Cela faisait bien longtemps que les deux mouettes étaient confortablement installées. Elles étaient bien au chaud en cette fin de matinée grâce au soleil qui se reflétait à la fois sur la mer et le sable blanc. Même le passage d'un rat un peu trop curieux – qui en avait profité pour glisser sa moustache entre leurs pattes – ne les avait pas vraiment dérangées. Mais alors que midi approchait, l'une d'elles ouvrit un œil, avertie par un bruit lointain. Un petit garçon courait en leur direction. « Ah ah ah ! » Même si la région n'était pas très peuplée, la mouette savait très bien le danger que pouvait représenter un de ces géants terrestres, aussi petit soit-il. Elle se prépara. « Oh ! Une caisse ! » Alors que le garçon s'approchait, la mouette n'attendit pas une seconde de plus et prit son envol en direction de la mer, suivie instinctivement par la seconde mouette qui n'avait pas dû avoir le temps de se rendre compte de quoi que ce soit. Dommage, cette petite caisse était bien confortable.

Le garçon arriva à hauteur de la caisse. « Wouah ! » Ne trouvant pas d'ouverture simple, il essaya pendant plusieurs minutes de l'ouvrir en la cognant à l'aide d'une grosse pierre trouvée dans les environs. Sentant monter en lui l'envie d'abandonner, il donna un léger coup de pied de découragement dans la caisse... qui s'ouvrit. Il est évident qu'il se sentit un peu vexé par la situation. Le garçon commença alors à en fouiller le contenu : une fiole vide, non, une vieille pipe, non, du parchemin... La caisse avait dû être très hermétique car le contenu semblait de toute évidence être resté en très bon état. Le garçon regarda les feuilles de parchemin de plus près. Il y avait des écritures, et c'était une langue qu'il connaissait. Il en choisit une au hasard et tenta tant bien que mal de la déchiffrer, car il n'était pas un grand lecteur.

« … me sens tout de même seul. Je réfléchis trop et tout s'embrouille dans ma tête. Nous sommes partis depuis trop longtemps. Nous allons sûrement entrer dans une région où nous rencontrerons de fortes tempêtes. Je le vois dans le ciel. Je crains que ce soit une dure épreuve, même si j'ai une entière confiance en mon navire. Encore une fois, je ne parle que de moi. Ça dois être la solitude qui fait ça. J'ai presque tout oublié de nos terres, de notre peuple. Je ne me souviens que de ton visage, Elwing, et je sais que c'est en partie pour le revoir que je garde le cap à l'ouest. En fait, c'est bien plus que cela. Nous sommes allés trop au sud, je ne comprends pas. Je ne sais même pas depuis combien de jours nous nous sommes perdus. Pourtant, je connais les étoiles, je rectifie chaque jour notre cap. Je n'ai pas eu le courage de tout te dire quand nous nous sommes quittés. Mais ça, je ne te l'avouerai sans doute jamais. Nous devons rationner les vivres. J'ai faim. Je n'aurais jamais pensé avoir faim un jour. Je vais devoir faire un choix si nous n'avançons toujours pas. Elwing est la plus belle chose qui me soit arrivée et moi, je l'ai quittée. Nous sommes sortis de la tempête et nous filons vers l'ouest, mais j'ai des doutes sur la poursuite de notre voyage. Je crains qu'il ne se passe de mauvaises choses chez nous, je te sens en danger, Elwing. Mais je dois continuer. Peut-être. Si tu trouves ces écrits un jour, tu comprendras peut-être, et tu me pardonneras le silence que tu as supporté penda... »

Le jeune garçon s'ennuyait un peu. Il posa les feuilles de parchemin sur le côté et poursuivit sa fouille. « Oh ! Du Lembas ! » Il attrapa deux morceaux, puis las de ses découvertes, il quitta la plage sans oublier toutefois de donner un dernier coup de pied dans ce qu'il restait de la caisse, qui fut un peu plus tard dans la journée emportée par les vagues.