Prologue

Du chaos à la renaissance


Neo Los Angeles 2032 – la paix était enfin revenue sur la côte ouest. Les États-Unis d'Amérique avaient retrouvé un semblant de quiétude et l'idée d'isoler la Californie du territoire national n'était plus à l'ordre du jour. Le Dr. Proton, surnom que s'était donné Carter Blunderwitz le scientifique devenu fou, n'était plus qu'un vague souvenir. Ses restes flottaient quelque part dans l'espace et la guerre contre ses machines -les Techbots- était belle et bien finie. Les quartiers généraux de l'ennemi avaient été « nettoyés » de fond en comble, et son arsenal fonctionnel avait été récupéré sur ordre de l'état-major. Quant au reste, de grandes cuves de métaux en fusion les avaient accueillis. On s'était empressé de faire disparaître tout ce qui évoquait, de près ou de loin, « l'ère Proton » ère funeste qui marquerait tragiquement la mémoire des nord-américains.

A la fin du conflit, si un tiers de son territoire était encore préservé, Neo Los Angeles n'avait à offrir qu'un paysage de ruines fumantes. La première tâche du gouvernement fut d'investir dans la reconstruction. Dès lors, une industrie forte vit le jour et les zones de désolation disparaissaient à vitesse grand V. La « reconstruction massive » était en marche et du récent cataclysme florissait une ville nouvelle !

Outre cette renaissance hautement saluée par la population, l'effervescence ambiante atteignit son apogée. En effet, les médias annoncèrent une émission consacrée à un homme qui, durant le conflit, avait forcé l'admiration des patriotes de tous les pays. Il s'appelait Duke St-John, également surnommé Duke « Nukem », en raison de ses préférences à tout ce qui touchait aux armes dites « explosives ».

Les traits durs de son visage en disaient long sur son caractère : yeux bleus comme l'acier, nez aquilin, petites lèvres serrées, mâchoire forte et volontaire, cheveux blonds coiffés en brosse et son expression faciale avait quelque chose d'à la fois décidé et détaché.

Sa carrure ne faisait que renforcer la première impression qu'il donnait : buste large et costaud, jambes athlétiques, et bras musclés. Mais ce qui achevait d'en faire un cliché vivant, c'était évidemment son style vestimentaire : débardeur rouge, jeans bleu ou noir, souvent en chaussures militaires, parfois en santiag, paré d'une veste en cuir et de lunettes de soleil… On avait là le parfait stéréotype du mâle viril (« primitif » selon certains) ne s'embarrassant pas (ou peu) de formalité quelconque.

Cette grande brute, à la démarche assurée et aux flingues du feu de Dieu, fut en effet le fer de lance de la contre-offensive. Sa détermination fut décisive lors de l'affrontement final qui l'opposa au Dr. Proton. Seul survivant au coeur de Protopolis (nom qu'avait donné Proton à ses quartiers généraux), Duke avait frôlé la défaite à plusieurs reprises.

Résultat d'une longue et fastidieuse préparation, l'ancienne zone du scientifique avait été un véritable dédale industriel cybernétique, truffé d'arsenaux défensifs et de pièges. Proton s'était établi secrètement en zone souterraine puis, après l'attaque des techbots, avait déployé ses forces en surface. Ses troupes cybernétiques lui avaient permis de s'emparer d'une très grande partie des infrastructures civiles et d'étendre toujours plus son périmètre de contrôle. La force et la rapidité de ses attaques avait pris tout le monde au dépourvu. Quant à ses dispositifs défensifs aériens et terrestres, ils avaient tenu en échec l'aviation, les blindés et les troupes de marines de l'US Army - alliés pour l'occasion à la milice locale des volontaires californiens.

Malgré tout, Duke était parvenu à s'y frayer un chemin. Lancé en zone ennemi avec son groupe, leur hélicoptère avait été touché puis détruit. Tel un authentique kamikaze, il avait tenté le tout pour le tout en s'éjectant avant le crash et s'en tira. Son infiltration derrière les lignes ennemies avait marqué le début du déclin de Proton. Le terrible combat qui suivit sa rencontre avec le scientifique avait mis un terme à la menace de façon spectaculaire : Duke l'avait carrément envoyé en orbite ! Puis là-haut, en fin de course, il avait sauté… Mais certainement pas de joie !

Accueilli à juste titre en héros, les grandes pompes de l'armée lui avaient accordées des vacances. Vacances durant lesquelles Duke profita pour écrire son livre : Why I'm So Great[I]. Cet ouvrage, vendu comme des petits pains (et peut-être même mieux), expliquait dans le détail la philosophie qui guidait ce « vaillant faucheur de bâtards ». En partie autobiographique, il faisait également référence à quelques expressions l'ayant rendu célèbre et n'oubliait pas de parler de stratégie militaire. Jugé très éclectique, ce livre avait de quoi marquer les esprits avec quelques phrases à philosopher du genre : « La connaissance, c'est le pouvoir… Mais les balles font plus mal ! », ou encore « Lors d'un conflit, celui qui a le plus gros calibre gagne ». En bref, un livre considéré par les critiques comme brute de décoffrage mais toutefois représentatif de sa personne. Autant dire fort intéressant pour le commun des mortels !

Ce livre allait justement être commenté par Duke en direct durant l'entretien télévisé. Un grand événement très attendu par une population qui n'en pouvait plus des mystères gravitant autour de ce Duke Saint-John. Le 13 Mai 2022, la chaîne télévisée CNN, en partenariat avec la chaine californienne locale, annonça enfin la date de l'émission. On prévit tout naturellement une audience phénoménale, et pour cause : c'est quand même de Duke Nukem dont on allait parler !

Le jour J, un important dispositif de force policière fut déployé afin d'assurer la sécurité des studios TV. Une foule de gens de tout horizon était venue, ayant pour seule espérance l'aubaine de voir le spécimen en chair et en os ! En dépit de l'effet d'attroupement, aucun incident majeur ne fut recensé ce jour-là.


Invité surprise !


Duke est confortablement installé dans son fauteuil. Anne Travis, la sculpturale présentatrice, donne d'ultimes retouches à son maquillage et l'équipe télé s'affaire à tout va. Les organisateurs sont proches de l'hystérie la plus totale. Ici et là, des consignes sont hurlées ces dernières quinze minutes n'en finissent plus !

Amusé, Nukem observe le cafouillage ambiant. Anne Travis arrive finalement sur le plateau, puis le cameraman la cadre. On la sent stressée mais elle se maîtrise : lorsqu'on a à interviewer celui que tous considèrent comme le « bourreau du Dr. Proton », la moindre erreur signifie un enterrement illico presto de toute carrière télévisée. Duke contemple cette jolie brune au physique avantageux. Outre son courage, notre héros a une jolie réputation de macho non dissimulée. Ce qui étrangement ne semble pas déranger la gente féminine… Ou alors ces dames le cachent bien.

Néanmoins, après son dernier périple, Duke s'est juré de calmer un peu ses ardeurs et de les canaliser sur sa passion première : le flingue. Un moyen comme un autre de cultiver son image de « je tire d'abord et je parle ensuite ».

Dernière minute avant le commencement tout est prêt. Puis enfin, le logo du journal s'affiche sur des millions d'écrans et le programme débute : rapide résumé de la récente guerre contre l'armée du Dr. Proton, voix-off et flash-back des opérations par l'intermédiaire d'anciens reportages filmés sur le terrain.

Anne Travis apparait enfin à l'écran.

- Mesdames et Messieurs, Bonsoir ! C'est un grand honneur pour moi d'être en présence de l'homme à qui nous devons, sans aucun doute, notre paix actuelle à Neo Los Angeles. Ce soir, nous saurons tout à propos de cette figure peu loquace préférant bien souvent laisser parler le canon de son fusil. Son humeur : belliqueuse. Son histoire : tumultueuse. Ses aspirations : pas toujours très raffinées… Vous découvrirez à peu près tout de ce qu'i savoir de cet être atypique et plutôt déjanté ! Mesdames et Messieurs, voici celui qu'on ne présente plus : Duke St-John, alias « Duke Nukem » !

On entend alors les applaudissements de la centaine de privilégiés assistant à l'entretien sur le plateau. Duke renvoie la politesse à son interlocutrice et se redresse un peu.

- C'est toujours un plaisir pour moi de pouvoir partager mes expériences ardentes, dit-il en souriant à Anne.

La soirée s'annonce excellente, tant sur le plateau que dans chaque foyer pourvu du petit écran. Duke prend alors son livre et entame une rapide description de son contenu : ce qui l'a inspiré, les conditions dans lesquelles il a été amené à avoir ses réflexions, etc. Descriptions d'autant plus rigolotes et farfelues que tout le monde sait de quoi il en retourne. Car si le contenu du livre assume un aspect bourrin fournissant une grande bouffée d'air frais aux culs coincés, il n'a rien (mais RIEN) de l'étoffe d'une grande et profonde littérature. Anne Travis reprend la parole :

- Duke, qu'est-ce qui a motivé l'écriture de ce livre ?

- J'ai pas vraiment réfléchi à ça, cocotte. J'ai pour habitude d'écouter mon instinct et d'agir. De la même façon que je cherche pas de cause métaphysique à mes envies de chier.

La présentatrice semble rougir et a un rire pincé, au contraire du public qui s'esclaffe à en avoir des crampes.

- …Mais, continue-t-il, s'il y a un message faire passer, c'est de n'jamais laisser tomber, et qu'un moral fort avec un peu d'orgueil peut faire des miracles. Je crois qu'avoir renvoyé Proton au néant duquel il n'aurait jamais dû sortir me donne raison. D'ailleurs, –se tournant vers le public- j'ai pas raison ?

Nouveaux applaudissements et ovations retentissantes. Encouragé par l'enthousiasme du public, Duke s'apprête à surenchérir ses exploits lorsqu'une légère vibration se fait sentir. Tout le monde se regarde avec étonnement, tandis que les cameramen portent leurs mains sur leurs appareils, afin d'éviter qu'ils subissent des dégâts. Mais les vibrations ne diminuent pas, au contraire ! Elles s'intensifient à telle point qu'Anne tombe sur son popotin. Plusieurs membres de l'équipe s'accrochent rapidement aux parois pour garder tant bien que mal leur équilibre. Conséquence prévisible : la panique gagne la foule en très peu de temps.

Quelques fissures commencent à apparaître sur les murs. On craint alors les très connus et très fréquents tremblements de terre dont cette région est victime. Lorsque quelques débris tombent du plafond, la première pensée du publique est qu'ils vont se manger le toit sur la tête. Mais lorsqu'il cède, les morceaux sont comme aspirées à l'extérieur. Un vent terrible s'engouffre dans les studios, et tous les spectateurs sont plaqués aux parois, tétanisés. Duke s'accroche à son fauteuil et ne semble plus bouger. C'est alors que surgit du haut une lumière qui le braque - une lumière jaune mais très vive. Anne Travis en est éblouie et met son bras devant les yeux. Duke se sent comme aspiré et s'agrippe vivement à son siège… En vain. Avant même d'avoir le temps de réaliser quoi que ce soit, il perd connaissance et disparait aux yeux de tous. Le vent, comme les tremblements, cessent. Chacun se regarde, perplexe, apeuré, en proie à une panique hors du commun.

Mais où donc est passé Nukem ?


Ailleurs, dans le noir…


- …Hé ?! J'suis où? C'est pas la Télévision !

Allongé et le buste un peu relevé, Duke s'éveille péniblement et remarque qu'il est solidement fixé sur une sorte de long siège métallique. Combien de temps a-t-il perdu conscience? Même approximativement, il ne saurait le dire : des heures, des jours, des semaines ? Sa bouche est un peu sèche, mais il n'a aucune sensation de faim. Une légère douleur au milieu du bras lui fait remarquer qu'il est sous perfusion. C'est du moins ce qu'il en conclu quand il voit l'aiguille enfoncée dans son bras. Le dispositif est très sophistiqué et entièrement automatisé via un bras robotique.

La pièce est sombre. Il regarde attentivement autour de lui, mais ne remarque rien qui puisse l'informer sur sa position. Quand sa vue s'habitue à l'obscurité, il distingue à trois mètres devant lui une silhouette rouge très sombre, dont seuls les yeux blancs brillent d'une faible lueur.

- Effectivement Monsieur Nukem, rien en rapport avec la télévision ici ! Mais je crois qu'il est de mon devoir de vous dire pourquoi vous avez été enlevé, conservé ici et pourquoi vous devrez subir de longues tortures.

- Désolé mec, répond Duke, t'es à côté d'la plaque ! J'vais juste me barrer librement, exploser quelques tronches, et sois pas sur mon chemin, parce que…

L'interlocuteur inconnu l'interrompt calmement :

- , s'il vous plaît, économisez votre énergie pour la chambre des tortures. Vous voyez, vous êtes sur le point de prendre une place importante dans l'histoire de l'humanité !

- Trop tard ducon ! J'ai d'jà été immortalisé en écrasant le Dr. Proton. Tu m'veux quoi ?

- Votre CERVEAU ! Vous voyez, nous allons employer notre fameux encéphalo-connecteur pour imprimer vos modèles de pensées dans les schémas cybernétiques de notre ordinateur de combat. Vous allez mener une guerre contre la terre pour nous.

Duke Nukem ne peut s'empêcher de ricaner tant ce discours lui semble crétin.

- OK, si je comprends bien, je suis juste censé me reposer pendant que ma matière grise fout une bonne branlée à la planète bleue?

- Vous n'aurez pas le luxe d'un tel choix ! Le résultat de l'opération entraînera des dommages permanents et irréversibles sur votre cerveau il restera dans une sorte de rupture permanente. Et j'oubliais : vous serez aussi dans un état de perpétuelle douleur, sans pouvoir bouger un seul de vos membres. Nous pourrions vous tuer bien entendu, mais notre loi nous interdit l'interruption de la souffrance… Au Revoir Monsieur Nukem !

La silhouette s'éloigne et disparait dans l'obscurité. Le bras robot interrompt la perfusion et se retire des veines de Duke, aspergeant au passage un peu de liquide désinfectant. Le siège se redresse à la verticale et s'enfonce dans le sol. Une fois sous terre, le trou se referme au-dessus de Duke et toutes les fixations qui le retiennent s'ouvrent. Il glisse à vive allure dans un canal, lequel débouche dans une cellule spécialement préparée pour lui. Un cachot où il devrait attendre son malheureux mais certain sort. Arrivant brutalement à terre, non sans se cogner -et s'assommer-, il reste aplatit sur le sol. Il se réveille peu après avec un gros mal de tête.

- Merde, ces assommoirs prolongés commencent à me casser les burnes !

Il rampe jusqu'au mur, se redresse et s'y appuie. Il réfléchit un instant et un sourire se dessine sur son visage.

Bien, je devine que je l'ai eu. A moins que ces imbéciles aient enlevé ma petite arme secrète.

Ses deux doigts s'enfilent dans le bouclons de sa ceinture et en sortent une petite boîte. Cinq petites pilules s'y trouvent. Pilules dont les effets sont pour le moins dévastateurs : un genre de stéroïde anabolisant sur-dosé que lui a fourni la CIA. Dans une course effrénée à l'armement, le corps de commandement de l'armée avait beaucoup investi dans le développement de substance aux conséquences très spécifiques comme décupler les capacités physiques des soldats. Mais à présent, il y a une complication et pas des moindres : ces pilules n'ont jamais été testées sur des sujets humains ! Fournies à Duke au cas où il ferait face à de trop grosses difficultés contre Proton, le scientifique Alan Cambli l'avait mis en garde : Leurs effets n'étant pas exempt de dangers, acquérir temporairement la force de Hulk ne serait sans doute pas gratuit.

Cependant, Duke n'hésite pas. Entre devenir vert de rage (au sens premier) ou servir de souffre douleurs aux enfoirés qui l'ont séquestré, le choix est vite fait.

- Et même pas d'aspirines fourni avec, au cas où ce truc me foutrait la migraine !

Il prend une pilule et l'aval. Les sensations ne se font pas attendre ! Sa température corporelle monte en flèche à tel point qu'il croit que sa tête va finir comme un homard. Ses muscles se contractent, sa vision se trouble et sous la douleur, il tombe à genou. Recroquevillé, il se prend la tête entre les mains, puis des secousses nerveuses le font trembler de toutes parts. Quand l'effet d'adrénaline et une ivresse de puissance le submergent, il se relève en hurlant de rage et se met à rigoler d'un rire féroce. Il fait un tel tumulte qu'il devient à peu près sûr qu'une sentinelle va bientôt apparaître. Duke s'efforce alors de rapidement s'habituer à la sensation. Son regard avide examine attentivement les alentours. La petite boîte fixée au mur, pas loin des barreaux de sa cellule, accroche son attention.

- Hahaha mec, quelle bande de con ! Regarde-moi ça, un casier juste à côté de ma cellule avec une arme de service dedans. Seulement une, dommage !

D'une poigne d'ours, ses mains se ferment sur les barreaux de sa cellule.

- Il est temps de botter quelques culs !

D'un seul geste, il arrache les deux barreaux. Il s'approche du casier et envoie un coup de coude qui le fait voler en éclat. Duke ramasse l'arme, sorte de fusil jackhammer, et l'empoigne fermement. Ensuite, il s'engage dans le premier couloir devant lui, les yeux remplis de rage et un sourire carnassier sur son visage.

- C'est trop facile…


Retrouvailles


Douze heures plus tard, au terme d'un carnage sans précédent...

- Aaah Proton… Tu démontres une fois de plus ta grandiose nullité. Et par la même occasion, celle de tes nouveaux copains. C'est quoi leur nom déjà? Rogelatine, rigoli...

- Rigelatins…, lâche Proton entre ses dents serrées.

- Ha oui les Rigelatins... Les couilles molles qui par code « protonique » s'interdisent tout arrêt volontaire de souffrance. 'Doivent pas être bien quand ils sont constipés, non ? Remarque, avec la gueule qu'ils se paient, la souffrance en continu ils doivent connaître. Ils viennent d'où tes guignols ?

Proton émet un petit ricanement et ouvre grand son unique œil (l'autre étant bionique).

- Ton manque d'imagination ne m'étonne même pas. Un génie scientifique de mon étoffe se doit d'aller au-delà de la cybernétique la biotechnologie, Duke ! Cybernétique, biologie, clonage – petit silence - ADNxénomorphe ! L'éclectisme scientifique, c'est le futur.

- Ouais… Aux dernières nouvelles, ton futur est au bout de mon flingue. Pas d'quoi être fier. Et de ta création encore moins : pondre des gros lards veineux incapables de garder un prisonnier en cellule et de le neutraliser, bonjour la gloire. A se demander ce qui a pu motiver certains de nos bons humains à te suivre dans ta connerie. J'ai dans l'idée que Mère nature ne te remerciera pas pour ces sacs de viande sans âmes.

- Sans âmes ?! Je m'étonne que tu ais de la considération pour des concepts si arriérés. Je te savais bête et arrogant, mais stupide au point d'évoquer l'âme,…

Duke interrompt son interlocuteur en lui pointant plus précisément le canon de son arme sur le front et se met légèrement à sourire :

- Si j'y accorde du crédit ? Qui sait ! Je rigole encore de m'être farci ta soi-disant armée invincible, alors tu vois l'existence de l'âme, l'esprit ou le grand barbu, c'est déjà cent fois plus crédible que tes projets à la con.

Proton fulmine et Duke continue :

- Dernière question, tête d'ampoule : comment t'as fait pour t'en sortir la dernière fois ?

C'est au tour de Proton de sourire.

- Dans ton effronterie de stupide mammifère trop sûr de lui, tu ne t'es pas assuré que l'ennemi que tu envoyais dans le ciel resterait accroché à sa fusée.

- Sur ta chaise d'handicapé volant? Putain mec, je me demande vraiment comment t'as pu t'en tirer !

Proton s'emporte.

- Pour commencer, ce n'est pas une chaise d'handicapé ! Tu es limité Duke mais comme tu peux le voir, je marche très bien ! Ce siège me facilitait simplement mes déplacements. M'en éjecter fut aisé, mon attirail recèle plus d'un tour dans son sac.

- On voit le résultat. Assez causé, rends-toi !

- JAMAIS ! Hurle-t-il, jamais ! Pas si près du but !

- Si ça m'chante, je t'explose la cervelle dans la seconde. Pas qu'ça me dérange, mais bon… Y a pleins d'gens qui aimeraient t'avoir vivant.

- Ca n'arrivera pas. Au mieux je t'écrase, au pire ce vaisseau va sauter et nous emporter tous les deux !

- T'a pas remarqué Trouduc ? C'est moi qui tiens l'flingue. Et si tu continues à me chatouiller les nerfs c'est ta tête qui va sauter, pas l'vaisseau. T'es un crétin, tout le monde le sait, mais pas au point de t'faire sauter toi-même. Garde ton bluff pour tes parties de poker.

L'unique œil de Proton prend un teint malsain et change de couleur. L'iris et la pupille se fondent dans un noir profond, et son crâne chauve implémenté de circuits semble bouillir. D'un regard extrêmement haineux, il esquisse un sourire diabolique.

- Tu ne sais pas à qui tu t'attaques Nukem. Les rigelatins, c'était la partie visible de l'iceberg. Quant à moi, je n'ai plus grand chose à perdre!

Click !

Proton presse un bouton qui enclenche un compte à rebours d'autodestruction. Une voix électronique se fait entendre :

« Autodestruction du vaisseau dans 30 min ! Je répète, Autodestruction du vaisseau dans 30 min ! Quittez immédiatement vos postes et rejoignez la passerelle d'évacuation ! »

Nukem se fait distraire par la voix et, dans un réflexe, lève la tête vers les enceintes sonores. Proton en profite pour faire sortir de son avant-bras bionique un mini-canon. Quand Duke rabaisse les yeux sur son ennemi, il voit l'arme braquée sur lui.

- Ne jamais quitter son adversaire des yeux, Duke. C'est dans le manuel des marines, non ?

Le blondinet baraqué fait un plongeon mémorable derrière les consoles du vaisseau, lui faisant éviter une rafale de plasma meurtrière. Il rampe rapidement dans le couloir, et se relève pour piquer un sprint jusqu'à la pièce suivante. Une pièce déjà marquée par toutes sortes d'affrontements : cadavres en grand nombre, un morceau de chair par-ci, quelques flaques de sang par-là, impacts de balles, etc.

Une plaque métallique pendouille du mur. Elle a dû sortir de ses gonds suite au choc d'une sentinelle (humaine celle-ci) qui a fini tête première dedans. Duke la soulève et remarque un endroit juste assez grand pour s'y cacher. Au loin, il entend Proton rire tout en s'approchant.

- Où te caches-tu ? Ta petite danse de pantin ne sert à rien. D'ailleurs c'est ton dernier bal !

Dans sa cachette, c'est silence total. Il attend que son adversaire arrive dans la pièce. Le bougre continue de déblatérer toutes sortes de menaces.

- De toutes façons, on va y passer les deux. Alors pour tes dernières minutes, comporte-toi comme un homme !

Le scientifique dément passe devant la cachette de Duke et lui tourne maintenant le dos. Celui-ci pousse silencieusement la plaque métallique et se place à légers pas juste derrière son ennemi. Sans l'avoir remarqué, ce dernier rigole encore et continue de lui sommer de se montrer. Quand soudain, un bout de métal froid se fait sentir sur sa nuque.

- Docteur je suis désolé, votre persistance à vous foutre dans la merde me force à vous administrer un lavage de cerveau improvisé !

- Heu...

La seconde d'après, la nuque et la mâchoire du docteur couvrent les murs. Ne reste que la boîte crânienne (qui a négligemment voltigé dans un coin de la pièce) sur laquelle est encore visible le cerveau entouré d'une coque mi-humaine mi-cybernétique, avec un oeil qui ne doit plus voir grand-chose.

Duke réentend la voix électronique :

« Autodestruction du vaisseau dans 20 minutes ! Rejoindre de toute urgence la passerelle d'évacuation ! »

Il pique un sprint jusqu'à ladite passerelle. Traversant un entrelacement de couloirs et de pièces diverses, il arrive enfin sur un petit monte-charge menant à la piste de lancement. Une fois dans le hangar, il remarque une petite navette rouge dans un coin et se rue dessus. Il ouvre le cockpit, lance son arme parterre, et saute sur le siège. En enclenchant le système, il réalise soudain que le sas d'évacuation ne va pas s'ouvrir tout seul.

- BORDEL DE MERDE !

Nouveau saut, mais cette fois hors du cockpit, course jusqu'au tableau de commande, et activation de l'ouverture du sas.

« Ouverture du sas et dépressurisation du hangar dans 1 minute. Veuillez quitter la passerelle ou rejoindre immédiatement vos navettes de transport »

En moins de deux, Duke revient à sa petite navette. Les manettes bien en main, il se guide jusqu'à la piste de lancement. Là, il fait chauffer les réacteurs avant l'ultime départ.

« SAS d'évacuation ouvert » fait la petite voix électronique à l'intérieur. Duke met plein gaz et la navette commence à avancer. La vitesse augmente rapidement et atteint brusquement les 200 km/h. Dans ce vaisseau mère qui ne va pas tarder à exploser, le tunnel d'évacuation semble interminable. Lorsqu'il lance le « boost », il dépasse largement le mach 1.

- VAYA CON DIOOOOS !

Ses yeux se ferment, la vitesse le compresse dans sa cabine de pilotage. C'est si long qu'il se demande s'il ne va pas tomber dans les pommes pour la troisième fois depuis le début de son périple. Le tunnel continue de défiler mais Duke n'est plus vraiment conscient. Lorsque la vitesse diminue sensiblement, il sait que la phase de lancement est achevée. Il ré ouvre les yeux, voit les étoiles et souffle de soulagement. Mais subitement, il sent une vague d'énergie secouant la navette. Les premières explosions du vaisseau mère le remuent tellement fort qu'il a l'impression d'être dans une machine à laver. Du feu et des morceaux de métal en fusion voltigent partout à côté de sa position.

En un coup d'œil sur le moniteur relié à la caméra arrière, il se rend compte qu'il n'est pas encore sauvé. Les manettes à nouveau en mains, il effectue quelques légers virages pour esquiver les débris. Lorsque le scanner de bord détecte les cordonnées de la Terre, il verrouille sa cible et met plein feu sur cette destination. Dix minutes après, il est hors de tous dangers.

- Une plage, une gonzesse, un cigare… Et une bonne bouteille de Jack ! C'est tout ce dont j'ai besoin, se dit-il avec sa voix rauque (rauque même en pensée).

L'ordinateur de bord indique le temps restant jusqu'au retour dans l'atmosphère terrestre.

- Pfff, 18 heures…

Je vais me faire chier. Bon, pilotage automatique et dodo jusqu'à mon retour sur terre… tiens, un flingue dans la « boîte à gant » !

Néanmoins, le sommeil ne vient pas. Duke se repasse le film de sa récente victoire contre Proton et ses commandants rigelatins. Mais plus particulièrement de sa surprise lorsqu'il est retombé face à son vieil ennemi. Du fond du cœur, il espère ne plus jamais revoir ce cyborg raté ailleurs que dans un cimetière. Ou dans une boîte de cendre sur laquelle une plaque indiquerait « ici gît les restes d'une enflure écrasée par Duke Nukem ».

Outre ses créations les plus diverses, robots surarmés ou créatures féroces et venimeuses, la plus singulière a été celle des rigelatins. Aboutissement d'expérimentations biotechnologiques, desquelles sont nées ces créatures dont l'aspect empruntait tant à Jabba le hutt (sans la queue de limace), qu'aux gremlins. Dire qu'ils n'ont pas été gâtés par leur créateur tient de l'euphémisme ! Ces gros steaks ambulants, posés dans leurs machines de guerre, semblaient dépourvus d'émotions autres que belliqueuses - exécutant les ordres comme des fourmis. Autrement dit, une vie formatée aux bons désirs de leur créateur. Le plus étrange : leur façon de mourir ! Assuriez-vous d'envoyer une charge assez puissante, et le résultat s'apparentait à ce qui pouvait rester si vous mettiez une grenade dans un gros Jelly[II]. Quant aux morceaux gluants qui subsistaient, ils finissaient par se liquéfier. De ce que Duke a compris de son dernier dialogue, la génétique « rigelatine » a été composée d'un soupçon d'ADN alien. Avait-il découvert une vie ailleurs ? Ou s'agissait-il du résultat d'un pot-pourri d'expérience ?

A présent, la seule chose qui semble sûr, c'est que Proton, ses sbires et tout leur bazar ne sont plus qu'un lointain souvenir. Et pour notre héros, c'est tant mieux.

N'arrivant toujours pas à s'endormir, il jette un coup d'œil dans la cabine de pilotage. A gauche, un emplacement prévu pour une petite réserve de nourriture : barres de céréales, pastilles vitaminées et deux litres d'eau - le minimum de survie pour un pilote. Quelques gorgées le rafraichissent et deux barres de céréales apaisent sa faim. Après quoi, il examine attentivement le petit bijou qu'il vient de trouver dans sa navette. Pistolet semi-automatique, calibre 45, muni d'un point laser sous le canon et de couleur noir.

- La chance me sourit à nouveau !

A son retour, ce petit bijou va rejoindre le panthéon de sa collection privée. Aux côtés de ses fusils à pompes, fusils d'assauts, armes de poing, vieux colts et autres innombrables winchesters. Mais pour le moment, il se contente de fixer le holster de l'arme à sa cuisse pour y placer son joujou tout neuf. Puis il rabaisse un peu plus le dossier de son siège pour tenter une fois encore de trouver le repos. Sa petite navette continue tranquillement son chemin sans remuer. L'espace défile devant ses yeux absents.

Sommeil profond...

A des kilomètres de sa navette, le vaisseau mère du Dr. Proton flotte encore de ses derniers débris.


Welcome Home !


Quatorze heures après évacuation du vaisseau

« Bip Bip Bip Bip Bip ! »

La console s'agite et toutes les lumières clignotent. Sur le tableau de bord, un nouveau message. Provenance « terrienne ». Assoupi profondément, Nukem finit enfin par se réveiller, après dix bonnes minutes de« bip » résonnant sans relâche. Lorsqu'il baille, c'est un miracle si sa mâchoire ne se décroche pas. Il se frotte les yeux et après s'être vaguement réveillé, il examine l'alerte puis le temps de vol qu'il vient de faire.

- Mmmmhh... 14 heures de sommeil.

Ça doit faire des années que j'ai pas dormis comme ça.

Retour sur le bip et les écrans.

Duke s'attend logiquement à une communication de l'EDF[III] américaine lui demandant de s'identifier. Après tout, il est plutôt proche de sa planète natale et les radars terrestres l'ont probablement repéré depuis un moment. Mais lorsqu'il voit la date d'émission du message, il se pose quelques questions… Et réalise bien vite que lors de son enlèvement, sa perte de conscience a duré quelques jours ! A en croire les informations, le message est émis à intervalle régulier depuis 72 heures. La transmission provient d'une station située proche de la faille de Saint-Andréas, au sud de la Californie. De toute évidence, ce message a été émis peu de temps après sa disparition en direct. Et pour couronner le tout, c'est codé.

Seule indication : EDF – opération Shrapnel City.

- Tiens, tiens… Le nom de code de ma première offensive contre Proton…

Il tapote un petit mot de passe d'une dizaine de caractères. Le décryptage se lance et le corps du message apparait à l'écran. Il le parcourt avec beaucoup d'attention :

« A DUKE NUKEM -STOP- NOUVEL ENNEMI ALIEN SURPUISSANT -STOP- ORIGINE INCONNUE -STOP- INVASION EN COURS –STOP- ILS NE POURRONT DECODER LE MESSAGE -STOP- CRYPTAGE SECRET -STOP- ALERTE MAXIMALE –STOP- A DUKE NUKEM... »

Duke regarde son écran, interloqué. Premièrement, il est sûr d'avoir décrassé totalement l'univers de la menace rigelatin. Deuxièmement, son évasion fracassante : elle a mobilisé toute l'attention de l'ennemi, ce qui rend peu vraisemblable une attaque amorcée en parallèle. Et troisièmement, l'hypothétique « assaut contre la Terre » n'a été prévu qu'après la connexion du cerveau de Duke au réseau cybernétique de Proton. Pourtant, l'intervalle qu'il y a eu entre son enlèvement en direct et cette « attaque alien » est si mince, qu'il lui semble douteux que ces deux événements n'aient aucun rapport.

Mystère total.

Duke lance un appel en dirigeant l'onde sur le sud de la Californie. La diffusion est prévue pour se répéter quelques heures sans interruption. La nécessité d'être au clair sur les prochains objectifs est pressante, et il faut un maximum de chance pour que l'EDF ou n'importe quoi d'autre lui réponde. Quelles régions sont touchées ? Que reste-il de la défense militaire ? Que s'est-il passé sur les autres continents ? Autant de questions en suspens. Le temps passe, puis se transforme en long moment de solitude. Il remarque qu'il reste moins d'une heure avant d'atteindre l'atmosphère de la Terre. Le stress commence à monter. L'envie d'en découdre aussi. C'est au moment où Duke se résigne à l'idée de découvrir les réponses tout seul qu'une voix grésillant se fait entendre.

- Ici le Général Graves de l'US Army, et commandant en chef de l'EDF américaine ! Ici le Général Graves ! Nukem mon vieil ami, c'est toi ? Ici le général Graves, bon sang Duke, tu m'entends?

Duke s'accroche aussitôt le casque de communication sur les oreilles.

- Ici Duke ! Je te reçois Graves ! Et j'ai bien reçu le message. C'est quoi c'bordel ?

- Nukem ! Je suis heureux de t'entendre, et surtout de te savoir en vie ! Tu reviens d'où ? Qui a essayé de t'enlever ?

- C'est une longue histoire Graves… Un bottage de cul supplémentaire à mon tableau de chasse. On en discutera quand j'aurais de nouveau les pieds sur terre.

- Entendu Duke ! Je me doutais bien que tes ravisseurs ne savaient pas à quoi s'attendre en te capturant. Mais pour être franc, j'ai failli croire qu'ils t'avaient eu pour de bon. Malgré tout, j'ai quand même misé un peu d'espoir sur tes chances de retour, et je constate que j'ai eu raison de faire diffuser ce message crypté. L'allusion ne t'a pas échappé.

- En effet.

Duke montre explicitement qu'il ne veut pas perdre de temps dans des beaux discours de retrouvailles.

- Bon, je vais être bref sur la merde dans laquelle nous sommes depuis ta disparition : une force de toute évidence extra-terrestre a lancé une offensive sur la Californie, et plus précisément sur Neo Los Angeles. Ils ont établis un périmètre de défense à l'intérieur de la ville. Ce périmètre n'arrête pas de s'agrandir, et les troupes qu'ils déploient se renforcent et s'accroissent d'heures en heures. Aucun assaut n'a semblé les mettre en difficulté et les armées des autres pays se mobilisent à l'instant même. Si on écarte le fait que ce ne sont pas des machines qui nous attaquent, le déroulement de cette guerre se reproduit de la même façon que l'offensive des Techbots!

- Une autre armada du docteur ?

- Peu probable, car comme tu le sais mieux que personne, tu l'as littéralement explosé. De plus, ses forces ne bougeaient pas sans ses ordres directs.

- J'ai un scoop : il s'en est tiré. C'est même lui qui a été à l'origine de mon enlèvement.

- … J'ai bien compris ?!

La voix du Général a cette intonation mêlée de surprise et d'effroi.

- Tu as bien compris. Et j'en profite pour dire que cette fois, le pauvre a vraiment perdu la tête - au sens propre.

Graves émet un petit rire bref.

- On peut dire que les choses ne trainent pas avec toi. Tu as pu avoir des informations ? Quelque chose qui nous indiquerait qui sont nos ennemis, quels sont leurs objectifs, s'ils sont liés d'une quelconque façon à Proton ?

- Rien du tout. Je n'ai eu qu'un court dialogue où ce connard s'est vanté de ses nouvelles orientations scientifiques biotechnologie, clonage et ADN xénomorphe. Il avait appelé sa nouvelle armée : les rigelatins. Des gros lards cyborgs plutôt ratés. Ca ressemble à nos nouveaux envahisseurs ?

- A vrai dire, on ne sait pas. Leurs fantassins sont équipés de combinaisons complètes, et leurs tailles varient d'une unité à l'autre. Tous ceux qui les ont vus de près ne sont hélas pas revenus.

- Mmmhhh… et leurs actions jusqu'à présent ?

- Attaques massives et destructrices, avec occupation de territoires une fois les déflagrations passées. Nous pensons que les USA constituent leur première cible, étant donné la prédominance de nos forces militaires. Encore une chose : les ovnis identifiés avaient une forte ressemblance avec celui qui a débarqué au-dessus du studio télé, après ton enlèvement.

Le lien entre les rigelatins et ce nouvel envahisseur semble se crédibiliser de plus en plus. Seul hic, quand on a vu un de ces tas de merde gluant, impossible de l'oublier ensuite. Or, le Général Graves ne fait pas mention d'un trait particulier qui pourrait rappeler un de ces enfoirés. Cette histoire est encore très floue pour Nukem.

- Ok, comment je peux vous rejoindre ? Et pratiquer ce que je fais de mieux, comme trouer le cul des emmerdeurs.

- Duke, à en croire les informations qu'on reçoit de ta navette, il s'agit d'un modèle mis au point par la NASA. J'ignore comment tu l'as eu, mais c'est un véritable miracle ! Jette un coup d'œil sous ton siège, tu devrais trouver un casier électronique abritant une mini-console.

- Deux secondes...

Duke se courbe en avant et ouvre le casier. Il prend la petite console puis se redresse.

- Bingo, j'ai la mini-console en main. Il sert à quoi ce bidule ?

- De radar, de carte, et de radio. Un don du ciel en quelque sorte. Tu ne pourras pas atterrir trop près de nos positions Duke, aussi cette console va grandement t'aider : nous sommes actuellement en sous-sol, proche de la faille de Saint Andréas. Il y a, à quelques dizaines de kilomètres de notre emplacement, un pénitencier uniquement accessible par voie aérienne ou par voie sous-marine. Celle-ci fait lien avec une usine de déchets toxiques partagée avec une base de lancement de l'armée. Notre état-major est à proximité.

- Et l'aire d'atterrissage de ce pénitencier, elle est prévue pour une navette spatiale ? Même petite ?

- C'est bien le problème : seuls des petits avions et hélicoptères ont été prévus à cet effet. L'atterrissage risque d'être rude, mais tu devrais t'en sortir.

- Comme toujours.

- Tu viens de recevoir les coordonnés indiquant la position de la piste d'atterrissage. Une fois que tes ordinateurs de bords les auront enregistrées, ils devraient la repérer assez rapidement.

- Parfait, tenez bon jusqu'à mon arrivé.

- Je te fais confiance Nukem... – petit silence de quelques secondes - …BON SANG ! L'ennemi est en train d'intercepter notre dialogue. Nous sommes protégés et la ligne audio est cryptée, par contre ta position risque d'être découverte ! Ta navette possède un système de brouillage prévu pour contrer ce genre d'imprévu, mais leur technologie n'est pas désuète !

- OK on va couper, répond

Duke. Le code de la mini console est le 00-XOEF-3710-AT : inscrivez-le dans vos registres de communications autorisées ! Dès que j'atterri, je vous recontacte et vous pourrez me communiquer toutes les infos nécessaires pour vous rejoindre.

- C'est noté Duke, dès que nous avons...ZZzzzZZ crrrrr...

- Mais qu'est-ce que ?

La console de bord affiche une alerte : sa navette risque d'être accrochée sous peu par un radar ennemi, et certainement verrouillée par un missile. Duke ne panique pas. Il se contente de mettre les lunettes de soleil trouvés à côté du flingue (qu'est-ce qu'elles foutaient là ?), et se résigne à engager le même boost qui l'a éjecté du vaisseau mère.

- C'est le moment de rigoler !

Il lance le brouillage radio et « appuie sur le champignon » sans hésiter. Ça n'est pas de trop pour arriver au plus vite sur Terre - et accessoirement échapper à la détection ennemie. Les jauges de carburant sont encore à moitiés pleines, ce qui est amplement suffisant pour arriver à destination. Lorsque l'accélération foudroyante débute, il ferme les yeux l'espace de quelque seconde.

« Vitesse maximale ! »

Duke se dirige au mieux selon les informations de Graves.

« Ozone terrestre dans 5 min. »

- C'est le moment de voir si on a encore quelque chose dans l'calbute !

Le scanner de la navette recherche toujours la piste d'atterrissage. Duke s'énerve et commence à s'impatienter. Il se demande si les données fournies sont exacts, voir complètes – il se pourrait que la réception des informations ait pu se brouiller, suite à la tentative d'interception de leur conversation. L'ordinateur indique l'entrée imminente dans la sphère terrestre.

- ON Y EST !

La navette débute son entrée dans la couche d'ozone. La chaleur monte en flèche. L'atmosphère brûlante chauffe rapidement la coque dont la paroi s'incurve mais reste intact. Des secousses se manifestent faisant voir les étoiles à Duke. C'est comme si toutes les cloches de la terre sonneraient dans sa tête. Il tente de reprendre ses esprits et se concentre autant que possible. A ce moment, l'ordinateur repère enfin la piste d'atterrissage.

- Pas trop tôt !

Les propulseurs et les feux de stabilisation du mini-vaisseau diminuent de puissance. D'après la température, maintenant redescendue, il a dépassé le stade critique de la descente. Au-dessous de lui, Neo Los Angeles brille de tous ses feux. Dans vingt minutes, il amorcera une descente suicidaire, direction « Prison-Haute-Sécurité ». Rien de très réjouissant, mais pas d'autres alternatives. Il arrive aux abords de Neo Los Angels et se penche un peu pour contempler la ville : hormis un secteur dévasté dû aux affrontements, la majeur partie de la ville tient encore debout. Au contraire, les rues sont sinistres. Au milieu d'un fatras inimaginable, les voitures intactes font office d'exceptions. Les affrontements ont dû être rudes et Duke trépigne d'impatience à l'idée d'exploser quelques ennemis peu ragoûtants – bien qu'il ne sache pas encore quelle gueule ils ont.

Soudainement, quelques explosions ébranlent un bâtiment qui ne tarde pas à s'écrouler complètement. En regardant de plus près, dans la rue adjacente, Duke voit des groupes de personnes canarder un ennemi que lui-même ne distingue pas. Au même moment, un hélicoptère en plein crash passe juste sous lui. Constatant que le secteur est dangereux, il décide d'accélérer : plein gaz sur sa destination ! Il espère y être au plus vite, mais un nouvel imprévu s'affiche sur son écran :

« Verrouillage de la navette par un missile – impact imminent ! ».

Duke fait piquer du nez à sa machine et se risque à une esquive désespérée.

- Super… grogne-t-il

...Mais la tentative est un cuisant échec. L'arrière de sa navette explose et ce qui reste des réacteurs se mettent en branle puis le propulsent plein sud. Il reprend les manettes en main pour tenter de se diriger au mieux mais manque de peu un gratte-ciel. Le vaisseau devient incontrôlable.

- A combien d'espèce il va falloir que je botte le cul ?

Il s'assure alors que son arme est solidement fixée à son holster.

- Eh ben une de plus on dirait…

Une grande inspiration lui redonne du courage, puis il écrase du poing le bouton d'éjection. Le cockpit s'ouvre instantanément et Duke se fait projeter en l'air, légèrement sur la gauche. Il recherche activement la poignée du parachute mais... Le siège ne semble pas en être pourvu.

- Putain d'vaisseau de meeeeerde !

Pendant sa propulsion, il parvient à se débarrasser de ses sangles. Puis arrivant en fin de course de l'éjection, il commence à redescendre. Mais ce n'est pas long : deux secondes après, il amortit miraculeusement sa chute sur le toit d'un building. Un genou à terre et abasourdi, il saigne d'une petite coupure au front. Lentement, il se relève et réajuste ses lunettes de soleil. D'un geste souple mais assuré, Duke sort son arme et la charge tout en observant sa navette finir son crash.

- Ces enfoirés d'aliens vont payer cher pour avoir bousillé ma caisse !


[I] Pourquoi je suis surpuissant

[II] Désert anglais sous forme de flan, à base de gélatine.

[III] Earth Defense Force