Pourtant, nous étions destinés

Prologue

Le soleil se couchait au loin, doucement, mais dans une chute inexorable et imperturbable. Personne n'aurait pu le dévier de sa trajectoire, ni ralentir sa course. Il flamboyait de sa sublime couleur orangée, comme pour nous montrer sa toute puissance, et pour nous rappeler que rien ne pouvait l'atteindre, là, dans son ciel immense qui se parait des lueurs de sa propre volonté. Il était là, bien ancré dans l'horizon, boule de feu si proche et pourtant si lointaine. Quoi qu'il puisse arriver, il se coucherait dans quelques instants, et se lèverait encore au nouveau matin. Personne ne pouvait changer cela…

Il m'arrive de vouloir être un soleil…

J'aimerai pouvoir être intouchable. J'aimerai pouvoir suivre ma trajectoire sans crainte et arriver aux lignes de mon horizon sans que rien ne puisse m'en empêcher. J'aimerai pouvoir illuminer ta vie.

Mais je ne le peux pas. Je n'ai pas pu… De tout mon cœur j'ai espéré, j'ai lutté, mais j'ai reculé. Que pouvais-je faire d'autre ? Je me sens si lâche, je me sens si faible. Le soleil doit bien se rire de mes larmes, car ce ne sont pas des larmes de courage ou des larmes de détermination. Ce ne sont que des larmes de renoncement qui perlent le long de mes joues. Il m'a fallu choisir, dans le déchirement le plus total, dans la tristesse et la souffrance, dans l'incompréhension et la peur. J'ai choisis…

… Je les ai choisis eux.

Voilà que je suffoque maintenant, tellement les sanglots me ravagent. N'est-ce pas des plus pitoyables ? Tu serais tellement déçu de me voir dans un tel état, toi qui te tenais toujours si droit devant l'adversité. Dieu que je fais pâle figure devant tes nobles actions. Mais tu sais, sans toi je n'ai jamais été bien courageuse. Après tout, nous n'avions jamais vécu l'un sans l'autre. Mes seuls sentiments honorables n'étaient dus qu'à ta présence à mes côtés. Sans toi je ne suis rien.

J'aurais aimé m'écorcher les genoux lorsque mes jambes m'avaient lâché dans cette crique. J'aurais aimé pouvoir attraper froid après toutes ces heures à pleurer sur les galets humides. J'aurais aimé avoir mal, pour que la blessure de mon cœur paraisse moins douloureuse et pour que mon sang s'écoule en emportant un peu de ma culpabilité. Mais là encore, je ne peux pas.

Le soleil n'est plus là. L'obscurité m'entoure désormais, et je ne mérite pas d'autre pénitence. Si je pouvais faire un seul vœu, ce serait que tu ne sois plus triste. Que tu ne souffre plus. Ignore ce que t'ordonnent tes instincts, ignore ce qu'obligent tes gènes, ignore la fatalité de cette imprégnation.

Tu me manque tellement… Aussi fort que le ciel manquerait au soleil. Tu me manque. Pourras-tu seulement oublier mes faiblesses ? Je prie chaque jour que tu puisses me pardonner… Je n'ai pas d'autre souhait.

Je t'en supplie, pardonne-moi.