Être le fils du fameux Harry Potter conférait un nombre non-négligeable d'avantages. D'abord, la célébrité du garçon-qui-a-survécu puis la gloire de celui qui était devenu le sauveur du monde des sorciers rejaillissaient comme une aura de prestige sur sa descendance.

Albus Severus Potter se demandait souvent s'il n'aurait pas préféré naître dans une autre famille, un foyer plus calme où, certes, il aurait eu à se présenter aux inconnus mais où ces derniers n'auraient pas supposé qu'ils connaissaient tout de lui dès que son nom était prononcé.

Dans les années qui avaient suivi la chute de Voldemort, la vie privée et la discrétion étaient redevenues de mise dans les mœurs sorcières et personne ne s'aventurait à questionner son voisin sur ses activités passées. Non pas que le monde magique comptait absoudre les crimes des Mangemorts et affiliés mais tout le monde était potentiellement coupable. La situation complexe du règne du Seigneur des Ténèbres n'arrangeait rien, entre ceux qui l'avaient suivi de leur plein gré, ceux qui y avaient été contraints et les gens qui avaient simplement voulu sauver leur peau. Sauf quelques cas exceptionnels la tendance générale était donc à l'apaisement.

Sous un tel climat peu nombreux étaient ceux qui osaient encore regarder vers le passé. Albus était l'un de ceux-là. Son ami Scorpius n'aimait pas beaucoup quand ce dernier le traînait à la bibliothèque pour éplucher ensemble tout ce qu'ils pouvaient trouver sur le sujet. Mais il savait qu'en son for intérieur le fils Malefoy nourrissait une curiosité peut-être encore supérieure à la sienne.

En effet Albus savait plus ou moins les moindres faits et gestes de son père de sa naissance jusqu'à la fin de la guerre, bien que les divers biographies restaient floues sur la période qui menait jusqu'à ses 11 ans. La vie d'Harry Potter était le sujet d'un nombre incalculable d'ouvrages. Pour Scorpius les choses étaient très différentes. Son grand-père avait été Mangemort, son père portait la Marque des Ténèbres et rien concernant la magie noire n'était jamais mentionné chez lui.

Quand le nom de Malefoy apparaissait dans les livres d'histoire récent, il figurait souvent du mauvais côté de la barrière. Durant leur première année à Poudlard les faits de ses aïeux avaient précédé Scorpius et même si les professeurs ne lui tenait rigueur de rien, les élèves n'agissaient pas avec le même discernement. L'amitié Potter-Malefoy avait multiplié les murmures dans leur sillage. Ils aimaient à se dire confronté au même phénomène, simplement chacun de son côté de la pièce. Et ils se comprenaient.

Albus n'éprouvait pas plus de fierté à s'appeler Potter que Scorpius à faire retourner les têtes par ses cheveux d'un blond si caractéristique. Il en allait très différemment pour son frère et sa sœur. Ils admiraient énormément leur père et tâchaient de se montrer digne des honneurs qui leur étaient si souvent exprimés. Albus avait abandonné cette option le jour même de sa rentrée dans l'école mythique. Personne ne saurait jamais ce qui s'était dit entre le Choixpeau et lui toujours est-il qu'il avait fini à Serpentard.

Il s'était d'abord senti coupable, il ne s'en était même pas rendu compte. Il éprouvait un malaise constant à porter le vert et argent. C'est Scorpius qui avait éclairé sa lanterne. Comme souvent.

- Albus je voudrais te parler de quelque chose …

- Oui, je t'écoute.

- Est-ce que tu as honte d'être mon ami ?

- Quoi ! Pourquoi tu dis ça ? Bien sûr que non !

- Et pourtant tu n'es pas à l'aise avec nous.

- « Vous » ?

- Les Serpentards. On dirait que tu n'as pas dépassé ce que pense des autres …

- Ce n'est pas ce que tu crois …

À ce moment Albus avait suspendu ses mots. Il réalisait. C'était exactement ce que Scorpius croyait.

À partir de là Albus avait fait bien plus attention à lui-même. Il fit des efforts pour ne plus voir les choses comme on lui avait appris à les voir mais comme elles étaient. Cela avait contribué à forger une amitié forte entre les deux garçons. Albus aimait les cachots comme un foyer et avait appris à connaître toutes les autres qualités de la maison Serpentard.

Il ne cherchait plus à suivre le chemin qu'avait tracé ses parents et ses aînés. Maintenant il suivrait sa propre voie aux côtés de Scorpius. Et il allait les dépasser tous, sa sœur, son frère, et même sa mère et son père. Il deviendrait le meilleur sorcier que le monde ait connu.


- Albus tu peux aller dire à ta sœur de préparer ses affaires !

- Oui maman.

Le cadet de la fratrie Potter déposa sa plume parallèlement au parchemin qu'il était en train de noircir à l'adresse de Scorpius. Il se leva sans empressement et sortit dans le jardin. James, Lily et Harry volaient haut dans le ciel. Ils filaient, prenaient des virages en épingle et effectuaient des piquées qui auraient impressionné n'importe qui, sauf Albus.

Cela n'avait rien à voir avec le fait qu'il était lui-même pitoyable sur un balai. Simplement que le Quidditch avait presque autant d'intérêt pour lui que le programme du soir qu'une réunion entre sorcières nonagénaires traitant de tricot. Il en comprenait pourtant toutes les règles et attendit le moment propice dans le jeu pour héler Lily. Cette dernière répondit vaguement mais Albus avait accompli sa mission alors il se retira.

Leur rentrée à Poudlard approchait et bien entendu il était le seul à être parfaitement prêt. Son père leur avait visiblement transmis son sens approximatif de l'organisation, depuis le temps qu'il travaillait au Ministère, sa mère était toujours obligée de lui tendre son repas avant qu'il parte pour qu'il ne l'oublie pas.

Albus allait rentrer quand il entendit son père pousser un rugissement excédé. Il lui lança sans se retourner :

- Il faudra bientôt que tu admettes que tu ne peux plus les affronter tous les deux en même temps, papa.

James et Lily éclatèrent de rire alors que Harry ronchonnait. Albus soupira. C'était lui le sauveur du monde des sorciers. Il s'était souvent demandé comment son père avait pu accomplir un tel exploit. Certes il était aujourd'hui un auror émérite mais son père se prouvait souvent être maladroit. Tous les grands sorciers de l'histoire étaient-ils ainsi ? Avec des revers insoupçonnés ? Était-il arrivé à Merlin, ou au fameux Albus Dumbledore dont il tenait son nom, de se brûler la langue en voulant trop tôt goûter à du caramel encore chaud ?

Albus en doutait. Il avait l'impression d'être le seul de tout le monde sorcier à ne jamais avoir rencontré le pourtant célèbre Harry Potter. Il ne connaissait que son père. Un jour il avait fait part de ses questionnements à son frère et sa sœur. James lui avait ri au nez et Lily, bien qu'elle ait compris son raisonnement, lui avait dit qu'il se prenait trop la tête.

De sa fratrie Albus était le mouton noir, non pas qu'il était ostracisé par les autres mais il se tenait volontairement à l'écart. Il avait un caractère bien différent des deux autres, et de ses parents même. James avait, disait-on souvent, hérité du caractère de ses oncles Fred et George. Bien que les enfants n'en aient jamais connu qu'un seul des deux, leurs parents faisaient souvent référence aux deux jumeaux pour exprimer une personnalité farceuse à l'extrême. Par un de ces étranges échos de l'histoire il avait intégré l'équipe de Quidditch au poste de batteur.

Lily était plus sage que son frère mais pas moins énergique. Depuis toute petite elle ne s'arrêtait de bouger que pour dormir. Dès que Harry avait bien voulu la laisser monter sur un balai pour enfant elle ne l'avait plus quitté, voletant partout dans la maison. Qu'ils soient à Goldric Hollow ou au square Grimmaud elle sortait jouer avec les autres enfants, c'est ainsi qu'elle avait appris un nombre faramineux de jeux et de chansons moldues qu'elle essayait tant bien que mal d'apprendre à James et Ginny, Harry en ayant, pour sa part, souvent des souvenirs de son enfance. Arthur était plus que ravi de se mêler à ses apprentissages lorsqu'il passait les voir.

La benjamine avait été répartie à Gryffondor, comme tous les autres membres de la famille excepté Albus. Elle était devenue attrapeuse dès sa seconde année, puisque le capitaine de l'équipe avait déjà un œil sur elle, et elle occupait toujours brillamment ce poste. Avec Hugo, leur cousin du même âge qu'elle, au poste de gardien, l'équipe de Gryffondor ressemblait à une réunion familiale.

Albus, lui, était posé et aimait à passer des heures dans le silence d'une bibliothèque. Ainsi il était plus proche de Rose, sa cousine, elle aussi de son âge, avec qui il pouvait échanger sur ses lectures où simplement rester à lire dans une pièce à part pendant une fête de famille.

En lieu et place du culte à Harry Potter, lui admirait entre tous sa tante, Hermione. Elle était devenue la plus jeune ministre de la magie et la première née de sang moldue. Elle avait conscience que sa nomination avait été un acte éminemment politique. Elle faisait partie des héros de la guerre, une figure de la résistance et son ascendance moldue ne faisait que renforcer l'image qu'elle donnait d'un renouveau de paix et de tolérance. Officiellement elle était devenue ministre de la magie en 2000 mais, dans l'ombre, Kingsley Shakelbot l'avait secondé jusqu'en 2002. Elle avait été un symbole. Elle le savait. Albus la respectait d'autant plus pour cela.

Avec le temps Hermione avait su se réinventer. Lorsque, quelques années après la guerre, elle aurait pu devenir un douloureux souvenir du conflit, elle s'était évertuée à prouver que personne ne remplirait son poste mieux qu'elle. Elle était juste, encline au pardon des faux-pas mais ferme lorsqu'il s'agissait d'une nature mauvaise.

Elle avait osé des réformes drastiques, affirmant son autorité mais tenait aussi toutes les semaines une assemblée ouverte à tous ceux qui étaient en âge de parler. Elle les consultait en pesant le pour et le contre, différenciait les reproches injustifiées des vindictes légitimes. Elle se réinventait chaque jour pour préparer l'avenir plus que pour prolonger son mandat. Mais ses attentions uniquement préoccupées par le bien commun étaient reconnues à leur juste valeur et malgré les années elle était toujours à son poste.

Très tôt elle avait perçu l'intérêt d'Albus pour les rouages complexes de la société sorcière. Sa tante l'avait donc souvent aidé à mieux comprendre et appréhender les choses. Plusieurs fois elle l'avait emmené au ministère où il pouvait jouer les stagiaires, les scribes ou les aides en tout genre. On avait murmuré dans les couloirs à son arrivée, respectant ses ascendances mais pestant que cela ne justifiait pas une telle intrusion. Et puis Albus avait peu à peu fait ses preuves, auprès de tous les services. On avait admis l'erreur. Même si c'était son neveu, le jeune Albus avait eu l'autorisation de venir uniquement parce qu'il y trouverait sa place. Hermione Weasley n'avait rien perdu de son discernement.


Voici enfin venir le premier chapitre de ma nouvelle fanfiction. Elle s'inscrit à la suite des deux précédentes (Le nouveau professeur de potions et L'autre Dumbledore). J'espère ne pas avoir fait d'incohérence avec l'oeuvre canon (n'hésitez pas à me les signalez si tel est le cas) sachant que je ne considères pas L'enfant maudit comme étant canon, je reprends toutefois certain élément de ce dernier (la répartition d'Albus, son amitié avec Scorpius et ce qui j'ai vaguement retenu et réinterprété de la mère de Scorpius).

En espérant que cela vous plaira et à la semaine prochaine !