La fanfic que voici se déroule entre Avengers : l'Ère d'Ultron et Captain America : Civil War. Par conséquent, elle spoile le premier (et les films antérieurs, notamment les deux Captain America et Iron Man 3), mais pas le second, bien qu'elle en soit largement inspirée sur de nombreux éléments.
Chapitre premier : gaspacho tomate-pastèque
Le magnétophone s'arrêta. Natasha Romanoff rembobina la bande et la relança, pour être certaine que son wu un peu rouillé ne l'avait rien fait manquer du message. Lorsque le clic de fin se fit entendre une deuxième fois, elle ne retira pas immédiatement ses écouteurs, s'accordant un instant d'immobilité pour pester intérieurement contre le mauvais timing.
Dans d'autres circonstances, elle n'aurait pas hésité à prendre le premier vol commercial pour la Thaïlande d'où elle pourrait facilement pénétrer en Chine, et y passer autant de temps que nécessaire pour régler le problème, mais elle était membre, qui plus est meneuse en second, d'une équipe de super-héros amateurs et incroyablement puissants, ce qui la gratifiait de responsabilités. Et, certainement, Steve deviendrait fou d'inquiétude si elle disparaissait soudainement pendant plusieurs mois.
La décision, bien que totalement incongrue, lui vint naturellement : elle allait discuter de ça avec lui et ils établiraient une marche à suivre ensemble. Natasha n'aimait pas mêler les affaires de son passé avec son présent, et aimait encore moins impliquer des gens dans ses problèmes personnels, mais en l'absence de choix, Steve était la meilleure personne à qui demander conseil.
Elle retira ses écouteurs, rangea le magnétophone dans son carton au-dessus du placard contenant les fournitures de bureau, non sans avoir récupéré la cassette qu'elle remit dans l'enveloppe abondamment timbrée, récupérée le matin même dans une boîte postale à Washington. Elle la glissa derrière L'ère des miracles, une étude sur la prolifération des super-héros et De Captain America à Iron Man, qui étaient en tête de sa liste de lecture, puis partit à la recherche de Steve.
Natasha le trouva dans une des (nombreuses) salles de sport du complexe, en pleine partie de basketball en un contre un face à nulle autre que Wanda Maximoff. Sous l'œil attentif de la Vision.
La jeune femme suait et haletait. Déterminée à prouver qu'elle avait réussi à renforcer sa condition physique, elle continuait inexorablement à poursuivre son adversaire sur toute la longueur du terrain autant de fois que nécessaire. Steve, et dans une moindre mesure Sam, avaient pris sur eux de l'aider à améliorer son endurance pour ne pas que la Vision eût à la sortir de toutes les situations d'où elle pourrait courir ; ils avaient investi beaucoup de temps et d'effort, et Wanda serait damnée si elle n'en faisait pas autant.
Quand elle marqua de justesse son dix-septième panier (Steve était à trente-trois), avec à peine une légère utilisation de télékinésie pour corriger la trajectoire de la balle, il annonça que c'était suffisant pour aujourd'hui et la félicita avec un sourire fier qui valait largement les crampes qu'elle ne manquerait pas d'avoir.
« Ce n'est pas de la triche ? »
Wanda sursauta et se cabriola comme un diable sortant de sa boîte pour faire face à Natasha. Elle n'avait aucune idée de quand l'espionne était arrivée et se sentit doublement honteuse pour avoir manqué son entrée que Steve et la Vision semblaient, eux, s'en être aperçu.
Natasha se fit une note mentale sur la nécessité de faire travailler sa concentration et sa perception de l'environnement à leur plus jeune recrue.
« Capitaine Rogers et Wanda ne jouent pas selon les règles officielles du basketball, expliqua la Vision de son habituel ton éthéré. L'usage de légères touches de psychokinésie est autorisé tant qu'elles ne s'appliquent qu'à des trajectoires de lancer.
- Et recommandé, renchérit Steve. Pour entraîner sa mesure et sa précision. »
Wanda voulut ajouter « ainsi que la coordination entre mes pouvoirs et mes efforts physiques », mais elle se rendit vite compte qu'elle n'avait pas assez de souffle pour cela. Steve lui tendit une bouteille d'eau et la Vision catalogua l'action et la réaction reconnaissante de Wanda pour usage ultérieur.
« Une analyse Vision ? demanda leur meneur pendant que la jeune femme buvait goulûment.
- La pertinence des actions psychokinésiques entreprises a augmenté de manière stable durant toute la durée du match. Je note néanmoins un faible taux de réussite lors d'une défense plus active du capitaine Rogers, dénotant un problème de concentration. Je décèle également des lacunes stratégiques, notamment quant à l'occupation de l'espace, dans le jeu de Wanda, développa l'androïde.
- Bien. Tu peux lui donner des conseils stratégiques pour notre revanche de demain ? »
La Vision acquiesça diligemment, et Steve entreprit de rappeler à Wanda quelques astuces pour calmer le feu dans ses muscles.
Natasha attendit patiemment que les deux jeunes super-héros s'éloignassent en pleine discussion tactique, sous le regard presque affectueux du chef d'équipe avant d'aborder les sujets d'adultes. Elle s'assit sur le banc en bordure du terrain pendant qu'il rangeait la balle et faisait remonter les paniers.
« C'est quoi la politique des Avengers au sujet des congés payés ? lança l'espionne en guise d'introduction.
- Ça n'existe pas. Les méchants ne prennent pas de vacances, c'est connu. Alors nous non plus. »
Il lui adressa un sourire espiègle (qu'il tenait d'elle) et elle répondit d'un regard faussement blasé. Reprenant son sérieux, il s'approcha d'elle et demanda doucement :
« Qu'est-ce qu'il y a Nat ? »
Elle pensa vaguement que c'était le moment où elle envisageait l'option de lui mentir. De lui dire qu'elle avait besoin de prendre du recul, de réfléchir sur sa situation et qu'elle ne pouvait pas le faire à New-York, à proximité d'eux tous. Ou bien qu'elle avait envie d'avoir des projets au-delà de sauver le monde, qu'elle avait rêvé de visiter le Tibet quand elle était plus jeune, et qu'elle voudrait s'accorder cela maintenant qu'elle en avait l'occasion.
Elle n'envisagea pas l'option.
« J'ai reçu de mauvaises nouvelles d'un contact à Shanghai. »
Malheureusement, elle n'eut pas le temps d'en dire plus que son téléphone émit le bruit indiquant la réception d'un message prioritaire, en parfaite synchronisation avec celui de Steve, posé à une extrémité du banc. Il l'interrogea du regard et elle haussa une épaule :
« Ça peut attendre. »
Faisant confiance à Natasha pour ne pas dédaigner une menace imminente, il attrapa son appareil qui se déverrouilla au contact de ses empreintes digitales. Le message était de Maria Hill et leur enjoignait de la rejoindre dans une des (nombreuses) salles de conférence où une mission les attendait.
« Ça peut attendre, répéta Natasha. Maria non. »
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Leur cible était, officiellement, une association à but non lucratif, internationale mais basée au Danemark, nommée Grå Trane se présentant comme une plate-forme de rencontre et d'échange pour jeunes scientifiques innovants mais manquant de moyens. De riches mécènes allongeaient les fonds mais, comme l'expliqua l'agent des services de renseignements danois via visioconférence, l'argent s'avérait trop difficile à tracer pour de généreux donateurs à la conscience tranquille. De plus, un de leur bâtiment dans la zone industrielle d'Aalborg, déclaré comme un laboratoire de recherche, avait été jugé suspicieux et l'enquête avait révélé d'inquiétantes pratiques, d'inquiétantes expériences, et surtout d'inquiétants résultats.
Maria avait mené ses propres investigations et découvert que l'association s'était formée peu après la mort d'Aldrich Killian et la chute d'AIM. Néanmoins, impossible d'assurer avec certitude que les deux étaient liés, ou ne l'étaient pas, ou que Grå Trane était en possession de la formule de l'extremis. A la connaissance de Steve, les seuls scientifiques d'AIM à être capables de créer le sérum expérimental avaient été Maya Hansen et Aldrich Killian, morts tous les deux, mais Maria se hâta de lui apprendre que le SHIELD avait peut-être voulu faire croire cela à tous ceux qui n'étaient pas directement impliqués dans la traque des autres scientifiques en question.
Steve soupira et passa au point suivant.
Les renseignements danois plaçaient le vice-président de Grå Trane, le docteur Frederik Rasmussen, à un forum sur les avancées de la médecine à Aarhus pour les deux jours suivants. Dussent les Avengers refuser leur aide, ils planifiaient de l'arrêter sous un prétexte fictif pour pouvoir l'interroger tout en faisant une descente en force dans les laboratoires d'Aalborg.
Steve fut prompt à assurer leur assistance et à promettre une prise de contact dès qu'ils auraient pris connaissance de toutes les informations et formaté un plan d'action. L'agent de renseignements danois pris congé en les remerciant.
Après cela, la table interactive signée Stark Industries fut mise à bon escient pour afficher et trier les données à disposition ; pendant que Steve dessinait les éventuels mouvements des membres de son équipe avec deux doigts, Natasha superposait plusieurs scenarii et Maria ajoutait via la commande vocale les informations qu'elle extrapolait. Moins de deux heures plus tard, ils avaient une stratégie solide, couplée à une dizaine de plans de secours pour une large gamme de cas de figure et, finalement, Maria s'excusa pour aller s'occuper des préparatifs techniques.
L'ambiance devint rapidement moins professionnelle quand Natasha retira ses chaussures et posa ses pieds sur la table, qui ne sut pas quoi faire de cette information et ajouta et retira compulsivement des données d'un peu tous les schémas avant de revenir à la dernière sauvegarde et afficher un message d'erreur.
« Hum, commenta l'espionne. Pas au point son prototype à Stark.
- Sûr. Pour un génie, il aurait pu penser à toutes les réunions stratégiques qui se finissent avec les pieds sur la table, » railla gentiment Steve sans lever les yeux de son téléphone.
Peu après, Natasha reçut la convocation au briefing du lendemain matin qu'il avait rédigé, avec un grand nombre des données les moins sensibles en pièce jointe.
« Je vais encore demander à Sharon si la CIA n'a pas d'autres informations sur Grå Trane ou le docteur Rasmussen, annonça le soldat. Et voir si Stark ne peut pas nous faire une rapide vulgarisation de l'extremis. Ou même s'il a un moyen miracle pour le contrer. »
La Vision pouvait certainement se charger de la vulgarisation de l'extremis, comme il savait probablement si Stark avait inventé une contre-mesure, mais Steve avait l'impression que le milliardaire prétendument retiré aimait ces implications indirectes dans le travail des Avengers, même s'il soutenait mordicus le contraire si interrogé sur la question.
« Moi je vais commander des pizzas, décida Natasha avec un coup d'œil à l'heure. On a encore réussi à oublier un repas. »
C'était une grande spécialité de la maison.
Les deux amis se donnèrent rendez-vous une demi-heure plus tard dans la cuisine. Juste avant de passer la porte, Steve s'immobilisa et se retourna vers Natasha :
« C'est quoi les mauvaises nouvelles que tu as reçues de Shanghai ?
- Rien d'urgent, répondit-elle automatiquement. 'vaut mieux se concentrer sur Grå Trane pour le moment. Je te raconterai une fois qu'on aura tous ces scientifiques maléfiques en détention.
- D'accord, » dit-il gravement.
Comme il reprenait son mouvement, Natasha l'arrêta :
« Steve ?
- Mhm ?
- C'est quand la dernière fois que tu as pris un congé ?
- Il y a deux semaines, quand Sam et moi avons suivi une fausse piste en Lettonie.
- Un congé lors duquel tu n'as pas cherché Bucky, explicita Natasha avec une once d'exaspération.
- Le mois dernier. Je suis allé avec toi chez Clint, rappela Steve avec un mouvement de menton dans sa direction. Et une autre fois on a fait une sortie à New-York avec Sam, Wanda et la Vision pour faire découvrir la ville à Wanda. Pourquoi ?
- Je t'emmènerai faire une journée spa un de ces quatre, éluda l'espionne.
- Spa ?
- Yep. Spa. Maintenant va appeler tes amants et laisse-moi commander des pizzas. »
Elle agita la main pour souligner ses paroles. Steve leva les yeux au ciel mais ne releva pas, pas plus qu'il n'insista sur l'incongruité d'une journée spa. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'une petite part de lui se réjouissait secrètement à la perspective, mais le temps passé avec Natasha n'était jamais perdu.
