Écrit pour la 59ème nuit du FoF sur le thème Forgeron.
Disclaimer : HTTYD, son univers et ses personnages appartiennent à ses chanceux créateurs.
Parce que j'ai vu les films en anglais et que je ne peux juste pas m'habituer à Hiccup comme Harold, j'ai gardé ce nom-là. Spitelout est le père de Rustik mais je n'ai pas trouvé la version française de son nom.
.
Le secret des dieux
.
Stoïck aime la forge.
Il y fait toujours chaud, car il y a toujours quelque chose à réparer avec ces maudits dragons et le colossal foyer de la forge ne s'éteint jamais.
Il aime voir le métal changer de forme dans les moules des pierres où il coule comme une rivière d'argent ou lorsque, pour les objets moins standards, il se modèle sous les coups forts et réguliers du marteau de Gueulfor, qui projette une pluie d'étincelles bien plus brillantes que des étoiles. Stoïck a souvent l'envie absurde de saisir à pleine main ces morceaux d'or orangé que son vieil ami sort du feu et manipule avec une facilité trompeuse.
D'ailleurs, et même s'il n'a pas les compétences de Gueulfor, Stoïck est lui-même un bon forgeron. Parfois, il se charge de réparations faciles lorsque que l'autre homme se repose après une longue journée, souvent fatigué depuis que les dragons lui ont successivement volé sa main et sa jambe.
(Les dragons sont des voleurs. Les dragons volent toujours tout.)
La forge, un endroit bruyant et animé, l'apaise, bien plus que sa propre maison, qui n'est plus vraiment une maison depuis que Valka est morte, depuis que tout ce qu'il lui reste au monde c'est un enfant qui ne grandit pas assez vite et semble dépérir sans sa mère.
Quand il pense à la maison, lorsqu'il est en expédition, c'est à la forge qu'il pense.
.
Hiccup a onze ans quand Stoïck estime qu'il est à peu près irrécupérable et qu'il comprend qu'il ne sera jamais son successeur à la tête de Beurk.
Il temporise avec lui-même, trouve des prétextes, se dit qu'après tout c'est encore un enfant et qu'il a bien le temps.
Mais si Hiccup semble plein de bonne volonté, il a la force d'un moustique, l'esprit combattif d'un poulet et l'étrange don d'engendrer des catastrophes aussi surprenantes que monumentales. Et il parle trop.
Stoïck est douloureusement conscient que s'il n'était pas son fils, il aurait eu un « accident » depuis longtemps. Il n'y a pas de place pour les faibles à Beurk. C'est peut-être cruel, mais la vie est cruelle. Les vikings affrontent la mort tous les jours et apprennent à compter sur leurs compagnons comme sur eux-mêmes. La force est dans le groupe, et on ne peut pas sacrifier le groupe pour un seul membre. (C'est ça aussi, être un chef.)
Il ne confie pas ses craintes à Gueulfor, il ne peut juste pas dire à voix haute qu'il pense que son fils est un incapable et qu'il mourra sans doute assassiné par l'une des factions rivales qui cherchera à prendre le pouvoir après sa mort. Sans être superstitieux, il sait que les mots sont importants et ont un pouvoir propre, et il n'a pas envie d'attirer l'attention des dieux, ou des hommes. Parce que même s'il ne deviendra pas l'homme qu'il rêvait qu'il soit, Hiccup reste son fils, et peut-être plus important encore, le fils de Valka, et il l'aime de tout son cœur.
(Ça non plus, il ne peut pas le dire à voix haute.)
Mais le jour où l'apprenti de Gueulfor, un gars pas vraiment malin mais fort comme un roc et plutôt gentil, meurt à cause d'un de ces maudits dragons, Stoïck demande au forgeron de prendre Hiccup à la place.
Gueulfor est tout sauf enthousiaste (Hiccup et métal en fusion dans la même phrase rendrait n'importe qui nerveux) mais il aime bien le gamin malgré son potentiel destructeur et il partage les craintes de Stoïck même s'ils n'en ont jamais parlé. Le forgeron a un statut bien spécial chez les vikings qui sont des guerriers et méprisent généralement ceux qui travaillent pour les autres. Mais le forgeron n'est pas juste un artisan. Le forgeron a écouté les secrets des dieux et dispose d'un pouvoir de création et de transformation, de lui dépendent la solidité d'une armure et le tranchant d'une lame, c'est un compagnon toujours présent dans la bataille. La place est courue mais Stoïck reste le chef alors personne ne proteste trop fort quand Gueulfor annonce qu'il ne recrutera pas d'apprenti car il en a déjà trouvé un.
Et puis, comme s'empresse de le signaler Spitelout (Un homme fort et intelligent qui connait le pouvoir des mots. Sans doute le prochain chef. Sans doute celui qui fera assassiner Hiccup un jour si celui-ci fait seulement mine de contester son autorité. Parce qu'il est lui-même chef, Stoïck essaie de ne pas à lui en vouloir) si Hiccup est en train de réparer des lames, il n'est pas en train de se servir d'une lame. Tout le monde peut voir le bien-fondé de l'assertion et sans plus de heurts, Hiccup entre au service de Gueulfor, où il ne se débrouille pas si mal selon ce dernier, malgré des fantaisies regrettables.
Son fils ne sera pas chef, mais son fils sera forgeron.
Il ne sera jamais un rude combattant, il sera toujours un peu bizarre, mais il sera utile pour Beurk et s'il apprend à se taire et arrive à ne pas se laisser embobiner par la politique, il sera vivant.
Stoïck ne peut pas dire qu'il n'a pas rêvé mieux mais il peut vivre avec ça.
.
(Plus tard, Hiccup transformera les hommes de Beurk et créera une nouvelle ère, plus tard, avec ses fantaisies finalement pas si regrettables, il forgera un autre avenir.)
(Et plus tard encore, quand Stoïck sera mort, quand Hiccup sera devenu chef à son tour, sans doute le plus grand chef que les vikings aient jamais connu, il s'assiéra dans la forge et regardera Gueulfor travailler et il entendra dans le martèlement régulier du marteau les secrets des dieux que personne avant lui n'a été capable de comprendre.)
.
Yeah, Stoïck rules ! (Comment Valka a pu l'abandonner, franchement ! Ou en tout cas, ne pas revenir...)
