"Max, prends-soin de toi."
Tu dis ses mots et tu t'en vas. Je te vois traverser la porte de cette chambre d'hôpital et tout mon être rentre en alerte. Il me crie que cette séparation n'a rien de banale, que si tu pars c'est pour de bon, que si tu t'en vas, tu reviendras pas. Izzy aussi l'as compris, tu sais ? Elle me lance un regard pressant, un regard qui signifie "cours après lui", un seul regard et c'est suffisant, un seul regard et tout est permis. Alors tout mes muscles se mettent en marche, partent à ta poursuite, rentrent en action et je quitte enfin cette pièce aux lumières blafardes, où je pourrais jurer entendre le douceâtre air de l'abandon.
Je te retrouve, adossé contre un mur, lorgnant sur une rose aux pétales fanés, et les larmes aux coin de tes yeux m'en disent bien plus que des mots l'auraient faits. Alors je m'approche consciencieusement, presque sur la pointe des pieds, parce j'ai peur que tu prennes peur, je tremble à l'idée que tu pourrais t'en aller.
"Magnus, merci infiniment d'avoir été là."
J'arrive à articuler ses mots alors que déjà tes pas commençaient à t'emporter loin de moi. Tu t'arrêtes enfin, te retournes, me fais face, et à cet instant tu sais ? Je donnerais tout pour qu'on s'enlace. Mais il n'en est rien, mes mains n'atteignent pas les tiennes autant que ton regard ne rencontre pas le mien. Pourtant je voudrais te montrer que ta présence, quoique distante , me transporte en des lieux où la guerre n'existe pas, où les rires rebondissent sur les murs et où de la mort, on ne se soucie pas. Je voudrais même te crier que dans le pire des cas on s'en fiche, que tant qu'on s'appartient...Ça ira. Mais je n'en fait rien, mes lèvres demeurent scellées. J'assiste impuissant à la construction d'un mur qui sépare nos deux esprits, d'une barrière que sans le vouloir, j'avais participer à édifier.
"Je suis ravi que Max aille bien."
Tu penches la tête doucement puis tente d'afficher un léger sourire. Mais ta tentative reste vaine. Je peux te voir d'ici tenter d'entraver tes sentiments, de revêtir ton masque pailleté, et dissimuler ta peine. Pourtant mon amour, depuis le temps, tu devrais déjà l'avoir compris. T'as jamais réussi à te cacher, à berner mon instinct, à soustraire à mon regard ton âme meurtrie.
-"Je suis désolé."
Je lance ces mots à la volée, mais je le suis sincèrement et je sais que tu le comprends. Je désespère juste de te voir l'accepter.
- "J'aurais dû te dire à propos de l'Épée Mortelle. Je sais que j'ai fait une erreur."
Tu m'as révélé ton passé, les cicatrices boursoufflées qu'il a laissé, toutes les trahisons que t'as dû endurer. Tu m'as ouvert ton coeur en deux, m'as paisiblement laissé l'autopsier, et moi tel l'idiot que je suis, avec un mensonge j'ai tout gâché.
- "Mais toi et moi... On finis toujours par revenir l'un vers l'autre. Magnus, je t'aime."
Je murmure ma dernière phrase tel un secret, parce que j'ai peur que la guerre m'entende, je souffre en supposant qu'elle, elle nous séparerait. Mais j'ai tord, elle en serait pas capable, pas vrai ? Dis moi qu'on l'a laisserait pas faire, invente moi des batailles où on triompherait. Dis moi que de toute manière on a pas le choix, que notre devoir c'est de le protéger, ce bien précieux qu'on a, cet amour éternel et passionné.
"Je t'aime aussi."
Ou, t'as raison, simplement dis moi ces mots. Pas de grand discours, pas de fioritures, pas d'impostures.
"Mais..."
"Mais" et mes jambes se mettent à chanceler. Je voudrais m'enfuir en courant, ne pas être témoin d'une chute que je sens tragique, d'un final auquel je ne veux assister. Pourtant tes lèvres se remettent vite en mouvement et mes pieds à l'inverse, au sol, demeurent bien ancrés.
"En tant que leader, j'ai des décisions difficiles à prendre pour assurer la survie des miens et la seule chose qui m'en empêche... C'est toi. Je peux pas avoir les deux.
- Si... Tu peux. C'est possible. On va y arriver. Magnus, on va trouver."
Je voudrais te convaincre qu'il y a de l'espoir, te rappeler que même dans le néant d'un ciel d'hiver, il y brillent des étoiles le soir. Mais je vois dans tes yeux que tu t'es résigné, que le destin a finalement jeté ses dés. Que pour nous il n'y a pas d'avenir, qu'il n'y a pas de deuxième lancé. Alors tu me tournes le dos, commences à t'éloigner, et j'ai envie de vomir, je sens toutes mes entrailles se déchirer. Les larmes me montent, c'est mon corps entier qui brûle, qui hurle mais je reste paralysé. Puis tu rentres dans cet ascenseur, me lances un dernier regard, et de loin j'aperçois les sillons sur tes joues, mélanges de larmes et de khôl noir. Les portes se referment. Mes paupières en font de même. Et mon amour lorsque j'ouvre les yeux une nouvelle fois. Je pourrais jurer avoir senti mon coeur, glisser d'entre mes doigts.
Je titube jusqu'à ma chambre, cette pièce austère, peu accueillante, où résonne l'écho de ton absence, l'éclat de tes rires, les sonorités de ta voix qui me hante. Magnus, tu sais je trouve ça étrange ? Ce trou dans ma poitrine, ce vide existentiel, cette impression qu'il manque une pièce, que mon enveloppe corporelle est bien présente mais que pourtant j'ai l'âme errante. C'est douloureux, ça me prends au coeur, ça m'empêche de respirer, ça envahit toutes mes pensées. Alors je hurle que c'est injuste, que je devrais pas être là, que ma place elle est pas dans ce lit, elle est chez nous à côté de toi. Puis je perds l'équilibre, me prends les pieds et m'effondre sur le lit. Je suis saoul, j'ai bu une dizaine de verres pour t'oublier mais apparemment ça a pas suffit. Je me rappelle du moindre détail. De la douceur de ta peau basanée, à la sensation de ta langue sur mon cou dénudé. Je revois toutes nos premières fois. De notre tout premier baiser à cette fois où on a fait qu'un, où on s'est finalement abandonnés.
Puis mon esprit divague et m'emmène sous le ciel étoilé de Paris. Dans cette salle de bal où tu m'avais emmené pour la soirée, où j'avais ris jusqu'au bout de la nuit. Je te revois t'approcher de moi, comme toujours éblouissant, dans ton costume aux tons prune et ornements argents. Tu me tends le bras, je le saisis sans hésitation et la seconde d'après nous voilà dansant corps collés, cœurs battant à l'unisson. J'apprécie à nouveau tes lèvres sur mon cou, ton souffle chaud sur ma peau, ta main brûlante sur ma hanche, nos jambes qui se meuvent en cadence, ta poitrine se soulevant contre la mienne, ta respiration saccadée et le désir coulant dans mes veines. Je pourrais même jurer ressentir le frisson que m'avais procuré ton rire, quand valsant sur l'air d'un quelconque artiste, j'avais manqué de tomber,là, au beau milieu de la piste.
Mais l'illusion se brise finalement. Les couleurs se fadent puis la scène disparaît, et bientôt tout ce que mon regard rencontre, c'est l'aube naissante derrière les volets. Je donnerais tout pour que tu sois là tu sais ? Que tu me rattrapes comme tu l'as fait cette fameuse nuit. Parce que le retour à la réalité est infernal et que sous le poids des souvenirs, c'est tout mon être qui devient bancal.
Ça fait deux semaines que t'es parti. Quatorze interminables jours de cris étouffés, de nuits sans sommeil et de pensées fixées sur une seule image, deux iris mordorées. Mais surtout, 336 heures de silencieuse douleur et des milliers de secondes à jouer l'acteur. Je suis fatigué de tout ça. Épuisé de ressasser, de rejouer en boucle une relation qui n'existe plus et ne le sera sans doute plus jamais. Anéanti de trouver chaque jours de nouvelles choses à regretter, d'inédites questions à me poser. Dis moi Magnus, combien faut-il de temps pour guérir d'instants qu'on a pas vécus ? De moments qui, dans un élan de "pour toujours", on a reporté pour plus tard, pour un lendemain qui n'est jamais venu. D'ailleurs je me demande si ça t'arrive aussi. Si comme moi il te vient des interrogations philosophiques, presque semblables à des brides de poésie. Parce qu'égoïstement tu sais ? Le fait qu'on soit deux, ça me rassurerait.
Ce matin, comme tout les jours précédant, je me dirige vers le panneau de contrôle. Depuis la fuite de Sebastian, on n'avait eu à déplorer aucunes attaques. Tout était trop calme, trop paisible, étrangement dépourvu d'activités démoniaques. Alors je restais sur mes gardes, à l'affût, guettant l'ombre du mal, de la mort au coin de chaque rue. Je passais mes journées au travail, à surveiller. J'avais développé une routine qui m'apaisait. Je me levais, déjeunais, m'entraînait, m'asseyais à mon bureau, remplissait des papiers, surveillait la ville jusque tard le soir et le lendemain, je recommençais. Ce cycle, bien qu'ennuyant, me permettait de rester occupé, de demeurer à flot et ne pas sombrer dans le néant dans mon coeur, dans la nostalgie du passé.
Mais aujourd'hui, alors que j'étais bien décidé à perpétuer mon fastidieux rituel, j'entends tout près, une conversation qui m'interpelle.
"T'as entendu la nouvelle ?" dit une fille aux yeux ridiculement écartés à un homme disproportionné, au torse trop long pour ses jambes trop tassées.
"À propos de l'ainé Lightwood et de son sorcier.
-Non... Mais je parie que tu vas me le dire.
-Ils ont rompus. Enfin le demi-démon l'a largué. Une histoire de choix à faire, de peuple à sauver...
-Ça m'étonne pas. C'était impossible que ça dure. Un Chasseur d'Ombre et une Créature Obscure. On dirait le titre d'un de ses horribles contes de fée humains."
L'homme tronc crache son venin et ils rient en chœur, à gorge déployée. Ma raison me crie de déguerpir, mais malgré tout je demeure immobile, je m'auto-mutile à écouter.
"Puis vu la réputation de Bane, je suis prête à parier qu'il y une autre femme ou un homme dans l'histoire. Il est pas vraiment réputé pour rester fidèle très longtemps. Il a sûrement fini par se lasser."
Nouveau sujet ajouté à la liste de réflexion. Son titre ? "Et si au final, ces imbéciles avaient raison ?". Mais j'ai pas le temps de m'attarder sur la question, ni même t'entendre le son perçant que fait un coeur qui se brise, acculé sous la pression.
Ma mère, accompagnée de mon père, avance vers moi, me prends doucement dans ses bras et caresse mes cheveux. Comme lorsque j'étais petit, comme lorsque tout importait peu. Sa chaleur maternel devrait me réconforter, mais c'est tout le contraire qui se passe. J'ai envie de m'échapper, je donnerai tout pour ne pas devoir lui faire face.
"Alec...Mon petit garçon..."
Je devine dans sa tête ses pensées. Elles sont tellement évidentes, je pourrais presque les toucher.
"Comment tu te sens ?
-Maman...Je vais bi..."
J'ai pas l'occasion de finir ma phrase, mon mensonge, que déjà elle recommence à parler.
"Par l'Ange, je vais le tuer. Le tuer de mes propres mains. Ces sorciers... Toujours à s'amuser avec les cœurs comme ils jouent avec leur magie. J'aurais dû faire barrière. Je savais que ça allait arriver. Alec, je suis réellement, sincèrement désolé.
-Maryse...Laisse le respirer un peu..."
C'est mon père qui l'a coupée. Je suis au courant de ses infidélités mais à cet instant, je pourrais presque le remercier. Ma mère, au contraire, défait son étreinte, se retourne et lui lance un regard noir. Alors une dispute commence, rythmées d'accusations et d'air hagards.
"Je pars m'entraîner. Si quelqu'un me demande pendant mon absence. Dites-lui de s'adresser à Izzy." dis-je.
Je leur tourne le dos, m'en vais, ne les laissant pas répliquer, et je ne peux m'empêcher de faire un parallèle meurtrier avec l'instant où toi, tu m'as quitté. Parce que comme eux, je n'aurais jamais accès à tes pensées indéchiffrables, tes instants de déboire et tes sentiments refoulés. Ceux que tu enfouis hors de mon atteinte, à des kilomètres seulement de ma portée. Pourtant, Magnus, tu sais ? Je donnerai tout pour savoir, pas seulement ma vérité mais plus encore, ton récit de l'histoire.
Le sang coule abondamment maintenant. Je tirais, depuis une heure entière et sans arrêt. Ne cherchant plus à protéger mon bras du tranchant de la corde, des lacérations de ses fils d'acier, de l'alarmant fait que physiquement, tout demeurait indolore. À vrai dire, je n'avais même pas d'objectif. Je visais la peau de mon avant-bras maintenant rouge sang, l'épiderme à vif. À vif, comme depuis deux semaines l'est mon âme entière, depuis ton fameux départ, dans ce couloir austère.
Ces plaies, infâmes miroirs, reflète cruellement et sans la moindre altération, mon intérieur meurtri, mon coeur gangréné, mon être qui progressivement perd la raison. Je le sais, j'en suis conscient. L'unique cible c'est moi, et si j'en étais capable, j'armerais cette flèche vers mon coeur et je tirerais, sans hésiter rien qu'une seule fois.
"Alec ? On vient de recevoir un message de..."
La voix d'Izzy résonne près de moi. Elle est entrée en trombe dans la pièce, l'air effaré, puis s'est arrêtée un moment, probablement le temps de réaliser. Je tente vite de camoufler l'état de mon bras, de dissimuler à sa vue mon piteux état. Mais malheureusement les tâches de sang par terre ne veulent s'effacer et mes yeux enflés, eux, ne mentent pas. Elle reste immobile et je distingue la douleur dans son regard, je vois son visage se tordre. Alors je sais qu'à cet instant c'est toute sa personne qui s'effondre, c'est ses priorités qui se mettent dans le désordre. Si tu savais comme je m'en veux. Je me déteste de faire du mal autour de moi, d'être un poids pour ma famille, d'aimer quelqu'un qui ne reviendra pas. Je voudrais que le temps s'arrête, mais avant que je puisse dire quoique-ce-soit, Izzy s'approche et m'étreint dans ses bras.
"Oh Alec...Parle moi, je t'en supplie. Je supporte pas te voir comme ça. Je sais que tu souffres mais tu dis rien. Tu te plonges dans le travail, tu bosses nuits et jours sans t'arrêter... Comme si c'était ton seul moyen de t'échapper, comme si ça allait te permettre d'oublier Magn...
-Izzy ! Arrête...Pas son nom. Tu ne prononces plus son nom. Plus jamais."
J'insiste sur chaque mot, chaque syllabe, chaque son. Pour bien lui faire comprendre que ça me fait souffrir, ça m'impact rien que t'entendre ton prénom.
"Mais...
-Mais si tu permets et si t'as finis de te mêler de ma vie sentimentale, j'ai un Institut à diriger."
Je veux pas lui faire du mal, malgré tout je la repousse. C'est ridicule, absurde même, mais je peux pas m'en empêcher. J'ignore la main qu'elle me tend, je me met des bâtons dans les roues, je refuse l'aide proposée. Comme un homme sage à dit un jour : "On accepte les choses que l'on pense mériter."
Je reprends enfin mes esprits, me rappelant de l'Institut que j'ai à diriger. Les sentiments ne sont qu'une distraction, ces derniers temps, j'ai eu une fâcheuse tendeuse à l'oublier.
"C'était à quel propos le message ?"
Elle prends une grande inspiration avant de commencer, alors je commence à me méfier. Elle a toujours fait ça lorsqu'il y avait des mauvaises nouvelles à annoncer.
"À propos de la Reine des Fées. Elle avait capturé Maia alors Luke et Simon sont allés à la Cour des Lumières pour tenter de la récupérer.
-Maia va bien ?
-Oui, elle va bien. Par je ne sais quel miracle, la Reine l'a libérée et les a tous les trois laissés partir.
-Il y a sûrement dû avoir un prix à payer. Elle les aurait jamais libérés sans y avoir quelque chose à gagner.
-Probablement... J'en sais rien... Mais pour l'instant, on a plus urgent...Une fois libéré, Luke a appelé Clary pour lui révéler les infos qu'ils ont récupérés. Au final, il s'avère que non seulement cette...La Reine ne cherche plus à stopper Valentine mais plus grave, elle s'en est fait un allié."
Elle s'arrête de parler et je peux pas m'empêcher de penser que je me doutais que ça allait être tragique, que je le savais.
"Il faut réunir un Conseil,dis-je. Appelle en urgence Luke et Raphael. Je m'occupe du reste.
-Et...Lui ? Je l'appelle aussi ?"
Je hoche la tête. Le Conseil avait besoin de toi. Puis peut-être qu'au fond, j'avais espoir qu'avec ce qu'Izzy venait de m'annoncer, tu donnerais une nouvelle chance, un nouvel espoir à un "nous" d'exister.
"Izzy ?"
Elle se retourne et me lance un regard interrogateur.
"Merci.", dis-je.
Merci d'être diaboliquement intrusive, de me pousser à parler des sujets dont, secrètement , j'ai besoin et envie, de toujours rapporter ne serait-ce qu'une lueur d'espoir dans ma vie. Merci de m'accepter, d'embrasser mes différences et de supporter le moindre de mes vilains côtés. Merci d'être entière, d'être là, d'être toi. Parce que dans ce monde dominé par la guerre, tu m'offres un endroit où être en paix, où reposer mon esprit boiteux loin de cet Enfer.
FIN PART.1
Merci d'avoir lu le premier chapitre de cette fiction qui me tient énormément à coeur. Le prochain chapitre arrivera directement demain et j'espère qu'il vous plaira. Ensuite je posterai une fois par semaine, le samedi.
Je voudrais remercier particulièrement Artemisfromshadows et AlecIsSilver (dont vous pouvez retrouvez les fictions Malec sur Wattpad et FanFiction) pour m'avoir encouragé à sauter le pas et à me lancer dans l'aventure. Vous m'inspirez tout les jours un peu plus. Alors merci.
Ps: Si vous avez le temps, allez checker notre compte MalecsStories sur Twitter. On conseille des fanfictions Shadowhunters (Malec principalement)!
