Cela faisait longtemps que Lucy n'écoutait plus le cours. Ceci dit, il fallait se l'avouer, celui-ci était très ennuyeux pour une petite fille de dix ans. Elle savait déjà tout ce qui était possible de savoir sur les additions, les soustractions et elle arrivait de mieux en mieux à faire les multiplications et les divisions. Que pouvait-il y avoir d'autres à apprendre en mathématiques ? Elle avait terminé les exercices de sa feuille et commençait à gribouiller sur son cahier. Bien vite un petit lièvre émergea du crayon, puis une tortue et une fleur. C'était beaucoup plus intéressant que tout ce que pouvait raconter la maîtresse d'école au tableau. Lucy laissa son esprit vagabonder avec le lièvre gambadant près de la fleur, alors que derrière lui se trouvait la tortue, celle-ci se déplaçant lentement. Mais la fillette la voyait petit à petit dépasser le lièvre qui s'était arrêté auprès de la fleur. Comme dans la fable qu'elle avait lue quelques jours plus tôt, Le lièvre et la tortue. Ses pensées vagabondaient encore quand un petit cri la ramena à la salle de classe. Tyna, la fille qui partageait la table de bureau avec elle, la fixait avec des yeux ronds. Elle avait sauté de sa chaise pour s'éloigner d'où elle était assise.
Lucy se demanda pourquoi elle avait eu une telle réaction. Elle détourna son intention de Tyna à son pupitre et Lucy aussi finit par ouvrir grand ses prunelles. Ses dessins avaient pris vie. Le gibier gambadait près du bord, la fleur avait l'air d'être dorlotée par un vent inexistant et la tortue marchait vers le bord opposé à celui des grandes oreilles. La petite fille s'émerveilla devant les lignes d'encre qui avait pris du volume pour donner des ébauches en trois dimensions. Mais bien vite, elle sentit une poigne forte l'éloigner de son pupitre.
- Lucy, qu'est-ce-que c'est que tout cela ? demanda la maîtresse dont le regard était emplis de terreur.
- Ce sont mes dessins, madame, c'est beau non ?
La fillette ne comprit pas tout de suite le sentiment qu'exprimait l'adulte. Elle se demanda un instant si elle avait vu un monstre, comme dans ses cauchemars. Mais la maîtresse avait les yeux rivés sur l'encre qui gambadait un peu partout sur son bureau. Lucy se questionna si elle les trouvait moches, ils lui paraissaient pourtant mignons. Elle comprit soudain que ce n'était pas normal que des coups de crayons prennent vie et s'amusent à s'échapper d'une feuille. Ses mirettes s'arrondirent comme des billes en regardant à nouveaux les animaux et la fleur. Lucy eut l'impression que si cette chose s'était produite c'était par son fait, que c'était à cause d'elle. Et puis tout d'un coup, ils disparurent. Il n'y en avait plus aucune trace. Ni sur le bureau, ni sur la page du cahier. Lucy retourna ses affaires pour vérifier, mais l'encre avait disparue et la feuille était redevenue blanche comme de la neige.
- Madame…
Lucy n'obteint aucune réponse, sa maîtresse restait figée devant le bureau de la petite fille. La main de la vieille femme se resserrait de plus en plus sur l'épaule de l'enfant. Celle-ci laissa échapper un couinement de douleur. Elle ne comprenait pas ce qui se passait mais elle se demandait si elle n'avait pas fait une bêtise. La maîtresse se retourna soudainement, tenant toujours Lucy. Elle se précipita hors de la classe, après avoir demandé aux enfants de rester sages.
Lucy peinait à suivre les pas rapides de sa maitresse, elle se sentait à moitié trainée. Elle n'avait pourtant rien fait. La dernière fois que l'adulte avait réagi comme cela, c'est quand Marc avait collé son chewing-gum dans les cheveux de Johanna. Et encore à ce moment-là, elle était rouge de colère. Mais là, Lucy n'arrivait pas à discerner si elle avait l'air d'avoir peur, d'être terrifié ou d'être en colère. Toutes les couleurs étaient parties de son visage.
- Madame… J'ai fait quelque chose de mal ? demanda la petite fille de sa voix fluette.
Lucy ne reçut aucune réponse. Elle se sentait redevenir une enfant de cinq ans, ne comprenant rien à la situation.
Quand Lucy entra dans le bureau de la directrice, elle sentit sa gorge se serrer. Si ses parents apprenaient qu'elle s'était mal conduite à l'école, ça n'allait pas être très drôle à la maison ce soir. Lucy garda les yeux baissés. Elle ne voulait pas rencontrer le regard sévère de la directrice. Elle lui avait toujours fait peur. Bizarrement, Lucy n'entendit pas la voix aiguë de la dame. Au contraire ce fut une voix grave qui entama la discussion.
- Merci Madame de nous emmener cette enfant. Vous me paraissez bien pâle. Quelque chose ne va pas ?
- Monsieur, cette enfant, elle a…
La maîtresse n'eut pas le temps de finir sa phrase. Lucy, qui avait relevé les yeux, vit un homme à la peau noire qui portait une étrange robe aux teintes chaleureuses. Etrangement, cela n'effrayait pas du tout la petite fille. Elle avait un sentiment de confiance avec cet homme à l'accoutrement si bizarre. Et ce même quand il brandit doucement un bout de bois devant sa maîtresse.
- Obliviate
La maîtresse lacha enfin le bras de Lucy et elle s'écroula à côté d'elle, inconsciente. La petite fille la regarda effarée.
- Vous ne l'avez pas tuée dites ? demanda-t-elle pour se rassurer.
- Non, ne t'inquiète pas Lucy, elle est juste endormie. Elle se réveillera ayant oublié tout ce qui s'est passé tout à l'heure dans la classe.
- Vous êtes au courant ? C'est mal, ce que j'ai fait?
- Non, absolument pas, ce n'est pas mal. Ça veut juste dire que tu es un peu différente d'eux. Je m'appelle Kingsley. Viens, nous allons aller chez tes parents.
- Mais, et l'école ?
Lucy n'eut pas sa réponse, l'homme venait de poser doucement sa main sur son épaule et elle sentit son ventre se tordre dans tous les sens. Elle avait l'impression d'être dans des montagnes russes pour les adultes. Elle avait son déjeuner qui allait remonter si ça continuait.
Les secousses s'arrêtèrent subitement. Lucy chancela, mais elle fut rattrapée par l'homme. Devant elle se trouvait ses parents et un très vieil homme en robe grise. Elle ne put retenir un sourire en pensant qu'il ressemblait à un père-noël avec son regard bienveillant, ses lunettes en demi-lune et sa chevelure et sa barbe argentées. Ses parents les regardaient, elle et l'homme qui l'avait ramenée avec des yeux ronds comme des billes . Elle trouvait ça drôle mais également un peu intimidant. Jamais ses parents ne l'avaient regardée avec des yeux pareils. Sa mère fut la première à réagir, elle se précipita vers sa fille et la prit dans ses bras.
- Oh ma chérie, je savais que tu étais spéciale !
Lucy était surprise des paroles de sa mère, elle ne comprenait pas vraiment pourquoi elle disait ça.
- Maman, pourquoi tu dis ça ? demanda la jeune enfant.
Sa mère ne lui répondit pas. Lucy chercha des yeux son père pour qu'il réponde à sa question mais celui-ci la regardait d'une façon étrange. Lucy pouvait lire de la fierté dans son regard mais également de la peur, elle comprenait pas pourquoi.
- Lucy, si tes parents sont dans cet état, c'est parce qu'ils viennent d'apprendre que tu n'est pas une petite fille comme les autres, commença le vieil homme, tu es spéciale, tu es magique petite Lucy. Tu es une sorcière !
- Mais les sorcières c'est méchant non ? Je ne suis pas méchante ! Je ne veux pas ! Je suis une gentille fille.
- Non, lui expliqua le vieil homme amusé visiblement par sa remarque. Les sorciers et les sorcières ne sont pas méchants à la base, ils sont comme les hommes et les femmes sans magie. Certes il y a parfois des gens qui ne sont pas très gentils, mais ce n'est pas parce qu'ils ont des pouvoirs que c'est le cas. C'est à toi de choisir qui tu veux être, et si tu veux être une gentille fille, je ne doute pas que tu y arriveras.
- Ma chérie, tu es une gentille fille, n'en doute jamais, la rassura sa maman.
- Mais c'était de ma faute ce qui est arrivé tout à l'heure ? C'est moi qui ai rendu vivant mes dessins ?
- Oui, ton pouvoir ce manifeste, et pour le contrôler, il te faut aller à l'école de sorcellerie, il te faut aller à Poudlard.
- C'est un drôle de nom.
- Oui, je peux te l'accorder, sourit le vieil homme, mais cette école est la meilleure d'Angleterre, peut-être parce que c'est la seule d'ailleurs. Cette école deviendra ton second foyer pour les sept années à venir, tu pourras revenir chez toi pour les vacances.
Les yeux de la petite fille commencèrent à se remplir de larmes, elle s'enfuit des bras de sa mère et s'approcha de son père.
- Papa, me laisse pas partir, je ne ferais plus de magie, j'arrêterais, mais je ne veux pas partir !
Son père pour la première fois depuis leur arrivée réagit. Il s'accroupit près de sa fille. Il fronçait les sourcils. Lucy crut qu'il allait la gronder, qu'il ne voulait plus la voir et qu'il voulait qu'elle parte loin d'eux.
- Ma puce, on ne t'abandonne pas, on sera toujours là pour toi. Il faut que tu y ailles, si tu es magique, si tu as le don de la magie il faut que tu l'exploites, c'est un devoir. A chaque vacances nous serons là pour t'accueillir à bras ouverts, tu nous raconteras tes cours, tu nous parleras de tes nouveaux amis. On est fier de toi et on le sera toujours ma petite puce. Et puis, tu pourras toujours nous envoyer des lettres. Il y a bien des facteurs chez les sorciers, non ?
- Hum… Et bien, ce n'est pas ce que j'appellerais des facteurs, commença Kingsley, ce sont plutôt des hiboux…
Lucy qui venait de sécher ses larmes pouffa de rire en voyant la tête que venait de faire ses parents. Et ses parents la regardèrent un instant avant de se joindre à leur fille.
- Lucy, peux-tu me laisser avec tes parents un instant s'il te plait ? Je dois leurs parler de formalités et c'est très ennuyeux pour les enfants, nous t'appellerons plus tard.
Lucy sortit du salon où se trouvaient ses parents et les drôles de messieurs. Elle se dirigea dans la cuisine. Elle avait un peu faim, et comme ses parents étaient occupés, elle en profitait pour prendre un peu de chocolat. Elle ouvrit les placards à la recherche de sa gourmandise mais elle se rendit vite à l'évidence que ses parents l'avaient encore une fois cachée. Lucy regarda derrière elle, les adultes allaient surement encore un petit moment. Elle pensa tout d'abord à trainer une chaise près du placard et exploré les étages les plus hauts. Mais elle repensa à l'épisode à l'école avec ses dessins. La magie. Peut-être qu'elle pouvait essayer un petit tour. Lucy se concentra et pensa à son précieux chocolat. Au bout de dix minutes, elle s'aperçut qu'elle n'y arriverait pas. Elle se demandait comment elle avait fait pour les dessins, elle ne pensait à rien de spécial. Impatiente, elle finit par monter sur la chaise pour pouvoir attraper une tablette. Quand elle regarda dans les étages du haut, elle fut surprise de voir une montagne de sucreries. Pourtant ses parents en achetaient si peu. Il y avait de toutes les marques, certains sachets avaient même des noms écrits dessus. Elle se finit par comprendre que c'était les noms des enfants du quartier.
- Oups…
- En effet, là je pense que tu peux considérer ça comme une bêtise, mais seulement si tes parents sont au courant.
Lucy sursauta à l'écoute de la voix. Dans la précipitation, elle glissa de la chaise mais le vieil homme aux lunettes en demi-lune l'empêcha de tomber. Il avait sorti un bout de bois de sa manche. Lucy le fixait, suspendue en l'air. Elle souriait malgré sa bêtise. Elle se sentit doucement revenir sur le sol. Elle étudia le magicien faire disparaître les chocolats en trop du placard.
- Tu as un grand talent, mais tu ne dois pas l'utiliser contre les autres et ce même si ton estomac crie famine. Tu dois être aussi gourmande que moi !
- C'est quoi ? demanda la petite fille en regardant le bâton.
- Une baguette magique, chaque sorcier en a une. Elle nous permet de mieux contrôler notre magie et de pouvoir lancer des sorts.
- Moi aussi, j'en aurai une ? Comment on fait pour en avoir une ? On doit la fabriquer nous-même ?
- Non, tu l'achèteras chez Ollivanders, le fabriquant de baguettes magiques.
Lucy imagina sa baguette, elle avait hâte, tellement hâte! Mais elle appréhendait également comment ça allait se passer à Poudlard.
- Monsieur, comment c'est Poudlard ? Est-ce-que c'est une école stricte ?
- Non, ne t'inquiète pas, et puis si tu as un problème une fois là-bas, tu n'auras qu'à demander à me voir. Je suis le directeur de Poudlard, Albus Dumbledore.
La petite fille resta bouche-bée, elle parlait avec le directeur de sa futur école. Trop bien! pensa-t-elle.
