Le temps était dégueulasse, la mer avait une couleur brun verdâtre à cause du sable soulevé par la tempête et les nuages noirs laissaient à peine passer quelques éclairs... Encore heureux que je n'ai pas eu à passer de récifs avec un temps comme ça, même un bateau à fond plat comme le mien y aurait fait naufrage. Enfin, maintenant que j'étais arrivée à Mercantile, j'allais enfin pouvoir toucher un petit pactole; mon ventre commençait à crier famine. Mais avant tout, je devais me débrouiller pour ramener ma prise à ce noble...
'Saleté.' grognai-je en tirant sur la corde de mon grappin-griffe. Franchement! Qui d'autre qu'un noble pouvait avoir envie de se faire des gants en peau de Gyorg?! 'Bah, au moins je serais payée...' me dis-je en tirant le cadavre vers la plage avant de sortir mon couteau de dépeçage et commencer par séparer les parties les plus intéressantes les unes des autres; d'abord la peau du ventre, plus lisse et blanche, puis le dessus avec sa couleur violette. Cependant, je n'entaillai pas la tête; elle se vendrait bien comme trophée.
Certains me diraient que dépecer un animal en pleine tempête était la pire idée du monde, mais le truc, c'est que je n'avais pas d'autre endroit où le faire et j'avais envie de pouvoir remettre les pieds dans une auberge sans me faire lyncher... sans compter le fait que, après pas loin d'une semaine de navigation, les tempêtes, les calamars et autres monstres... j'en avais un peu raz les bottes; après tout, j'étais connue pour la rapidité de mes services, pas la qualité.
Bon, ça devrait aller; me dis-je en rangeant la lame dans ma botte. Rapidement, je pris deux vieux sacs en jute qui traînaient au fond de mon bateau, en ouvris un à l'arrache, mis les morceaux de viandes dedans ainsi que les ailerons, puis la peau dans l'autre; restait plus que le chef.
'Et - voilà!' dis-je en lâchant la tête du Gyorg qui roula un peu avant de s'immobiliser dans le bateau. En soupirant, je vérifiai l'attache de mon bateau au ponton avant de repartir et prendre mes sacs qui étaient déjà bien trempés. 'Et c'est reparti...' maugréai-je, pliée en deux par le poids des deux butins. Mais ce ne serait plus très long; la porte du noble était un peu après la porte de la ville, la deuxième porte à droite, juste après le préparateur de potions.
C'est là que je toquai en premier; mais personne n'ouvrit...
-"HEY!" appelai-je en frappant du poing contre la porte de bois rouge. "VOUS ALLEZ OUVRIR OUI?!" hurlai-je agacée avant que la porte ne s'ouvre; je faillis en planter une au type qui m'avait ouvert.
-"Mais enfin, vous vous croyez où?!" s'indigna le type qui m'avait engagé.
-"Chez mon employeur." répondis-je d'un ton aigre en laissant tomber le sac contenant la marchandise. "envoyez la monnaie." ajoutai-je en tendant ma main.
-"Et comment puis-je savoir que vous ne vous moquez pas de m-oiah!" s'exclama-t-il lorsque, d'un geste rapide, je découvris le butin avant de me redresser et tendre ma paume une fois de plus. "M-mais je voulais du cuir-"
-"Je suis mercenaire et pêcheuse, pas tanneur." rétorquai-je les sourcils froncés. "J'ai fait mon boulot! Maintenant faut payer." insistai-je; il recula.
-"Je regrette mais- Ah!" commença-t-il avant que, furieuse, je le pris par le col et le regardai dans les yeux.
-"écoute-moi bien, mon gros; soit tu paies, soit j'ajoute ta peau au butin." menaçai-je, mon couteau de dépeçage déjà pressé contre sa gorge; il déglutit bruyamment avant de hocher la tête frénétiquement.
-"Père, que se passe-t-il?" appela soudainement une voix de gamine.
-"La ferme et va jouer à la poupée." répondis-je en fouillant dans les poches du vieux, mon couteau toujours contre son cou; enfin je trouvai sa bourse.
-"Alors cinquante, quatre-vingt, cent et deux-cent." comptai-je en sortant les rubis un par un. "Un plaisir de faire affaire avec vous." maugréai-je en rangeant mon couteau d'un mouvement leste.
Sans un mot de plus, je pris mon deuxième sac et partis vers le café-bar sous la pluie battante. Ce n'était pas bien loin, juste à une trentaine de mètre de la porte du vieux radin, mais avec le déluge qui s'abattait sur ma tête, c'est à peine si je voyais où j'allais. Par chance, je connaissais bien le chemin et, en moins de deux, je me retrouvai à monter l'escalier; ça faisait du bien d'être à l'abri...
Trempée jusqu'aux os, je posai mon sac, secouai ma tête pour enlever un maximum d'eau et essorai ma veste avant de reprendre ma marchandise et entrer dans le bar.
-"Eh, ma jolie~ t'aurais pas un peu d'alcool?" demanda un vieux marin qui était accoudé au bar.
-"Désolée, pas avant que tu ne rembourse ce que tu dois déjà." dit Liliane.
-"Roh mais allez, soit gentille..." supplia-t-il en forçant un sourire. "J'ai un bon filon, dans seulement quelques mois je vais pouvoir tout te payer-"
-"C'est pas ce que tu disais déjà l'année dernière?" intervins-je en m'accoudant au bar. "Salut Liliane." dis-je au passage; elle me lança un regard entre l'agacement et l'espoir.
-"Et qu'est-ce t'en sais toi, hein?" rétorqua-t-il.
-"He, tu m'sers un lait?" demandai-je en tapotant le comptoir de mon index.
-"HE, tu m'écoutes?"
-"On en a plus." répondit-elle.
-"Quoi?!" m'exclamai-je.
-"TU VAS M'ECOUTER OU-" rugit-il avant qu'il ne se mette à renifler fortement. "POUAH! MAIS C'EST QUOI CETTE PUANTEUR?!" s'exclama le vieux marin.
-"Ah oui!" dis-je en soulevant mon sac. "J't'ai ramené ta viande." dis-je en secouant la marchandise légèrement.
-"O-ok, donne-moi-" commença Liliane en tendant les bras vers le sac avec une moue de dégoût sur le visage.
-"Ah-ah." dis-je en reculant le sac. "Le blé d'abord." lui rappelai-je; elle me regarda un moment, puis soupira avant de disparaître derrière le comptoir.
-"Bon, combien?" demanda-t-elle en réapparaissant avec son coffret.
-"J'ai environ trente kilo."
-"Et tu en veux combien?" me demanda-t-elle avec un air méfiant.
-"Disons cent rubis." répondis-je en enlevant une mèches brune mouillées de devant mes yeux; elle me fusilla du regard. "Quoi?! C'est du Gyorg!"
-"Non rien." dit-elle sèchement pendant qu'elle comptait tout ses rubis. "Voilà." dit-elle en faisant glisser la bourse vers moi; sans un mot, je la pris, l'ouvris et vérifiai.
-"Tu t'paies ma tête; y'a quatre-vingt rubis là dedans." fis-je remarquer les sourcils froncés.
-"J'ai mieux." répondit-elle. "Un endroit pour dormir et un repas." proposa-t-elle en croisant ses bras sur sa poitrine.
-"Mh, les impôts ont encore augmentés?" demandai-je en laissant ma tête reposer sur ma main.
-"C'est pour mon père." dit-elle avec dédain pendant qu'elle essuyait un verre;je levai un sourcil.
-"Eh bah! C'est qu'il s'accroche papy!" m'étonnai-je d'un ton monocorde. "J'croyais qu'il avait déjà cassé sa pipe, moi." ris-je; elle me lança un regard noir.
-"Toujours aussi avenante..." commenta Liliane.
-"T'as autant de chance de me voir changer d'attitude que de vêtement." lançai-je avec un sourire.
-"Une habitude de la prison je suppose?" demanda-t-elle d'une voix bien forte; le vacarme dans la salle disparut.
-"Tu vas prendre ma commande, oui?" grognai-je en jetant dix rubis sur le comptoir; elle me sourit. "Ton alcool le moins mauvais." dis-je en passant une main sur mon visage.
-"Voilà votre commande." annonça Liliane en posant un verre rempli devant moi; sans un mot, je le pris et partis m'asseoir tout au fond de la salle. Tous me lançaient des regards ou chuchotaient...
-"Vous voulez mon portrait?!" lançai-je d'une voix forte en lançant des regards noir tout autour de moi; personne ne parla, mais après quelques secondes tout recommença.
'Salope...' murmurai-je en attrapant mon verre à pleine main; je le vidai d'une traite. 'C'est dégueulasse!' grognai-je en le reposant violemment sur le bois de la table avant qu'un frisson de dégoût ne me parcoure.
Après quelques secondes à faire tourner le cul de mon verre sur la table le regard fixe, je me levai avec mon verre, marchai d'un pas traînant avant de donner un coup de coude dans le dos d'un type.
-"Mais qu'est-ce que- TOI!" rugis le type derrière moi; il m'agrippa par la lanière qui tenait mon épaulette et pièce d'armure.
-"Tu peux pas faire attention où je vais?" dis-je avec un grand sourire. La type sembla mal le prendre et se prépara à me décocher un pain dans la face. Quand le coup arriva, me laissai glissé de mon harnais et évitai les phalanges qui allèrent s'imprimer à l'arrière du crâne d'un autre marin...
-"CHIEN GALEUX!" hurla se dernier en se retournant; il décocha un coup de poing dans la mâchoire du pirate.
Et c'est ainsi qu'une bagarre générale démarra... Pendant ce temps, je tachai de passer entre les affrontement, mon harnais à la main, jusqu'à ce que j'arrive au niveau de la sortie; je me retournai alors et fis un grand sourire à Liliane en lui faisant un 'au revoir' de la main.
Le pas léger, je laissai la porte se fermer avec le vent mouillé qui me fouettait le visage je plissai les yeux et, les bras ballants, descendis les escaliers inondés.
Je soupirai et, après avoir pris une grande inspiration, j'allai droit devant, montai les escaliers de pierre. Là, j'arrivai sur ce qui me sembla être la place centrale de l'île. De suite, je me dirigeai vers le bâtiment qui avait une tonnelle et, une fois en dessous, je m'assis sur les marches à peu près sèches devant la porte.
Je soupirai, la tête en avant et les coudes posés sur les genoux puis levai les yeux au loin, quelque part derrière les épaisseurs d'eau, des cris résonnaient... et j'en avais rien à faire.
- « Quelle plaie... » murmurai-je en passant une main sur mon visage pour en écarter les mèches qui y collaient et les plaquer en arrière mais, lorsque mes doigts arrivèrent au niveau de mon front, je m'arrêtai et les laissai retomber. Je fermai les yeux et laissai ma tête tomber en arrière et cogner contre la porte derrière moi. Je restai là pendant un moment avant de rouvrir les yeux et faire glisser mon regard sur la tonnelle, puis les poutres en bois et finalement, une sorte de panneau à côté de moi.
L'École du Bonheur
'La bonne blague...' ricanai-je avant de me sentir partir en arrière. Mes yeux s'écarquillèrent et, par réflexe, je jetai tout mon poids en avant.
- « Par la déesse ! » s'exclama soudain une voix féminine je me retournai immédiatement et, devant moi, une vieille femme avec des cheveux roses, se tenait dans l'embrasure de la porte. « Mais que faites-vous ici ? » demanda-t-elle de suite après, l'air incrédule. « Allez entrez. » ordonna-t-elle en se rangeant sur le côté de l'entrée je ne bougeai pas et me contentai de regarder l'écriteau.
Je ris.
- « Je crois que j'ai plus vraiment l'âge ! » pointai-je en lui tournant le dos.
- « Par ce temps même les adultes ne devraient pas avoir à dormir dehors... » répondit-elle d'une voix calme et posée mon regard resta fixe.
Je n'avais nulle part où aller. La mer était à présent bien trop agitée pour voguer et il était hors de question que je retourne la queue entre les jambes chez cette con-
AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH
Derrière les multiples voiles d'eau, une forme gigantesque s'éleva pour disparaître après quelques secondes vers les cieux.
- « ARRÊTEEEEEEEEEEZZZZ ! » hurla soudainement une voix qui était presque camouflée par le bruit de la tempête.
Mais aucune de nous ne bougea.
- « Bon sang ! Mais que se passe-t-il ? » s'exclama-t-elle terrifiée.
- « Le facteur a pas eu son pour-boire je suppose. » répondis-je d'un ton monocorde je n'avais jamais vu un truc aussi gros aller aussi vite dans les airs... 'Un condor géant ?' me demandai-je en me levant. 'Si j'attrape un truc aussi grand... va savoir combien ça me ramènera...' pensais-je en allant sous la pluie battante.
À une bonne vingtaine de pas de là où était la vieille institutrice, je trouvai un type, face contre terre. En silence, je m'agenouillai à côté de lui et, à moins d'un mètre, je commençai à entendre des pleurs...
- « Je suppose que vous demander 'comment ça va' va pas aider... » dis-je en l'attrapant par le bras. Il aidait pas à porter le salaud. 'Celui-là il a dû bouffer la mariée...' grognai-je en trimbalant le vieillard jusque sous la tonnelle.
- « Mais vous êtes le père de la petite Maggy ! » s'exclama tout à coup l'institutrice. « Que s'est-il passé ? » demanda-t-elle comme si elle parlait à un gamin stupide.
- « M-Maggy... » continua-t-il à se lamenter...
- « Mais enfin dit-nous- »
- « Elle s'est faite enlever ? » demandai-je d'une voix forte ses sanglots redoublèrent et je soupirai. « Bon bah bonne chance, hein. » dis-je en me relevant. Vu la taille de la bestiole, la fille avait dû se faire avaler en une bouchée.
- « Attendez! » supplia le vieux en agrippant ma veste. « V-vous. Je vous aie entendu avant... vous, vous êtes mercenaire- »
- « Et trop chère pour vous. » répondis-je en me dégageant d'un coup de pied.
- « Enfin ! » s'indigna l'institutrice que j'avais presque oublié. « Nous parlons d'une enfant qui- »
- « Qui a du finir en bouchée apéritive. » tranchai-je en tournant mon regard vers la vieille femme qui avait tout à coup commencé à blêmir l'homme fut secouer d'un hoquet presque inquiétant.
'Tiens, la pluie commence à se calmer...' pensai-je en regardant vers le ciel je vis le moulin et, plus important, un petit renfoncement dans la paroi.
- « Bon, maintenant que vous avez eu mon expertise, permettez que je vous tire ma révérence. » dis-je en faisant un rapide geste de la main pendant que je me dirigeai vers la ruelle en face.
J'avais vraiment pas de temps à perdre avec des bêtises pareilles la fille était morte... ou plus vivante pour longtemps.
'N'empêche... c'est bizarre d'avoir un truc aussi gros voler par ce temps... et surtout dans une ville...' pensais-je en m'asseyant sur la pierre froide du moulin. 'Bah ! On verra bien s'il revient un tel vivier sera certainement revisité...' ricanai-je en enfilant mon harnais ça valait peut-être le coup de rester dans le coin finalement.
Ceci est une version beta d'une histoire qui ne sera peut-être pas finie... mais si vous voulez savoir la suite, il faudra me le dire...
