Hello!

Bienvenue sur le premier chapitre de Turnover, ma première fic Eyeshield 21. J'espère qu'elle vous plaira.
Avant de vous laissez lire, quelques détails:
1- C'est un semi-UA dans le sens ou certains détails provenant du manga ne seront pas respectés, comme le fait que Shinryûji soit un lycée entièrement réservé aux garçon, ou la rencontre fortuite entre Agon et une tondeuse durant la Coupe du Monde. En dehors de ces quelques détails, rassurez vous, je garde la majorité de la trame du manga original.
2- Je me base sur le manga et non sur l'anime. Non seulement l'anime ne reprend pas toutes l'histoire mais il donne surtout une image encore plus négative d'Agon que le manga en en faisant une sorte de psychopathe incontrôlable et en omettant toute l'évolution qu'il suit durant la Coupe du Monde.
3- Au risque de décevoir certains d'entre-vous, ce ne sera pas un yaoi, et il n'y aura aucune relations incestueuse entre les jumeaux. J'avoue que cette idée me met un peu mal à l'aise.

Ceci étant dit, je vous laisse le plaisir de découvrir le reste par vous-même.

Bonne lecture. ^^


Chapitre 1:

PREMIER JOUR.

- Hééééééé! Attends moi, Ao-chan!
La jeune fille ainsi interpellée se retourna pour regarder son amie, pliée en deux, les mains sur les genoux, occupée à essayer de reprendre son souffle. Après un instant, la petite brune se redressa en offrant un sourire contrit à son amie.

- J'y crois pas! Toutes ces marches et t'es même pas essoufflée. Comment tu fais?

- L'entraînement.
La brunette eut un petit rire et épousseta machinalement son hakama du plat de la main.

- On voit que tu as fait toutes ces années de kendo, reprit-elle en examinant son amie d'un regard critique. Tu portes ce kimono beaucoup mieux que moi.

- Arrête de te rabaisser tout le temps, Ko-chan. Cet uniforme te va très bien.
Ragaillardie, "Ko-chan" trottina vers son amie.

Les deux jeunes filles passèrent la porte d'entrée en forme de tori et débouchèrent sur la vaste esplanade autour de laquelle s'élevaient les différents bâtiments du lycée. La grande cour dallée, bondée d'élèves, était dominée par un haut bâtiment aux murs légèrement inclinés et sur leur droite, un autre bâtiment arborait une toiture incurvée rappelant celle d'un temple shintô. D'ailleurs sur leur gauche les deux jeunes filles virent même une pagode et ses multiples toits et sur leur droite, dans le coins le plus reculé de la cour, trônait une immense statue de Bouddha.

- On se croirait vraiment dans un temple, fit la petite brune en regardant autour d'elle, le yeux écarquillés. Ca fiche un peut la trouille.
L'autre jeune fille lui lança un regard incrédule.

- Tu es venue pour les examens d'entrée non?

- Oui, mais j'étais tellement stressée que j'ai pas fait attention à ce qui m'entourait.
"Ao-chan" se retint de lever les yeux au ciel.

- J'étais la seule fille parmi toute une armée de garçons, fit la surnommée "Ko-chan" en frissonnant. Il me regardaient tous comme si j'étais une extra-terrestre. C'était l'angoisse.

- Tu as autant ta place ici qu'eux. Et s'ils ne sont pas content, je me charge d'eux.
Les deux jeune filles traversaient à présent la cour bondée d'étudiants vêtus des mêmes uniformes.

- En parlant de ça. Il faut que je pense à remercier ton père. Sans son intervention je n'aurais jamais pu entrer dans ce lycée.

- Ne dis pas de bêtise, mon père n'y est pour rien, c'est pas lui qui a passé l'examen à ta place. Il a juste fait jouer ses relations pour nous permettre d'entrer en cours de cursus.

- Pour ME permettre d'entrer en cours de cursus, corrigea Konami. Toi avec tes résultats et tes performances, ils n'auraient certainement pas refusé de prendre en cours de cursus. Je suis sûre que tu as déjà un casier à ton nom dans le vestiaire des Naga!

- Tu devrais crier encore plus fort, Ko-chan, soupira "Ao-chan" en regardant autour d'elle.
Plusieurs des étudiants qui les entouraient les observaient avec curiosité en chuchotant entre eux.

- Quoi, c'est pas un secret quand même.

- Je préférerais que ça ne se sache pas avant confirmation définitive.
"Ko-chan" la regarda en haussant les sourcils.

- Tu crains des difficultés?

- Il y en a toujours eu, pourquoi ce serait différent ici? Surtout vu la population locale.
Elle lança un regard vers la troupe de garçons se pressant sur l'esplanade.

- J'ai déjà eu du mal à me faire accepter dans l'équipe d'un lycée mixte alors imagine ce que ça va être ici, ou il n'y a quasiment que des garçons.

- Ca me démoralise, soupira "Ko-chan".

- C'est plutôt moi que ça devrait démoraliser.
Les deux jeunes filles entrèrent dans le grand bâtiment aux murs inclinés. Le parquet parfaitement ciré du hall et l'ambiance calme et sereine des lieux leur donna l'impression d'entrer dans un temple.

- Ca ferait presque flipper, commenta "Ao-chan" en regardant autour d'elle. Tu as les numéros des casiers?
Aussitôt, un papier apparu comme par enchantement dans la main de son amie.

- Numéros 219 et 220.
"Ao-chan" jeta un coup d'oeil aux casiers les plus proches.

- C'est par là, informa-t-elle.
Toutes deux remontèrent l'une des allées séparants les longues rangées d'étagères divisées en petits casiers et trouvèrent rapidement les leurs. A l'aide de la petite clé qu'on lui avait remis la veille, "Ao-chan" ouvrit la porte et découvrit un messages glissé dans la boite. Superbement calligraphiée, la missive l'informait que ses zori devaient rester au casier dans la journée et qu'a l'intérieur du bâtiment principal, elle ne devait se déplacer qu'en tabi.

- En voilà une bonne nouvelle, commenta la jeune fille en remettant le message dans le casier avant d'y fourrer ses sandales de bois.
Mal à l'aise dans ses chaussures, elles s'en débarrassait dès qu'elle en avait l'occasion.

Une fois qu'elles furent débarrassées du superflus, les deux jeunes filles gagnèrent leur classe. Celle-ci se trouvait au troisième étage coincée entre la salle des professeurs et les toilettes et ne comptait que des filles. Quand elles entrèrent, la vingtaine de jeunes filles triées sur le volet que l'établissement avait jugé digne de son enseignement se tournèrent vers elle, interloquées. Les demoiselles avaient de quoi être surprises: c'était la première fois que deux nouvelles élèves rejoignaient leur classe en cours de cursus. Contrairement aux nouveaux élèves masculins, qui avaient la chance de pouvoir rejoindre le lycée à chaque rentrée scolaire, les filles n'y étaient admises en nombre restreint qu'une fois tous les trois ans. Quand une promotion de jeune filles était admise, il fallait attendre qu'elles finissent leur cursus de lycéenne, soit trois ans d'étude, et partent pour l'université avant qu'une nouvelle promotion de jeunes filles ne puisse rejoindre à son tour l'établissement.

- Vous êtes les nouvelles? Demanda l'une des anciennes élèves en s'approchant.
Devant l'absurdité de la question, et l'évidence de sa réponse, "Ao-chan" resta muette, laissant à sa camarade le soin de répondre.

- Oui, admit la brunette en s'inclinant. Je suis Sakamoto Konami et mon amie se nomme Kojima Aoki. C'est un plaisir de vous rejoindre.
Aoki ne dit rien, malgré les regards braqués sur elle et se contenta de lancer un regard circulaire autour d'elle. Toutes les filles qui les entouraient portaient le même kimono blanc et le même hakama rouge qu'elle, rappelant les prêtresses d'un temple shintô. Certaines le portaient mieux que d'autres ou avec plus de conviction, et un instant, la jeune fille eut l'impression de se retrouver en plein milieu d'une réunion de cosplay.

- Je m'appelle Hondo Minami, reprit la jeune fille qui les avait accueilli. Je suis la chef de classe. Si vous avez le moindre problème, n'hésitez pas à venir me trouver.
Konami s'inclina une nouvelle fois en remerciant chaleureusement Hondo-chan.

- C'est laquelle? Demanda soudain une voix rude.
Aoki et Konami se tournèrent dans cette direction et se retrouvèrent face à face avec une fille légèrement plus grande que ses camarades avec de longs cheveux noirs qui tombaient en cascade sur ses épaules. Ses yeux sombres et froids scrutait les deux nouvelles avec une curiosité malsaine.

- Pardon? Demanda Konami, confuse.

- Vous êtes là parce que l'une de vous a suffisamment impressionner les vieux croûtons du conseil d'administration pour être jugée digne de nous rejoindre en cours de route. Alors c'est laquelle?

- Et, tu es? Intervint Aoki en lui rendant son regard glacial.
Sa voix chaude et vibrante lui attirèrent le regards des autres occupantes des lieux.

- Je suis la capitaine de l'équipe féminine de tennis, Azuka Naomi.
Un sourire froid apparut sur les lèvre d'Aoki.

- Et bien, Azuka Naomi, capitaine de l'équipe féminine de tennis, si on te demande laquelle de mon amie ou de moi a réussi à "suffisamment impressionner les vieux croûtons du conseil d'administration", tu pourras répondre que tu n'en sais rien.
Avec ça, Aoki se dirigea vers l'une des tables libres dans le fond de la classe, près de la fenêtre et s'y installa sans rien ajouter, ignorant le regard furibond de la brune. Après un instant d'hésitation, Konami la rejoignit et s'installa derrière elle.

- Oh, regarde, Ao-chan, chuchota-t-elle pour que les autres ne l'entendent pas. On voit bien le terrain de football d'ici.
Aoki leva les yeux et cessa de fouiller dans son sac. Son amie avait raison, la grande étendue de gazon striée de lignes blanches, dominée par les buts en forme de Y, s'offrait généreusement à leurs regards. Pour l'instant, elle était déserte, mais Aoki savait que l'équipe ne tarderait pas à reprendre du service. Elle attendait ça avec impatience.

Détournant le regard, la jeune fille sortit de son sac un bloc-note et un stylo qu'elle posa sur le pupitre devant elle. Laissant son regard vagabonder dans la classe, elle ne tarda pas à remarquer que les autres filles discutaient entre elle en lançant des regards à la fois curieux et intrigués dans leur direction. Elle se retint de se retourner pour en faire la remarque à Konami. Aoki savait qu'une fille intégrant le lycée Shinryûji était quelque chose de très rare et que jamais aucune ne l'avait fait alors qu'il ne lui restait qu'une seule année de lycée à faire. Les règles de l'établissement était très strictes et qu'on les bouscule pour elle suffisait à prouver que la direction de l'établissement attendait d'elle quelque chose que les autres jeune filles ne pouvaient parvenir à accomplir. Elle comprenait parfaitement que les autres filles de sa classe puissent être curieuses, ou se sentir menacée si elles faisaient parti d'un club de sport. C'était probablement le cas de cette Azuka qui faisait semblant de discuter avec ses amies mais ne la quittait pas du regard. Si seulement elle savait à quel point Aoki se fichait de son équipe de tennis!

Quelques minutes s'écoulèrent pendant lesquelles les dernières retardataires rejoignirent la classe. Certaines discutaient en petits groupes répartis dans la salle. Aoki n'éprouvait aucune envie de se joindre à elles et encore moins de s'en faire des amies. En règle générale, elle ne s'intéressait pas aux autres filles et ne se liait que rarement d'amitié avec elles. Konami était la seule exception.

Quand un coup de gong retentit dans tout l'établissement, les conversations s'interrompirent et les filles regagnèrent leurs places. Toutes celles d'entre elles qui avaient les cheveux longs les attachèrent en chignon ou en queue de cheval, si ce n'était déjà fait, ce qui ne manqua pas d'intriguer les nouvelles venues. Quelques instant plus tard, un homme en kimono brun entra et se dirigea directement vers le bureau du professeur ou il posa sa sacoche.

- Bonjour mesdemoiselles. J'espère que vous êtes prêtes pour cette dernière année dans notre établissement. J'ose espérer que vous nous ferez honneur.
Les jeune filles répondirent d'une même voix.

- Pour commencer, je sais que vous l'avez déjà remarqué, nous accueillons deux nouvelles élèves parmi nous, ce qui est assez rare pour être signalé. Mesdemoiselles, vu que vous venez d'arriver, une petite présentation s'impose, vous ne pensez pas?
Aoki lança un regard à Konami par dessus son épaule puis se leva:

- Je me nomme ...

- Allons, allons, mademoiselle, ne soyez pas timide, interrompit le prof. Venez ici.
La jeune fille quitta sa place et le rejoignit sur l'estrade sur laquelle il se tenait, afin de faire face à ses nouvelles camarades. Nullement impressionnée par les regards posés sur elle, elle prit une lente inspiration:

- Je me nomme Kojima Aoki. Je suis née à Tokyo et j'aurai dix-huit ans en Août. J'ai quatre frères aînés. L'un d'eux, Kenji, a été élève ici même et a été membre des Naga.
Cette affirmation déclencha des chuchotements dans la classe. Le prof lui même baissa ses petites lunettes rondes pour mieux pouvoir l'observer.

- Vous êtes la soeur de Kenji-kun?

- Oui, monsieur.

- Je me souviens bien de lui. C'était un bon élément, il a fait honneur à notre lycée.
Il resta un instant muet et Aoki attendit qu'il lui donne l'autorisation de retourner à sa place. Cependant, il n'en fit rien et l'incita à continuer à parler d'elle.

- Que dire de plus? Ma mère est américaine et je suis parfaitement bilingue, je parle anglais depuis mon enfance. J'ai pratiqué le kendo et l'aïkido pendant dix ans et je monte cheval depuis que je peux marcher. J'ai aussi très mauvais caractère et je déteste qu'on me fasse chier.
Elle avait prononcé ces mots avec un sourire mauvais, tout en fixant Azuka du regard.

- C'est à peut près tout. Je vous laisse la surprise de découvrir le reste par vous même.
Elle adressa un sourire intimidant à ses camarades, comme pour les dissuader d'approcher trop près, et regagna son pupitre. Avant de s'asseoir, son regard croisa celui de Konami qui secoua la tête d'un air amusé.

- Tu ne peux pas t'en empêcher! Soupira-t-elle en se levant.
Elle prit la place laissée libre par son amie sur l'estrade.

- Bonjour à toutes, commença-t-elle d'un air amical. Mon nom est Sakamoto Konami. Moi aussi, je suis née à Tokyo et j'ai 17 ans. Mes parents sont kinés, je suis fille unique mais j'ai deux cousines que je ne vois que deux ou trois fois par an. J'adore l'informatique et la photographie, ce sont mes passe temps favoris. Je suis douée en math et en physique et nulle en art. Aoki et moi, on se connaît depuis le jardin d'enfant et je ne compte plus le nombre de choses que j'ai réussi à faire grâce à elle que je n'aurais jamais fait par moi même. J'espère que nous nous entendrons bien.
Elle s'inclina avant de descendre de l'estrade et de regagner sa place.

- Bienvenue parmi nous, mesdemoiselles, commenta le prof en reprenant sa place. Je suis Toyomoka, j'enseigne la littérature moderne et je suis votre professeur principal. J'attends de vous une discipline stricte, un comportement irréprochable et des résultats qui ne nous feront pas regretter le privilège qui vous a été accordé.
Aoki et Konami se contentèrent de hocher la tête.

- Parfait. Commençons notre exercice si vous le voulez bien. En place, mesdemoiselles.
A la surprise des deux nouvelles arrivantes, les jeunes filles se levèrent et replacèrent leurs chaises derrière leurs pupitres avant de s'asseoir par terre dans la position du lotus. Après avoir échangé un rapide coup d'oeil, Aoki et Konami en firent autant.

- Nous commençons toujours notre journée par un exercice de méditation.
Et la demi heure suivante se passa dans le plus parfait silence. Ayant longtemps pratiqué les arts martiaux, Aoki connaissait ce genre d'exercice. Ce n'était pas le cas de Konami qui passa la demie heure à compter les battements de son coeur en attendant la fin l'exercice. Une fois la méditation terminée, tout le monde regagna sa place et le cours commença.

Aoki et Konami ne mirent pas longtemps à se rendre compte que les cours n'étaient pas différents de ceux dispensés dans leur ancien lycée, si ce n'est que leurs nouveaux professeurs étaient extrêmement exigeants avec leurs élèves. En discutant avec Hondo-chan entre les cours, elles apprirent que les filles n'avaient pas le droit de monter au dessus du troisième étage, sauf autorisation exceptionnelle, car c'était à partir de cet étage que les garçons inscrits dans l'établissement avaient cours. En règles générale, les professeurs et les membres du personnel, faisaient en sorte que filles et garçons se rencontrent le moins souvent possible. Hondo leur apprit également que toutes relations autres que purement amicales étaient interdites entre filles et garçons au sein de établissement. Tout élève surpris en train de roucouler ou de s'embrasser entre les murs du lycée étaient passibles d'un renvoi temporaire. De même, tout ce qui pouvait perturber la sérénité des lieux était proscrit, à commencer par les téléphones portables, qui devaient être éteints ou au moins mis en silencieux, et la musique, qui était interdite dans l'ensemble de l'établissement. Les cris et le chahut devaient aussi être évité.

Les jeunes filles se devaient de porter leur uniforme exactement comme on le leur avait remis sans rien y ajouter ni en retirer. Elles devaient attacher leurs cheveux longs et ne devaient porter ni maquillage, ni bijoux, ni aucun autre accessoire susceptible d'attirer l'attention. Elles étaient là pour se consacrer à leurs études et à leur sport de prédilection, pas pour se faire remarquer des garçons. Hondo fit d'ailleurs remarquer à Aoki que ses boucles d'oreille étaient sur la liste des accessoires proscrit et qu'elle ferait mieux de les retirer. Elle pouvait en revanche garder sa montre. Cependant la jeune fille refusa catégoriquement de retirer son médaillon et Hondo fini par accorder que si elle le gardait camouflé sous son kimono ça pouvait passer. Craignant certainement que les deux nouvelles ne se fassent de fausses idées sur leur nouveau lycée, Hondo s'empressa également d'ajouter que tout ça s'appliquait également à tous les garçons fréquentant l'établissement.

Enfin, à une exception près!

A en croire Hondo-chan, le déjeuner était le seul moment où filles et garçons pouvaient se croiser librement, ce qui expliqua pourquoi, au moment ou le gong sonna l'heure du repas, toutes les filles quittèrent la classe en jacassant avec animation. Aoki et Konami les suivirent, se joignant à la masse d'étudiants qui descendait les escaliers en discutant.

- C'est le bagne ce lycée, soupira Konami

- Je sais, fit Aoki. Je suis désolée de t'avoir fait quitter Ikedashi.

- Ne t'en fais pas pour ça, répondit la brunette avec un sourire rassurant. Je sais à quel point le sacrifice de ta liberté doit te coûter. Certainement plus qu'à moi. Alors concentre toi sur ton but et ne t'en fais pas pour moi. Je serai toujours là pour te soutenir.

- Merci.
Elles descendirent tranquillement jusqu'au rez-de-chaussée ou se pressait la masse des lycéens. Celle-ci s'engouffrait par une double porte ouverte au bout d'un couloir. Rares étaient les établissements scolaires proposant une cantine à leurs élèves, habituellement ils devaient amener leur repas tout fait de chez eux et le manger dans leur classe, ou dans la cour s'il faisait beau. Il semblait que non content de purifier l'esprit de leurs élèves par la méditation, la pratique sportive et les cours exigeants, les responsables de Shinryûji voulait également purifier leurs corps en contrôlant leur nourriture. Aoki se demandait si elle devait s'en inquiéter ou non.

Quand elles arrivèrent devant la porte grande ouverte, les deux jeunes filles tombèrent sur Hondo et deux de ses amies. La chef de classe ne sembla pas vouloir laisser passer l'occasion de faire plus ample connaissance avec les intrigantes nouvelles:

- Kojima, Sakamoto! Vous vous joignez à nous?

- Pourquoi pas, répondit Konami avec un grand sourire.
Aoki se contenta d'un hochement de tête silencieux. Tandis qu'elles faisaient la queue, leur plateaux en main, Hondo continua à leur expliquer ce qu'elle estimait devoir leur transmettre à propos du lycée, de sa politique d'excellence, de son règlement stricte et de bien autres choses encore. Cependant, lorsqu'on posa le menu du jour sur le plateau d'Aoki, elle eu du mal à retenir un rire devant l'expression dubitative de la jeune fille.

- Menu végétarien, expliqua-t-elle avec un sourire amusé.

- Je vois ça, soupira la nouvelle. C'est tous les jours comme ça?
Hondo confirma avant de les entraîner vers l'une des tables libres.

Toutes les cinq se frayèrent un chemin dans la salle jusqu'à une table basse qu'un autre groupe venait de libérer. Elle s'agenouillèrent ou s'assirent en tailleur sur les coussins qui servaient de siège puis s'installèrent.

- Au fait, reprit Hondo, je manque à tous mes devoirs. Vous ne connaissez pas mes amies? Voici Ôgawa Michiko et Satô Hanae. On est toutes membres du club de kendo.

- Toutes les filles de la classe font parties d'un club de sport? Demanda Konami en buvant une gorgée du thé servit avec le repas.

- La plupart oui, mais pas toutes, répondit Hondo. Les études et le sports ce sont les deux principaux sujets ici. Particulièrement l'équipe de football.
Konami se retint de justesse de se tourner vers Aoki qui ne laissa rien paraître.

- C'est vrai que ton frère en a fait parti? Demanda Satô en se tournant vers Aoki.

- Oui. Il jouait au poste de linebacker. A l'époque, il avait une réputation équivalente à celle dont Shin, le joueur d'Ojô, jouit aujourd'hui.

- Tu t'y connais, dit donc! Remarqua Ôgawa.
Aoki se contenta de sourire.

- Avec un frère comme Kenji, rien d'étonnant.

- Et qu'est-ce qu'il fait, ton frère, aujourd'hui? Enchaîna Satô, visiblement curieuse de savoir ce qu'on pouvait faire quand on avait été un joueur de cette trempe au lycée.
Aoki prit le temps de boire une gorgée de thé avant de répondre:

- Il fait parti d'un équipe pro.
Les trois jeune filles la regardèrent avec des yeux ronds.

- On est tous sportifs dans la famille, continua Aoki, sentant qu'elle voulaient en savoir plus. Mon père a été trois fois champion olympique de judo et maman vice championne du monde de natation. On a ça dans le sang.
Elle se tournèrent alors vers Konami qui suivait la conversation sans y prendre part.

- Et toi?

- Moi? ... Oh, non, je ne suis pas aussi sportive que Ao-chan. Le seul sport qu'on pratique dans la famille c'est la promenade au bord de la rivière. Et encore, seulement quand il fait beau.
Hondo et ses deux amis se contentèrent de hausser les sourcils.

- Euh ... C'est bien! Commenta Hondo sans conviction.
Ses deux amies et elle se tournèrent à nouveau vers Aoki, qui leur paraissait plus intéressante.

- Donc c'est toi qui a autant impressionné le conseil d'admission? Demanda Ôgawa avec avidité.
Aoki tria un instant le contenu de son assiette du bout de ses baguettes.

- Et si c'était le cas?

- Quel club vas-tu rejoindre? S'empressa de demander Satô.

- Tu viendras avec nous au club de kendo? Renchérit Ôgawa.

- Tu as dis que tu avais pratiqué le kendo pendant dix ans. C'est plus que la plupart d'entre nous, continua Satô.

- Il est vrai qu'on en aurait bien besoin, soupira Hondo. Ces dernières années, toutes les bourses sportives attribuées l'ont été pour des membres de l'équipe de foot. Ca devient lassant.
Aoki ne répondit pas immédiatement, cherchant rapidement un prétexte pour n'avoir pas à le faire. Et le salut ne lui vint de nul autre que des héros locaux.

Un grand silence accueillit l'entrée de trois adolescents dans la salle. Un instant tous les élèves présents se tournèrent vers eux, puis toutes les conversations reprirent toutes en même temps, comme si quelqu'un avait brusquement remonté le volume d'un film. Comme les autres élèves, les cinq jeunes filles suivirent un instant les nouveaux venus du regard. Cependant, contrairement à ses camarades de tablée, Aoki garda les yeux fixés sur eux tandis qu'ils traversaient la salle.

Celui qui marchait devant était grand, large d'épaule et les amples manches de son uniforme ne suffisaient pas à camoufler les muscles impressionnants de ses bras et de son torse. Son visage anguleux, aux traits bien dessinés arborait un air calme et serein, mais la détermination qui brillait dans ses yeux gris en aurait fait reculer plus d'un. Ses cheveux coupés à ras lui donnait des airs de bonze qui ne faisaient pas déplacé dans ce lycée. Il se mouvait avec souplesse signe d'une longue pratique sportive.

Le jeune homme qui marchait derrière lui était tout à fait semblable et pourtant, il n'aurait pas pu être plus différent. Les cheveux longs, attachés en dreadlock, il portait une paire de lunettes de soleil vissée sur le nez, bien que la salle fut sombre, et sous la veste de son uniforme, on pouvait voir un T-shirt qui aurait d'avantage eu sa place dans un concert de rock. Son visage, étonnement semblable à celui de l'autre jeune homme, ne dégageait pas la même impression de calme et de détermination. C'était certainement dû à ses lunettes de sport camouflant en partie ses yeux et au rictus hargneux qui se dessinait sur ses lèvres. De même taille et de même corpulence que l'adolescent marchant devant lui, il n'en paraissait pas moins bien plus impressionnant probablement à cause l'air peu commode qu'il arborait ainsi qu'à son pas décidé qui donnait l'impression qu'il pouvait écraser le monde entier si celui-ci se dressait devant lui.

Le troisième était plus petit et de carrure moins imposante, pourtant il n'en paraissait pas moins solide et tout dans sa démarche trahissait sa vivacité. Il semblait d'avantage taillé pour la course que pour les épreuve de force, contrairement aux deux autres. Il se démarquait par ses cheveux en bataille et l'air presque naïf flottant sur son visage. Il paraissait aussi plus jeune que ses deux compagnons, bien qu'il ait probablement le même âge. Quand ses yeux sombre se posèrent sur leur tablée, une jolie teinte rose s'étala sur ses joues glabres et il ne put retenir un sourire timide.

Aoki haussa les sourcils et échangea un regard silencieux avec Konami, avant de se tourner vers Hondo et ses deux amies.

- Ce sont les frère Kongô.
C'était d'avantage une affirmation qu'une question mais Hondo répondit quand même.

- Oui ce sont eux. Celui avec les cheveux courts, c'est Unsui-kun, l'aîné. Et l'autre, c'est Agon.

- Ils sont jumeaux, c'est ça? Demanda Konami en observant les deux frères.

- Oui, répondit Hondo, mais on ne pourrait pas faire plus différent.
Elle marqua une pause avant d'annoncer:

- Le troisième, est aussi un membre des Naga. C'est Hosokawa Ikkyû.

- Oui, je sais, je l'ai vu jouer, lui aussi.
Hondo n'eut pas le temps de lui lancer un regard étonné, car le trio de footballeurs se dirigeait vers elles, ce qui provoqua l'émoi de ses deux amis.

- Ils viennent par ici, ils viennent par ici! S'exclama Ôgawa à voix basse en sautillant sur son coussin avec excitation.

- La chance! Renchérit Satô, non moins agitée.

- Unsui-kun est vraiment trop classe, se pâma Ôgawa.

- Et Ikkyû-kun est trop mignon! S'extasia Satô.
Elle échangèrent des rires surexcités tandis que Hondo restait muette, se contentant de soupirer avec lassitude. Ce n'était visiblement pas la première fois que ses deux amis se comportaient de la sorte à la vue des trois joueurs de football américain.

- Tiens! Intervint Aoki, coupant les deux autres dans leur moment d'extase. Je m'attendais à ce que ce soit Agon qui ai le plus de succès!
Ca eut le mérite de calmer les ardeurs des deux adolescentes mieux qu'une douche froide.

- Agon? Il fiche trop la trouille, souffla Ôgawa à voix basse, certainement pour ne pas être entendue du jeune homme.
Satô confirma d'un signe de tête.

- Ah bon? Il ne me parait pas si terrifiant, pourtant.
Les trois autres la regardèrent comme si elle descendait d'une autre planète.

- Aoki n'a peur de rien, ni de personne, affirma Konami avec un petit sourire moqueur.
Les trois jeunes filles n'eurent pas le temps de s'en étonner car le trio de dragons s'arrêta juste à leur hauteur pour s'installer à la table voisine. Ôgawa et Satô lâchèrent des petits cris hystériques de fan-girls devant leurs vedettes adorées qui attirèrent les regards des nouveaux venus. Agon, certainement habitué à ce genre de réaction, leur adressa un sourire arrogant. Les deux autres, plus circonspects, se contentèrent de se détourner en faisant semblant de ne pas voir les regards brillants de convoitise de Ôgawa et de Satô.

- Vous êtes ridicules les filles, soupira Hondo.
Mais même un sourd aurait mieux entendu cette remarque que les deux fan-girls.

- Ca fait toujours ça? Demanda Konami.

- Pratiquement, oui, déplora Hondo. La plupart des filles ne peut pas s'empêcher de baver devant les garçons de l'école, même si c'est interdit. Et les joueurs des Naga ont toujours eu beaucoup de succès.
Elle semblait résignée, comme si elle savait qu'essayer de raisonner ses camarades de classe était un combat perdu d'avance.

- Au moins, elle ne bavent pas, c'est toujours ça, plaisanta Aoki.
Avec un petite rire moqueur, elle leva sa tasse pour boire une gorgée de thé. A ce moment, une ombre tomba sur elle. Ôgawa et Satô se turent d'un seul coup comme si cette ombre les avait congelé sur place. Levant lentement la tête, la jeune fille découvrit le regard anthracite de l'un des trois sportifs baissé vers elle. Mais ce n'était ni Unsui, ni Ikkyû. C'était Agon. Son air menaçant s'était envolé comme par enchantement au profit d'un sourire avenant et ses lunettes de soleil avaient disparu, laissant voir ses yeux gris.

- On ne se connaît pas, il me semble, lança-t-il à Aoki, en ignorant complètement les quatre autres jeunes filles.

- Pas encore, admit celle-ci avec un sourire amusé.
Il lui adressa un sourire ouvertement séducteur. Elle reposa doucement sa tasse sur son plateau tandis que le champion des Naga s'agenouillait à même le sol pour s'accouder à la table.

- Je ne t'ai jamais vu auparavant. Pourtant j'ai une excellente mémoire.

- C'est normal, je viens d'arriver.
Il haussa un sourcil sans rien perdre de son air charmant.

- Oh? C'est vrai?
Aoki se contenta de lui rendre son sourire.

- Aussi surprenant que ça puisse paraître, oui, c'est vrai.

- Et qu'est-ce qui nous vaut l'honneur de ta venue.
Aoki hésita un instant, se demandant comment il réagirait si elle lui lâchait comme ça, tout de go, qu'elle comptait rejoindre son équipe. Elle n'en fit cependant rien, inutile d'attirer l'attention de tout le monde dès le premier jour.

- Certainement pas la cuisine en tout cas, répondit-elle finalement en repoussant son plateau.
Un sourire carnassier fit surface sur le visage du footballeur.

- Ca tombe bien, je connais un petit resto sympa, ça te dirait de m'y rejoindre, ce soir?
Avant que Aoki ait eu le temps de répondre, Unsui attrapa son frère par la peau du dos.

- Laisse la tranquille pour son premier jour.
Il regagna sa place en traînant son frère derrière lui.

- Je suis désolé, s'excusa-t-il.

- Y'a pas de mal, répondit Aoki sans perdre son sourire. C'était plutôt flatteur.
Agon grogna quelques chose d'inaudible à l'intention de son frère mais celui-ci fit mine de ne pas entendre.

- Je ne me suis pas présenté, fit Aoki à ce moment.
Elle tourna sur son coussin afin de faire face à la table des trois footballeurs.

- Je m'appelle Kojima, annonça-t-elle en s'inclinant. Kojima Aoki.
Elle se redressa et son regard croisa les yeux couleur d'ardoise de Unsui. Elle comprit à ce moment qu'il savait déjà qui elle était et pourquoi elle était là.

- C'est un plaisir de rencontrer les trois têtes des Naga, ajouta-t-elle avec un sourire comploteur.
Ikkyû la regarda avec des yeux ronds mais Unsui se contenta de froncer les sourcils. Les lunettes de soleil étant de nouveau posées sur le nez d'Agon, impossible de voir sa réaction. En tout cas, son sourire arrogant était de retour sur son visage.

Satisfaite, Aoki se tourna à nouveau vers ses camarades de classe. Celles-ci la regardaient à nouveau comme si elle arrivait d'un autre monde. Elle leur adressa un nouveau sourire, sans rien dire. Il se passa quelques seconde de silence avant que Ôgawa ne revienne soudain à la charge.

- Alors, le club de kendo?
Aoki la maudit silencieusement.

- Je ne sais pas, je ne me suis pas encore décidée, mentit-elle.
Elle espéra que ça mette fin à leur interrogatoire.

Pendant un moment, elles restèrent muettes, Hondo se concentrait sur son déjeuner tandis que Ôgawa et Satô continuaient à baver sans discrétion sur Unsui et Ikkyû. De leur coté, Aoki et Konami faisaient semblant de s'intéresser à la brochure vantant les mérites des divers club du lycée. Les Naga y tenait une grande place, mais ils n'étaient pas les seuls.

- Pourquoi tu ne t'inscris pas dans l'un d'eux? Proposa soudain Aoki à son amie.
Konami eut un petit rire.

- Tu me vois dans un club, moi? Avec mon gabarit de crevette?
Aoki haussa un sourcil:

- Je ne parle pas forcément d'un club de sport. Tiens, pourquoi pas celui-là?

- Le club de shogi? Interrogea Konami avec une moue dubitative. Je ne sais même pas jouer.

- Ce serait une bonne occasion d'apprendre!
Mais devant l'air peu convaincu de son amie, Aoki préféra passer à un autre club.

- Et ça, qu'est-ce que tu en dis? Un club de mode!

- Je ne le vous conseille pas, fit une voix grave sur leur droite.
Elles se tournèrent vers Unsui.

- En fait de mode, c'est surtout une couverture pour cacher un rassemblement de collectionneurs.
Konami se pencha vers l'avant pour voir l'adolescent sans être gêné par son amie, assise à sa droite.

- Des collectionneurs de quoi?
Elle sut qu'elle allait regretter sa question au moment même où elle vit Ikkyû piquer le fard du siècle. Agon laissa échapper un ricanement moqueur.

- De petites culottes, répondit son frère sans se démonter.
Aussitôt une rougeur pouvant rivaliser avec celle du cornerback s'étala sur les joue de l'adolescente, tandis qu'un rire amusé s'échappait de la poitrine d'Aoki.

- Non merci, pas de mode pour moi, décida Konami.
Aoki continua à consulter la brochure.

- Le club de photo? C'est ta passion, la photo, tu devrais en profiter. Tu as toujours regretté la fermeture de celui de Ikedashi!

- Pas mieux! Fit la voix de Unsui avant que la brune ne puisse répondre.
Aoki et Konami se tournèrent de nouveau vers lui.

- Laisse moi deviner, fit Aoki. Ils collectionnent les photos de petites culottes?
Le quarterback confirma d'un signe de tête.

- Mais dis-donc, t'es drôlement bien renseigné, ma crotte, remarqua Agon.
Il attrapa son frère et lui coinça la tête dans le pli de son coude en une prise qu'un catcheur professionnel n'aurait pas renié. Unsui se débattit un instant avant de s'immobiliser, résigné.

- On devrait peut-être l'aider, fit Konami l'air inquiet en les regardant.

- Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse? Et puis il a l'air d'avoir l'habitude.
Tandis que Agon continuait à malmener son frère sous les regards inquiet de Ikkyû ou outrés de Ôgawa et Satô, Aoki replongea dans la brochure.

- Le club de sudoku? Proposa-t-elle.

- Ao-chan, s'indigna Konami.

- Le club de lecture alors?

- Essaierais-tu de te débarrasser de moi par hasard?
Aoki cligna plusieurs fois des yeux, ayant visiblement du mal à reconnecter son cerveau.

- Bien sûr que non, quelle idée!

- Alors pourquoi tu essaies de me faire entrer dans l'un de ces fichus clubs?

- Mais, pour que tu te fasses d'autres amis et que tu profites de ta dernières année de lycée.
Konami soupira comme si cette réponse lui paraissait totalement absurde.

- Je n'ai pas besoin de faire partie d'un club pour profiter de cette année.

- Mais, qu'est-ce que tu feras pendant que serai aux entraînements?

- Eh bien, comme toujours! Je resterai sur le bord du terrain pour regarder.
Ce fut au tour de Aoki de soupirer. Profitant de sa victoire, Konami replia la brochure et la glissa dans la manche du kimono qui lui servait d'uniforme scolaire.

- C'est réglé! Décréta la brunette.
Aoki déclara forfait.

- De toutes façons, intervint Hondo qui avait suivi la conversation, les inscriptions aux clubs dureront toute la semaine, tu as encore un peu de temps pour y réfléchir.
Konami haussa simplement les épaules.

- Tu ne manges pas, Kojima-chan? S'inquiéta alors la chef de classe.
Aoki lança un regard vers son plateau à peine entamé.

- Euh, non! ... C'est probablement très bon pour la santé mais c'est aussi certainement très mauvais pour le moral.
Elle se tourna vers Konami.

- A partir de demain, c'est moi qui cuisine.
La brunette hocha la tête. Hondo faillit s'étouffer avec son pâté de tofu.

- Qui cuisine?

- Oui, pourquoi? C'est interdit d'amener son déjeuner?

- Non, non mais ... C'est toi qui cuisine? Ta mère ne le fait pas?
Aoki haussa les sourcils.

- Ma mère vit à Tokyo. Si je rentrais chez moi ça me prendrait trois heures de transport en communs, deux fois par jour. Et comme j'ai autre chose à faire que de passer mon temps dans le train, je partage un appartement avec Konami, situé à quatre kilomètres du lycée.

- Vous vivez seules?
Toutes les deux approuvèrent d'un signe de tête. Hondo et ses deux amies semblaient abasourdies.

- Mais, pourquoi vous inscrire dans un lycée aussi éloigné de chez vous?
Aoki se leva et prit son plateau.

- Shinryûji était la meilleur option pour ce que je veux faire.
Elle adressa un dernier sourire aux trois jeunes filles et quitta la table.

En passant devant la table des footballeurs, elle remarqua que Agon avait fini par lâcher son frère, lequel arborait à présent l'empreinte du bracelet de son cadet sur la joue gauche. Passant devant eux en retenant un sourire, elle se dirigea vers le comptoir, Konami sur ses tallons.

- Merci, fit-elle en déposant son plateau devant les préposés à la vaisselle. C'était délicieux.
Ce mensonge lui attira le regard sidéré des deux types en tablier blanc qui avait récupéré le déjeuner à peine entamé.

Ayant encore près d'une demie heure de battement avant la reprise des cours, les deux jeunes filles allèrent récupérer leurs sandales dans leurs casiers puis quittèrent le bâtiment pour profiter du doux soleil de printemps dans l'immense cour. A leur surprise, des élèves, pratiquement tous masculin, étaient occupés à installer chaises et tables en longues rangées sur l'esplanade. Les clubs commençaient à préparer leur session de recrutement du début d'année qui commençait le lendemain.

- Je me demande si les Naga ont un stand, fit Konami en observant une jeune fille installer une pancarte vantant les mérite du club de tennis.

- Ca m'étonnerait, ils ont tellement de succès qu'il n'ont pas besoin de pub pour attirer les nouveaux membres.

-N'est-ce pas? Répondit la brunette avec un sourire en coin.
Aoki hocha détourna la tête, comme si ce que son amie venait de dire était particulièrement vexant, cependant, elle n'était pas fâché, au contraire, elle semblait amusée:

- Je ne vois pas ce que tu veux dire, répondit-elle avec le même sourire.
Ca fit rire Konami.

- On va voir le terrain? Proposa la brunette.

- Je ne suis pas certaine que ce soit autorisé.
Konami attrapa Aoki par le bras et l'entraîna vers l'extrémité du bâtiment.

- On dira qu'on ne savait pas!
Bras dessus bras dessous, elles longèrent le long bâtiment principal et tournèrent dans un large passage qui le séparait du cimetière.

- Drôle d'endroit pour mettre ça! Remarqua Konami tandis qu'elle longeaient le muret entourant les pierres tombales.
Elle sentit un frisson glacé lui remonter le long de l'échine et pressa le pas, provoquant l'amusement muet de Aoki.

Face à elles se dressaient le mur séparant la grande esplanade du lycée des terrains de sport. La porte de gauche menait directement au terrain de football américain, celle de droite au terrain que se partageaient les équipes de soccer, de baseball et de tennis. Les deux portes étaient fermées, ce qui n'empêcha pas les deux jeunes filles d'approcher. Konami toujours agrippée à son bras, Aoki poussa la porte qui tourna sur ses gonds sans produire le moindre bruit. Poussant l'audace plus loin, elles franchirent la porte.

Sur leur gauche, le long du bâtiment principal s'élevait les tribunes, complètement vide à cette heure. Sans être immense, elles pouvait tout de même contenir bien plus de spectateurs qu'il y avait d'étudiants dans les murs de l'établissement, et elles avaient leur pendant de l'autre coté du terrain. Mais en l'absence de tout occupants, elle paraissait encore plus impressionnante, grande structure béante projetant son ombre sur le terrain. Les deux adolescentes marchèrent jusqu'au bord de la pelouse et s'arrêtèrent pour observer le terrain désert.

- C'est impressionnant, murmura Konami.

- Ca l'est encore plus quand tu as onze molosses accrochés à tes crampons, rit Aoki.
Lâchant enfin le bras de son amie, elle retira sandales et tabi puis avança sur la pelouse, pieds nus. Konami ne s'en étonna pas, connaissant les petites manies de sa complice.

- C'est agréable, fit Aoki. Un terrain en véritable gazon. Agréablement souple sans être profond, idéalement tondu. Tout ce qu'il faut pour permettre de bonnes performances en ménageant les chevilles et les genoux.
Konami ne répondit pas, c'était inutile. Aoki ne s'adressait pas vraiment à elle, elle ne faisait qu'énoncer ses observations à voix haute. Quand elle entrait sur le terrain, elle devenait presque quelqu'un d'autre et Konami la voyait souvent en guerrière partant au combat. Ses sandales à la main, Aoki marcha jusqu'aux hashmarks, les deux rangées de lignes placées au centre du terrain. Elle marcha un instant dans le chemin tracé par ces marques avant de revenir vers Konami qui attendait sur le bord du terrain, n'osant pas poser le pied sur la pelouse.

- C'est à ton goût?

- Dommage que je n'ai pas mon matériel sous la main, j'ai subitement envie de sauter dans mes crampons et de piquer un sprint.
Konami lui adressa un sourie timide. Elle ne savait jamais vraiment comment se comporter dans ces cas là et l'apparition de la Aoki guerrière prête à écraser ses adversaires l'intimidait toujours.

Elles longèrent le terrain en silence, Aoki marchant toujours à pieds nus sur la pelouse tandis que Konami n'osait pas poser un orteil dessus. A l'extrémité du terrain, dans le prolongement de la tribune, un bâtiment semblable au pavillon d'un temple attira leur attention.

- Le club-house? Demanda Konami.

- Probablement.
Elle s'approchèrent ne manquant pas de remarquer que le bâtiment n'avait pas de fenêtre. Au dessus de la porte, un panneau portait le dragon, logo des Naga. Aoki s'approcha, tandis que Konami restait prudemment en arrière, et actionna la poignée.

- C'est fermé, constata-t-elle. Dommage.
Elle se retourna pour jeter un coup d'oeil autour d'elle.

- En tout cas, ils ont de sacrées installations.

- C'est certainement dû au fait qu'ils ont gagné neuf des dix derniers tournois du Kanto.

- Probablement.
N'ayant plus grand chose à faire dans les parages, les deux jeune filles firent demi-tour et revinrent sur leurs pas.

- Neuf des dix derniers tournois du Kanto, mais pas un seul Christmas Bowl, remarqua Aoki. Tu parles d'une malédiction.

- Malédiction qui va prendre fin cette année.

- J'y compte bien.
Elles passèrent la porte ramenant sur l'esplanade et se mêlèrent aux autres élèves qui commençaient à aller et venir entre les stands en préparation. N'ayant rien d'autre à faire, elles passèrent en revue les différents clubs, mais aucun n'attira vraiment leur attention. Aoki était concentrée sur son objectif personnel: jouer avec les Naga, et Konami ne semblait pas intéressée par la perspective de s'inscrire dans un club.

- Rah, je m'ennuie! Se plaignit Aoki en donnant un coup de pied dans un cailloux.

- Profites en, d'ici une semaine tu regretteras de ne plus pouvoir t'ennuyer.

- Probablement, mais je déteste n'avoir rien à faire.
Konami se contenta de sourire sans rien dire.

Elles revinrent vers le bâtiment principal sans vraiment faire attention à ce qui se passait autour d'elles et firent halte dans le hall pour remettre leurs sandales dans leurs casiers. Au moment où elles traversaient le couloir menant vers l'escalier, elles tombèrent à nouveaux sur les trois footballeurs qui sortaient visiblement tout juste du réfectoire.

- Hey, comme on se retrouve! Fit Agon en retirant ses lunettes de soleil. Aiko, c'est ça?
Il ne s'en était pas rendu compte tant qu'elle était assise sur son coussin, mais elle était presque aussi grande que lui, trois ou quatre centimètres de moins peut-être. Ses cheveux couleur de miel, coupés court, ses yeux d'un bleu de glace et ses traits fins prouvaient sans l'ombre d'un doute qu'elle était métis, probablement à moitié européenne. Un joli trophée à ajouter à son tableau de chasse.

- C'est Aoki, en fait, rectifia-t-elle en se tournant vers lui. Kojima Aoki.
Cette précision ne sembla pas évoquer quoique ce soit dans l'esprit du dragon.

- Tu n'as pas répondu, pour le restaurant, rappela-t-il.
Vaguement déçue qu'il ne fasse pas le lien avec son frère, et donc avec la probable raison de sa venue dans ce lycée, Aoki se contenta de lui adresser un sourire faussement navré.

- Je suis vraiment désolée, mais j'ai un tas de cartons qui encombrent mon appartement et qui attendent d'être déballés. Une autre fois, peut-être.
Abasourdi d'essuyer un refus, Agon en resta comme deux ronds de flanc. Aoki décida de ne pas attendre qu'il revienne de sa surprise.

- Passez une bonne journée, lança-t-elle aux trois sportifs en montant les premières marches de l'escalier, Konami sur ses talons.

- Quel dragueur, celui-là! Remarqua la brunette.

- Oui, c'est bien ça le problème, marmonna Aoki, visiblement agacée.

- Hum?
Aoki ne prit pas la peine de répondre.

Lorsqu'elles entèrent dans leur salle de classe, bon nombre de leurs camarades avaient déjà regagné leur place. Aoki s'installa derrière son pupitre et, sans un mot, tira de son sac un bloc-note qui avait l'air d'avoir beaucoup servi. L'ouvrant, elle le feuilleta un instant, ne prêtant aucune importance aux pages couvertes de texte manuscrit ou de schéma de tactiques. Quand elle eut trouvé une page vierge, elle le plaça dans le sens de la largeur, gardant la reliure sur sa droite, puis entreprit d'inscrire ses premières impressions sur le lycée, son terrain et les membres de l'équipe qu'elle venait de rencontrer.

Elle faisait toujours ça, ça l'aidait à mieux réfléchir. Son carnet était bourré de ses réflexions, de ses idées plus ou moins réalisables, de ses théories de jeu, elles aussi plus ou moins réalisables, de ses analyses de jeu, d'équipe ou de joueur, de ses croquis tactiques et de bien d'autres choses qu'elle était la seule à comprendre. Konami avait l'habitude de la voir faire, elle ne s'en étonnait même plus. Ce n'était pas le cas des autres filles, qui regardèrent avec des yeux ronds les hiéroglyphes que la jeune fille alignait dans son bloc.

- C'est quoi tous ces gribouillis, demanda une fille en se penchant sur le bloc-note.
Levant les yeux, Aoki reconnu la capitaine de l'équipe de tennis qui les avait apostrophé, Konami et elle, le matin même. Son petit sourire arrogant et son regard glacial eurent le don d'agacer la blonde qui baisa de nouveaux les yeux sur son travail en répondant:

- Si on te le demande, tu pourras dire que tu n'en sais rien.
Visiblement peu habituée à se faire rembarrer de la sorte, Azuka pinça les lèvres.

- Tu n'as pas bien compris comment ça marche ici, fit-elle d'une voix venimeuse. Je suis la capitaine du meilleur club du lycée, tu me dois le respect, la bleue!

- Le meilleur club du lycée? Tiens, j'étais persuadée que c'était les Naga! Répondit vicieusement Aoki.
Azuka ouvrit le bec pour répliquer mais rien ne sembla lui venir à l'esprit.

- Mais c'est vrai que les Naga sont hors-catégorie, remarqua Aoki, toujours sans lever le nez de son bloc-note. Et que n'importe qui ne peut pas y entrer.
Cette fois, elle leva la tête et lança vers la brune un sourire dédaigneux.

- Ca veut dire quoi ça? S'offusqua la joueuse de tennis.

- Exactement ce que tu penses que ça veut dire.
Un instant, les deux jeune filles s'affrontèrent du regard.

- Quelqu'un devrait t'apprendre la politesse, siffla Azuka.

- Tu crois que tu me fais peur, peut-être? J'ai affronté des types enragés plus grands et plus hargneux que toi, sans jamais trembler. Tu n'a aucune chance de réussir à m'intimider.
Elle se leva et toisa la classe:

- Et puisque nous en somme aux mises au point sachez ceci: je ne suis pas venue ici pour me faire des amies, vous ne m'intéressez pas, aucun de vos club ne m'intéresse. Je n'ai qu'un seul but et vous n'en faites pas parti. La seule chose qui compte pour moi est la réalisation de mon objectif. Le reste, je m'en balance.
Sur ses mots, elle referma son bloc-note et le fourra dans son sac avant de se rasseoir.

- Tu ne changeras jamais, Ao-chan, soupira Konami, derrière elle.
Aoki se contenta de hausser les épaules. Peu à peu, les regards braqués sur elle se détournèrent et les autres filles se mirent à chuchoter entre elles en se tournant de temps à autres vers les nouvelles venues. Aoki les ignora simplement, se contentant de regarder les nuages défiler dans le ciel.

Bientôt le gong sonna la reprise des cours et le premier professeur de l'après midi ne tarda pas à se montrer. Les cours reprirent et le reste de la journée se passa sans heurt. A la fin des cours, Toutes les filles se levèrent en même temps et saluèrent le professeur en s'inclinant devant lui tandis qu'il sortait de la salle.

- Merci pour votre temps, Sakada-sensei!
Il leur répondit d'un vague geste de la main. Quand il fut partit, tout le monde rangea ses affaires, plaça les chaises sur les tables et quitta la salle.

Aoki et Konami se joignirent au flot des élèves dans le couloir et descendirent vers le rez-de-chaussée. Là, elles récupérèrent leurs sandales et quittèrent le bâtiment. Alors que la majorité des élèves se dirigeaient vers les salles d'études du rez-de-chaussée, les filles suivirent ceux, moins nombreux, qui traversaient l'esplanade en direction du grand escalier.

- Où ils vont, tous? Ils ne rentrent pas chez eux? Demanda Konami en se retournant pour jeter un coup d'oeil à la foule des élèves qui se pressait dans le couloir.

- Ils sont pensionnaires.
Elle se tourna vers Aoki.

- Ah? Je ne savais pas qu'on pouvait être pensionnaire.

- Seuls les garçons peuvent l'être, nous autre pauvres filles, devons rentrer chez nous chaaaaaaque soir! Fit la blonde avec un ton faussement tragique.

- Dommage, ça nous aurait évité de devoir nous taper ce stupide escalier! Soupira la brunette en regardant les marches se dérouler à ses pieds avec un air de profond dégoût sur le visage.
Et, poussant un soupir à fendre l'âme, elle entama la descente des mille et quelques marches.

Pour les premiers jours, Aoki avait accepté de prendre le métro pour rentrer chez elles. Sans accès au vestiaire de l'équipe, il lui était difficile de se changer et elle ne se voyait pas courir en kimono dans les rue de la ville. Sans compter que Konami n'avait encore récupéré son vélo. Les deux amies se dirigèrent donc vers la station de métro et se mêlèrent aux badauds qui les regardaient avec moins de surprise qu'elles s'y attendaient.

- Ils ont certainement l'habitude, avec le lycée de l'autre coté de la rue, conclut Aoki.

- Ce kimono a au moins ça de pratique, avec lui, on ne risque pas de se faire molester par des pervers amateur de petites culottes de lycéenne, fit Konami en entrant dans une rame de métro bondée.
Aoki joua des coudes pour la rejoindre.

- Ce que me fait penser, continua la brunette en s'accrochant à l'une des barres de la rame. Tu crois que Kongô-kun s'est moqué de nous ce midi, à propos du club de photo?

- Venant de son frangin j'aurai pu avoir un doute, mais je ne pense pas que Unsui-kun soit du genre à plaisanter avec ça. Et puis ... Je pensais que tu ne voulais pas t'inscrire dans un club?

- C'est vrai mais ... Penser que des petits pervers profitent de la couverture de leur club pour s'adonner à leur perversion, ça ne me paraît pas normal.

- Ce sont des ados, Ko-chan, leurs hormones les mènent par le bout du nez et ils sont prisonnier d'un monastère ...
Elle s'interrompit en secouant la tête:

- D'un lycée, se reprit-elle, ou il n'y a quasiment que des garçons. Déjà dans un lycée mixte, les garçons ont des occupations disons ... spéciales, alors imagine ce que ça peut-être dans les écoles n'accueillant que des garçons!
Konami haussa un sourcil.

- Maintenant que tu le dis!
La petite brune laissa passer un instant avant de se tourner à nouveau vers son amie:

- Au fait, dis moi si je me trompe mais Kongô-kun te plaît, non?
Aoki haussa un sourcil:

- Unsui-kun?

- Mais non, Agon!

- C'est un formidable joueur. Il serait le meilleur du pays, si seulement il voulait bien s'en donner la peine.

- Ao-chan! Ce n'est pas ce que je voulais dire, râla Konami.
Mais à ce moment, le métro s'arrêta dans la station à laquelle elles devaient descendre et Aoki quitta la rame sans prendre la peine de répondre. Râlant, Konami la suivit, se frayant un chemin parmi la foule des badauds.

Les deux jeunes filles venaient d'emménager dans un petit appartement en duplexe au troisième et au quatrième étage d'une résidence sans prétention dans un coin assez calme de la ville. Des immeubles d'habitation, des maisons individuelles et le jardin d'enfant tout proche constituaient leur environnement immédiat. Quelques boutiques et un kombini permettaient de n'avoir pas à aller jusqu'au centre ville pour faire ses courses. Il y avait même un parc public à deux kilomètres de là où Aoki se proposait d'aller courir de temps à autres.

Sur le chemin de leur résidence, Konami essaya de reprendre la conversation là ou Aoki l'avait laissé tomber, mais son amie parvint encore une fois à détourner son attention vers autre chose. Cette fois Konami, lâcha le morceau à la plus grande satisfaction d'Aoki. Passant devant le konbini, Aoki marqua un temps d'arrêt avant de se tourner vers son amie:

- On fait des courses pour ce soir?

- Tu veux cuisiner ce soir? Interrogea Konami, perplexe. Tu auras le courage de le faire après avoir déballé tous les cartons qui nous attendent là-haut?
Aoki haussa un sourcils.

- Qu'est-ce que tu veux manger sinon?

- Je ne sais pas! Un truc à emporter? Il y a un fast-food au coin de la rue, de l'autre coté de l'immeuble, il me semble.

- OK!
Elles reprirent leur marche vers leur immeuble.

- Il faudra quand même faire des courses, projeta Aoki. On a presque rien dans le frigo.

- Je sais.
Aoki utilisa son badge pour ouvrir la porte du hall, elles entrèrent dans la résidence et se dirigèrent vers l'ascenseur.

- Normalement, je devrais monter à pied, remarqua Aoki en appuyant sur le bouton d'appel de la cabine.

- Normalement! Répondit simplement Konami.
La porte s'ouvrit devant elles sans un bruit et toutes les deux entrèrent dans la cabine. Konami tira ses clés de son sac de cours et ouvrit la porte d'entrée quand elle arrivèrent à leur étage.

Des piles de carton les attendaient dans le living-room et la cuisine et presque autant se cachaient dans les chambres à l'étage supérieur. Sans un mot, les jeunes filles montèrent se changer dans leurs chambres, afin de passer des vêtements plus confortables pour la corvée qui les attendaient. Elle ressortirent en même temps, débarrassées de leurs kimonos, Konami achevant de nouer sa longue tresse noire en un chignon simple maintenu par une baguette de bambou. Elle échangèrent un regard avant de redescendre.

- On commence par le salon, proposa Konami dans un soupir.
Aoki hocha la tête et, armée d'un cutter, s'approcha du mur de cartons qui semblait la défier. D'un geste sec et précis, elle coupa la bande adhésive et ouvrit la boite la plus proche.

- Les bibelots que ta mère nous a donné, annonça-t-elle pour son amie.

- On a qu'à les mettre sur la table en attendant de leur trouver une place.
Elles s'attelèrent à déballer divers bibelot sans grande valeur, soigneusement enroulés dans plusieurs couches de papier journal et les exposèrent sur la table du salon.

En dehors du gros électroménager, des meubles de la cuisine et des tabourets du mini bar la séparant du living-room, elles avaient eu l'appartement complètement vide. Leurs parents avaient accepté de les aider à le meubler en pensant que, de toutes façons, ces meubles leurs serviraient quand elles iraient à l'université.

- Heureusement que tes frères sont venus nous aider à installer les meubles, remarqua Konami en tirant d'un nouveau carton une masse crème en laquelle, Aoki reconnu les rideaux donnés par sa mère.
Elle possédaient une table ronde et quatre chaises, un canapé et deux fauteuils dépareillés, une table basse, un meuble vidéo sur lequel trônaient une télé à écran plat et un lecteur DVD, des gravures et des tableaux sans aucune valeur à accrocher aux murs et une collection de bibelots hétéroclites à mettre un peu partout ou il y aurait de la place. Elles avaient également de la batterie de cuisine flambant neuve, de la vaisselle comprenant assiettes, bols, tasses, verres, couverts, baguettes et encore bien d'autre choses, des torchons, des serviettes en éponge, des draps et des couvertures pour un régiment, un tas de vêtements et leurs chambres contenaient également un lit, un bureau, un siège et une armoire chacune. Les plaques de cuisson, le four, le réfrigérateur et le lave-linge étant fournis avec l'appartement, les filles n'avaient eu qu'à acheter une cafetière, une bouilloire, un micro-onde et un auto-cuiseur pour le riz.

Le déballage des cartons et la mise en place de leur contenu dans le living-room et la cuisine leur prit plusieurs heures et l'horloge nouvellement accrochée dans la cuisine indiquait plus de vingt heures quand elles s'assirent enfin à la table du salon.

- Je suis claquée, commenta Konami en penchant la tête en arrière pour poser sa nuque sur le dossier de sa chaise.

- Moi aussi, soupira Aoki, et il nous reste encore le haut à faire.
Son amie lâcha un gémissement de protestation.

- En tout cas, ça a l'air plus chaleureux.
Aoki jeta un oeil autour d'elle, heureuse de constater que l'appartement avaient enfin l'air d'un lieu habitable et non plus d'un hall de gare encombré de colis. Même le tapis donné par la grand mère de Konami avait trouvé une place sous la table basse du salon, devant le canapé. Seuls les rideaux de la mère de Aoki attendaient encore d'être accrochés à leur tringle, étendus sur le canapé.

- On a fait du bon travail, approuva Konami en hochant la tête.
Il se passa un instant de silence las.

- J'ai faim, annonça Aoki.

- Moi aussi, maintenant que tu le dis.
Elle restèrent immobiles et muettes quelques instants avant que la brunette ne propose.

- On va au fast-food?

- OK.
Pourtant, elle ne bougèrent pas immédiatement, comme si se lever était au dessus de leurs forces. Après s'être lancé un dernier regard en forme d'encouragement, elles abandonnèrent enfin leurs places et se dirigèrent vers le couloir. Konami enfila rapidement son manteau et prit ses clés dans le vide-poche posé sur une petite table près de la porte d'entrée tandis que Aoki passait une veste qui avait échappé à l'empaquetage du déménagement.

Konami avait raison, le fast-food n'était qu'à deux ou trois minutes de la résidence. Il leur suffit de sortir par derrière pour arriver directement dans la bonne rue. La salle, brillamment éclairée, était pleine à craquer, bruyante de rires et de conversations tenues à voix hautes, de cris d'enfants excités et de bruits de cuisine. Les deux jeunes filles durent faire patiemment la queue avant de passer commande. Une fois servies, elles s'installèrent à l'une des rares tables libres et entamèrent leur repas.

- Quand je pense aux cartons qui nous attendent encore, les bras m'en tombent, fit Konami.

- Je sais, moi aussi, mais je veux finir ce soir. Je sais que si je ne le fais pas, ces cartons vont traîner pendant des mois.
Konami laissa échapper un grognement qui ressemblait presque à un râle d'agonie.

- Encore heureux que les profs ne nous ont rien donné à faire ce soir.
Aoki but une longue goulée de son soda.

- C'est vrai, j'avais oublié ce détail, fit-elle, pensive.
Konami la regarda avec des yeux ronds, sans se rendre compte que de la sauce pour frites coulait sur son menton.

- Je ne sais pas comment s'organise l'emploi du temps des Naga, entre les entraînements, les matches, les cours et les devoirs mais j'espère qu'ils sont mieux organisés qu'à Ikedashi.
Baissant les yeux, elle fit tourner plusieurs fois une frite dans la mayonnaise, comme si elle touillait un café, avec un air pensif.

- Laisse tomber Ikedashi, conseilla Konami en se léchant les lèvres. Ils ne valent pas la peine que tu penses encore à eux.
Pendant un instant, Aoki continua à faire tourner sa frite dans la mayonnaise.

- Concentre-toi plutôt sur ton but, tu risques d'avoir besoin de toutes tes forces d'ici peu de temps, si tu veux mon avis.

- Mouais, tu as raison, concéda Aoki.
Elle n'enfourna la frite dans le bec sans autre forme de procès.

- Il vaut mieux que j'évite de penser à ça quand je suis fatiguée, ça me donne l'impression que j'y arriverai jamais.

- Mais si, tu vas y arriver, protesta Konami d'un ton qui se voulait rassurant.
Aoki ne répondit pas, préférant s'emparer de son gobelet de soda pour en mordiller la paille.

- De toutes façons, les tests de sélection ne se feront pas avant samedi prochain, continua Konami. On a tout le temps de penser à autre chose jusque là.
Mais son sourire sonnait faux et Aoki comprit qu'elle aussi était nerveuse.

- Tu as raison, fit-elle, d'avantage pour rassurer son amie que pour approuver sa remarque.
Konami lui adressa un autre sourire, plus naturel, cette fois, avant de mordre dans son hamburger. La sauce et la salade giclèrent alors sur son plateau. Aoki la regarda nettoyer les dégâts à l'aide d'une serviette en papier, mais ses pensées étaient à des kilomètres de là, fixées sur un certain dragon à dreadlock.

"Ca ne va pas être facile de convaincre cette tête de noeud, pensa-t-elle, mais si j'y parviens le reste de l'équipe suivra sans faire de difficulté. J'ai pas intérêt à me planter, samedi. Je n'aurai qu'une seule chance. Je vais devoir me battre de toutes mes forces et vaincre les autres concurrents sans laisser planer de doutes sur mes capacités. C'est la seule chose qui compte. Je ne suis pas comme ce parvenu de Shibata qui ne sait qu'aller pleurer dans les pantalons de son père pour obtenir ce qu'il ne peut pas avoir par lui même. Bon sang! J'ai hâte de lui plonger le nez dans sa morve à ce merdeux ... A lui et à Muramoto!

- Tu ne devrais pas penser à ça, Ao-chan, intervint Konami.
Interrompue dans sa réflexion, Aoki la regarda en clignant des yeux.

- Héé?

- Penser à ces abrutis de Ikedashi.
Aoki haussa un sourcil doré.

- Qu'est-ce qui te fait croire que je pense à eux?
La paille de son gobelet de soda dans le bec, Konami pointa silencieusement un index vers le poing gauche que la blonde serrait convulsivement sur une serviette en papier roulée en boule. Se mordant la lèvre, Aoki lâcha la serviette et fléchit les doigts pour les décrisper.

- Tu te fais du mal pour rien, remarqua Konami avec raison. Tu ferai mieux de garder ta hargne pour les sélections de samedi.

- Oui, tu dois avoir raison, soupira la blonde.
Elle se cola sa paille dans le bec et but une longue gorgée de son soda. Elles restèrent un moment silencieuse, tandis qu'à la table voisine quelques jeunes chahutaient entre eux.

- Et si on prenait une glace avant de partir? Proposa Konami. C'est moi qui offre.

- J'ai l'air si misérable que ça?

- Non, mais ça ne peut pas faire de mal. Rien de tel qu'une bonne dose de sucre pour remonter un moral au plus bas!
Aoki ne put s'empêcher de rire.

- Tu as raison, allons-y.
Elles se levèrent, jetèrent les emballages et gobelets vides puis retournèrent vers les guichets pour passer leur nouvelle commande. Elles attendirent beaucoup moins longtemps avant de pouvoir partir avec leurs glaces.

- Une petite pause glace devant la télé, avant de retourner à nos cartons, comment ça sonne à tes oreilles? Demanda Konami en léchant sa cuillère en plastique couverte de caramel.

- C'est très tentant, avoua Aoki.
Konami poussa la porte du fast-food d'un coup de hanche et toutes les deux sortirent. En un rien de temps elles étaient de retour dans leur appartement cruellement, terne, vide et froid après la salle si accueillante du restaurant.

Elles se laissèrent tomber sur le canapé avec un soupir et Konami alluma la télévision à l'aide de la télécommande. La première chaîne sur laquelle elles tombèrent présentait un jeu ridicule mettant divers candidats dans des situations plus ou moins supportables. Konami se hâta de zapper quand on imposa aux pauvres volontaires d'avaler des asticots vivants.

- C'est répugnant! Commenta-t-elle.
Elle changea plusieurs fois de chaîne navigant entre drama populaires, bulletins d'informations, feuilletons ringards ou résultats sportifs. Elle fit une pose pour écouter la présentatrice d'un bulletin météo local constater l'avancée de la floraison des cerisiers, images à l'appui.

- Il faudra qu'on aille voir les cerisiers, toutes les deux, quand il seront mâtures, fit-elle sans quitter l'écran des yeux.
La bouche pleine de glace et de caramel, Aoki se contenta de hocher la tête. Tous les printemps, Konami insistait pour aller voir les cerisiers en fleurs et la blonde se faisait une joie de l'y accompagner en l'absence d'autres volontaires.

Le bulletin météo laissa sa place à une comédie mettant en scène un groupe de quatre jeunes humoristes en vogue ces dernières années dont Aoki ne se souvenait pas du nom. Konami posa la télécommande et laissa le feuilleton se dérouler sans vraiment y prêter attention. Une fois sa glace terminée, Aoki jeta un coup d'oeil au fond du gobelet en carton qui l'avait contenu en ayant l'air de regretter qu'il n'y en ai plus, puis avec un soupir à fendre l'âme, elle se leva, abandonnant le canapé si accueillant.

- En selle, il nous reste le haut à faire, rappela-t-elle.
Elle alla jeter son gobelet et sa cuillère en plastique dans la poubelle de la cuisine tandis que Konami se levait en protestant. Elles se rendirent à l'étage et chacune se dirigea vers sa chambre.

- La première qui termine attaque la salle de bain.

- Ok!
Aoki entra dans sa chambre et soupira encore une fois en voyant les piles de cartons entassées dans la pièce. Elle commença par débarrasser le dessus de sa commode et son bureau de ce qui les encombrait afin de pouvoir y poser ses vêtements pour les trier puis ouvrit le premier carton. Les deux heures suivantes se passèrent ainsi, à ouvrir des cartons et à ranger des tas de vêtements en piles bien nettes afin de pouvoir les ranger. Elle retrouva également divers objets personnels qu'elle installa dans leur nouveau décors. Quelques posters trônaient sur son bureau attendant d'être accrochés aux murs et des photos de ses parents et de ses frères trouvèrent leurs places un peu partout dans la pièce. Des bibelots sans valeur sortaient de certains cartons, obligeant la jeune fille à bouleverser l'installation de tout le reste afin de leur trouver une place.

Vers onze heures, elle s'assit sur son lit pour souffler et admirer le résultat de son travail. Comme le salon un peu plus tôt, sa chambre avait enfin l'air d'un lieu de vie et non plus d'un débarras. Les cartons gisaient au sol craqués et aplatis, attendant d'être descendu dans le local à poubelles. Après être resté un instant assise sans bouger elle parvint à se convaincre de se lever pour s'attaquer à la salle de bain.

Quand elle arriva, elle trouva Konami déjà à pied d'oeuvre dans la pièce rangeant serviettes éponges et accessoires de bain. Aoki se joignit à elle et, ensemble, elles eurent rapidement terminé. Quand tout fut enfin rangé, elles s'assirent sur le rebord de la baignoire et soufflèrent.

- Ca y est quand même, fit Konami, visiblement soulagée.

- Oui, c'est une bonne chose de faite, on va être tranquille un moment.
Konami approuva d'un signe de tête.

- Je prendrais bien un bain, soupira-t-elle.

- Je prendrai bien une douche, répliqua Aoki avec un sourire.
Elles échangèrent un regard et éclatèrent de rire. Konami se leva et attrapa son drap de bain avant d'envoyer ses chaussons voler à l'autre bout de la pièce.

- Je prends la baignoire.

- OK, je me réserve la douche alors.
Chacune rassembla ses affaires de toilettes et se prépara. Konami fit couler de l'eau dans la baignoire tandis que Aoki mettait ses affaires de toilette dans la cabine de douche, placée au fond de la salle dans le recoin du mur des toilettes. Alors que Konami, pudique, se cachait encore derrière sa serviette, Aoki, habituée aux vestiaires des clubs de sports qu'elle avait fréquenté, laissa tomber ses vêtements au sol et entra dans la cabine sans se soucier du regard de son amie.

Enfin, après avoir pris le temps de se laver et de se détendre, chacune regagna sa chambre pour pouvoir enfin se coucher et mettre un terme à cette première journée épuisante.