Bonjour les amis !

Me revoilà avec une nouvelle fic des Petits Meurtres d'Agatha Christie ! C'est ma première fic à chapitres alors j'espère qu'elle vous plaira !

Avant toute chose, merci à Alice d'avoir rendue Alice plus Alice (c'est très clair n'est ce pas ?), et merci pour toutes tes corrections et tes retouches, c'est vraiment adorable de ta part :)

Et merci aussi à ma sister qui m'a débloquée lorsque je me trouvais dans un impasse (elle m'a forcé à la remercier en fait, désolée... XD) !

Enjoy !

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Obscurité. Silence. Attente. Cela faisait bientôt une heure qu'Alice se tenait tapie contre le mur crasseux d'un appartement lillois. La ruelle n'était pas éclairée et la lune ne parvenait pas à se glisser entre les hauts murs qui l'enserraient étroitement. Sur sa gauche, elle percevait le retentissement régulier d'une goutte sur le pavé, dont le son lui paraissait démesurément amplifié. Elle avait froid et luttait pour ne pas laisser ses jambes s'engourdir. Pourtant un demi sourire flottait sur ses lèvres. Elle sentait l'excitation et l'appréhension nouer son ventre alors que dans sa poitrine, les battements de son cœur s'accéléraient. Elle ne niait pas sa jubilation : action et danger, c'est ce pour quoi elle restait en vie.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Laurence avait lui même demandé à la journaliste d'intervenir dans cette enquête. Il avait mis un place un échiquier complexe pour mettre un malfaiteur sous les verrous, et la partie finale se jouait ce soir. S'il filait, il faudrait des mois pour remettre la main dessus, voire des années s'il se réfugiait à l'étranger.

Dans le lointain, une cloche sonna deux coups lugubres et tristes. Alice se redressa. Si tout s'était déroulé comme prévu, il devrait débouler dans... Le fil de ses pensées fut interrompu par le bruit d'une porte que l'on ouvrait dans un grand fracas. Des pas précipités résonnèrent dans sa direction. Elle se campa alors au milieu de la ruelle et prit l'attitude la plus impressionnante possible.

« Arrêtez vous ! »

L'homme arrivait droit sur elle, imperturbable. Il la bouscula violemment d'un coup d'épaule et le coude de la jeune femme heurta le mur. Elle ravala aussitôt la douleur qui déferlait dans tout son membre et se précipita à la suite de l'individu. Ni elle ni Laurence n'avait prévu qu'elle soit capable de l'arrêter, elle devait simplement assurer les arrières. Elle n'eut pas à tenir ce rythme bien longtemps : un embranchement de rue plus loin, Laurence plaquait l'homme contre le mur, un bras dans le dos, lui passant les menottes.

"La partie est terminée. Elle fut longue et vous avez mis ma patience à rude épreuve, mais vous avez perdu."

Un petit rire s'échappa du visage cagoulé. Un rire... féminin. Laurence tira sur la cagoule et des mèches de cheveux blonds en retombèrent en cascade.

"Une complice... On s'est fait avoir !"

Des bruits de pas leur provinrent d'un passage adjacent. Sans échanger un regard, ils se ruèrent dans cette direction. Un pan de manteau apparut un instant dans un virage, ils allongèrent l'allure. Alice, en tête, avait tout son corps et son esprit tendu dans un seul objectif : réduire la distance. Si bien qu'elle faillit ne pas prêter attention à la quinte de toux qui se fit entendre dans son dos.

- Laurence ? Cria-t-elle dans un souffle, sans ralentir.

Seule une toux violente lui parvint en réponse.

Elle jeta un œil en arrière : la silhouette du commissaire n'était pas en vue. Elle hésita un instant : si elle continuait de courir, elle pouvait le rattraper, elle en était certaine. Mais au fond d'elle, quelque chose lui dictait de faire demi tour.

« Merde ! » cracha-t-elle en faisant volte face.

A quelques foulées de là, Laurence, chancelant, toussait à s'arracher les poumons et crachait une bile de sang que l'obscurité rendait noire.

- L-Laurence... Ça va pas ?

- Si si, vous... vous auriez dû c-continuer, pantela-t-il.

- J'allais pas vous laisser là. J'aurai pas pu l'arrêter seule d'toute façon.

- C'était plus imp-important, allez ! Il faut absolument l'avoir, articula-t-il difficilement.

Là dessus il tenta de repartir en courant, mais il fut interrompu par une nouvelle toux. Elle se coupa nette. Son corps s'écroula sous le regard affolé d'Alice.

- Commissaire !

Elle se précipita à ses côtés, tremblante, désemparée. Elle secoua fébrilement son épaule. Pas de réponse. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux.

- Laurence debout ! Allez... c'est pas l'moment d'jouer à la Belle au bois dormant ! Réveillez-vous !

Toujours aucune réponse.

- Merde Laurence... Merde !

Elle cria, ne sachant que faire d'autre que d'appeler à l'aide le plus fort possible à une telle heure de la nuit, d'une voix éraillée par la panique. Sa détresse se transforma vite en sanglots. Ils finirent par réveiller les habitants alentours, des volets s'ouvraient les uns après les autres. Un jeune homme visiblement paniqué courut chercher du secours. Un petit attroupement se forma autour d'eux mais Alice refusait de bouger. Elle avait posé la tête inerte de Laurence sur ses genoux et l'enlaçait étroitement, comme pour lui offrir un point d'attache pour se raccrocher à la vie, au cas où.

- Laurence, Laurence s'il vous plaît ne... ne me laissez pas... Restez avec moi...

Elle resta ainsi jusqu'à l'arrivée des secours, ne sachant si elle devait craindre le pire, répétant inlassablement les mêmes suppliques et les mêmes menaces à l'encontre de Swan.

oOoOo

Des infirmières en blouse passaient et repassaient dans le couloir les bras chargés, les sourcils froncés, la mine fatiguée. Alice se sentait mal. Elle n'était pas à sa place ici. Assise sur un banc, avait l'impression d'être un jouet cassé. Elle qui d'ordinaire ne pouvait pas tenir en place, elle aurait voulu faire quelque chose mais, outre le fait qu'elle ne pouvait pas se rendre utile, elle n'en avait simplement pas la force.

On lui avait dit d'attendre et elle attendait. Elle ne savait plus exactement depuis combien de temps. Marlène avait finit par arriver, elle aussi en larmes. Elle l'avait serré dans ses bras, trop serré, en lui disant d'être forte. Mais Alice ne voulait pas être forte. Elle voulait ne pas être du tout. Elle ne comprenait pas pourquoi tout ce qu'elle trouvait, la vie le lui reprenait. A chaque fois. Dam-Dam. Une mère. Et maintenant Laurence.

- Mademoiselle ? Mademoiselle ?

Elle leva ses yeux gonflés de trop de larmes vers l'infirmier qui lui adressait la parole.

- Je n'ai pas de bonnes nouvelles pour vous. Il est en phase terminale.

- Hein ? En... en quoi ? Bredouilla-t-elle, perdue.

- Il est en-oh. Oh je vois. Il ne vous a pas mis au courant n'est-ce pas ?

- Mais au courant de quoi ?

- Votre ami est en phase terminale d'un cancer. Je suis désolé de vous l'apprendre... comme ça.

Marlène émit un sanglot bruyant.

- Mais... C'est impossible...

- Vous n'aviez rien remarqué ses derniers temps ? Fatigue, toux ?

- Bah il était... ouais j'suppose qu'il était fatigué... Et il fumait plus aussi, je pensais que c'était pour ça la toux... On peut... On peut l'voir ?

- Oui, son état est stable. Vous êtes sa famille ?

- Non, enfin oui, enfin... ce qu'il a de plus proche.

- Donnez moi vos noms, je vais voir ce que je peux faire.

Elles s'exécutèrent et l'infirmier partit d'un pas pressé. Un silence s'installa, seulement troublé par les reniflements de Marlène.

- Pourquoi... Pourquoi il nous a rien dit, Alice ? Pourquoi ? On est... On est ses amies... Non... ? Questionna Marlène.

Pour toute réponse, la rousse haussa les épaules.

- Et... on a rien remarqué. Rien remarqué du tout. D'ailleurs ce n'était même pas à lui de nous dire. Si on avait fait plus attention... acheva-t-elle dans un murmure.

Le silence retomba, lourd de culpabilité.

- Mesdemoiselles ?

Les deux femmes se levèrent dans un ensemble parfait.

- Je suis désolé, mais notre patient ne souhaite pas que vous le visitiez.

- P-Pardon ? s'indigna Alice.

- Il a spécifiquement indiqué les personnes qu'il nous autorisait à laisser entrer et vous n'en faîtes partie.

- Mais... Insistez !

- Désolé Mademoiselle. Je vais vous demander de partir s'il vous plaît. Nous vous contacterons si son état évolue.

Il s'éloigna sans un mot de plus.

oOoOo

Ce qui est étrange dans un couloir d'hôpital, c'est que des tas de personnes compétentes s'affairent en tout sens dans le seul objectif de rendre meilleur le quotidien de tas personnes, voir de leur sauver la vie. Mais qui s'occupe des âmes en détresse perdues dans ce même couloir ? Qui même les remarque ?

De longues minutes passèrent avant qu'aucune des deux amies ne soient capable de faire le moindre mouvement.

Incompréhension, chagrin, angoisse.

Colère.

Alice sentait ses tempes battre. Les larmes roulaient sur ses joues mais elle ne s'en rendait même pas compte. Les poings serrés, elle se concentrait sur la sensation de ses ongles qui s'enfonçaient toujours plus dans sa paume, jusqu'à ce que ses phalanges s'engourdissent. Elle voulait crier. Elle voulait courir. Ouvrir toutes les portes jusqu'à trouver la chambre du commissaire. Et lui hurler au visage qu'il n'avait pas le droit. Il n'avait pas le droit.

Une main sur son épaule la fit frissonner. Elle se retourna lentement. Elle ignorait quelle tête elle avait elle même, mais elle n'avait jamais vu Marlène comme ça. Elle qui était toujours rayonnante, elle semblait avoir dix ans de plus. Mais elle ne dégageait aucune colère. De la compassion, toujours, malgré la tristesse.

- Viens Alice, il ne faut pas rester là... Est ce que tu veux venir à la maison ce soir, peut-être que tu ne devrais pas rester toute seule... ajouta-t-elle devant l'absence de réaction de la rouquine.

- Hm ? Non. Merci. Ça va aller. J'préfère... être seule, répondit enfin Alice.

- Tu es sûre que ça va aller ? Insista Marlène.

- … Ouais.

Elle se dégagea et s'éloigna. Mais, juste avant de tourner à l'angle du couloir, elle se retourna, revint sur ses pas, et enlaça Marlène. Simplement, tendrement, dans un geste emprunt de reconnaissance et de sincérité. Celle ci lui rendit son étreinte en murmurant d'une voix étranglée : « Moi non plus je ne comprends pas. Moi aussi j'aimerais que les choses soient différentes. Mais... Nous n'avons que nous deux... pour l'instant. » Elle ajouta après un moment : « Fais attention à toi Alice ». Cette dernière recula d'un pas et observa Marlène. Elle n'était pas habituée à entendre de telles paroles chez la secrétaire. Elle tenta un pauvre sourire.

- Merci Marlène. Je préfère rester seule mais... j'suis là aussi si tu as besoin tu sais.

Elle échangèrent un dernier regard avant de partir chacune de leur côté.

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Alice marcha longtemps. Elle n'avait pas envie de rentrer, alors elle suivait ses pas, lents, étrangement réguliers. Elle regardait ses pieds, le gauche, puis le droit, puis le gauche, et ainsi de suite. Elle s'arrêtait lorsqu'elle croisait une flaque d'eau pour regarder le paysage inversé dans la surface lisse et miroitante avant de la troubler du talon, laissant à l'eau le temps de s'infiltrer dans sa chaussure. Elle ne savait pas pourquoi ça la faisait sourire.

Lasse, elle finit par s'asseoir sur un muret de brique. La nuit se retirait doucement et l'horizon s'éclairait de teintes fades à l'est, donnant à la ville un aspect morne en camaïeu de gris. La jeune fille avait la nausée. Elle se sentait vide. Pour la première fois, elle ne parvenait pas à se projeter dans le futur, comme si sa vie était un film dont la pellicule venait de sortir de la bobine. Elle revoyait les moments qu'elle avait partagé avec Swan.

Les frissons d'effroi au cœur du danger. Oh ceux là avaient été nombreux. Combien de fois s'était-elle retrouvée dans des situations inextricables, combien de fois avait-elle frôlée la mort ?

La fierté lorsqu'il lui accordait son crédit. Lorsqu'il lui faisait confiance. Lorsqu'il la fixait soudain, réalisant qu'elle venait de dire quelque chose d'important, son regard emplit de surprise comme s'il la voyait pour la première fois.

Et cette sensation étrange. Ce petit pincement au creux du ventre, lorsque leurs incessantes chamailleries créaient une tension électrique entre eux. Lorsque, ayant cru la perdre, il laissait tomber son masque de glace pour une parole chargée de tendresse avant de détourner la tête et de faire bonne mesure avec une vacherie.

C'est drôle, elle n'avait jamais vraiment pensé à tout ça jusqu'à maintenant. C'était devenu son quotidien, elle n'y faisait plus attention. Avec la certitude de la perte venait la réminiscence de ces émotions, démultipliées, plus intenses que jamais, si intenses qu'elle en sursautait, en venant à se demander si c'était bien elle qui avait vécu tout cela.

Parfois la colère reprenait le dessus et roulait dans ses muscles tendus. Comment pouvait-il leur faire cela ? Tout ce qu'ils avaient partagé ne comptait pas ? N'étaient elles pas aussi importantes à ses yeux que lui l'était pour elles ?

Elle soupira et sauta sur ses pieds. A quoi bon ressasser, ses questions ne trouveraient jamais de réponse de toute façon. Et elle devait aller travailler.

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Lorsque Avril pénétra dans les locaux de La Voix du Nord, l'agitation permanente, le bruit des conversations cessèrent brusquement et les regards se tournèrent vers elle. Le visage fermé, elle aboya un «Beinh quoi?! » avant de s'enfermer dans son bureau. Comment pouvaient-ils être au courant... ? Jourdeuil la suivit de peu.

- Alice. Tu n'aurais pas dû venir.

- Pourquoi ? Y a un problème ? Questionna-t-elle d'un ton agressif, plantant ses poings sur ses hanches.

- Heu une femme, blonde, une vraie bombe, foutue comme Marilyn, est passée au journal pour nous prévenir de... de ce qui s'était passé. Elle a dit que tu viendrais sans doute quand même...

- Ah ouais ? Alors déjà cette femme a un prénom, elle s'appelle Marlène et t'es prié de la respecter ou la bombe ça s'ra moi, et elle s'ra mortelle pour toi celle-là. Et pis, c'est bon, je peux bosser. Qu'est-ce qu'on a d'beau ?

- Alice... Je... Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, tu es... tenta Jourdeuil, visiblement mal à l'aise.

- T'es au courant que t'es mon boss et que tu me payes pour mon travail, pas pour rester planter là ?!

- Alice.

- Arrête ! Arrête de me traiter comme une petite chose fragile ! Les femmes sont des humains à part entière ! Mon boulot c'est tout ce que j'ai ok ? Donc file-moi un papier, n'importe quoi ! Même le tournoi de pétanque du dimanche de la maison d'retraite du coin hein, juste n'importe quoi!- s'emporta-t-elle.

- Écoute Alice.

Jourdeuil avait haussé le ton, réussissant enfin à interrompre la journaliste.

- Je sais que tu fais de ton mieux, je sais que tu veux en faire toujours plus pour prouver que tu es capable, que tu es douée, et tu sais quoi ? Tu as raison, mais tu dois aussi apprendre à lever le pied. Et surtout accepter d'avoir besoin d'aide. Ou au moins de repos. Alors fait moi plaisir, rentre chez toi, conclut-il en posant un main sur son épaule.

- C'est ça ! S'écria-t-elle en se dégageant. Je rentre chez moi et pendant ce temps tu files tout les gros coups à cet abruti de Phil, et quand j'reviens j'retourne à Marie-Chantale, hein ?!

- C'est pas ce que je voulais dire... Je cherche pas à tout prix à me débarrasser de toi figure toi, je me fais du souci, tu t'en apercevrais peut-être si tu n'était pas aussi parano ! Je te promets que personne ne prendra ta place, et même que la prochaine une est pour toi, voilà, tu es contente ?

- … Tu sais quoi ? Je préférais encore quand tu étais un salaud direct, et pas un salaud fourbe.

- Oh et puis merde, débrouille toi. Tu veux pas décrocher un jour ou deux ? Très bien. Mais alors fait bien attention parce que si tu restes, je ne tolérerai pas un seul faux pas. Pas un seul. Tu fais une bourde et tu prends la porte. Direct. Sans ménagement. C'est bien clair ?

- Très clair.

- Tu me couvres la manifestation. Je veux ton papier sur mon bureau avant l'envoi à la repro de ce soir.

Il sortit sans attendre de réponse et Alice se laissa tomber sur son siège. Surtout ne pas se laisser abattre. Ce n'était pas les déceptions qui lui avaient manqué dans la vie. Elle s'en remettrait. Et elle prouverait à Jourdeuil et à ce monde bien trop masculin qu'elle était aussi forte et capable qu'eux. Et ce n'était certainement pas l'égoïsme d'un seul homme qui allait changer ça.

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A la fin de la journée, Alice déposa l'article dû sans cacher sa satisfaction malgré la fatigue qui l'étreignait. Sa nuit blanche commençait à se faire sentir. Néanmoins, elle ne voulait pas rentrer avant d'avoir pris des nouvelles de Marlène. Avant de quitter le bureau, elle composa le numéro du commissariat, la gorge nouée.

- Martin ? C'est Avril. Marlène est là ?

- Bonjour Mademoiselle Avril. Oui elle n'est pas encore partie.

- Vous pouvez lui dire que je passe la chercher ?

- Pas de problème. Et Mademoiselle ? Je suis désolé pour ce qui s'est passé.

Alice marmonna un remerciement vague et raccrocha. Elle quitta le journal et enfourcha son scooter.

En se garant devant le commissariat, un sentiment étrange l'envahit. Rien ne paraissait changé, il lui semblait que le commissaire Laurence était là, assis derrière son bureau, le mains jointes et le regard soucieux, ou alors devant son tableau noir à tenter d'agencer les différents éléments d'une enquête entre eux... Qu'il allait sortir à tout instant, le pas rapide et décidé, et lui lancer une boutade moqueuse sans vouloir lui donner un indice malgré son insistance, et sachant pertinemment qu'elle le suivrait dès qu'il aurait démarré le moteur de.. Sa Facel Vega. Son absence frappa Alice comme un coup de poing et les larmes ressurgirent. Elle les essuya d'un geste rageur.

Marlène descendit les marches du commissariat à ce moment-là. La journaliste plaça dans la précipitation ses lunettes sur son nez pour cacher son émotion lorsqu'elle la vit se diriger vers elle. Elle s'enlacèrent, puis Alice lui tendit un casque sans un mot.

Une dizaine de minutes plus tard, les deux femmes étaient assises dans un café.

- Donc tu es allée travailler finalement Alice ?

- Ouais, j'préfère pas m'arrêter. Et toi ? Tu vas faire quoi maint'nant ?

- Oh je ne sais pas trop pour l'instant...

- Tu sais, j'pense que tu devrais en profiter pour partir.

- Partir ? Mais je ne pourrais pas partir enfin... Et puis pour aller où... ?

- J'sais pas, tu pourrais descendre à Paris. Commencer une nouvelle vie... Tourner la page.

- Je... Je pourrais pas faire ça. Ma vie est ici, auprès du Co... Elle s'interrompit, les larmes aux yeux. Je dois rester Alice. Pour lui.

Alice aurait voulu s'énerver et prouver à Marlène à quel point il n'en valait pas la peine et ne la méritait pas. Mais la détresse dans les yeux de son amie l'empêcha de dire quoi que ce soit. Elle posa une main réconfortante sur la sienne.

- Je comprends Marlène. Mais... S'il te plaît, écoute moi. Je sais à quel point tu tiens à lui et même si ça m'arrache la langue de l'avouer... je tiens à lui aussi...

Le regard de Marlène s'illumina en entendant ces paroles. Alice avait les yeux dans le vague... Mais elle se ressaisit promptement, comme pour ne pas dévoiler sa faiblesse :

- Mais regarde nous. Regarde ce qu'il nous a fait. C'est dégueulasse, il n'avait pas l'droit de nous traiter comme ça. Alors il faut arrêter de penser... il faut arrêter d'penser qu'on a de l'importance pour lui. Il faut qu'on se débrouille toute seule, et qu'on fasse nos vies. Sans lui.

- C'est pas vrai... Je... Je suis sûre qu'il veut seulement nous protéger. De toute façon je ne partirai pas.

Alice se tut. Mal à l'aise, elle évita le regard de Marlène et joua avec sa paille.

- Tu vas faire quoi alors ? Reprit-elle.

- Le commissaire divisionnaire m'a proposé de rester à son service. Il m'a dit que je n'étais pas obligée de travailler pour le remplaçant de Laurence si je n'en avais pas envie. Je pense que je vais accepter.

- Tu vas travailler pour cet obsédé de Tricard ? Tu tiens vraiment à rester au commissariat ?

- Oui, vraiment. Et puis Tricard est un peu collant, mais il est gentil. Et puis comme ça mon travail ne sera pas trop différent de ce que j'ai l'habitude de faire.

Le silence retomba.

- Bon en tout cas si tu restes... tu vas pouvoir continuer à me filer des infos !

- Alice !

- Hé mais attend... Mais on pourrait travailler ensemble ! S'exclama la jeune fille, le visage illuminé par son idée.

- Travailler ensemble ? Ne dit pas de bêtises, ce n'est pas possible voyons...

- Aller Marlène, on a toujours fait un super duo ! Tu t'rappelles de ce casting dans l'agence Protheroe ? C'est grâce à toi qu'j'ai pu fouiller son bureau ! Et-Et la fois où on a enquêté ensemble à Styles ?

- Évidemment je me rappelle... murmura-t-elle, une ébauche de sourire aux lèvres.

- Alors ? On fait pas déjà du super boulot ?

- Alors... Alors... Je suppose que... Je vais y réfléchir...

Alice finit son verre de limonade et lâcha sa paille mordillée.

- Bon je te laisse te décider. J'te raccompagne ? Demanda-t-elle en se levant.

- Non pas la peine, je vais prendre le bus, merci.

La journaliste hocha la tête. Elle hésita un moment puis lui tapota l'épaule maladroitement.

- Te laisse pas abattre, souffla-t-elle avant de tourner les talons.

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Alice dormit d'un sommeil de plomb. Le lendemain matin, elle s'étonna de se trouver en si bonne forme. Il lui semblait que son chagrin était plus léger. Presque disparu. Elle enfila sa veste en jean, attrapa son appareil photo et sortit en claquant la porte, comme tous les jours, comme n'importe quel jour.

Elle n'avait pas conscience qu'au fond d'elle même, son chagrin s'était changé en une boule de colère et de rancœur, trop sourde encore pour être perceptible.

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J'espère que ce premier chapitre vous a plu, je dois avouer que ça ne ressemble pas tellement à ce que je voulais au début, alors qui sait où tout ça nous emmènera ?

N'hésitez surtout pas à laisser une review pour donner votre avis ;)