Chapitre 1 : Course de haute voltige
Le soleil venait à peine de se lever sur Beurk tandis qu'à plusieurs kilomètres de là se trouvait un jeune Dragonnier, filant à toute allure sur son Furie-nocturne. Il allait à une vitesse époustouflante, à tel point que l'air sifflait autour de lui.
Harold caressa lentement le crâne de son ami en lui demanda de faire « leur figure ». Instantanément Krokmou fonça en piqué en direction de l'océan. Le vent soufflait si fort qu'Harold dû retenir son casque de cuir pour qu'il ne s'envole pas. Ce n'est qu'une fois au bord de l'eau que le Furie-nocturne se redressa d'un coup, continuant de filer à toute berzingue au-dessus de la vaste étendue bleue.
Le jeune homme ne résista pas à l'envie de passer ses doigts sur la surface de l'eau pour sentir la fraîcheur de l'océan lui traverser tout le corps. Mais il dû vite retirer sa main car une créature s'approchait rapidement de lui.
- Krokmou regarde ça !
Le dragon lança un regard sur sa droite, et comme s'y attendait Harold, un grand Dauphin surgit de l'eau, suivi de près par ses congénères qui sautillèrent chacun leur tour tel un ballet aquatique.
- Je crois que tu leur plais, lança t-il d'un air amusé.
Mais les Dauphins n'étaient pas les seuls animaux vivants dans ces eaux. Ainsi Harold et Krokmou durent faire attention aux queues de baleines qui parfois surgissaient sans prévenir, ou encore aux poissons-volants qui bondissaient sans crier gare. Mais ça, les deux amis y étaient habitués, ce n'était pas la première fois qu'ils s'aventuraient loin de leur village.
- Allez mon grand, plus vite !
Visiblement le dragon n'attendait que ça : il fonça encore plus vite tout en prenant de la hauteur, encore et encore jusqu'à se retrouver au-dessus des nuages, où il effectua une vrille aérienne avant de se stabiliser. A ce moment le soleil frappa le visage du jeune homme de sa lumière douce et Krokmou ralentit son allure pour profiter de cette chaleur. N'ayant plus besoin de se cramponner aux manches en métal qui le maintenaient au harnais de son dragon, Harold les lâcha pour contempler à son tour la beauté des cieux. Les nuages d'un blanc immaculé semblaient se fondre dans le bleu du ciel qui illuminait l'horizon. Harold se mit machinalement à caresser le crâne de son ami tout en lâchant un soupir satisfait.
- On est pas bien là ?
Le dragon répondit d'un ronronnement entendu. Pas besoin de savoir ce qu'il disait pour comprendre qu'il pensait la même chose.
Le jeune homme retira son casque pour laisser l'air frais du matin lui caresser le visage. L'adrénaline qu'il avait ressenti près de l'océan avait disparu pour laisser place à un profond sentiment de bien-être. Se laissant guider par le vent, il ne remarqua pas immédiatement la jeune dragonnière qui chevauchait à une vingtaine de mètres sous lui. Harold reconnut immédiatement sa petite amie ainsi que « Tempête » son dragon personnel.
- Dis donc ça serait pas Astrid ? Ça te dit qu'on aille l'embêter un peu ? Suggéra t-il d'un ton taquin.
Krokmou grogna pour seule réponse.
- Je prends ça comme un oui.
Sans trop laisser le choix à son dragon, il lui indiqua ce qu'il comptait faire avant de retirer sa jambe de fer du mécanisme qui contrôlait l'aile arrière du Furie-nocturne. Le laissant ainsi en roue libre, Harold se jeta de sa monture tout en ouvrant ses propres « ailes ». Il n'eut qu'à se laisser planer en direction de son aimée en faisant attention qu'elle ne le voit pas.
De son coté Astrid n'avait pas du tout remarqué l'approche furtive de ses amis, ce n'est qu'au bout de plusieurs secondes qu'elle remarqua quelque chose à sa gauche. Elle lâcha un hoquet de surprise en voyant Krokmou qui lui souriait d'un air benêt.
- Krokmou ?! Qu'est-ce que tu fais là tout seul ?
Astrid savait que le Furie-nocturne était incapable de voler sans l'aide de son cavalier, mais alors comment pouvait-il être ici sans Harold ? Quelque chose clochait, et pendant une seconde elle s'imagina le pire : comme par exemple qu'il ait pu tomber de son dragon en plein vol. Mais si c'était le cas Krokmou n'aurait pas l'air aussi joyeux.
Heureusement ses peurs s'envolèrent vite lorsqu'elle entendit le son d'un raclement de gorge à sa droite. Cette fois-ci c'était Harold qui planait à côté d'elle. Son dispositif de vol lui permettait de se laisser porter par le vent pendant plusieurs mètres.
- Vous volez souvent dans les parages gente dame ? Plaisanta t-il en s'efforçant de reproduire une voix virile totalement cliché.
La jeune fille explosa littéralement de rire en voyant l'attitude de son partenaire ainsi que sa position des plus saugrenues. Il s'était mis sur le dos, et planait tranquillement, les mains derrière la tête en lançant des sourires charmeurs.
- Seulement quand de beaux bruns y sont aussi, ironisa t-elle à son tour.
- Jeune demoiselle, si c'est un bel homme que vous cherchez, ne cherchez plus vous l'avez trouvé !
Harold se laissa planer jusqu'à elle avant de grimper à son tour sur Tempête. Cette dernière ne réagit pas. Elle était habituée à Harold et ce dernier avait même déjà eu l'occasion de monter sur son dos.
Sans se gêner il passa ses mains autour de la taille d'Astrid tout en l'embrassant langoureusement.
- Où tu vas de si bon matin ? Reprit-il d'un ton plus simple.
- J'avais quelque chose à faire sur une île du coin : Tu m'accompagnes ?
Le jeune homme hésita un instant. D'habitude il profitait de la matinée pour voler avec Krokmou, mais pour une fois que sa chère et tendre lui demandait quelque chose il pouvait bien lui faire cette faveur.
- Hum, pourquoi pas. C'est quelle île ?
- L'île de Freyaris.
Soudain une idée lui vint.
- Ok j'accepte, mais à une seule condition.
- Laquelle ? Demanda t-elle curieuse.
- Tu dois nous battre à la course.
- Arrête je n'ai aucune chance ! N'oublie pas que tu as un Furie-nocturne.
- C'est pas faux. Pour la peine je te laisse une longueur d'avance : Le premier arrivé sur l'île du « dessous-de-bras-qui-démange » a gagné.
- Pari tenu !
Harold échangea un regard complice avec Krokmou qui comprit ce qu'il allait faire.
- A plus tard sur la ligne d'arrivée, plaisanta le brun tout en se laissant glisser de lui même. Astrid lâcha un léger cri de stupeur mais fut immédiatement rassurée en voyant Krokmou foncer telle une fusée pour aller le récupérer
- Ah tu veux jouer à ça ? Dit-elle en souriant. Tempête, vas-y à fond ! On va lui montrer ce qu'on vaut !
La jeune fille saisit fermement le manche de sa selle, tandis que Tempête fonçait à toute allure. Pendant ce temps, Harold continuait de chuter même si son dragon venait de le rejoindre. Ce dernier avait l'air d'un imbécile heureux avec son sourire idiot et sa langue pendouillante. Cela fit rire le Dragonnier.
- Bon on lui a laissé assez d'avance tu crois pas ?
Krokmou approuva son maître et dans un mouvement parfaitement synchronisé il se redressa au moment exact où Harold reprit les rênes, et tous deux foncèrent à toute vitesse.
Ils reprirent peu à peu de la hauteur et n'eurent aucun mal à se rapprocher d'Astrid malgré son avance. Mais il devait se dépêcher si il voulait gagner : L'île n'était plus très loin et la jeune fille était toujours devant lui.
- Allez mon grand en avant !
Krokmou prit une nouvelle pointe de vitesse jusqu'à se rapprocher au plus près de Tempête. Il put aisément profiter de l'inspiration du dragon pour reprendre l'avantage. Le Furie-nocturne effectua une vrille large qui lui permit de dépasser la jeune fille avec une facilité déconcertante.
L'écart se creusa de plus en plus et Harold parvint enfin jusqu'à « dessous-de-bras-qui-démange » sans difficulté. Une fois arrivé il n'eut pas à ralentir énormément car Krokmou sortit ses griffes et agrippa le sol tout en effectuant un dérapage contrôlé (petite astuce de sa mère).
Il descendit du Furie-nocturne et prit une pose décontractée en voyant Astrid arriver peu de temps après lui.
- Eh bien tu en as mis du temps, j'ai failli m'endormir.
- Haha très drôle... tu verras c'est moi qui t'aurai la prochaine fois.
- Mais bien sûr, n'empêche que c'est encore moi qui gagne.
La Hoffersson fit la moue. Depuis qu'ils se connaissaient, Harold avait pu admirer les nombreuses qualités de le jeune femme. Mais si elle avait bien un défaut c'était celui-ci : « Elle détestait perdre » et ce depuis toujours.
Malgré tout elle ravala sa fierté et accepta sa défaite.
- C'est bon j'ai compris, c'est toi le meilleur..
- Et ?..., insista t-il.
La jeune fille soupira de résignation.
- Et le meilleur dragonnier.
- Et ?...
Elle s'approcha de lui pour lui coller une petite frappe amicale sur l'épaule.
- Et le plus gros idiot que Beurk ait connu, plaisanta t-elle.
Les deux amoureux s'échangèrent un regard tendre avant de se rapprocher l'un de l'autre. Harold sourit en prenant la blonde par la taille tout en l'embrassant doucement sur le bord des lèvres.
- Heureusement que j'aime bien les idiots, ajouta t-elle.
Les deux se sourirent avant de se séparer.
- Bon on y va sur cette île ?
- Alors tu m'accompagnes quand même ?
- Pas le choix : Que ferait mon Astrid sans son valeureux héros pour la protéger ? Ironisa t-il.
Bien évidemment Astrid n'avait besoin de personne pour la protéger, elle était même la viking la plus forte de son village.
- Voila que je suis une demoiselle en détresse maintenant ?
- Évidemment, c'est à l'homme de veiller sur sa femme tu ne crois pas ?
- C'est pas ce que tu disais la dernière fois.
Harold resta figé, la bouche entre-ouverte. Effectivement la dernière fois que les deux amoureux étaient partis explorer les environs ils étaient tombés nez à nez avec un dragon énorme et incontrôlable. Sans l'aide d'Astrid, Harold n'aurait certainement pas pu s'en sortir.
Après s'être bien fait fermer son clapet, Harold ne sut quoi répondre mis à part :
- Ce... ça n'a rien à voir !
La jeune fille croisa les bras d'un air fier, soutenue par Tempête qui avait elle aussi participé au sauvetage de son ami. Le pauvre Harold se tourna vers Krokmou, espérant y trouver un soutien, mais son dragon se contenta de bailler.
- Bon, je l'admets tu m'as bien aidé la dernière fois.
- Et ?...
- Et c'est toi la meilleure guerrière.
- Et ?...
Harold sourit en grimpant sur Krokmou.
- Et la plus prétentieuse fille que Beurk ait connu, plaisanta t-il.
Il s'échangèrent un regard complice avant qu'Astrid ne monte de nouveau sur Tempête. Les deux amoureux décollèrent et ensemble, ils foncèrent vers l'île de Freyaris.
