Coucou tout le monde ! Si comme moi vous êtes frustré par la fin de la série, cette petite histoire est faite pour vous. J'ai apporté quelques modifications à la fin de la série pour qu'elle rende plus justice à ce merveilleux personnage qu'est Jon Snow.

Je répète, si vous n'avez pas vu les derniers épisodes de la saison 8 de Game of Thrones, quittez immédiatement cette page.

Bien-sur rien ne m'appartient, ni l'univers ni les personnages.

Sur ce, bonne lecture !


Tout n'était plus que silence. Deuil.

Le vent chargé de poussière balayait sans bruit les rues désertes. Plus un mouvement. Les murs, craquelés comme la peau d'un vieillard et noircis comme les tas de cadavres pourrissants amoncelés sur les pavés, s'écroulaient en des montagnes inégales de gravas. Des flocons de suies terminaient de recouvrir le charnier. Plus un son.

Port-Réal, une ville royale, flamboyante jadis. Sa carcasse calcinée rougeoyait encore par endroits. Les bâtiments s'étaient effondrés sur ceux qui y avaient trouvé refuge. Les pierres des toits avaient broyé leurs crânes et leur espoir de s'en sortir vivant. De ne plus entendre les cris, le bruit répugnant de la chair qui grésille et qui s'enflamme.

C'est ainsi qu'il se la rappelait, qu'il l'avait vue pour la dernière fois. Cette ville glorieuse devenue tombeau à ciel ouvert où des centaines de dépouilles sans visage tendaient à jamais leurs bras décharnés vers le ciel.

Des semaines avaient passées depuis mais la ville était toujours la même, les cadavres en moins.

Jon la parcourut sans bruit. Derrière lui, des dizaines de gardes en armures luisantes. Protection inutile dans cette ville fantôme. Une ombre ne peut plus porter l'épée. Le cliquetis de leurs bottes l'accompagna jusqu'à la porte détruite. Les gravas avaient en partie été déblayés pour dégager un passage étroit hors de la ville.

- Etes-vous sûr de vouloir continuer seul, Votre Majesté ? demande le chef des gardes.

Sa voix grave sonna faux dans l'immensité déserte qui encerclait les remparts. Jon se souvint avoir attendu à quelques mètres de là avant l'assaut finale. Qu'il était naïf alors. Les quelques semaines qui s'étaient écoulées depuis lui semblaient des années. Tant avait changé. Tant avait été réduit en poussière.

- Je ne suis pas roi. Ne m'appelé pas « votre majesté », Ser.

- Vous nous avez sauvé d'une vie de souffrance et d'injustice sous le règne d'un tyran. Vous devriez être notre roi. Vous le méritez plus que quiconque. Nous autres soldats savons que c'est à vous que l'on doit la paix.

Un tyran. Voila ce qu'elle était devenue. Envolée la fillette qui courrait après les oiseaux, la jeune fille au cœur qui saignait pour les innocents et les opprimés, la femme forte qui voulait bâtir un monde meilleur. Le mot laissa un sentiment désagréable dans sa bouche. Un son strident bourdonnait dans ses oreilles.

Jon jeta un regard triste au garde. Il ne pouvait pas comprendre, se dit-il amèrement.

- Je ne veux pas de cet honneur, je l'ai dit au Seigneur Tyrion et à mon frère, votre nouveau roi. C'est à lui que vous devez allégeance maintenant, pas à moi.

Le chevalier hocha gravement la tête. Un des gardes qui formait la petite troupe s'avança et tendit à Jon les rênes d'un cheval, harnaché de bronze et de cuir noir.

- C'est le plus rapide destrier de nos écuries. Enfin de ce qu'il en reste. Il est à vous, Votre Majesté. Qu'il vous serve bien.

Jon souffla mais accepta les rênes de l'étalon. Son pelage luisant portait quelques traces persistantes de suies. Le crin épais qui lui tombait en mèches brunes sur le front était brûlé par endroit. La bête était d'une beauté outragée et noble. Ses yeux humides renvoyèrent à Jon son propre reflet, celui d'un homme hagard au regard vide. Il ne se reconnaissait plus.

« Tue le garçon, Jon Snow ! » lui avait soufflé Mestre Aemon.

Jon Snow était mort en même temps que sa reine. Son sang s'était figé dans ses veines quand le corps de Daenerys avait touché le sol gelé de la salle du trône. Tout en lui n'était plus que silence.


Le Mur apparut à l'horizon un long mois après son départ de la capitale. L'ensemble du pays, du Bief au Nord, était recouvert d'une épaisse couche de gel. L'herbe figée se brisait sous les sabots de son cheval. Le ciel restait profondément gris et de lourds nuages se languissaient sur la ligne d'horizon.

Les routes étaient relativement désertes. Les auberges où il avait fait étapes n'accueillait qu'une rare clientèle, majoritairement composées d'hommes ayant perdu leurs terres et s'en allant chercher fortune dans d'autres régions du royaume. Jon avait bien croisé quelques voyageurs en haillons, une petite dizaine de caravanes marchandes et une troupe de chevaliers vagabonds, mais, la plupart du temps, les sentiers demeuraient couverts d'une neige vierge de toute trace de pas. Les paysages isolés et vides renvoyaient une image saisissante de beauté sauvage et épurée.

L'esprit endeuillé de Jon se plaisait dans le silence glacial des champs gelés. Il pouvait presque croire que rien de tout cela n'était arrivé. Que sa famille l'attendait à Winterfell. Qu'il n'avait pas plongé un poignard dans le cœur de la femme qu'il aimait.

La vue du Mur le ramena des années en arrière, quand il n'était qu'un bâtard aveuglé par le désir de trouver sa place. Rien alors ne lui importait plus que de se faire un nom, que de se construire une nouvelle famille.

Qui lui restait-il à présent ? Le Bran de son enfance était mort il y a des années, il ne reconnaissait plus la douce Sansa, Arya était probablement à des lieux de Westeros -si ce n'est déjà morte en mer- et Davos était resté à Port-Réal. Et Dany… avait-il même le droit de la pleurer ? Lui son assassin ? Le chagrin, aussi certainement qu'un suffocant sentiment de solitude, lui enserrait constamment la gorge si bien que parfois, il ne parvenait plus à respirer. Il ne cessait de se repasser mentalement le film de ces derniers mois, essayant vainement de déterminer l'événement déclencheur, de repérer précisément le moment où tout avait basculé.

Il se souvenait avec une clarté déroutante de son sourire aimant, de ses paroles sages, des nombreuses fois où son tempérament de feu s'était laissé calmé par la raison et la justice. Il se souvenait de la douceur de sa peau, de l'infime caresse de son regard, de ses cheveux d'argent liquide. Mais il se rappelait aussi l'éclat froid dans ses yeux quand elle brûla Varys, le tremblement colérique dans sa voix à l'évocation de Sansa, le manière dont ses lèvres s'étaient ourlées férocement quand elle s'était élevée au-dessus des rues et avait ordonné à son dragon de réduire la ville en cendre. Plus il y pensait, plus ses souvenirs se mélangeaient en un maelstrom confus d'images et de sons, accompagné de l'odeur écœurante et métallique du sang.

Le bruit lointain d'une corne de brume ramena l'attention de Jon sur Château Noir, bâti modestement au pied du géant de glace, et il vit distraitement ses lourdes portes de bois s'ouvrir. Son cheval marcha lentement jusqu'aux portes et les franchit en renâclant doucement. La cour intérieure de la grande bâtisse était occupée par une petite foule de sauvageons. La plupart lui souriait, les yeux humides. La vapeur de leur souffle formait une brume fantomatique.

Jon aperçût Tormund sur le long balcon qui dominait la cour. Quand il était Lord Commandant, lui aussi avait l'habitude de s'appuyer contre les planches de bois humides pour regarder ses hommes s'entraîner. Tout était plus simple alors.

Il descendit de sa monture au milieu des sauvageons. Il en reconnut certains, des vétérans qui s'étaient battu et avaient saigné à ses côtés, vit des enfants et des vieillards. Tous semblaient fatigués par la guerre et endeuillé par le massacre de leur peuple. Des centaines de milliers de sauvageons qui avaient ralliés le grand campement de Mance, seules quelques centaines avaient survécu à l'hiver.

Jon traversa la foule pour rejoindre Tormund. Chacun s'écartait respectueusement sur son passage, reconnaissant dans ses prunelles sombres l'éclat de leur propre souffrance.

Alors qu'il s'apprêtait à monter les marches de l'escalier de bois, un gémissement aigu attira son attention. Fantôme, son loup au pelage aussi blanc que la neige fraîchement tombée, se tenait à quelques mètres, le regard plein d'une émotion cachée. Le cœur de Jon se serra comment avait-il pu le laisser derrière lui de la sorte ? Lui qui avait perdu une oreille, avait été blessé pour Jon ?

Regarder son loup fit monter un torrent d'émotions conflictuelles dans le cœur de Jon regret, nostalgie, peine et joie. Fantôme incarnait une époque heureuse de sa vie, à l'abris des murs de Winterfell, entouré par sa famille. Loin des cris, de la violence et de la mort. Le Jon d'antan n'avait aucune expérience de la perte, ne savait pas comment le deuil faisait couler un fleuve furieux de feu et de glace dans le cœur qui ne laissait après son passage que le vide. Il ne souffrait pas de la culpabilité, ce mal lancinant qui le paralysait et le pourchassait jusque dans ses cauchemars.

Jon passa doucement une main hésitante contre le flanc de l'animal, lui demandant silencieusement pardon. Fantôme plaça sa truffe humide contre la joue froide de son maître. Tout est oublié semblait-il vouloir dire.

Rassuré, Jon s'éloigna de son loup et rejoignit le chef des sauvageons.

- Jon ! lança ce dernier en lui serrant amicalement l'avant-bras. Je suis heureux de te voir. J'ai bien cru que j'allais devoir aller te chercher. Le sud n'est pas un endroit pour toi, les femmes sont laides et l'air pue la pisse de chien.

Jon sourit faiblement. Il se laissa entrainer par son ami dans la grande salle qui avait longtemps servi de cantine à la Garde de Nuit. Un feu crépitait dans l'âtre mais ne parvenait pas à réchauffer l'air glacé.

Les deux hommes s'assire sur les bancs de bois.

Jon jeta un regard à Tormund :

- Qu'as-tu prévu de faire maintenant ? lui demanda-il.

- Moi ? Rien.

Jon haussa un sourcil.

- Que veux-tu dire ?

- Je ne veux plus diriger les sauvageons. J'aspire à autre chose. Retrouver la solitude des chasses à l'ours au cœur de l'hiver, pouvoir me perdre pendant des semaines dans les forêts de givre, ne plus avoir à répondre de personne. Etre libre à nouveau.

- Mais comment…

- Je te confie mon peuple, Jon Snow. Dirige-les à ma place.

Jon se leva brusquement. Les pieds du banc raclèrent le dallage de la salle vide.

- Non ! Je refuse. Si j'ai refusé le trône à Port Réal, ce n'est pas pour en accepter un autre ici ! Je ne veux plus que des vies dépendent de moi.

Tormund darda sur lui un regard étonnement patient. Le feu faisait danser des reflets d'or dans sa barbe rousse.

- Tu es le seul à pouvoir gouverner ce tas d'idiots bornés. Ils te connaissent, te respectent, voient en toi le digne successeur de Mance. Ils te doivent tous la vie, Jon Snow.

- Et j'en ai conduit des milliers à la mort ! Contre les Bolton, contre les armées du Roi de la Nuit et…

Ce fut au tour du sauvageon de se lever brusquement.

- Tous seraient morts si tu ne les avais pas laisser passer le mur. Tous seraient morts si tu n'avais pas vaincu cet enfoiré Bolton. Et tous seraient morts si tu n'avais pas dirigé le combat contre les morts.

- Ça ne fait pas de moi un bon chef.

- Tu les as sauvés, maintenant c'est à toi de t'assurer que leur existence est aussi heureuse que possible. Ça fait de toi le seul chef possible.

Et sur ce, il se rassit.

- Et moi ? N'ai-je pas le droit aussi d'être libre ? déclara Jon en passant la main sur son visage lasse. Je suis fatigué des responsabilités.

Silence seulement brisé par le crépitement distant du feu.

- Je ne pourrais pas te faire changer d'avis ?

Tormund hocha de la tête en grognant. Jon souffla bruyamment et, en deux longues enjambées, sortit de la salle. Le froid extérieur mordit ses joues et s'insinua sous sa lourde cape de fourrure.

En contre-bas, la petite foule discutait à voix basse. Les adultes ramassaient leurs outils et de la nourriture, et les enveloppaient soigneusement dans des sacs de toile en prévision du voyage au nord. Les quelques enfants présents courraient entre les piliers de la cour sous le regard vigilant des vieillards. Tous avaient le visage marqué par la fatigue et portaient les stigmates de la guerre. A certains, il manquait un membre. A d'autres, un œil ou une oreille. Des cicatrices encore roses étaient visibles là où leurs corps n'était pas emmitouflés dans la fourrure.

Jon avait sous les yeux un peuple brisé mais qui gardait l'espoir qu'une vie meilleure les attendait. Il retrouvait ses propres doutes, ses peurs et ses espérances dans les yeux clairs des sauvageons.

Il se souvint du profond bien-être qui l'avait habité au nord du Mur. De la paix qui régnait dans les steppes gelées mais aussi du bonheur lumineux des foyers sauvageons. Des gens simples, quelque peu rudes mais infiniment accueillants et résilients.

Jon voulait retrouver sur les visages des survivants la chaleur qu'il y avait autrefois contemplé. Peut-être qu'alors la chape d'acier qui entourait son cœur ne serait plus aussi lourde à porter. Peut-être que les ombres qui, la nuit, rampaient hors de l'obscurité et s'accrochaient à ses vêtements, disparaîtraient.

La main de Jon se crispa sur la rambarde de bois. Il fit volte-face et retourna dans l'ancienne cantine. Son ami n'avait pas bougé.

- J'accepte.


Voilà, j'espère que cette brève réécriture du dernier épisode vous a plu. Si c'est le cas n'hésitez pas à laisser une review ^^

Si ce concept de Jon Roi de Sauvageons vous plait, je pourrais peut-être écrire une petite suite... et ajouter, je ne sais pas moi, une jolie sauvageonne ^^

Merci d'avoir lu,

Nexadi.