nd/a : Cette fic est inspirée de la fanfiction de BTS loverboy de Gangbang, que vous pouvez trouver sur ao3.
nd/a2 : Cette fic est un one-shot, a été conçue comme un one-shot et est terminée comme un one-shot. Je la publie en two-shots car elle est devenue? immensément? plus longue que prévu? send help
nd/a3 : Je veux expliquer le concept ici car je sais qu'il est un peu compliqué et peut-être problématique pour certains d'entre vous, ce que je comprends parfaitement. Dans cette fic, Hinata (et d'autres personnages que vous rencontrerez au fil de l'histoire) a le pouvoir, au moyen de sa voix, d'influencer et de manipuler les émotions des gens. Donc les lignes du "consent" sont peut-être un peu brouillées, mais les personnages s'en rendent compte, je vous rassure. Ou du moins finissent par s'en rendre compte.
nd/a4 : C'est un AU plutôt sombre et déprimant, plus que je ne l'aurais pensé en le commençant. C'est aussi très psychologique, donc l'action à proprement parler est plutôt lente. Quand la fic commence, Hinata a 15 ans. Quand elle se termine, il a environ 24-25 ans.
nd/a5 : La suite (et fin) devrait être postée dans 2-3 jours. Bonne lecture~
Quand Hinata s'en aperçut pour la première fois, il avait quinze ans. Très jeune, somme toute, trop jeune, sûrement. Il viendrait à apprendre que ça apparaissait, en général, avec la puberté et que ça ne partirait probablement jamais.
C'était une journée comme les autres. Il était avec deux amis, avec lesquels il n'avait plus de contact maintenant, mais qui consistaient à l'époque en l'essentiel de son cercle social.
― Trois billets pour Star wars, s'il vous plaît, avait-il demandé avec un sourire.
La dame à la caisse du cinéma, entre deux âges, mâchant négligemment un chewing-gum, leva à peine les yeux vers lui.
― C'est complet pour ce soir, désolée.
Hinata entendit son ami soupirer derrière lui.
― Je savais qu'on aurait dû attendre quelques jours au moins, marmonnait-t-il. Deux jours après la sortie, c'est trop tôt.
Hinata, un peu déçu, n'avait pas baissé les armes.
― Complet, complet ? s'était-il misérablement essayé.
La dame leva les yeux vers lui.
― Complet, complet.
― Pas grave, les gars, avait relativisé son autre ami. On reviendra mardi prochain.
Les deux garçons étaient déjà à moitié tournés pour repartir.
Hinata avait fait une moue. Il s'était excusé du regard à la dame, et avait repris son portefeuille, lorsqu'il expliqua pour meubler l'instant de silence :
― C'est que, on aurait vraiment aimé le voir, avant que tout le monde ne l'ait déjà vu et qu'on se fasse raconter toute l'histoire-
La dame avait subitement arrêté son mâchouillement. Hinata leva les yeux vers elle. Puis, sans qu'il ne comprenne pourquoi, elle sorti sa main de derrière son comptoir et la posa sur celle d'Hinata.
Figé, Hinata se tut.
― Pauvre enfant, avait dit doucement la dame. Je comprends. Ne partez pas, je vais voir ce que je peux faire.
Elle lâcha aussitôt sa main et se leva pour aller chercher des clés.
Hinata jeta un regard à ses amis, qui le lui rendirent avec la même confusion.
Pourtant, aucun d'eux trois ne se plaignit lorsque la dame revint et leur permit d'assister au film dans les loges arrière, habituellement réservées au personnel technique. Gratuitement, en plus.
…
C'était quelque chose dans sa voix, Hinata le comprit assez vite.
Il ne pourrait pas vraiment expliquer comment, ni pourquoi. Mais, au début, enthousiasmé, il perdait le contrôle assez vite.
Plus tard, il apprendrait à savoir doser l'intensité de la voix. À savoir exactement quand il l'utilisait et quand il parlait normalement, toute trace du charme effacée. Mais, au début, c'était impossible.
Il n'était pas non plus très sûr de comprendre l'effet exact que la voix avait sur les gens. Une complaisance ? Une affinité immédiate ? Une obéissance quasi-garantie ? Dans tous les cas, c'était à son avantage et il ne se lassait pas de l'utiliser à tort et à travers sur le plus de gens possible.
Il ne le comprit qu'après quelques semaines.
C'était justement chez l'un de ses amis. Pour une raison qu'il avait oubliée, le troisième membre du trio n'avait pas pu être présent pour cette soirée jeux-vidéos, et ce n'était donc qu'Hinata et l'autre.
Comme toujours, il y avait eu obstination sur qui serait le player one, et Hinata, après quelques arguments, s'était lassé et avait utilisé la voix. Il était donc player one. Simple comme bonjour.
Souriant pour lui-même, Hinata avait commencé la partie, satisfait, et s'était aperçu, après quelques bonnes minutes, que son ami n'avait pas bougé depuis un petit moment. Hinata s'était retourné vers lui pour lui demander ce qu'il attendait, et s'était aperçu que l'autre garçon l'observait avec une intensité inhabituelle.
La voix pouvait avoir cet effet, ce changement dans le regard, rendant les yeux comme brillants, Hinata s'en était aperçu. Mais, n'ayant jamais été particulièrement expert en analyse de sentiments, il ne s'était pas interrogé plus que nécessaire sur le sujet.
Ce ne fut que lorsque, de façon complètement inattendue, son ami se pencha ridiculement proche de lui et déposa ses lèvres sur les siennes qu'Hinata, figé, comprit le vrai effet de la voix.
…
C'était quelques années plus tard.
Hinata, assez vieux pour connaître les conséquences que ses actes pouvaient avoir, trop jeune pour ne pas s'en ficher, passait son temps à fréquenter les soirées auxquelles il n'aurait pas été invité si ce n'était de l'usage approprié de la voix. Entouré de la crème de la crème des gens, dans les quartiers les plus huppés, Hinata riait, flirtait, tout le monde le trouvait des plus exquis, et repartait pour la nuit avec n'importe qui, homme ou femme, sur qui son choix s'était arrêté cette soirée-là.
Lorsqu'il la vit pour la première fois, avec ses cheveux blonds, ses yeux immenses et son cou fin, au bras d'un type beaucoup plus vieux et beaucoup plus riche que lui, chez qui d'ailleurs se déroulait la soirée cette fois-là, Hinata sourit. Et il décida de relever le défi.
S'il croyait encore, dans ce temps-là, que défi il pouvait y avoir.
― Salut, l'avait-il accostée alors qu'elle était encore au bras de l'autre homme.
Il avait utilisé la voix, en petite quantité. Assez pour qu'elle se retourne.
― Salut, avait-elle répondu, polie.
Il remarqua qu'elle avait lâché le bras de l'homme et il sourit vaguement. Facile, tellement facile.
― C'est la première fois que je te vois ici, avait-il continué.
Elle avait ri un peu, comme embarrassée.
― Je n'aime pas trop ce genre de soirée, d'habitude, expliqua-t-elle. La musique est trop forte, et il y a tellement de gens...
Hinata soutenu son regard.
― Moi non plus, avait-il répondu doucement. Ça te dirait qu'on s'en aille ?
Il avait mis un maximum de charme dans la voix. Ses yeux s'embuèrent un peu, comme si elle était dépassée par ce qui se passait, comme si elle n'arrivait pas à comprendre sa chance, elle les cligna plusieurs fois.
― Je, oui, enfin―, murmura-t-elle, je n'attends que ça.
…
Ça dura quelques mois, la plus longue relation qu'Hinata jamais eut. Car, en fait, il se lassait en général rapidement des gens. Mais pas d'elle. Elle était drôle, riait facilement, pas compliquée, et Hinata avait du plaisir à la revoir à chaque fois. Ils passaient même des jours ensemble, à se promener dans la ville, à parler, à rire.
Enfin, si, parfois, l'envie de quelque chose ou de quelqu'un d'autre le prenait, il ne se gênait pas, bien évidemment. Parfois, il se faisait prendre, mais rarement. Et puis, une ou deux phrases pleines de charme, et tout rentrait dans l'ordre, elle n'était plus fâchée.
Plus fâchée, mais elle pleurait beaucoup, par contre. Ça, ça ennuyait Hinata. Il la consolait maladroitement, lui répétait qu'il n'aimait qu'elle. Et elle, elle pleurait encore, elle s'excusait de s'être fâchée, elle n'arrêtait pas de s'excuser.
Ça le rendait inconfortable. Ce n'était pas encore du remord, mais ça viendrait.
…
Il était sans elle dans un bar, un soir où elle l'avait particulièrement fatigué, et où il se rappelait lui avoir crié qu'il ne reviendrait plus jamais. C'était faux, bien sûr, il ne pensait jamais totalement tout ce qu'il disait, mais dans son élan de colère, de voir ses yeux s'écarquiller dans la crainte que ce fut vrai, ça lui avait procuré une sorte de satisfaction. Les lumières aveuglantes, la musique trop forte et le regard des gens sur lui lui changeaient les idées.
Quand il entra dans le bar, Hinata le remarqua tout de suite.
Il était grand, sombre, un veston de cuir sur les épaules, et exactement ce qu'Hinata n'avait pas eu depuis un petit moment et dont il avait besoin. Il avait l'air d'être entré dans le premier endroit qu'il avait trouvé pour aller prendre un verre d'alcool le plus fort possible. En effet, car sans même regarder autour lui, il prit tout de suite la direction du bar.
Hinata sourit, arrêta tout mouvement et se dégagea de la piste de dance, malgré les quelques mains qui tentèrent de le retenir. Il alla s'asseoir juste à côté du nouveau venu. Légèrement trop près, peut-être, car l'autre lui jeta un bref regard ennuyé et se décala légèrement vers la droite.
― Hey, lança Hinata.
L'autre ne se retourna même pas. Levant les sourcils, presque impressionné, Hinata augmenta la dose de charme dans sa voix.
― Hey, répéta-t-il, et cette fois l'autre tourna la tête vers lui. Je m'appelle Hinata.
L'autre hocha la tête et sortit son téléphone, l'ignorant de façon quasi-insultante. Mais Hinata n'était pas insulté. Ça lui donnait même envie de rire, de voir que quelqu'un pouvait penser pouvoir lui résister.
L'autre ne lui répondit pas son nom, mais Hinata viendrait à découvrir assez vite qu'il se nommait Kageyama Tobio, et qu'il n'était pas près de l'oublier.
― Est-ce que tu es seul ce soir ? demanda Hinata, même s'il savait que ça n'avait aucune importance.
À cela, au moins, Kageyama réagit en faisant tourner son téléphone entre ses doigts et en plantant son regard dans celui d'Hinata. Hinata ne remarqua d'ailleurs qu'à ce moment-là l'ecchymose jaunie que l'autre avait autour de l'œil gauche.
― Écoute, avait lancé froidement Kageyama, tu parles à la mauvaise personne. Retourne t'amuser ailleurs, je n'ai pas la tête à ça.
Et il avait replanté ses yeux sur son écran. Mais Hinata éclata de rire. Et son rire, sans vraiment qu'il ne puisse le contrôler encore aujourd'hui, avait toujours une dose assez élevée de charme. Kageyama s'était figé. C'est fini, pensa Hinata, gagné.
Il posa sa main sur le bras solide de Kageyama. Celui-ci leva les yeux vers lui, et Hinata lui sourit à pleines dents.
― Je m'amuse déjà très bien ici.
Et voilà, c'était fini, c'était le coup fatal.
― Comment est-ce que tu as dit que tu t'appelais, déjà ? demanda d'un ton étrange Kageyama.
Hinata lui fit un clin d'œil et resserra son emprise sur son bras.
― Hinata. Hinata Shoyo.
…
Celle-là aussi dura longtemps. Quelques mois, au moins, Hinata en était sûr. Il oubliait parfois les détails. Il était justement dans le lit de Kageyama, celui-ci étant déjà parti travailler, le matin où il reçut l'appel.
C'était un numéro inconnu, et Hinata n'avait pas habitude de répondre aux appels masqués.
Il y avait déjà un petit bout que la fille ―Yachi, elle s'appelait Yachi, s'il n'y avait que deux noms dont il méritait de se souvenir, c'était ces deux-là, Kageyama et Yachi― avait arrêté de l'appeler, comme ça finissait toujours par arriver, avec tout le monde. Il répondit néanmoins, et lorsque Kageyama revint le soir, c'était pour le retrouver dans cette même position, les yeux vides, assis sur le lit, le téléphone entre les mains.
C'était la mère de Yachi. Elle avait été hospitalisée. Ça faisait des semaines qu'elle ne mangeait plus, qu'elle ne sortait plus. Les médecins voyaient là une solide dépression. Mais Hinata savait ce que c'était, lui, il le savait.
Elle se mourrait d'amour.
…
Hinata ne voyait pas comment il pouvait possiblement expliquer ça à Kageyama. Ce qu'il savait, par contre, c'est qu'ils ne devaient plus se voir. Hinata était resté trop longtemps avec Yachi, et il était encore temps d'éviter la même horreur avec Kageyama. En plus, Hinata l'aimait bien, comme il avait appris à le connaître, et c'était certes un type un peu renfermé, avec un mauvais caractère la plupart du temps, mais qui au final était très bien et ne méritait pas ce qu'Hinata allait finir par lui faire subir un jour ou l'autre.
Deux jours après l'appel, Hinata prit son courage à deux mains et cogna chez Kageyama. Il n'avait pas l'intention d'entrer, pas l'intention de s'expliquer, juste de lui dire que c'était fini et de partir aussitôt. Mais, évidemment, Kageyama ne le laissa pas faire à sa tête.
― Qu'est-ce que tu as ? demanda finalement Kageyama, une fois qu'il l'eut convaincu d'au moins rentrer dans l'appartement.
Hinata évitait son regard.
― Je pense qu'on devrait arrêter de se voir, Kags.
Évidemment, l'expression qui s'inscrit sur son visage était horrible à regarder, oh, si horrible.
― Quoi ? demanda Kageyama, et c'était plus un chuchotement qu'une vraie parole.
Hinata, regrettant d'être entré, repris son sac de par terre et s'apprêta à sortir, mais Kageyama lui agrippa le bras, un peu fort.
― Hinata, s'exclama-t-il, cette fois-là avec la voix qu'Hinata lui connaissait. Ne pars pas comme ça― explique toi au moins un peu !
Une once de panique teintait ses paroles, Kageyama n'était jamais très expressif, mais c'était assez pour qu'Hinata entende et se retourne, la gorge serrée. Il tendit la main doucement vers la joue de l'autre.
― Kags… commença-t-il.
Mais Kageyama agrippa durement sa main avant qu'elle ne le touche, réagissant au surnom comme à un choc électrique. Il le regarda l'espace d'une demi-seconde.
― Merde, Hinata ! Tu ne peux pas juste- partir comme ça…
Sa voix était différente. Hinata retira violement sa main.
― Ne me dit pas quoi faire ! s'écria-t-il à plein poumons.
Une rage violente s'était emparée de lui. Il avait envie d'hurler, de pleurer, il aurait pu même frapper Kageyama.
― Salaud ! continuait-il de crier, lui qui détestait pourtant insulter les gens. C'est quoi ton putain de problème !
Kageyama, figé, le regardait avec des yeux glacés d'horreur. Hinata ne comprenait pas d'où lui venait cet accès de rage, mais il s'en contre-foutait. Il n'avait jamais été aussi fâché de toute sa vie. Kageyama avança vers lui, lentement.
― Hinata, ne te fâche pas, attends, écoute moi-
― Ne me touche pas ! cria encore Hinata.
Dans un geste de violence absolument gratuite, ne sachant pas où canaliser toute la colère qui le prenait, il frappa contre un bol en vitre qui trainait sur une table à côté de lui. Le bol s'écrasa par terre dans un fracas terrible. Hinata sentit les bras de Kageyama l'entourer de par derrière.
― Hinata, écoute-moi, Hinata, disait Kageyama, mais sa poigne était solide comme du roc et Hinata avait beau se débattre, il ne lâchait pas prise. Il faut qu'on parle, il faut que tu m'écoute, mais calme toi. Je vais t'expliquer, calme-toi.
Hinata se débattit encore quelque peu, mais sentit très vite une grande fatigue l'assiéger, et, toujours dans les bras de Kageyama, tenta de reprendre son souffle au travers des sanglots.
…
Quand Kageyama, une fois la colère inexpliquée d'Hinata passée, s'assit à côté de lui, la tête basse et le regard fuyant, lui demandant d'être silencieux et de l'écouter car ce qu'il s'apprêtait à dire serait difficile à croire, Hinata le vit venir à cent kilomètres à l'heure.
― Parfois, quand je parle, il y a certains moments où― où je peux mettre les gens en colère. Je ne comprends pas trop moi non plus, je sais, mais― c'est plus que simplement les mots, c'est la voix derrière, et normalement― normalement je la maitrise assez bien, je ne voulais pas― je n'ai jamais voulu l'utiliser sur toi et je suis tellement, tellement désolé―
Hinata ferma les yeux.
Il ne savait pas trop quoi penser, ses émotions alternant entre le drôle de pincement au cœur de savoir qu'il n'avait pas tout imaginé, que sa voix était bien réelle, et qu'il n'était pas seul, mais aussi une pointe de douleur devant l'air anéanti de Kageyama qui s'en voulait tellement d'utiliser la sienne.
Il imaginait que c'était cruel, peut-être, mais que c'était le moment où jamais.
― Je te crois, Kags.
Il plongea ses yeux dans ceux, gris et indéchiffrables, de Kageyama. Il prit une inspiration.
― Je te crois car je peux faire la même chose que toi― enfin, pas avec la colère.
Kageyama ne dit rien pendant quelques instants.
― Avec quoi ? demanda-t-il finalement.
Hinata lâcha sa main. Il allait le dire pour la première fois, mettant des mots sur des pensées retravaillées des centaines de fois, dans une vague idée de ce qu'était la voix, mais sans jamais aucun terme clair à mettre sur elle pour la définir.
― Avec l'amour, Kags.
…
― Je pense que tu as raison, avait dit Kageyama après plusieurs jours d'exil Hinata-ne-savait-trop-où. Je pense qu'on devrait arrêter de se voir.
― D'accord, avait simplement répondu Hinata.
Kageyama l'avait regardé, et c'est ce regard qui restera ancré dans la mémoire d'Hinata comme dernier souvenir de lui, comme une marque au fer rouge. Ce regard entre la colère et la déception, ce regard qui semblait vouloir lui dire c'est tout ?
― J'ai l'impression que ça ne te fait rien, avait déclaré Kageyama avant de partir. Alors que de te laisser, c'est la chose la plus difficile que j'ai eu à faire de toute ma vie.
― On est jeune, avait répondu Hinata. Tu vas avoir des choses beaucoup plus difficiles à faire que ça.
Et c'était tout.
…
Plusieurs années passèrent sans qu'il ne recroise ni Kageyama, ni personne s'apparentant de près ou de loin à eux et à leurs capacités.
Il rentrait chez lui- car oui, il avait un chez-lui, il avait changé ses habitudes et ne se laissait plus entretenir par quiconque sur qui il exerçait sa voix, ou du moins presque plus- il n'était pas tard. Il avait déposé ses sacs d'épicerie dans son entrée et regardait son téléphone qui venait de se connecter au Wi-Fi de son appartement. Lorsqu'il releva les yeux, il faillit mourir d'une crise cardiaque.
Deux personnes se tenaient dans son salon, très fixes, les yeux brillants comme un reflet dans l'atmosphère sombre.
― Hinata Shoyo.
Dit la voix de l'un d'entre eux. Elle était basse, douce, comme à demi-chuchotée.
― Qui êtes-vous ? demanda Hinata.
Il n'avait pas peur, il était un adulte, mais sa main tenait quand même fermement la poignée de porte. L'un d'entre eux était assis assez droitement sur son fauteuil, et l'autre se tenait à côté. Celui qui était debout s'avança lentement.
― N'aie pas peur, dit-il doucement. Nous voulons simplement te parler. Nous avons entendu beaucoup de choses à ton sujet.
― Quelles choses ? se braqua Hinata. Et qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous faites dans mon salon ?
À ce moment, celui qui était assis sur le divan tendit le bras pour allumer la lampe sur la table de chevet. La lumière basse et orangée éclaira alors un peu son visage à la mâchoire carrée et à l'air vaguement sévère. Hinata regarda celui qui était proche de lui. Les cheveux étrangement argentés, il avait un sourire doux et un regard bienveillant. Pas très menaçant, somme toute.
― Je m'appelle Sugawara, mais tu peux m'appeler Suga. Et lui, c'est Daichi.
― Nous venons car plusieurs choses nous laissent croire que, comme nous, tu aurais été récipiendaire du Don, enchaîna l'autre, Daichi, dont la voix ne semblait pas dure du tout.
Hinata resta silencieux. Sugawara sourit.
― Je suis sûr que tu sais de quoi on parle, dit-il doucement.
Hinata, par automatisme, commença à retirer son manteau et à ranger les choses qu'il avait laissé tomber en entrant chez lui.
― Le Don, maugréa-t-il à mi-voix en évitant le regard gentil de Sugawara. Le Don. Vous parlez d'une façon d'appeler ça.
Sugawara et Daichi le laissèrent ranger ses affaires et se défrustrer un peu, probablement conscients de la myriade d'émotions avec lesquelles il devait composer en ce moment, en essayant de camoufler tout ça par un ennui peu crédible. Finalement, il croisa les bras et prit une inspiration, prêt à les laisser continuer ce qu'ils avaient à lui dire, peu importe ce que c'était.
Sugawara, celui aux cheveux argentés, était doté du don- de la voix de la paix, ou du calme, peu importe comment il appelait ça. Daichi, lui, de la peur. Tout comme lui, leur Dons se manifestaient par la voix, et ils avaient appris à la maitriser individuellement au fil du temps, avec, tout comme lui, leur lot de méandres et de complications. Ils lui demandèrent quel était son don à lui. Hinata n'osa pas lever les yeux.
― L'amour, finit-il par avouer après quelques instants d'hésitation.
Daichi avait hoché la tête. Suga avait déposé une main sur son épaule.
― D'accord, dit-il paisiblement. C'est une grande chance. C'est un sentiment très puissant.
Hinata acquiesça faiblement, haussa les épaules, comme si c'était vrai, comme si de rien n'était.
― Nous essayons de recruter le plus de gens possibles comme nous, expliqua Daichi. C'est un phénomène assez récent, très peu répandu, et plutôt incompréhensible. Le plus de données nous parviendrons à rassembler, le mieux nous serons en mesure de maitriser le phénomène.
― Tu peux peut-être penser que ça ne sert à rien, intervint aussitôt Suga, étant donné que toi, comme moi ou Daichi, tu es parvenu à dompter ta voix par toi-même. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Notre but est simplement d'aider ceux pour qui ça ne va, présentement, où ceux à venir.
Hinata secoua la tête.
― Je ne pense pas que ce soit inutile, coupa-t-il, la tête basse. Personne ne devrait avoir à vivre ça.
Une vague image de Kageyama lui traversa alors l'esprit, les ecchymoses sur ses bras et son visage.
― Personne, poursuivit-il. Surtout pas seul.
Suga et Daichi lui sourirent tristement.
― C'est ce que nous pensons aussi. Mais tu n'es pas seul, Hinata. Nous ne sommes pas seuls.
…
Cela peut paraitre idiot, mais d'être tombé sur Daichi et Suga à cet instant-là de sa vie, Hinata était sûr que ça l'avait sauvé.
Bien sûr, ce n'était pas utopique, de rencontrer les autres gens de l'association. Hinata ne se mit pas soudainement à adorer son Don, n'apprit pas miraculeusement à le dompter plus qu'il n'y parvenait déjà, ne devint pas ami avec tous ceux qui s'y trouvait. D'ailleurs, ni se s'impliqua tant que ça dans l'association, en fait. Contrairement à certains d'entre eux, comme Daichi et Suga, Hinata ne quitta pas son travail ni son appartement.
Au début, c'était même assez déstabilisant. Il était venu au quartier général, guidé par Suga, qui l'avait présenté à tous ceux qui s'y étaient trouvé à ce moment-là, lui avait expliqué les grandes bases de leur méthode de recherche pour trouver les gens chez qui se manifestait le Don, et lui avait montré les dossiers de tous ceux qui étaient répertoriés. Il lui avait clairement expliqué qu'il n'y avait rien qui était attendu d'Hinata, rien de plus que ce qu'il serait prêt à faire. Et si, pour l'instant, cela signifiait rien du tout, c'était bien aussi. Hinata lui avait offert un sourire reconnaissant.
Ils n'étaient pas beaucoup. Une vingtaine de répertoriés, pour l'instant, tout au maximum.
L'organisation n'en était encore qu'à ses débuts.
Le phénomène était apparu il y avait quelques années, se manifestant toujours chez les jeunes garçons, sur une tranche de dix bonnes années. Les émotions contrôlées allaient de la plus précise à la plus générique. Certaines étaient positives, d'autres plus négatives, allant de la jalousie au dégoût, de la confusion à l'ennui. À chaque fois qu'Hinata était introduit à quelqu'un, la réaction était pratiquement la même ; une espèce d'admiration difficilement dissimulable et des réflexions dont Hinata aurait franchement pu se passer.
― Incroyable, tu peux faire tout ce que tu veux avec ça !
Oui, en effet, songeait platement Hinata. Quelle chance, wouah.
Un jour, par contre, quelqu'un lui dit quelque chose d'autre. C'était inattendu, et cela frappa Hinata plus qu'il n'aurait souhaité se l'admettre.
― C'est terrible.
Hinata avait cligné des yeux, regardant sous un œil différent celui à qui il venait d'être présenté. L'autre n'avait pas levé les yeux vers lui, les gardant fixé sur l'écran d'un jeu vidéo auquel il jouait.
― Ce l'est, avait alors dit Hinata, réalisant à quel point c'était vrai.
…
Il s'appelait Kenma, et son don à lui, c'était la tristesse. Hinata lui avait déjà demandé, une fois, de l'essayer sur lui, et il aurait plutôt qualifié ça d'espèce de désespoir. C'était poignant, étouffant, et Hinata n'avait plus jamais demandé à le revivre.
Cela ne prit pas beaucoup de temps avant qu'ils s'attachent l'un à l'autre, et Hinata pouvait affirmer aujourd'hui sans mentir que Kenma était son meilleur ami, le seul avec lequel il avait vraiment connecté d'entre tous les membres de l'association.
Parfois, une peur assiégeait le fond de son esprit, tapie dans l'ombre, innommable. Hinata s'efforçait de l'étouffer du mieux qu'il pouvait dès qu'il la sentait poindre à l'horizon, mais jamais assez rapidement pour qu'elle ne laisse pas une trace dans ses pensées. Elle lui disait, la peur, qu'elle ne savait pas à quel point Kenma, qui ne s'attachait presque à personne, restait avec lui de sa propre volonté. Elle lui disait qu'elle ne savait pas s'il n'était pas, malgré tous les efforts d'Hinata, sous l'influence de sa voix, subtile et vicieuse, sans qu'il ne s'en doute. Elle lui disait, mais ça Hinata le savait déjà, qu'Hinata n'était pas toujours capable de savoir si sa voix ne s'était immiscée dans des conversations banales, au détour d'une phrase dite en riant, sans qu'il ne puisse s'en rendre compte lui-même.
Et qu'elle puisse ainsi entretenir une forme de dépendance, certes plus légère qu'un amour romantique assumé, à l'égard de Kenma. Que c'était la seule raison pour laquelle il ne partait pas.
…
Hinata avait fini par raconter à Kenma toute son histoire, une soirée où il avait peut-être été un peu sous l'influence déprimante de Kenma qui ne se sentait pas bien cette fois-là, comme ça le prenait parfois. Il lui avait parlé de Kageyama, de Yachi, de tous ceux avant eux, de tous ces cœurs sur lesquels il ne savait pas l'étendue du dommage qu'il avait laissé.
Il lui avait parlé de cette peur, de cette quête de vérité qu'il ne semblait jamais à bout d'achever.
Kenma, en échange, lui avait parlé de ses remords à lui, de la culpabilité qui l'étouffait lentement et silencieusement, et il avait de quoi parler. Ses deux parents, entre autres, s'étaient suicidés par sa faute, sous l'influence néfaste qu'il ne parvenait pas à comprendre ni à contrôler dans ses années d'adolescence. Ils n'avaient eu aucune chance face à l'étendue de son Don.
…
― Je pense que j'aimerais aider, moi aussi.
Hinata avait levé la tête vers Kenma, avec lequel ses jambes étaient entortillées sur le divan de son appartement.
― Aider ?
Kenma était resté silencieux un bon moment, assez pour qu'Hinata s'apprête à laisser tomber sa question et se remette à écouter le programme de télé-réalité qu'il n'écoutait déjà qu'à moitié.
― Aider, comme Suga et Daichi, avait finalement continué son ami. Aider à trouver les gens, les enfants, comme nous.
Hinata avait attendu, laissant le temps à son ami de trouver ses mots.
― Si ça peut permettre d'éviter- si au moins un d'entre eux-
Hinata avait jeté un coup d'œil à l'écran du téléphone de Kenma. La partie du jeu auquel il jouait était perdue depuis un bon moment, mais les yeux de son ami restaient braqués sur son écran.
― Je vais le faire avec toi, avait dit Hinata.
Kenma lui avait lancé un regard.
― Je suis sérieux, insista Hinata. Je vais le faire avec toi.
…
C'était beaucoup plus de travail technique qu'Hinata aurait imaginé. Il était question d'infiltration électronique à la recherche de rapports inhabituels dans les dossiers d'écoles, ou même dans des cas judiciaires. Ensuite seulement venait la recherche sur le terrain, domaine où Hinata servait enfin vraiment à quelque chose. Sur la quantité d'informations qu'il y avait, très peu étaient significatives, mais Kenma, une chance, était inexplicablement très doué pour tout ce qui concernait l'informatique, et se chargeait de la majorité du travail de paperasse qu'Hinata n'était pas en mesure de faire.
Hinata, comme Kenma, vivait maintenant des rentes que l'organisation fournissait, sur financement privé principalement. Hinata avait compris que quelques-uns des dirigeants étaient assez bien fournis en matière de revenus, et avaient, comme eux tous, beaucoup d'intérêt à retrouver les autres.
Hinata avait bien évidemment parlé à Kenma, et même à Suga, de Kageyama. Mais, comme la plupart des êtres doués comme lui, avec en plus une vilaine tendance à se ramasser dans des situations assez conflictuelles, il semblait que Kageyama mettait beaucoup d'efforts à effacer toute trace de sa présence là où il passait. La dernière mention de son nom dans un rapport de police remontait à plus de deux ans. Depuis, aucune nouvelle.
Leur première réussite fut avec Lev.
C'était un jeune garçon immensément grand, avec une énergie démesurée et le pouvoir d'influencer l'estime des gens. C'était un don assez difficile à cerner, et plutôt subtil, ce qui rendait Hinata assez fier de sa découverte, et qui ne passa pas inaperçu aux yeux des dirigeants de l'association. Kenma et Hinata avaient réussi à le trouver un peu par hasard, car la mère de Lev l'avait amené voir un psychologue à plusieurs reprises, et le compte-rendu des séances étaient par chance numérisé.
Lev était, de surcroît, un être fondamentalement positif, qui avait certes beaucoup de mal à contrôler sa voix, mais qui ne l'utilisait que pour faire sentir les gens fiers. Hinata ne détestait pas avoir à passer du temps avec lui, son ego revigoré dès que Lev prenait la parole, souriant en coin malgré la conscience de l'artifice. Et Lev, de son côté, l'adorait, peut-être encore un peu sous l'influence du charme qu'Hinata avait utilisé pour être en mesure de l'approcher. Mais, en même temps, Lev adorait aussi Kenma, donc peut-être pas.
Hinata se serait attendu à devoir le prendre en charge et lui apprendre comment maîtriser la voix, mais Kenma et lui furent plutôt convoqués dans une pièce où se trouvaient les chefs, si tel terme on pouvait utiliser, de l'organisation. C'étaient pour la plupart des visages connus, comme Daichi, par exemple, ou Kuroo, avec son sourire en coin et ses yeux sombres, avec le don de rendre les gens complètement confus et déstabilisés. Il y avait même Oikawa, qui n'était pas souvent là, menant une carrière de starlette de quelque chose dont Hinata ne parvenait pas à se souvenir, et qui avait le don de l'envie.
― C'est un travail particulièrement excellent que vous avez accompli, avait commencé Kuroo, son éternel sourire étrange au visage.
Hinata avait toujours eu du mal à le cerner, mais cela ne semblait pas être le cas de Kenma. Mis à part Hinata, Kuroo était peut-être le seul avec lequel son ami échangeait dans une relative civilité. Et Hinata essayait de ne pas le prendre personnel.
― Force est de constater, avait-il continué après qu'Hinata et Kenma l'aient remercié, que vos Dons sont d'une efficacité remarquable sur le terrain. C'est pourquoi, si vous vous posez la question, vous n'aurez pas à faire le volet entrainement de Lev.
― Nous avons suffisamment de gens plus expérimentés que vous au quartier général pour la suite, expliqua Oikawa en souriant, qui seront en mesure de lui apprendre tout ce qu'il lui faudra. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir à son sujet.
Hinata et Kenma échangèrent un regard. Hinata haussa les épaules.
― Si vous pensez que c'est ce qui est le mieux, approuva Hinata pour eux deux.
Kuroo leur sourit de ce sourire étrange. Kenma soutint son regard, mais Hinata ne put s'empêcher de baisser le sien.
― Parfait. À partir de maintenant, vous aurez des missions plus intéressantes à effectuer.
…
― Ils pensent que ton pouvoir est le plus utile qu'ils aient jamais vu, avait dit Kenma une fois qu'ils furent sortis du quartier général.
Hinata lui avait lancé un bref regard. La pluie tombait fort dehors, ils marchaient vite pour se rendre à l'abri.
― Qu'est-ce que ça peut faire ? avait-il répondu.
Kenma avait haussé les épaules.
― Si au moins il peut servir à quelque chose, avait marmonné Hinata en embarquant dans sa voiture.
…
Ils se mirent donc à effectuer plus de repérage, et moins de recherche. Les documents leur étaient envoyés, avec toutes les informations nécessaires figurant déjà dessus, et ils n'avaient qu'à rester sur le terrain.
…
Quelques temps passèrent, et tout allait presque bien. Kenma habitait pratiquement chez lui maintenant, et tous deux trouvaient dans cet arrangement un semblant de paix.
Lorsqu'il revit Kageyama, cela lui apparut presque comme une chance de rédemption.
Kenma et Hinata étaient, en fait, en mission ce soir-là. C'était dans une grande soirée-bénéfice, donnée en l'honneur d'une cause qu'Hinata n'avait pas tout à fait comprise. D'ailleurs, Hinata, une coupe de champagne à la main, attendait l'arrivée du porte-parole de la soirée, duquel il avait des informations à extirper, et se sentait presque comme dans un film de James Bond. Kenma l'attendait à l'étage, où il était censé guider le porte-parole afin que l'interrogatoire se fasse le plus subtilement possible.
Un petit tonnerre d'applaudissement retentit plus loin dans la salle, et Hinata comprit que son sujet était arrivé. Des éclairs de lumières des caméras situaient son entrée. C'était un homme d'âge moyen, les cheveux gris et un peu bedonnant. Hinata le regarda d'un peu plus loin donner un petit discours d'introduction, remerciant les gens de s'être présentés. Il y avait sa famille autour de lui, très probablement sa femme accrochée à son bras et deux petites filles en robe fleuries devant eux, souriant tous pour les caméras.
Ce fut alors qu'Hinata l'aperçu, et le reconnu instantanément. Un coup au cœur.
Derrière le porte-parole, en habit de soirée lui aussi, se fondant dans la masse d'hommes en complets autour de lui, se tenait Kageyama.
Ce fut subtil, en même temps qu'une autre vague d'applaudissements. Si Hinata n'avait pas eu les yeux fixés sur Kageyama, il ne l'aurait probablement même pas remarqué. Mais Kageyama s'avança imperceptiblement, déposant une main sur l'épaule du porte-parole, et-
Lui chuchota quelque chose à l'oreille.
Puis, aussi vite qu'il était apparu, il passa devant le porte-parole et se faufila entre les journalistes, vers la sortie. Hinata, figé, eut tout juste le temps de mobiliser tous ses forces pour l'intercepter avant qu'il ne disparaisse à nouveau.
― Kageyama ! s'exclama-t-il en l'agrippant par le bras.
Malgré le bruit autour d'eux, Kageyama se retourna.
Dans ses yeux passèrent la surprise, puis, quasi-instantanément, ses sourcils se froncèrent. Hinata pensa qu'il allait partir aussitôt, l'ignorant complètement, ou même lui cracher quelque insulte au visage en guise de retrouvaille. Mais Kageyama l'agrippa solidement par l'épaule.
― Viens, lui dit-il en commençant à le traîner de force hors de la foule. Il ne faut pas rester ici―
Hinata tourna la tête vers le porte-parole- sa mission, pour revenir soudainement à la réalité et pour s'apercevoir de l'état généralisé de panique et de chaos qui régnait tout autour d'eux.
Le porte-parole, quelques secondes auparavant souriant et avenant, était en train d'hurler et de se débattre contre la bonne dizaine d'hommes qui tentaient de le retenir et de contenir sa rage inexpliquée. Les yeux d'Hinata se dirigèrent aussitôt vers la famille, au milieu des cris, autour de laquelle était attroupée quelques autres personnes. La femme du porte-parole tenait ses deux mains contre son visage, pleurant. Hinata comprit que son mari devait avoir défoulé son premier élan de haine en la frappant, comme ça, devant tout le monde, violemment.
À travers les flashs de caméra, ce fut tout ce qu'Hinata eut le temps de voir avant que Kageyama ne le sorte du chaos général.
…
― Hinata, vas-tu finir par me dire ce qui se passe.
Kenma avait posé platement sa question. Pour un œil extérieur, il aurait été facile de croire qu'il n'était pas du tout impressionné par la tournure un peu inattendue, mais définitivement chaotique, des évènements. Mais Hinata remarquait sans peine les yeux légèrement plissés de son ami, regardant suspicieusement Kageyama, signe assez révélateur de sa confusion.
Kageyama, les yeux fixés sur la route, ne remarquait soit pas le regard inquisiteur de Kenma ou l'évitait volontairement. Ils avaient été poursuivis un peu par la police au centre-ville, mais Kageyama avait réussi, à l'aide de manœuvres dont le souvenir faisait encore trembler Hinata, à les semer le plus rapidement possible. Ils roulaient maintenant sur une autoroute quasi-déserte, probablement à cause de l'heure tardive, vers une destination qu'Hinata n'avait pas vraiment osé demander.
Il était assis sur le siège passager, et Kenma, qu'Hinata avait agrippé et lancé sur la banquette arrière dès qu'il l'avait aperçu descendre du deuxième étage du bâtiment, alerté par la panique de la réception, tenait sa tête entre Kageyama et lui.
Hinata lança un bref regard à Kageyama.
― Je te le dirais volontiers, si j'en avais la moindre idée, répondit-il à Kenma, mais en regardant de façon un peu provocatrice le conducteur.
À cela, Kageyama ne réagit qu'en roulant rapidement des yeux.
Kenma les dévisagea avec beaucoup de jugement, et Hinata vit clairement, dans le rétroviseur, qu'il n'était pas satisfait de cette réponse. Il soupira et se retourna vers lui.
― Kenma, dit-il alors, je te présente Kageyama.
Devant le manque de réaction de Kenma, à qui Hinata avait déjà pourtant maintes fois parlé de Kageyama, Hinata eut envie lui secouer les épaules et de lui transmettre télépathiquement le message JE T'AI PARLÉ DE LUI FAIS UN EFFORT ET SALUE LE AU MOINS―
Mais il n'en fit rien et décida plutôt, pour éviter d'empirer le malaise, de continuer sa présentation maladroite.
― C'est heu― un vieil ami à moi. Et Kageyama, je te présente Kenma, qui est―
― Un autre pauvre type que tu tiens dans tes filets ? coupa Kageyama, sans même regarder aucun d'entre eux.
Alors qu'Hinata s'étouffait avec de l'air, Kenma sembla comprendre.
― Ohh, dit-il. Je vois qui tu es.
― Kenma, s'il te plaît, coupa Hinata, qui aurait voulu rentrer sous terre. Et non, fit-il difficilement à Kageyama, c'est mon meilleur ami.
Kageyama ne réagit pas, et Hinata se doutait qu'il ne devait pas être convaincu.
― Il est comme toi et moi, avait dit plus calmement Hinata. Il peut faire naitre la tristesse chez les gens avec sa voix.
À cela, Kageyama leva les yeux dans le rétroviseur pour regarder Kenma. Ce fut rapide, mais il hocha la tête et retourna son regard sur la route.
― Est-ce qu'on pourrait au moins me dire où on va ? demanda Kenma avec un semblant d'ennui.
Hinata regarda Kageyama, qui se décida finalement à prendre la parole autrement que pour être négatif.
― On s'éloigne le plus possible de la ville. Il va falloir rester à couvert quelques jours. Je peux vous débarquer sur le bord de la route aussi, si vous préférez, avait-il ajouté, mais les caméras de surveillance seront bientôt regardées, et vous aurez quelques comptes à rendre assez rapidement.
Kenma et Hinata échangèrent un regard.
― Nous ? avait objecté Hinata. Tu veux dire toi. Kenma et moi, on n'a rien fait qui nous vaille de se faire coffrer.
Kageyama tourna la tête vers lui pour le dévisager.
― Vous êtes avec moi, et c'est déjà assez. Je n'ai pas envie que vous vous fassiez intercepter, interroger, et qu'ils puissent me retrouver à cause de vous. Donc, continua-t-il, comme je disais. On reste à couvert.
Kenma posa ma main sur le siège de Kageyama.
― Est-ce que tu es en train de nous kidnapper ?
― Kageyama, dit Hinata, ne le prend pas mal, mais on ne peut pas vraiment se permettre de prendre quelques jours de vacances juste pour garder profil bas.
― Oui, continua monotonement Kenma, car il adonne justement qu'on n'était pas dans cet espèce de gala pour rien. On avait une mission.
Kageyama eut un rictus. Il y avait quelque chose de tranchant chez lui qui était nouveau et qui déstabilisait Hinata, ne lui plaisant pas exactement.
― Une mission, répéta Kageyama. Et bien moi aussi. Cela aurait-il, par hasard, à faire avec Tatsuo Kawabata, candidat à la vice-présidence du pays dans la législation de Kinki ?
Hinata et Kenma échangèrent un regard. Le nom correspondait avec celui de leur mission, mais le titre leur était inconnu. Hinata avait plutôt cru à une espèce célébrité, pas un homme politique de cette envergure. Kenma et lui ne s'interrogeaient, à vrai dire, pas plus que nécessaire sur les détails.
― Peut-être, répondit Hinata pour eux deux. Qu'est-ce que ça pourrait te faire ?
Kageyama secoua un peu la tête.
― Beaucoup de gens semblent lui en vouloir, répondit-il.
― Qu'est-ce que toi, tu faisais là, de toute façon ?
Kageyama eut encore un rictus, qui passa aussi rapidement qu'il était apparu.
― Ça ne te semble pas évident ? répliqua-t-il avec un calme étonnant.
Hinata resta silencieux.
― Pour ruiner sa réputation, poursuivit Kageyama en éteignant le moteur.
Hinata s'aperçut qu'ils étaient arrêtés dans une banqueroute où siégeait un petit motel, au milieu de nulle-part. Kageyama devait avoir jugé qu'ils étaient assez loin de la ville pour enfin s'arrêter.
― Rien de tel qu'une bonne bagarre au milieu d'un gala de charité pour ternir une image dans une campagne à la présidentielle, dit Kageyama sur un ton qui se voulait peut-être léger, mais qui résonna assez gravement aux oreilles d'Hinata.
― Attends, intercepta Hinata en déposant sa main sur le bras de Kageyama qui s'apprêtait à sortir de la voiture. Pourquoi ? Qui t'a envoyé faire une chose pareille ?
Kageyama retira son bras automatiquement, et Hinata ne manqua pas d'apercevoir l'éclair de dégout qui traversa son visage avant qu'il ne rompe le contact physique.
Kageyama regarda alors Kenma et Hinata un moment avant de déclarer :
― Si mes calculs sont bons, ce sont les mêmes gens que vous.
Ni Kenma, ni Hinata ne surent quoi répondre à cela.
Kageyama ouvrit finalement la portière et, en sortant, leur dit :
― Venez, je crois qu'on a pas mal de trucs à se dire.
…
― C'est complètement stupide, avait dit Hinata les jambes croisées sur un des deux lits de la chambre d'hôtel piteuse. Pourquoi envoyer deux équipes sur la même mission ? Kuroo se serait bien douté qu'on se nuirait mutuellement.
Kageyama avait haussé les épaules, déchargeant toujours la myriade de gadgets incompréhensibles qu'il tenait dans un grand sac de sport noir sans payer grande attention à ses deux otages. Hinata avait du mal à croiser le regard de Kageyama, et adressait donc indirectement toutes ses pensées à Kenma pour éviter d'avoir à lui parler directement. Oui, il était un adulte.
― Non seulement c'est stupide, avait-il enchaîné, mais ça ne fait aucun sens. L'association n'avait pas Kageyama dans ses bases de données. Que ce soit elle qui l'aie contacté, dit-il à Kenma, c'est impossible.
― Je ne fais que vous dire ce que j'en pense, avait dit platement Kageyama, à l'intention de Kenma aussi. Ils étaient deux à pouvoir jouer à ce jeu-là.
Et puis il était retourné à son mutisme glacé. Kenma et Hinata s'était échangé un regard muet. Tous deux auraient sûrement dû laisser tomber le sujet, qui leur semblait aussi improbable à l'un qu'à l'autre, mais pour une raison qu'ils ne parvenaient pas à s'expliquer, et que visiblement, tous deux partageaient quand même, le doute était semé.
Peut-être cela était-il dû au fait que, depuis quelques temps, ils se faisaient donner de moins en moins d'informations concernant leurs missions. Peut-être était-ce dû au fait que Kuroo et les autres dirigeants n'estimaient plus nécessaire de leur fournir une explication quant à l'objectif de leurs escapades. Peut-être était-ce dû au fait que, sans que ni Hinata ni Kenma ne s'en parlent, tous deux avaient le sentiment secret et grandissant d'être utilisés pour des fins qu'ils saisissaient de moins en moins.
― Qu'est-ce que ce type avait de si important, de toute façon ?
Ni Kenma ni Kageyama ne surent lui offrir de réponse. Après un moment, derrière lui, Hinata entendit son ami soupirer avec agacement. Il se retourna pour voir Kenma, à moitié debout sur le lit, tenant son téléphone dans les airs comme essayant de le donner en offrande.
― J'essaie d'aller sur internet, mais il n'y a aucun réseau, lui offrit Kenma en guise de vague justification. On est vraiment dans un trou perdu.
Hinata jeta un œil à son portable. En effet.
― C'est justement ce à quoi j'essaie de remédier, intervint Kageyama, contre toute attente.
Il était à demi penché sous un bureau, connectant des fils entre eux. Ah, songea Hinata. Voilà donc à quoi tous ces gadgets servent.
― On pourra essayer d'appeler Kuroo, quand ça fonctionnera, dit à mi-voix Kenma, qui s'était affalé à nouveau sur le lit.
Hinata eut à peine le temps d'hausser vaguement les épaules que Kageyama se releva vivement de sous le bureau.
― Êtes-vous stupides ? demanda-t-il sèchement. Vous ne pouvez pas lui dire qu'on s'est rencontrés.
Hinata sentit Kenma se braquer imperceptiblement. Il décida d'intervenir pour éviter d'empirer l'ambiance déjà assez sombre.
― On va commencer par essayer de comprendre ce qui se passe, dit-il diplomatiquement à Kenma. On verra après.
― Ah, dit Kenma en haussant les sourcils et en se rasseyant sur le lit, distrait par autre chose. Ça marche, le réseau, maintenant.
Hinata se tira pour se mettre à côté de lui et regarder son écran de téléphone.
― Retourne dans tes courriels, dit-il à l'intention de son ami. Va voir ce qu'ils nous ont envoyé, déjà.
Kenma obtempéra. Hinata et lui relirent le message en silence.
― Qu'est-ce que ça dit ? demanda Kageyama, au bout d'un moment.
Hinata se rassit sur le lit en soupirant.
― Rien d'inhabituel, répondit-il avec une moue.
― Vous procéderez de manière habituelle, récita Kenma. Nom : Tatsuo Kawabata. Avec une photo de lui, indiqua Kenma en tournant son téléphone pour que Kageyama puisse voir. Et puis la date et les infos sur l'évènement. Gala de charité pour les centres de jeunesse.
Kageyama plissa les yeux.
― De manière habituelle ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
La question était clairement adressée à Kenma, mais celui-ci resta silencieux, les yeux fixés sur son écran. Hinata fut donc obligé de répondre. Merci, Kenma.
― Heu, fit-il après s'être vaguement raclé la gorge. Avec la voix― je commence par baisser leur défense, puis, heu, Kenma leur donne une bonne dose de déprime, et puis― enfin, à ce moment-là, ils sont un bordel de larmes et de peine d'amour, et on pose les questions. Enfin, non, Kuroo nous écrit juste avant, et on transmet les questions, plutôt.
Hinata se serait attendu à une réaction négative, quelle qu'elle soit, de la part de Kageyama. Mais celui-ci ne lui offrit rien. Soit il s'en fichait, soit il estimait qu'il n'avait pas à juger, usant lui aussi apparemment du pouvoir de sa voix pour gagner sa vie.
― Vous ne savez pas ce que vous avez à lui demander avant ?
Hinata et Kenma secouèrent la tête en même temps.
― Tout ce qu'on a, soupira Hinata, c'est un nom, une photo, et une date.
Kageyama se passa une main sur le visage.
― Ça nous avance bien.
― Gala de charité pour les centres de jeunesse, récita à nouveau Kenma après un moment. Qu'est-ce qu'une cause aussi débile pouvait avoir de si important pour que―
Soudainement, Kageyama tourna la tête vers lui.
― Répète encore ? dit-il, les sourcils froncés.
Kenma le dévisagea. Kageyama sortit son téléphone à son tour.
― Le nom de l'évènement ? insista Kageyama.
― … Gala de charité pour les centres de jeunesse ? répéta lentement Kenma.
Kageyama tourna son téléphone vers eux. Hinata plissa les yeux pour lire ce qu'il leur montrait.
― Ce soir, ce n'était pas un gala de charité pour les centres de jeunesse, dit-il gravement. Mais un gala de charité pour la recherche sur le cancer du côlon.
Oh.
Kenma et Hinata se regardèrent.
― On est quelle date, aujourd'hui ? demanda Hinata.
― Le 1er novembre, répondit Kageyama en croisant les bras.
Kenma regarda à nouveau le courriel.
― Gala de charité pour les centres de jeunesse, répéta-t-il. Le― merde. Le lundi 7 novembre 2016, 20h.
Hinata regarda Kenma. Kenma regarda Hinata. Kageyama les regarda tous les deux, ne semblant pas y croire.
― Vous vous êtes trompés de date.
Kenma pointa du doigt Hinata.
― C'est toi qui avait regardé le courriel, dit simplement Kenma.
Puis, il lui jeta un coussin en plein visage.
― Aïe, aouch, c'est bon, j'ai compris― aïe ! C'est de ma faute, arrête de me frapper―
― Trompés de gala, répéta Kageyama.
― Hinata s'est trompé de gala, corrigea Kenma. Triple idiot.
Hinata, sentant son visage s'empourprer, maudit intérieurement Kenma. Pas besoin d'en rajouter. Ils étaient quand même devant l'ex de Hinata, et pas de Kenma. Kageyama secoua lentement la tête de droite à gauche.
― Ça va, se défendit alors pathétiquement Hinata. L'erreur est humaine, et puis d'ailleurs, ça règle le problème. On n'était pas censés se croiser au gala, …
― Car on n'était pas invités au même gala, continua à mi-voix Kenma. Ça fait du sens.
Kageyama haussa les épaules.
― Pas tellement à mes yeux, dit-il simplement.
Puis, en secouant silencieusement la tête, il se repencha sur ses fils électroniques, essayant maintenant visiblement de les connecter à la petite télévision, qui semblait dater de l'âge de pierre, de la chambre.
Puis, les prenant tous par surprise, le téléphone d'Hinata se mit à sonner.
C'était un numéro privé. Clairement quelqu'un de l'association, très probablement Kuroo ou Daichi. C'était toujours Hinata qu'ils contactaient quand ils avaient besoin de parler à lui ou Kenma, comme il était assumé qu'ils étaient toujours ensemble de toute façon, et que Kenma ne répondait jamais à ses coups de fils. Ou à ses textos, d'ailleurs. Où même à ses conversations verbales.
Il y eut une seconde de battement. Kageyama lança des éclairs par les yeux à Hinata, le sommant clairement de ne pas répondre. Hinata regarda Kenma, qui s'était tendu, lui aussi.
Puis, dans un geste trop rapide et inattendu pour qu'Hinata puisse l'anticiper, Kenma lui vola son téléphone des mains et sortit à grande vitesse da la chambre d'hôtel en décrochant.
― Salut, Kuroo ?
Hinata entendit vaguement Kageyama jurer et se lança à la poursuite de Kenma et de son portable. Il les rattrapa facilement dans le corridor.
Haut. Parleur, mima-t-il à l'intention de Kenma. Mets-le. Sur. Haut-parleur !
― Je suis avec Hinata, t'es sur haut-parleur, annonça alors rapidement Kenma en obtempérant.
― Salut Hinata, entendit-il Kuroo dire. Je suis désolé d'appeler si tard, mais je me doutais que vous seriez encore debout. Tout va bien ?
― Oui, répondit jovialement Hinata en regardant Kenma. Tout va bien, tout va très bien, tout est parfaitement normal.
Kenma plissa les yeux, apparemment peu convaincu de la nécessité de l'usage d'une telle exagération.
― Tant mieux, dit Kuroo. Écoutez, ce ne sera pas long, je me demandais juste si vous aviez regardé les nouvelles depuis ce soir.
Kenma et Hinata prirent un moment de silence pour décider de leur réponse. Kuroo ne leur parlait pas de la mission. Évidemment, songeait Hinata, puisqu'elle n'est pas encore sensée avoir été effectuée. Bon sang, ils avaient vraiment merdé.
Hinata opta pour l'authenticité.
― Non, on n'a pas vraiment eu le temps. Pourquoi ?
― D'accord, je vois. Oh, et rien de grave. Parce que si vous les aviez regardées, je me suis dit que vous vous seriez peut-être demandé si votre mission de la semaine prochaine allait être modifiée à cause du remue-ménage de ce soir.
Kenma prit la parole.
― Quel remue-ménage ?
― Ah, une histoire avec Tatsuo Kawabata, justement. Vous regarderez la télé, on ne parle que de ça, il aurait fait une scène dans une soirée. Mais bon, ça n'a pas tellement d'impact sur vous, poursuivit-il, car j'ai vérifié, et il n'a pas annulé sa présence au gala de la semaine prochaine. Donc, tout reste pareil. C'était juste pour vous le confirmer.
Voyant que Kenma, absorbé par ses pensées, ne répondait pas, Hinata bafouilla :
― Euh, d'accord, ok, pas de problème.
Il sentit presque Kuroo sourire au bout du fil.
― Parfait. Bon, je vais vous laisser dormir. Est-ce qu'on se voit mercredi ?
― Euh, non, objecta avec un peu trop d'empressement Hinata. (Il ignora aussi le regard inquisiteur de Kenma.) On va― euh, on va être hors de la ville, cette semaine, improvisa-t-il. On va voir ma mère pour son anniversaire.
Kenma lui donna une tape sur l'épaule, les sourcils froncés.
― Ah, d'accord, pas de problème, répondit simplement Kuroo. On s'appelle lundi prochain, alors.
― Ouais, conclut maladroitement Hinata. À plus.
Puis il raccrocha.
― Ta mère ? demanda Kenma, clairement accusateur. Fais-moi rire, tu n'as pas parlé à ta mère depuis au moins trois ans.
― Ça va, coupa Hinata, sentant la rougeur lui monter aux joues. Je sais, c'était mauvais, mais il fallait bien quelque chose.
Kenma le dévisagea.
― Alors tu comptes vraiment rester ici ? Toute la semaine ?
Hinata secoua la tête et haussa les épaules.
― Pour faire quoi ? poursuivit Kenma, les yeux plissés. Oh, mis à part renouer avec Monsieur joie-de-vivre là-bas― ironisa-t-il en pointant du menton la chambre d'hôtel de laquelle Kageyama n'était pas encore sorti.
― Chut, coupa Hinata, comme si Kageyama pouvait les entendre malgré la porte fermée. Je ne sais pas, ok ? Je n'ai pas de plan. Mais toi non plus, donc ne me regarde pas comme ça. On va y réfléchir, et on va bien finir par trouver. Il nous reste encore une semaine.
Kenma leva rapidement les yeux au ciel. Il ne répondit pas, mais il n'objecta pas non plus et Hinata prit donc ça pour un oui.
― Allez, on rentre, dit-il à son ami en regardant l'heure sur son téléphone.
La nuit était déjà bien avancée, et le jour n'allait pas tarder à poindre. Kenma le suivit à l'intérieur.
…
― Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais j'ai commandé cette chambre pour moi, Kageyama les accueilla-t-il en haussant à peine les yeux vers eux.
Sympathique, songea Hinata.
Son point était toutefois valide, les trois d'entre eux pouvant difficilement espérer partager le seul lit double de la pièce.
― On ne prévoyait pas rester, de toute façon, dit Hinata le plus dignement possible, levant le menton très haut.
Kenma lui jeta un regard de biais.
― Tu aurais peut-être dû y penser avant qu'on laisse la voiture dans le parking du centre-ville, dit-il à mi-voix.
Hinata plissa les yeux. Ils avaient fait une bonne heure de route pour se rendre dans ce coin perdu, et il était quatre heures du matin.
― On ne prévoyait pas rester plus d'une nuit, se rattrapa-il encore plus dignement. Demain, tu pourras nous reconduire.
Kageyama, les yeux fixés sur la télévision qu'il était parvenu à synchroniser pour obtenir le câble et regarder les nouvelles, ne leva même pas les yeux vers eux.
― Ou vous pourriez prendre un taxi, dit-il simplement.
Hinata regarda Kenma. Celui-ci lui fit lentement signe, en secouant la tête de droite à gauche, de ne même pas y songer.
Hinata se passa une main sur le visage.
…
Ils restèrent donc. Une semaine dans un motel, ce ne serait pas la mer à boire, après tout.
