Titre : Le Fils
Auteur : lovePEOPLEandCOWBOY
OOO
Il est en haut des escaliers, et il peut les entendre bavarder et plaisanter. C'est quelque chose qu'il ne connait pas, toute cette ambiance non feinte.
Ce sont des gens sincères.
A cette pensée, il frissonne. Un froid qu'il n'arrive pas à identifier comme étant le fruit d'un courant d'air. Non. C'est plus complexe que ça. C'est inscrit dans sa mémoire, et dans sa peau. A cause de ça, il est inapte à fonctionner dans le monde réel. Il préfère rester à l'écart, loin de la chaleur de son nouveau foyer, et ce malgré la tristesse qui rampe dans le fond de son cœur.
Une dichotomie qui nourrit une violence inouïe au fond de lui, et qui lui donne envie d'hurler. Il voudrait s'arracher les cheveux, mais il part simplement se réfugier dans sa chambre, loin de ces gens qui l'effraient.
Loin de cette famille.
Le dos appuyé contre le dossier de son lit, il réfléchit encore à la situation. Evelyn lui a offert une maison, un nom de famille, une chambre, des vêtements.
Pourtant, il n'arrive pas à être un Mercer.
Il est trop différent pour être apprécié. Il le sait. C'est ce qu'on lui a toujours reproché : sa différence.
"Hé, Jack ! On va jouer au hockey. Tu viens ?" Crie Bobby en bas des escaliers.
Jack se fige, mort de trouille. Il n'arrive pas à répondre.
"Jack ! Tu viens ?" Demande une nouvelle fois Bobby avec un peu moins de patience.
Jack est paniqué, et il voudrait que Bobby l'ait déjà cogné une fois pour expliquer ce qu'il ressent. Mais ce n'est pas le cas, et c'est peut-être là tout le problème. Il ne sait pas ce qu'il doit faire, ou comment il doit réagir.
"Va te faire foutre !" L'envoie promener Jack.
Au fond, il voudrait y aller. Il aimerait tellement agir comme un membre de la famille comme si c'était la chose la plus normal au monde.
Je ne mérite que l'empreinte de leurs phalanges.
"Il est taré ce gamin. Un Mercer" Annonce Bobby en revenant dans la cuisine.
"Bobby !" Gronde Evelyn pour la forme.
Bobby hausse les épaules en souriant avant qu'Angel rétorque :
"Y'a qu'un taré ici!"
Jerémyah éclate de rire tandis que Evelyn pouffe pour retenir un fou rire.
Jack les écoute et il n'arrive pas à comprendre. Il est tellement différent qu'il est forcément un boulet.
Faut que je m'en aille…
OOO
C'est l'hiver, et la nuit tombe toujours très vite. Il fait noir mais les rues sont éclairé y a juste assez de luminosité pour les automobilistes. Certains pour rentrer chez eux, d'autres pour scruter les trottoirs.
Malgré le froid, certaines filles sont encore en jupe. A force de sillonner le pavé, leurs jambes sont tellement endolories qu'elles ne ressentent même plus la température hivernale. C'est la même chose pour les gars, habillé d'un simple t-shirt moulant.
C'est ce qu'on appelle se mettre en vitrine.
"Une pipe à 50 ?" Demande l'adolescent en se penchant vers une voiture, avec une attitude complètement désinvolte.
L'homme conduit jusqu'à un motel, ce qui est un jour de chance pour le gamin qui ne devra pas se ruiner les genoux dans une ruelle humide, puante et glaciale. Peut-être même qu'il pourra passer la nuit dans la chambre, au chaud.
"Tu fais pas 18 ans." Dit l'homme au jeune fugueur.
"Et alors ?"
"T'es en état d'arrestation !' Dit l'homme en saisissant le gamin qui se débat, et éviter sa fuite.
Sous la lumière des réverbères, il y parfois des flics en civile qui flânent le long des trottoirs. Un fait dont il ne s'est jamais soucié.
Personne ne le cherche jamais. L'adolescent se débat quand même sous la poigne du flic.
OOO
Bobby est obligé de conduire la voiture. Sa mère est dans un état de nervosité tel qu'il serait impossible qu'elle tienne le volant.
Le trajet est tendu jusqu'au poste de police. Quand ils arrivent, Evelyn veut se présenter à l'accueil mais elle aperçoit Jack, escorté par un agent. Sans formalité, elle décide de partir à leur rencontre pour attraper Jack par le col de son t-shirt.
"Ne refait plus jamais ça, tu m'entends !" Dit-elle pour le gronder, mais l'émotion est évidente dans sa voix chevrotante.
Jack baisse la tête. Il ne sait pas quoi dire. Il a honte. Il voudrait lui demander pourquoi elle fait tout ça.
Personne ne le cherche. Personne ne se bat non plus pour lui.
"Madame Mercer ?" Demande l'agent et Evelyn hoche la tête.
"Pourriez-vous me suivre dans le bureau ?" Demande-t-il à la tutrice de Jack.
Jack la regarde entrer dans la pièce avec, dans la poitrine, une douleur qu'il ne connait pas encore. Il réalise seulement maintenant tout le mal qu'il a fait à Evelyn, la seule femme à avoir pris soin de lui. Il a tellement honte.
Bobby qui était resté à l'écart, s'avance vers son frère pour l'accoster avec colère.
"La rue te manquait ? Ou tu es juste débile ?"
"C'est quelque chose que je connais." Répond laconiquement Jack.
"Parceque c'est plus facile ?" Crache Bobby, outré. Il ne comprend pas.
"Non... J'ai plus rien à perdre là-bas. C'est ma place. Je sais ce que je dois faire." Répond sincèrement Jack avec tristesse.
Et Bobby comprend.
La peur d'être abandonné. Celle de tout perdre. Bobby aussi avait peur. Il a fuit à sa manière en volant, en se battant, en étant grossier. Pourtant, même en allant à contre courant, il est devenu un Mercer. Evelyn l'a aimé, et l'aime encore aujourd'hui.
Evelyn est différente.
Bobby le sait.
Jack, pas encore.
Et, alors qu'il voulait lui foutre la raclée du siècle, Bobby se retourne simplement vers Jack pour le regarder attentivement.
"Je veux que tu m'écoute car je ne me répéterai pas. On est là pour toi, et tu es là pour nous. Faut avoir du cran pour accepter ce que maman t'offre. Arrête d'avoir peur."
"Comment ?"
Bobby réfléchit un instant, puis il déboutonne le haut de sa chemise.
"Tu vois cette cicatrice ? C'est un coup de couteau de mon père. Ce connard m'a fait croire que je ne méritais que ça… Et je l'ai cru. Seulement, maman quand elle te regarde... Je sais pas. C'est comme si j'étais quelqu'un de bien."
Bobby referme le haut de sa chemise en continuant :
"Maman te voit. Celui que tu es. Tu en vaux la peine. Tu dois nous faire confiance."
OOO
Plusieurs nuits après, Evelyn est réveillé par des reniflements juste au bord de son lit.
"Jack ?" Appelle-t-elle avec certitude n'ayant pour réponse qu'un sanglot étranglé.
Elle se redresse dans le lit et puis tend la main devant elle :
"Mon chéri, viens."
Et Jack ose y croire. Il a peur, mais il veut bien essayer une dernière fois. Il veut bien faire confiance comme ses frères l'ont fait avant lui. Il est d'accord, mais bordel ça fout les boules et il a besoin de sa mère.
Car il est son fils.
FIN
