être à l'école. La sonnerie à nouveau. Le père Winchester enterra sa tête sous son oreiller en marmonnant un truc incompréhensible mais qui n'avait certainement rien de poétique. Plus rien. Il se rendormi.

A peine 5 minutes plus tard le téléphone sonna de nouveau et cette fois John cria à haute et intelligible voix : « Ta gueule. »

Les téléphones de nos jours… aucun respect pour le sommeil des autres. L'appareil sonna encore, et encore, et encore, et encore… jusqu'à ce qu'au bout de vingt minutes un être mi-homme, mi-grizzly, ne décide de s'en approcher en marmonnant un flot continu de noms d'oiseaux.

« Quoi ?! » cracha-t-il dans le combiné.

« Bordel ! Mais c'est pas possible d'être aussi con ! » cria un homme à l'autre bout du fil.

« Damien ? »

Damien était un chasseur un peu plus jeune que John mais tout aussi expérimenté. Ils s'étaient rencontrés quelques années auparavant au Roadhouse, par l'entremise de Bill Harvelle. Ils avaient déjà chassé plusieurs fois ensemble, toute sorte de trucs. Pourtant John n'appréciait que moyennement sa compagnie sur le terrain. Damien était trop sûr de lui, trop impétueux. A l'entendre il n'avait jamais peur de rien et il pouvait affronter n'importe quoi. Dans le feu de l'action, ça le rendait instable, toujours prêt à bondir avant le signal et à essayer de sauver la situation en héro. Parfois John se demandait s'il chassait pour sa gloire personnelle ou pour sauver des vies. Cependant il était redoutable une arme à la main et les démons avaient du souci à se faire quand il trainait dans le coin.

John et lui s'étaient retrouvé sur cette chasse un peu par hasard et le père Winchester avait immédiatement cherché à l'évincer, quitte à se farcir la hyène qui pue en solo. Ce n'était pas seulement à cause de son comportement à la chasse, mais surtout pour ce que John lui dissimulait. En effet, depuis trois ans qu'ils se connaissaient, John Winchester cachait férocement un secret. Deux même, l'un de 12 ans, l'autre de 16.

Ca n'avait rien à voir avec Damien en lui même, c'était cet univers en général. John tenait Sam et Dean éloignés des chasseurs et les chasseurs éloignés de Sam et Dean. Parfois révéler leur existence s'était avéré inévitable et même bénéfique comme avec Daniel Elkins, Bobby Singer, le pasteur Jim et quelques autres. Mais le reste du temps, pour la sombre et violente communauté des chasseurs, John Winchester n'était qu'une ombre de plus, qu'un type bourru accoudé au bar, qu'une machine à tuer assoiffée de vengeance. Et c'était très bien comme ça.

Moins ces gens là en savaient sur lui, et mieux il se portait.

« Ouais c'est Damien, qui veux tu que ce soit ? Le père noël ? »

« Je l'ai déjà faite celle là. »

« Quoi ?! »

« Nan rien. Qu'est ce que tu veux ? »

« Qu'est ce que je veux ? Tu te rappelles qu'hier t'as insisté pour chasser seul le Nuu-Chah-Nulth, soit disant qu'on avait pas besoin d'être deux pour ça bla bla bla ? Et tu te rappelle que t'as dis que t'appellerais pour me dire si t'étais toujours vivant ? »

« Ah ouais… c'est vrai. Désolé j'étais un peu sonné hier. »

« Putain John ! J'étais à deux doigts de partir dans la forêt pour te chercher ! »

John se pinça l'arrête du nez en soupirant.

« Je suis désolé, OK ? Tout va bien, la bestiole est morte, moi pas. Je vais me recoucher. »

« Pas si vite. J'ai une info pour toi. »

« Je fais un break, je suis vidé, je prends rien avant un moment. »

« Crois moi, ça, tu vas le prendre. »

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Quand les garçons étaient rentrés à la maison sur le coup de 17h30, John n'était pas là. Rien d'inquiétant, après deux semaines de chasse intensive et vu l'état dans lequel il était rentré la nuit dernière, il devait avoir eut besoin d'un verre.

Sammy avait terminé ses devoirs depuis un bon moment et il regardait un feuilleton télé d'un œil distrait. Il se faisait toujours rapidement des amis malgré leurs déménagements réguliers et il n'avait qu'une seule envie en ce moment, les rejoindre. En temps normal, après avoir fini quelques exercices de maths et autres trucs pour l'école, il se serait empressé de courir chez Michael, un gosse de sa classe qui habitait à deux pâtés de maison de la vieille ruine que leur père louait.

Mais aujourd'hui n'était pas un temps normal.

Aujourd'hui Sam avait observé avec des yeux ébahis son grand frère s'assoir avec conviction à la table de la cuisine et commencer à rédiger un essai. Très sceptique sur les intentions de Dean, le petit frère l'avait épié tout en faisant ses propres devoirs, en comptant les secondes avant que Dean n'envoie tout valser et finisse par sortir faire un tour. A son grand étonnement, à chaque fois que la feuille ou le crayon s'envolaient en frustration, Sam pouvait voir son frère prendre une grande inspiration et recommencer. Et Dean qui s'applique pour faire ses devoirs pendant plus de 2h, c'est un spectacle que Sammy n'aurait manqué pour rien au monde.

De rage, Dean jeta une fois de plus son crayon en travers de la table et une nouvelle boule de papier vint rejoindre la dizaine d'autres qui s'entassait dans la poubelle.

« Fais chier » marmonna-t-il en attrapant une autre feuille.

Le paquet de papier diminuait dangereusement. Il était assit là à essayer d'écrire 20 pauvres lignes depuis plus de 2h et tout ce qu'il avait réussi à faire c'est contribuer un peu plus à la déforestation en Amazonie…

« Peut-être que si t'éteignais ta musique de sauvage ce serait plus facile » cria Sammy par-dessus le son tonitruant du deuxième album de Rush.

« T'as pas autre chose à faire ? » coupa sèchement Dean

« Non, pas vraiment. » menti Sam.

Il aurait vraiment voulu aller rejoindre ses copains mais la curiosité était plus forte. Quelle espèce de mouche avait bien pu piquer son frère pour qu'il se mette à travailler avec autant d'ardeur ? Combien de feuilles de papier allaient finir en boule avant qu'il ne renonce ? Combien de temps avant que son père ne défonce la porte avec une mitraillette et noie Dean dans de l'eau bénite pour l'exorciser ?

Ignorant son frère et loin de baisser le son, Dean leva les yeux au ciel et replongea sur sa feuille. C'était complètement surréaliste pour Sammy. Il avait vu des tas de choses bizarres dans sa courte vie, mais Dean qui faisait ses devoirs avec application, s'était décidemment hors compétition.

John avait fini par revenir une heure plus tard. Sans le moindre mot ou regard en direction de ses fils il avait foncé droit à l'étage, vers sa chambre qui lui servait de quartier général. Sam avait levé les yeux au ciel avec tellement de lassitude qu'on aurait pu l'entendre à l'autre bout de la ville, mais son père était trop obnubilé par dieu sait quelle nouvelle lubie pour s'en apercevoir.

« C'est quoi maintenant ? Un fantôme ? Un vampire ? Une licorne ? » Demanda-t-il ironiquement à son frère.

Dean leva à peine les yeux de sa feuille pour grogner son désaccord et replongea dans son travail.

Quoi ? Pas de vanne sur les licornes qui font des arcs-en-ciel quand elles pètent ? Mince… il devait vraiment y avoir un truc qui cloche avec Dean. Sam le regarda avec insistance sans obtenir la moindre réaction en réponse et finit par retourner devant son feuilleton. Il voulait absolument savoir comment ça allait se terminer. Pas le feuilleton, Dean et ses devoirs.

Une dizaine de minutes plus tard une boule de papier vint s'écraser rageusement contre un mur, un crayon se brisa en deux, un poing tapa sur la table et Sammy comprit que Dean venait d'atteindre son point de rupture. Le grand frère quitta la maison sans un seul regard en arrière et en prenant soin de faire claquer la porte.

Immédiatement une grosse voix autoritaire rugit depuis le premier étage. « Sam ! »

Effectivement, depuis quelques temps Sam avait fait du claquage de porte un sport olympique. Il ne fallait pas avoir fait Harvard pour faire l'association « porte qui claque égal Sam ». Et ça tombait bien car John n'avait pas fais Harvard.

Ce qui énervait le plus jeune c'était surtout que la porte ait pu déranger John mais pas le hard rock à fond les ballons que Dean mettait, soit disant, pour se concentrer. Il n'en fallait pas plus pour que Sam soit de nouveau en colère contre son père et ressente la terrible envie de claquer une porte. Devant la stupidité de cette idée il se contenta de ruminer dans son coin. Après tout Dean avait abandonné, il était libre de rejoindre ses copains.

Il commença par éteindre la musique avant de mettre son manteau et de lacer ses chaussures. Il écrivit rapidement un mot : 'Suis chez Michael, Sam'. Même s'il allait quasiment tous les jours chez son copain depuis près d'un mois, Sam laissait toujours une note par acquis de conscience. Il savait que son père détestait rentrer à la maison ou se réveiller sans savoir où étaient les garçons. D'ailleurs Dean, avec son coup d'éclat, était parti sans se retourner et il risquait d'en entendre parler si John avait la bonne idée de descendre avant qu'il ne revienne.

En déposant le mot sur la table de la cuisine Sam observa avec suspicion le tas de papier que Dean avait jeté dans la poubelle. Qu'est ce que ça pouvait bien être ? Certainement des maths. Dean haïssait les maths. Il regarda par-dessus son épaule pour s'assurer de ne pas être observé, aucun Winchester n'aimait pas qu'on fouine dans ses affaires. Sammy attrapa l'une des boules de papier et entreprit de la déplier.

En haut de la feuille froissée était simplement griffonné à l'encre noire : 'Dean Gibson'. Sam arqua un sourcil. Tout ça pour écrire son nom ? Enfin… leur nom d'emprunt du moment. Rapidement il déplia une autre boule de papier puis une autre, puis une autre, même chose.

« Quel débile… » Murmura Sam en secouant la tête.

S'assoir deux heures à une table et consommer une quantité industrielle de papier pour écrire son nom dépassait complètement le jeune Winchester. Il avait beau passer 95 pour cent de sa vie nez à nez avec Dean, il arrivait toujours à s'étonner de tous les trucs bizarres qu'il faisait. Sammy froissa à nouveau les feuilles pour dissimuler les traces de sa curiosité et les replaça dans la poubelle. Il contempla une dernière fois le tas de papier en secouant la tête. Par moment il se disait que si il commençait à faire une liste des 'Bidules effrayants, stupides et étranges qui passent par la tête de Dean Winchester', la forêt amazonienne avait du souci à se faire.

Sam quitta finalement la maison en direction de ses copains qui l'attendaient pour démarrer une partie de mortal-combat sur Super Nintendo. Une après-midi normale pour n'importe quel gosse de 12 ans, un luxe pour un Winchester.

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« Ok, je l'ai localisé, c'est à huit heures de route au sud de Normal, dans le comté de Broodmaker. »

« T'as pas plus précis que le 'comté de Broodmaker' ? »

« Désolé, j'ai rien de mieux. T'as rechargé en munition ? »

« Evidemment. »

« Ecoute John, ce mec est un enfoiré, il ne va pas te rendre la vie facile. »

« Je vais gérer. »

« Ouais… tu m'étonnes. N'oublie pas que si tu le butes, t'en sauras pas plus. »

« Sans déconner. » marmonna John, agacé.

« A moins que ce soit lui qui te bute en premier… Tu veux vraiment pas que je t'accompagne ? »

« J'ai dis non, Damien. S'il est aussi parano que Elkins le dit, il faut que j'y aille seul. »

« Ok, ok… Bon tu pars quand ? »

« Ce soir. »

« J'aurais besoin de récupérer mon Winchester. Le fusil je veux dire. Je peux être chez toi dans 10 minutes.»

« Non, je te l'amène. »

« C'est ridicule John, c'est sur mon chemin, je vais au stand de tir. »

« Je te l'amène. » trancha John avec un ton qui laissait peu de place à la discussion.

Pas de chasseur trop proche des garçons.

« La vache ! J'ai connu des rochers moins têtus que toi. Ta piaule ne peut pas être si terrible que ça, si ? » Il y eut un court silence avant que Damien ne capitule « Ok, ça marche, je t'attends... »

Et John raccrocha en soupirant. Il resta encore un moment sans bouger, pensif, à écouter le silence paisible de la maison. Attendez une seconde… Le silence ? Comment ça le silence ? Dans cette maison il était censé y avoir un pleurnichard claqueur de porte et une grande gueule fan de hard rock, le silence avait fait ses valises depuis longtemps. John ferma les yeux. Peut-être qu'en se concentrant il entendrait le son lointain de la télé…

Non. Pas de musique, pas de hurlements, pas de télé. Soit les garçons n'étaient pas là, soit…

Automatiquement il quitta sa chambre/quartier général, un léger pincement au fond de l'estomac. Il n'était pas spécialement inquiet, Sam était certainement chez machin… comment il s'appelle déjà… Michael ? Peu importe. Dean devait être au drugstore du coin à draguer la caissière, ou bien parti en ballade avec l'impala. Pourtant il y avait toujours une part de lui plus sensible à la panique qui ne supportait pas que ses fils sortent de son champ de vision.

Il descendit l'escalier après n'avoir trouvé personne à l'étage. Pas le moindre bruit au rez–de-chaussée comme si la maison était vide. Pourtant, assis dans la position du penseur de Rodin, Dean était là, captivé par l'écran de la télé.

« Hey » appela John.

Pas de réponse.

« Hey » tenta-t-il plus fort.

Dean sursauta et focalisa un regard ahuri sur son père.

« Tu sais qu'elle est éteinte ? » demanda John sceptique.

« Quoi ?»

« La télé. »

« Euh… ouais. »

Dean semblait gêné. Il essayait d'envoyer son sourire habituel mais ne réussissait qu'à avoir l'air encore plus mal à l'aise. Ca n'échappa pas à John. Peu de choses lui échappaient d'ailleurs quand il s'agissait de Sam et Dean.

« Qu'est ce qu'il t'arrive ? »

Dean grimaça en secouant la tête. « Rien, j'ai mal dormi, je suis un peu à côté de mes pompes aujourd'hui. »

John était peu convaincu, mais il avait beaucoup trop d'autres choses en tête pour insister.

« Où est ton frère ? »

« Chez Micheal. »

« Bien. Je vais devoir partir dans moins d'une heure. »

Le visage de Dean ne laissa transparaitre aucune émotion particulière quand il demanda simplement :

« Combien de temps ? »

John passa une main fatiguée sur son visage.

« Je sais pas exactement. Une bonne semaine au moins.»

« T'as besoin d'un back-up ? »

«Si tu demandes ça juste pour échapper à l'école, non. » Tenta John.

Ce n'était pas vraiment de l'humour mais c'était une façon comme une autre d'apporter un peu de légèreté dans une conversation qui voulait concrètement dire 'Je pars seul au devant d'une mort certaine et je te laisse en charge de ton frère, tu trouveras 20 dollars sur la table. PS : bisous.'

Dean resta parfaitement impassible, sans même l'esquisse d'un sourire.

« Ok. »

« Les règles habituelles s'appliquent, on est d'accord ? »

« Oui, chef. »

…Tiens… pas de soupir ou de roulement des yeux qui veulent dire 'tu me prends pour un débile ou quoi ?' nota John. Il y avait quelque chose de bizarre avec son aîné. En l'observant avec attention, il reconnu l'attitude.

Après la mort de Mary et même plus tard quand Dean faisait encore de terribles cauchemars, il s'était complètement renfermé sur lui-même. Son père avait eu le plus grand mal à l'atteindre et à le ramener dans le monde des vivants.

Encore aujourd'hui, de temps en temps, Dean recommençait. Ca n'avait pas la même ampleur que quand il était petit, parfois ça durait juste quelques minutes, mais il restait là, à regarder dans le vide, ignorant le monde extérieur, complètement perdu dans sa propre tête. Et John n'aimait pas ça du tout. Il détestait même.

En aucun cas il ne pourrait retraverser les mêmes épreuves qu'après la mort de sa femme, le silence terrible et oppressant de son petit bonhomme qui était autrefois tellement vivant… Cependant il savait également que Dean ne parlerait que s'il avait envie de parler, inutile de perdre du temps à essayer de lui faire dire ce qui se passait dans sa tête s'il ne le sentait pas comme ça. De toute façon il n'avait pas le temps de jouer les psys maintenant. Dean devait encore s'être fait engueuler par un prof ou pris un râteau par la bimbo du coin, rien qu'il ne puisse gérer tout seul. Dans moins d'une heure le Dean déprimé serait redevenu le Dean qui va toujours bien. C'était tellement facile avec lui. John aurait voulu se foutre lui-même un coup de poing rien qu'à l'idée de laisser son fils aller mal parce que c'était 'plus facile'. Et pourtant, c'est exactement ce qu'il allait faire.

« Si ton frère n'est pas revenu avant 20h, tu vas le chercher, tu le ramène par la peau des fesses et tu lui dis qu'il est privé de sortie jusqu'à ses 30 ans.»

« Ca marche. » répondit Dean en regardant par la fenêtre.

Oh mon dieu que ça l'énervait que son fils soit aussi renfermé aujourd'hui !

« Regarde-moi quand tu me parles » rétorqua John sur un ton beaucoup plus agressif qu'il n'aurait voulu.

En fait c'est le ton qu'il aurait employé avec le plus jeune. C'était le seul ton que Sam comprenait. Mais avec Dean il fallait utiliser une autre tactique. Le fils aîné se renfermait sur lui-même au moindre éclat de voix. Plus on lui hurlait dessus et moins il entendait. Dean était un mystère de psychologie et John n'avait jamais eu la patience d'essayer de le décrypter. Heureusement pour lui, son fils se sortait très bien tout seul de ces moments d'absence.

Conformément aux craintes de John, il s'était montré trop incisif pour Dean qui placarda aussi sec son masque 'tout va bien', déploya un sourire à 10 000 volts qui sonnait terriblement faux et répondit simplement :

« Ne t'inquiète pas, j'ai la situation bien en main. »

John leva un sourcil sceptique, parfaitement conscient que Dean lui cachait quelque chose mais pas du tout enclin à commencer une séance de psychanalyse. Au lieu de ça il tenta d'ébouriffer affectueusement les cheveux de son fils. Il faisait souvent ça avec Sammy, c'était comme un drapeau blanc, une trêve. Deuxième erreur pour John, Dean n'était pas Sammy et il n'avait pas reçu le mémo. Le fils aîné esquiva simplement le contact en faisant mine de vouloir attraper la télécommande.

John soupira et choisit de renoncer. Il n'avait jamais réussi à atteindre Dean quand il était comme ça, ça n'allait pas commencer aujourd'hui.

Une heure plus tard il faisait vrombir le moteur de l'Impala sur les routes de l'Illinois en direction du comté de Broodmaker et d'un mystérieux chasseur solitaire qui pourrait en savoir très long sur ce qui était arrivé à Mary. Steven Myers. Ce mec était une légende. L'un des plus vieux chasseurs encore en activité.

Selon les différentes versions, Myers avait plus de 45ans de chasse dans les pattes. Comme toute légende qui se respecte, il était insaisissable et personne ne savait où le trouver. C'était à tel point que pour certains chasseurs, Myers n'existait pas. John aurait été de ceux là si Elkins n'avait pas juré par tous les saints que le vieux lui avait déjà sauvé les fesses plusieurs fois.

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Sam courrait à perdre haleine dans les rues sombres de Normal. Son cœur avait manqué de s'arrêter quand il avait découvert l'heure tardive. Son père allait le réduire en bouillie… il pouvait dire adieu à ses soirées chez Michael. John ne l'avait pas encore condamné mais il était déjà en colère à l'idée d'être privé de sortie à cause d'un pauvre petit quart d'heure de retard de rien du tout. Son père était vraiment un dictateur.

Arrivé devant la maison il fut soulagé de constater que l'Impala n'était pas là. Le soulagement fut de courte durée quand il imagina John parcourir la ville au volant de la voiture à sa recherche. Il était mort, enterré, déterré, salé et brûlé.

Il se précipita à l'intérieur en criant :

« Je suis là ! »

Il n'avait que 20 minutes de retard… Dean avait déjà fait pire. Ce dernier était assis à la table de la cuisine face à une feuille blanche. L'entrée brutale de Sammy le fit sursauter.

« Oui… j'ai remarqué. Et la moitié de la ville aussi. » Dit-il avant de rouler en boule sa feuille et de la jeter dans la poubelle.

« Où est papa ? » demanda Sammy espérant de tout son cœur qu'il ne soit pas parti à sa recherche.

« Parti. Pour une bonne semaine. »

« Quoi ? Comment ça parti ? Il venait à peine de rentrer ?! »

« Et maintenant il est reparti. » conclu Dean, comme si c'était évident.

« Mais je ne l'ai même pas vu ! Il est parti où ? Il fait quoi ? »

Dean leva les yeux au ciel « Qu'est ce que tu veux que j'en sache. Ca avait l'air urgent. Surement des tas de gens à sauver. »

« Génial. » ironisa Sammy en s'asseyant sur le canapé.

« Tu sais, c'est pas parce qu'il n'est pas là que tu vas t'en sortir aussi facilement. » lança Dean avec de la malice dans la voix.

Sam le regarda sans comprendre. Il était trop occupé à être en colère contre John pour comprendre où son frère voulait en venir. Ce dernier regarda sa montre imaginaire et déclara :

« Il est 20h28, jeune padawan, vous avez 28 minutes de retard. Le juge Dean-le-Magnifique vous condamne à une peine d'une pompe par minute. Ce qui fait donc 28 pompes en bonne et due forme. Sentence à exécution immédiate. Hop hop ! »

Sam leva les yeux au ciel mais ne pu réprimer un sourire. Décidément c'était vraiment beaucoup plus agréable de se faire pincer par Dean que par John car même dans les punitions il savait faire preuve d'humour.

« Je suis là depuis 5 minutes Dean, techniquement je n'ai que 22 minutes de retard. »

« Insubordination. Dean-le-magnifique condamne à 75 pour cent de pompes en plus ce qui, ajouté à la racine du carré de l'hypoténuse, donne un total de 50 pompes. Tout de suite. »

« N'importe quoi. » s'écria Sam en riant.

« Sujet récalcitrant. Dean-le-magnifique condamne…- »

« Non ! » coupa Sam « C'est bon, c'est bon. 50 pompes. »

« Et au milieu du salon, que je te vois. » dit Dean avant de se rendre dans le coin cuisine pour préparer le repas.

« T'aimes me voir souffrir, hein ? »

« J'adore. »

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TBC