L'Homme en Noir
Il était recouvert d'une cape noire élimée, son visage dissimulé derrière une capuche. Dans l'ombre de sa silhouette se profilait la gaine d'un katana.
Ici, la terre était noire comme si un feu ardent en avait brûlé la surface, pourtant ses pas ne laissaient aucun bruit, aucune trace. Il était semblable à un fantôme, marchant dans la vallée de la Mort.
Il était fatigué. Fatigué de fuir… De se battre… De laisser un champ de bataille pour un autre…
Quand se reverront-ils ? Quand se sépareront-ils ? Chaque réunion ne faisait que garantir une certitude qui devenait inutile de cacher.
Ils perdaient.
Un craquement lui fit lever la tête. Autour de lui l'encerclaient les masses sinistres d'arbres morts depuis des centaines d'années. Des troncs à l'écorce noircie par la malédiction des lieux, des branches sans feuilles, formant une main aux innombrables doigts s'étira vers le ciel comme une dernière tentative pour retenir une vie qui déjà s'évanouissait à jamais.
Il s'arrêta devant l'un de ces monuments de la vie désormais éteints, mais toujours debout. Une similitude à l'être qu'il était lui-même : sans cœur battant, mais toujours là, comme pour mieux rappeler à tous les horreurs du passé.
Il posa la main sur l'écorce rugueuse quelques instants et ferma les yeux, la tête baissée.
— Requiem…
À ce mot, l'arbre fut délivré de sa condamnation. Ses racines se détachèrent de son tronc et il tomba majestueusement, son corps se réduisant en un nuage de cendres obscures avant même de toucher le sol.
Puis l'arbre le plus près céda également, un troisième s'effondra lui-aussi. Et puis un quatrième, et un cinquième… Ce fut bientôt toute la forêt qui fut parcourue d'un brouillard de ténèbres libératrices.
Au milieu de la noirceur la plus totale, il y trouvait un sentiment de paix. Un soulagement à l'idée d'avoir délivré un frère d'un devoir insupportable. Lentement, il rouvrit les yeux, et le brouillard se dissipa aussitôt, prenant par surprise la pourriture qui sévissait ici-bas. Des abominations dénuées de tous fondements, de toutes émotions. Une grotesque imitation de son vrai aspect...
Les Grimms. Le cauchemar des Hommes.
Mais pas le sien.
Trois monstrueux Death Stalkers lui barraient frontalement le passage. Mais autour de lui, dans la fumée qui s'élevait, il pouvait entendre les grondements de dizaines, de centaines d'autres Grimms. Un sain d'esprit aurait déjà cédé aux sirènes de la folie en attendant une mort inévitable. Mais pour l'être qui se tenait au milieu de cette horde du trépas, le nombre était hors de propos. Seul comptait le message laissé derrière les crocs et la rage de tuer.
Elle voulait simplement lui faire comprendre qu'elle l'avait retrouvé. Que fuir ne réussirait jamais. Qu'elle finirait toujours par le rattraper…
Mais elle-même ne pouvait comprendre. Qu'elle déverse ses hordes de monstres dans les cités des Hommes, que Remnant soit plongé dans le chaos et le sang si tel était son désir !
Mais aussi inexorable soit le Temps, aussi certaine l'est la Mort, aussi maigre soit l'espoir, ils se dresseront pour l'arrêter.
Les Grimms ne mirent guère de temps à encercler leur proie, mais l'objet de leur convoitise de destruction était une entité incomparable, plus écrasante que la gravité, plus terrifiante que la fin de toute chose. Il porta la main à son sabre, lentement, sans à-coups. Il n'avait aucune hésitation, aucune peur, quand il tira de son fourreau une lame rouge…
