Bonjour, c'est moi ! On m'a connue sous le pseudo Skelusia, je reviens changée, et maintenant appelez-moi Rioghain ! Et oui, on fait toujours dans le bizarre. Et bien sûr, cette fois-ci, ça parle toujours d'un certain pirate à cheveux rouges. Voici le premier chapitre, nul autre que l'introduction, donc comme d'habitude, assez court, mais voilà, il faut bien une accroche.

Et on oublie pas les reviews, s'il vous plaît.


L'ombre enragée

La main tremblante serre entre ses doigts une craie. Lentement, comme pour contenir ce frissonnement involontaire, elle trace sur le parquet une ligne. Dans l'ombre, la moitié du corps est nimbée de ténèbres, mais de toute évidence, il s'agit d'une femme. Les mains, incontestablement féminines, s'appliquent à dessiner divers symboles, et cependant, la craie produit un son aigu. A genoux dans la poussière, elle tourne sur elle même, accomplissant scrupuleusement son travail.

Une fois qu'elle a terminé, elle jette son morceau de craie au loin, elle celle-ci s'en va rouler sous un fauteuil.

Elle rampe, presque assise, sur le sol, et plonge la main dans une caisse qui contient du matériel divers. Parmi le fatras, on distingue des bocaux en verre, une bouteille d'eau, et une boîte de gros sel. La lumière de la lune, à travers la fenêtre, est reflétée par un objet métallique effilé.

Alors qu'elle cherche le prochain outil de sa mise en scène, elle s'avance dans la pâle lumière du satellite, et son visage est éclairé. Elle est jeune, tout au plus vingt ans. Ses joues rondes lui donnent des airs de gamine, mais le regard est bien trop franc, trahissant une certaine maturité.

Elle s'empare de la boîte de sel, et plonge sa main à l'intérieur. Elle en sort une bonne poignée de cristaux, se lève, et entreprend de les disperser tout autour d'elle, jusqu'à former un cercle qu'elle referme consciencieusement.

Ensuite, elle fouille dans ses vêtements pour extraire des plis du tissus une branche d'arbre. Elle fait courir ses doigts quelques instants sur les veines du bois, avant le brandir l'objet devant elle. Elle le pointe en direction du cercle de sel, et lentement, tourne sur elle-même, tout en traçant une ligne imaginaire dans l'air. En réaction à ce mouvement, le sel s'enflamme d'une leur bleue. Elle achève sa révolution, et la voilà entourée par le rayonnement.

Et puis, elle enchaîne les mouvement, et place avec la rapidité de l'habitude les accessoires nécessaires aux bons endroits. Une coupe remplie d'eau, un pot remplit de terre, une bougie rouge, un encensoir. Avec des gestes lestes, elle prépare le charbon pour l'encensoir, y place des grains de résine parfumés. Du regard, elle incendie le charbon, enflamme la mèche de la bougie.

Elle extirpe d'autres bougies de sa caisse, et les place dans un simple but d'éclairage, avant de les allumer de la même manière.

Au centre du dispositif, elle pose le livre, très grand, en cuir ancien, avec des pages jaunies, comme on n'en fait plus aujourd'hui. D'un autre temps, mais pourtant, tellement en accord avec elle-même. Elle tourne les pages jusqu'à trouver la bonne, et le bruit du papier traverse l'air comme la caresse d'une plume.

A nouveau, ses mains tremblent lorsqu'elle saisit un calice pour le poser à ses pieds.

Elle se tient droite, plus sérieuse que jamais. Dans sa main, elle tient déjà fermement le poignard. Jetant un dernier coup d'œil au texte du livre, elle soupire pour se donner du courage. Elle porte la lame à ses yeux, comme pour la défier du regard. Il s'agit de ne pas être trop brutale. Quelques gouttes seulement suffirons, tout est symbolique.

Comme quelqu'un qui a peur du vide lorsqu'il doit sauter au fond d'un gouffre, c'est les yeux fermés qu'elle effectue le geste, avec une précipitation maladroite. Malgré elle, un cri de douleur lui échappe.

Le sang glisse le long de ses doigts, chute, et les gouttes vermillon viennent frapper le fond du récipient avec le même bruit que la pluie sur les fenêtres de toit.

Puis elle ferme les yeux, et marmonne quelque litanie incompréhensible pour les profanes.

Alors que la nuit était clair, la lumière d'un éclair vient déchirer le ciel, et le roulement du tonnerre vient secouer les vitres. Il n'y aura qu'un seul éclair, qu'un seulement grondement de tonnerre.

C'est déjà terminé.

Elle rouvre les yeux, et déglutit avec peine. Maintenant, c'est l'angoisse qui se lit sur les traits de son visage. Son regard parcours la pièce de gauche à droite, et pourtant elle reste immobile. Elle attends que quelque chose se produise, mais quoi ?

Elle relâche la pression d'un seul coup. Comme un miroir qui se brise, elle rompt l'illusion. La statue de marbre laisse place à une jeune femme à bout de nerfs. La colère fait briller ses yeux marrons, sa bouche se tord dans un rictus mauvais.

-Satané grimoire ! Encore un rituel à la con !

Elle accompagne les paroles d'un violent coup de pied dans le livre, qui glisse sur le sol grâce à l'impulsion, détruisant au passage la barrière de sel. Grossière erreur.

La magie est rompue, la pièce retombe dans la pénombre, les bougies projetant leur faible lueur sur leur entourage immédiat. Un nouvel éclair illumine le ciel, révélant pour une fraction de seconde le monde éclairé comme en plein jour, à la manière d'un appareil photo.

Devant la grande fenêtre au vitrage cintré, une silhouette massive se découpe en ombre chinoise.

Elle n'a que le temps de se retourner, emplie de frayeur, qu'un grondement terrible résonne à ses oreilles. Et cette fois-ci, ce n'est pas le tonnerre.

Elle tâtonne dans le noir, cherche la baguette de bois, réalise avec frayeur qu'il est trop tard. Jamais elle n'aurait du rompre le cercle. Sans protection, l'entité de peu être contenue.

Fiévreuse, elle relâche une seconde de trop son attention sur la chose, trop obnubilée par ses recherches. Il est déjà trop tard, elle l'a perdu de vue.

Alors, une grand main caleuse se plaque sur son visage, pour l'empêcher de crier, tandis qu'on lui bloque les bras dans le dos. Elle tente à peine de se débattre, car la pression exercée sur ses membres lui fait comprendre qu'elle n'est pas de taille à lutter.

Alors qu'elle est au comble de la panique, une voix profonde et puissante retentit, tout près de son oreille.

-Tu va m'dire c'que j'fiche ici, gamine ?