Merci à Aurore D Heart pour avoir suggéré ce couple. Du moins en partie ;)

Disclaimer : À Goda, forcément !


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désirs & désordres

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Perospero & Katakuri

Perospero est le premier fils de sa mère, fils unique d'ailleurs, contrairement à la majorité de ses autres enfants, et il tire une vanité toute particulière d'être celui qui, plus que n'importe quel autre, a justifié ce surnom de 'Mom' dont Charlotte Linlin s'affuble.

Cela lui donne une supériorité à ses propres yeux, supériorité que son Fruit justifie. Car qui mieux que lui, confiseur émérite et de nature, est à même de satisfaire et de faire sourire tant de gens à la fois ?

Tout le monde aime les bonbons, même les adultes qui font semblant de rien. Perospero s'amuse à créer des friandises aux couleurs et aux formes les plus extravagantes, aux goûts les plus exquis. Et il faut dire qu'il y réussit, certaines de ses créations sont des chefs d'œuvre.

Le fait que certaines de ses créations soient, tout court, ne lui répugne pas. Il trouve cela drôle. Prendre quelque chose d'aussi compliqué qu'une plante, un animal ou un être humain et le réduire à la forme simple et délicieuse de bonbon, c'est un émouvant tribut à la force qu'il détient, et qu'il met au service de sa mère.

Ce n'est pas un homme particulièrement méchant. Tout au plus peut-on lui reprocher de faire avec le sourire des tâches qui répugnent à d'autres, mais qu'ils n'en font pas moins.

'Les autres', les membres de cette gigantesque fratrie, il les contemple sans plaisir, avec la supériorité tranquille de celui qui était là avant. Il a tout simplement trop de frères et de sœurs pour les compter, pour les connaître, pour les aimer.

Il y a des exceptions, bien sûr. Il respecte la puissance, et il respecte ceux de ses parents qui savent en faire preuve. Pourtant, à la vérité, en dehors de lui-même et peut-être de sa mère, il n'y a qu'une personne que Perospero a aimée. C'est son puîné, Katakuri.

Cela a commencé quand ils étaient encore enfants, avant que leur mère ne s'installe à Whole Cake Island et ne la convertisse en son paradis personnel. À l'époque, de bateau en île et d'île en bateau, il fallait parfois fuir et parfois se cacher. Linlin n'était pas une impératrice assise au cœur d'un vaste territoire qu'elle pouvait rançonner à plaisir mais une pirate combattante, qui gagnait son or en dévalisant les navires marchands et en attaquant les cités portuaires.

Parfois, c'était aussi elle qui devenait la proie, car il n'y avait pas de place pour les faibles sur Grand Line, et encore moins dans le Nouveau Monde.

C'était un temps de peur, pour les enfants, et pour lui bien sûr, qui était l'aîné, qui se devait d'être responsable et fort pour les autres. Un temps qui n'avait rien d'heureux et d'insouciant, quand il devait faire semblant que tout allait bien, du haut de ses huit ans, et rassurer et consoler et prendre soin des enfants que sa mère continuait d'avoir pour rassasier il ne savait quelle fringale que sa naissance n'avait pas été capable d'assouvir.

Comme il les avait détesté alors, ses frères et ses sœurs, si bruyants, si nombreux, si peu au courant de la vie. Il aurait volontiers tué Compote pour ses pleurs incessants, Oven pour ses rires qui sonnaient trop haut, Daifuku pour sa manie de courir et de tout renverser, et Amande et Brûlée, et Opera, et tous, tous, qui n'étaient rien que les suivants, rien que les autres enfants de Big Mom, rien que la preuve qu'il n'était qu'un raté puisqu'il n'était pas assez à lui tout seul pour remplir le cœur démesuré de sa mère.

Katakuri était différent. Le visage mangé par ses crocs hideux, il était silencieux et discret, tachant de se fondre dans le décor, tachant, contrairement aux autres, bruyants, idiots, inutiles, de ne pas trop l'ennuyer. C'était comme ça que ça avait commencé, dans le silence et la honte de Katakuri.

Perospero l'avait aimé, parce que Katakuri se détestait lui-même, et cet amour était mélangé d'une satisfaction mauvaise d'enfant. Enfin un qui savait où était sa place, enfin un qui avait conscience qu'il n'était pas grand chose.

Il avait pris l'habitude de s'appuyer sur lui, de lui parler plus souvent qu'aux autres, de lui donner en cachette de la nourriture quand parfois on en manquait à bord.

Il était devenu son chouchou, un chouchou qu'il pouvait tourmenter et dont il pouvait se moquer, mais qui était à lui.

Et il s'était mis à détester Oven et Daifuku, qui n'abandonnaient pas pour autant leur frère utérin, qui s'obstinaient à vouloir le coller, alors que Katakuri n'était pas comme eux, Katakuri était meilleur, Katakuri avait conscience de sa place dans le monde.

Perospero avait treize ans le jour où il mangea son Fruit. Le goût était atroce et amer. Mais ce qui se révéla pire fut son incapacité à faire des bonbons délicieux.

Ils avaient tous ce même goût répugnant qu'avait eu le Fruit, un goût que Perospero ne pourrait jamais oublier.

Lui, l'aîné, le premier, échouait de manière si terriblement pathétique. C'était une honte qu'il était incapable d'assumer.

À l'époque, la famille Charlotte avait une base assez grande pour avoir commencé à conquérir un territoire, et pour la première fois, Perospero avait pu avoir sa propre chambre, sans tout ce remugle d'enfants et de bébés qui continuaient de sortir du corps aussi fécond qu'inépuisable de sa mère.

Il avait pu, dans l'intimité de ce qui ressemblait plus à un cagibi, pleurer de rage devant sa propre faiblesse, sa propre incompétence.

Ce n'était pas ainsi que c'était censé se passer. Il aurait dû maîtriser son Fruit dès le début, et alors il serait parti avec sa mère, pour combattre à ses côtés cette fois et non plus pour fuir, et alors elle l'aurait regardé, elle l'aurait reconnu, elle aurait été fière de l'appeler son fils.

Mais il n'y avait rien que ce pouvoir inutile, qui donnait des bonbons aussi écœurant et saumâtre que ses larmes.

Personne n'avait le droit d'entrer dans sa chambre, bien sûr. Mais après tout une journée où il n'était pas sorti, Katakuri avait fini par se glisser, toujours inquiet, toujours gentil, se haïssant encore lui-même pour ce visage qui faisait si peur aux autres.

Il tenait dans sa main une assiette.

« Il faut manger, grand frère. »

Comme si cela allait changer les choses !

« Est-ce que tu veux bien m'en faire goûter un ? demanda son cadet, parlant de ces odieux bonbons qui tous, avaient été amers et détestables.

— Pourquoi, pour te moquer de moi ? »

L'idée que de tous, ce soit Katakuri qui ose se moquer était insupportable.

« Parce que je suis sûr qu'ils sont délicieux. Parfois, on ne réussit pas au premier coup, mais la deuxième fois... »

En réponse, Perospero lui jeta une pluie de bonbons, de ces bonbons qu'il n'avait cessés de faire encore et encore amers malgré toutes ces tentatives.

« Ils ont le goût de cet horrible Fruit ! s'exclama-t-il. Alors vas-y, mange-les donc, savoure-les ! »

Katakuri en prit un et le porta à sa bouche. Immédiatement, il pâlit, mais plutôt que de le recracher, il fit l'effort de l'avaler.

« Ça s'améliore, tenta-t-il. Ils sont meilleurs que la dernière fois.

— Tu mens ! s'exclama l'aîné, qui s'empressa d'en goûter un et lui trouva ce même goût ignoble. Il le recracha dans sa main et le jeta au visage de Katakuri.

« Tu n'as qu'à le manger aussi, si tu le trouves bon. »

Katakuri baissa les yeux, et ne répondit rien.

« C'est peut-être parce que tu n'as rien mangé depuis. Tu as oublié le goût de ce qui est délicieux. »

Et il disait ça en tendant une assiette où du poisson dans une sauce aux framboises surnageait sur du riz aux épinards.

« Goûte, c'est un peu sucré.

— Je n'en veux pas de ton horreur ! »

Perospero mentait, il avait faim, mais il ne voulait pas être le réceptacle de la pitié de quiconque, et encore moins, parmi tous ses frères et sœurs, de la pitié de Katakuri, celui qu'il avait toujours protégé et favorisé avec la tranquille assurance qu'il était meilleur que lui.

Le garçon s'assit à côté de lui, l'assiette toujours dans la main.

« Ce n'est pas une horreur. Et il ne faut pas gaspiller la nourriture. »

Il trempa son doigt dans la sauce aux framboises et saisit délicatement un petit morceau de poisson qu'il porta aux lèvres de son frère.

« Mange, fit-il d'un ton décidé. Tu vas tomber malade si tu ne manges pas. »

Perospero ouvrit les lèvres et saisit du bout des dents ce poisson offert. Il l'avait à peine en bouche que déjà, Katakuri lui présentait un autre morceau, tandis que son estomac se manifestait bruyamment.

« Tu vois, tu avais faim, » fit simplement son frère en continuant à le nourrir et Perospero continuait de dévorer avidement, effleurant parfois de la langue les doigts de Katakuri.

« C'est bon, finit-il par reconnaître.

— Et si tu essayais d'en refaire d'autres maintenant ? l'encouragea Katakuri. En pensant à cette nourriture délicieuse, je suis certain que ça marcherait. »

Perospero se concentra et un bonbon naquit dans sa main. Son frère s'en saisit immédiatement et le porta à ses lèvres.

« C'est délicieux, assura-t-il. Un peu salé et un peu sucré, comme le poisson aux framboises ! Il faudra que tu manges beaucoup de sucreries à l'avenir, pour que ça devienne encore plus sucré. »

Et faisant comme tous les gamins du monde, il s'enleva le bonbon de la bouche pour le coller dans celle de son frère.

Et c'était vrai, ce bonbon là, un peu gluant, était meilleur que tout ce qu'il avait fait, avec un arrière-goût salé qui n'était pas désagréable.

« Ce n'est pas à cause du poisson, dit-il. C'est à cause de toi. »

Katakuri ouvrit des grands yeux.

À onze ans, il avait toujours peur de déranger, d'être anormal, de faire peur.

L'idée qu'il puisse être utile à ce grand frère qu'il admirait tant ne lui venait même pas à l'esprit.

Perospero se pencha et saisit la main de son petit frère, dont il lécha cette fois-ci la paume. Il y avait un peu de reste de sauce et la saveur salée de la sueur.

C'était un curieux mélange. Katakuri, paralysé, ne savait pas quoi faire, n'osait rien faire, d'ailleurs.

Perospero redressa la tête, et maladroitement, posa les lèvres sur celles de son petit frère. Ce n'était pas un geste délibéré, mais plutôt un hasard. Dans sa bouche, le bonbon avait cette saveur étrange.

Des lèvres, il passa au nez, aux yeux, baisant et suçant cette chair en tâchant d'y découvrir le goût d'un bonbon, qui se mêlait à celui qu'il avait en bouche.

Finalement il arrêta et tenta de fabriquer un nouveau bonbon.

« Goûte, ordonna-t-il, et Katakuri obéit.

— Il est très bon et très sucré, déclara-t-il après un instant. Puis il eut un rire qui découvrit ses terribles dents. Je savais bien que tu étais le meilleur et que tu pouvais le faire, grand frère ! »

Le temps a passé depuis, et Perospero a appris à faire les bonbons les plus exquis sans avoir recours à rien ni personne. Mais pourtant, quand il découvre une saveur plus fine, plus délicieuse, c'est toujours vers Katakuri qu'il se tourne en premier. Comme un hommage à un baiser volé il y a de cela tant d'années.

Et Katakuri, un homme adulte qui n'aime généralement pas les sucreries, du moins pas en public, se saisit toujours du bonbon qu'il dévore : « Je savais bien que tu étais le meilleur, grand frère. »

Lui non plus n'a pas oublié.

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Oui, je sais, c'est bizarre, mais voilà, j'ai envie d'écrire sur des couples tordus, délirants et peu courants. Si vous des idées, n'hésitez pas à m'en faire part !