A/N : écrit en réponse au thème "mal du pays" pour la communauté bingo-fr sur livejournal


Lucy est celle qui le vit le mieux. Surement parce qu'elle sait qu'ils y retourneront un jour. Elle n'arrête pas de le répéter à ses frères et sœur, qu'elle a foi en Aslan et qu'il ne les laisserait pas s'ennuyer en Angleterre si longtemps. Elle a la confidence des enfants et la force des croyants, et pas le moindre mal à s'adapter à son petit corps – parce que même si après quinze ans à Narnia son enveloppe charnelle avait muri, son esprit était toujours resté celui d'une gamine qui s'émerveille de tout et surtout de ce que les adultes ignorent, et redevenir la petite Lucy Pevensie avait été un jeu d'enfant. Et pourtant, plus d'une fois, elle a réveillé Susan parce qu'elle appelait Mr Tumnus dans son sommeil.

Edmund a plus de mal. Quitter Narnia sans même s'en rendre compte, complètement par accident, ça l'a secoué. Il n'arrête pas de penser à tous ceux qu'ils ont laissés derrière eux, leurs amis, leurs servants, leurs sujets… S'inquiètent-ils de ne plus les revoir ? Ont-ils envoyés quelqu'un à leur recherche ? Et puis, comment s'en sortent-ils, sans roi ni reine pour les guider ? C'est un peu bête, mais il ne s'est jamais vraiment pardonné d'avoir traité avec la Sorcière Blanche, même sans vraiment le vouloir, et la dévotion dont il a fait preuve envers son peuple par la suite, c'était la manière qu'il avait trouvé de se racheter. Et maintenant qu'il les a laissés tomber, c'est comme s'il était à nouveau ce gamin apeuré qui a presque détruit un royaume pour des loukoums.

Susan essaie de n'en retirer que le positif. Elle est loin de partager la certitude de Lucy sur le fait qu'ils y retourneront, mais comme toutes les expériences hors-du-commun dans la vie de quelqu'un, leur séjour à Narnia les a changés. Ils sont plus murs, plus réfléchis et plus patients qu'ils ne l'étaient enfants – plus d'une décennie à la tête d'un Royaume, ça transforme même les plus insouciants des gamins en adultes responsables. Oh, bien sûr, elle a toujours été la plus posée de la famille, mais elle constate les bienfaits de Narnia sur sa famille, et ça calme son mal du pays – mais si elle doit être honnête avec elle-même, juste un petit peu. Et puis, bon sang, sa bibliothèque royale lui manque.

Peter désespère presque. Il était le Magnifique, et le voilà redevenu un écolier anglais parmi des millions d'autres. Être spécial lui manque, parce qu'il ne l'avait jamais été avant son règne à Narnia, et qu'il y a vite pris goût. Il se sent à l'étroit dans sa nouvelle vie, celle qu'il a vécue il y quinze ans et qu'il pensait avoir laissée derrière lui pour toujours – car même à Narnia, terre de l'extraordinaire, il n'a jamais vu personne rajeunir. Être un adolescent quand on a été un homme, et un simple Monsieur Tout-le-Monde quand on a été un Roi, c'est irréel, et c'est surtout profondément injuste.

Les quatre enfants Pevensie ont des manières différentes de vivre leur retour en Angleterre, mais ils ont tous un point commun : Narnia a été la plus belle chose qui leur soit arrivée, on la leur a arrachée sans raison, et le manque est de plus en plus dur à supporter.