La bataille fait rage et pourtant il est là, se vidant petit à petit de son sang, les veines en feu par le poison ; il va mourir, il le sait. Pourtant il n'a pas fini sa mission, il a échoué. Sa vie ne sera-t-elle donc faite que d'échec ?
Il regarde fixement le plafond, les traits contractés par la souffrance, attendant la mort. Douce ironie qu'est la vie pas vrai ? La rédemption n'est rien de plus qu'un mensonge, une espérance, une douleur de plus. On ne peut se repentir d'un crime, il le sait à présent. Il a trahit son Amour et par sa mort, il va tuer Son fils. La mort... Certains dise qu'elle est douce, d'autre rapide et d'autre encore cruelle. Lui se dit qu'elle est tout cela à la fois.
Il ne veut pas mourir, ou plutôt, il ne peut pas. Il a une mission, il doit l'accomplir et pourtant... L'envie de fermer les yeux se fait de plus en plus forte et le froid mordant commence à s'emparer de ses membres. Oui il va mourir, c'est la fin. Alors il se concentre, il veut partir en pensant à Elle, il aurait aimé regarder ses yeux une dernière fois. Se rappeler la façon qu'elle avait de rire lorsqu'elle courait, ses cheveux flottant derrière elle, comme un appel. Son besoin systématique d'aider quiconque en avait besoin et la tristesse dans ses yeux enfantins lorsqu'elle croisait la misère. Leurs folles après-midi à fuir sa soeur et à se réfugier dans leur monde, près de la rivière. Sa voix, muette, quand il lui parlait. Enfin il voulut se rappeler le jour où il l'a vit pour la première fois. C'était toujours ce qu'il faisait quand il se sentait craquer. Il pensa alors à la colère sourde qu'il avait ressentit face à tant d'injustice, aux battements effrénés de son coeur quand ses émeraudes se posèrent sur lui et son sourire... Oui son sourire. C'était le plus beau moment de sa vie, celui qu'il chérirait jusqu'à sa mort se disait-il.
Oui quelle ironie, l'assassin qui pense à sa victime avant de sucomber à son tour. Il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit de repenser à tout ça. Mais il était faible tout au fond de lui, si faible qu'il avait céder à la noirceur, si faible qu'il avait livré l'Amour de sa vie, si faible enfin, qu'il n'avait pas été capable de sauver Son fils. Il voulut crier sa rage au monde mais seul un crachat de sang sortit de sa bouche.
Et puis l'impossible se produisit, une pression sur son cou, légère, hésitante. Des yeux verts qui le regarde avec pitié. Il ne peut plus se contenir, Elle est là, devant lui. Comment est-ce possible ? Puis il réalise, non ce n'est pas Elle, mais Lui. Sans perdre une seconde il lui intime de recueillir ses larmes, souvenirs d'une vie, passion inavouée, expression de la souffrance. Le monde saurait peut-être enfin qui il était vraiment, douce illusion, rêve insensé, espoir d'un mourant. Comme une caresse, il plongea son regard dans celui, vert, qui le contemple avec désarroi.
Pourtant ses yeux, c'est bien les Siens. Pourquoi ne s'en est-il pas rendu compte dans ce cas ? Finalement, peut-être que la mort est douce et que la rédemption est possible, qui sait ? Contemplant une dernière fois de ses yeux vitreux ce qu'il a perdu, il finit par détourner le regard, heureux. Ses yeux voilés ne voyaient plus rien. Severus Rogue était mort.
