Chaos~
Première fanfic sur KHR !, espérons que le résultat vous plaise. Toute review est grandement appréciée (surtout si c'est une critique constructive…).
Démarrage en douceur. Attendez-vous à des surprises. Mes excuses auprès des fans du « doggy »…
Bref, je m'en dis pas plus : BONNE LECTURE !
[Personnages à Amano Akira, vous vous en doutez, bien !]
Respiration
Inspire. Lentement.
J'apprécie l'oxygène couler dans ma trachée pour rejoindre ma cage thoracique même si mes côtes me font mal. L'une d'elle, flottante, semble glisser sous ma peau à chaque avalée d'air dans mes poumons. Cassée certainement.
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Expire d'un coup. Relâchement de pression. Douleur.
La moitié de mes doigts n'arrivent plus à se déplier du poing américain tant ils sont crispés dessus, enfonçant mes ongles et le métal dans la chair de mes paumes. J'entends encore le sang pulser dans mes tempes. Adrénaline. Bagarre. Victoire. Une douceâtre euphorie me grise.
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Inspire. Plus doucement. Par le nez. Sensation de fraîcheur humide dans le fond de la bouche.
Regard circulaire autour de moi. Usine désaffectée, tôle et bricoles éparses un peu partout, odeur de rouille et d'eau stagnante dans les creux du sol. Un plic ploc filtrant par le dessus peaufine l'ambiance pluvieuse et grise qui s'abat au dehors. Je déplie avec lenteur mes doigts, retire mon arme d'appoint puis la range dans la poche arrière droite de mon pantalon. Fixe, immergé dans le bruit des battements de mon cœur et l'écoulement de l'eau, mes phalanges écorchées. Le doggy du Décimo a la tête dure. Je n'en attendais pas moins de la part de la Tempête des Vongola.
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Vengeance est faite.
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Expire. Redescendre, délicatement, parmi le reste du monde. Faire fi de la gêne qui brûle mon flan.
J'époussette mes vêtements, arrange mon col et ma cravate, récupère le borsalino noir posé sur une caisse non loin. Pose sur ma tête le chapeau de feutre après avoir réajuster sa forme entre mes doigts rougis de sang en étant attentif à ne pas le tâcher.
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Je baigne dans une léthargie qui engourdit tous mes sens. Flottant presque entre deux rives de narcotiques que sont le sentiment d'avoir fait ce qu'il est nécessaire et ce qu'il n'aurait pas dû l'être.
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Inspire laborieusement.
Goût de ferraille oxydé comme un métal en fin de vie, de colère et de passion crachées au travers de poings et de victoire acquise sur la langue.
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Expire.
Je fais craquer mes doigts puis les bougent en inspectant chacune de mes articulations, attentif. Rien de cassés à ce niveau-là. Pas d'entorses non plus. Tout est plus ou moins Ok.
Une quinte de toux soudaine m'arrache une grimace. Je crache une espèce de chose rougeâtre et saliveuse non loin du type que je viens d'étaler parterre. L'essuie d'un revers de manche. Du sang s'échappe de ma lèvre fendue mais je suis secrètement content de ne pas avoir perdu une ou deux dent. Je regarde, mitigé du résultat de cette rixe, la tignasse argentée qui git, à demi conscience à mes pieds.
Du bout du pied je tâte l'échine de ce chien trop loyal.
Gokudera gémit comme gémirait un clébard qu'un camion vient de percuter et de laisser pour mort sur la chaussé. A plat ventre, le nez explosé par un contre du droit, il peine à respirer. Son visage tuméfié, presque pétrifié en un masque de zombie pour halloween, baigne dans une petite flaque cramoisie abreuvée par la fine cascade qui jaillit de ses narines et de sa bouche. Quatre ou cinq de ses quenottes manquent à l'appel et doivent certainement se balader à quelques mètres de cette dernière. Résultat d'un direct qui a définitivement couché ce toutou impétueux. Arcade sourcilière et pommette sont aussi vilainement amochées. Son blouson de cuir élimé porte, quant à lui, quelques accrocs, là où mon poing américain a ripé dans un geste trop sec ou une esquive mal anticipée. J'ose à peine visualiser la palette de couleurs qui se profile sous ce blazer et presse une main contre mes côtes pour atténuer le déplacement de l'os à chaque bouffée.
Le bras-droit du Decimo s'est montré coriace. Beaucoup plus résistant que je ne l'avais imaginé, si bien que je n'ai pas pu le finir à main nues comme je l'avais souhaité au départ. Aussi je dois, moi aussi, porter un sacré nuancier d'ecchymoses sous ma chemise, collant à mon dos comme une seconde peau trempée de sueur.
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Je m'en contre-fiche.
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L'impression d'être ledit camion fait jaillir en moi l'assurance, qu'encore une fois, quiconque défie le Soleil de l'Arcobaleno s'y consume tel des atomes d'hydrogène.
Du moins je tente de m'en persuader mais il n'en est rien.
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Lal…
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Ma poitrine se serre. Je te surplombe. Tes cheveux bleu nuit épars sur le matelas en un orage de reflet danse devant mes yeux comme un fantôme. Je les sens encore couler entre mes doigts comme de l'eau liquide parsemée d'éclairs. Tes ongles accrochent mes épaules, tandis que, peau contre peau humide et bouillante, nous savourons notre proximité.
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J'ai, dans cette douceâtre torture de la nostalgie, l'impression que c'est toi qui t'es évaporée à mon contact.
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De nouveau, je jette un regard à cette serpillère de cheveux gris trempée et battue avec un certain contentement. Je sais que tout ceci ne sera pas sans conséquence. Que ce je viens de faire est comme de jeter une pierre dans une mare houleuse qui n'attendait que ça pour exploser en ouragan.
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Un poids a quitté mes épaules. Elles portent encore les demi-lunes que tu y as laissées dans nos amours furieux.
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Paradoxalement, des nœuds nerveux plombent mon ventre. Ils me tournent et me retournent l'estomac avec le désagréable sentiment d'avoir oublié un détail primordial. Le genre d'entrelacements oscillant entre joie belliqueuse et pressentiment de bataille inachevée. Un quelque chose d'incomplet. Un présage à quelque chose de mauvais.
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Inspire.
Je le sais. Je le sens. Une sensation de danger latent sur le point imminent d'éclater comme un ballon trop plein de trop de chose, et de nous estomaquer de sa rage.
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Expire.
Mon instinct ne me trompe jamais. J'essaie d'apaiser mentalement cet élan de trop plein. Expectore mon ressentiment en shootant dans cette loque trop fougueuse pour avoir saisi l'embuscade que je lui ai tendu.
Gokudera n'a plus la force de retenir une plainte et j'assène encore quelques coups plus féroces jusqu'à ce qu'il se mette à pleurnicher comme un caniche étranglé. Il se retourne sur le dos, puis sur le côté, se contorsionne, tentant maigrement de protéger sa poitrine de ses bras. Ma haine se déverse sur lui, s'apaisant peu à peu dans chacun des suppliques qu'il étouffe, trop fier pour me demander une grâce que je ne lui accorderais de toutes les façons pas.
Durant une fraction de seconde, je me demande ce qu'il peut bien me prendre pour que je perde mon légendaire sang-froid de cette manière. Puis je repense à toi. A ta moue boudeuse, à tes rares sourires, à cette odeur de désinfectant suffocante et au bip bip incessant qui s'affole d'un seul coup dans cet antre blanc de silence...
On faisait la paire tous les deux.
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La pluie et le beau temps, tu te rappelles ?
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J'achève d'un coup de talon en plein visage puis essuie mes chaussures vernis d'un chiffon que je porte toujours sur moi. Les pompes impeccables, toujours le cuir ciré et le lacet joli, ton caprice par excellence.
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Œil pour œil, dent pour dent.
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Inspire de nouveau. Cherchant le calme dans la fraicheur moisie de l'atmosphère et le bruissement aquatique qui se déverse à l'extérieur.
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Lal…
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Expire.
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- Tu connais l'histoire de Paf le chien ? fais-je en m'asseyant sur le caisson pourri.
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Un gémissement animal cahote entre les babines de ce fumeur invétéré. Peut-être une insulte. Peut-être un râle d'agonie. Ou un mélange des deux.
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On se reverra en enfers.
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Oh Lal…
Je revois ton visage se pencher vers moi, frôler mon menton puis fusionner tes lèvres aux miennes jusqu'à manquer d'air. J'entends ton rire réservé, tes mots jetés à la volé dans les creux d'étoffes, de draps trop lourds balancés entravant nos caresses exaltées, hachant les saccades de nos murmures étouffées et de nos corps assemblés.
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- C'est un chien qui traverse l'autoroute. Un camion file à toute allure. Et paf le chien !
Je lève les yeux vers le plafond noirâtre de pourritures et esquisse un sourire dévasté. C'est une blague que ma raconté Colonello quand il était encore ton élève. Aujourd'hui elle tombe tout à fait à propos tu ne trouves pas ?
Un bon bougre ce blondinet, je m'entends bien avec lui, même si ses plaisanteries ne m'amusent guère. Tu as su en faire un homme redoutable.
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Dans ses yeux, je vois souvent la constante ondée de ton entêtement et de tes façons impitoyables.
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Je laisse ce salopard là, sans plus de considérations. Comme le bouledogue à la trop grande gueule, à présent fracassée, qu'il est, s'étouffant dans sa propre bave et l'urine qui trempe son pantalon.
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L'humiliation le tuera à petit feu. Je ne gâche pas de balle pour les morts.
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Je franchis la porte défoncée du hangar. Un terrain vague creusée de cratère boueux s'étend jusqu'à un grillage grinçant. La pluie est un voile enlisant l'atmosphère d'une brume opaque. Je traverse ce bain de boue et de brouillard froid puis quitte le périmètre en escaladant le grillage. Je dissimule tant bien que mal les sursauts de douleurs qui assaillent mon côté droit lorsque je m'agrippe entre les mailles métalliques puis les enjambe pour redescendre.
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Mes chaussures tapent contre le trottoir lorsque je me laisse tomber en bas.
Mon souffle se coupe au contact du sol. Une décharge traverse mon abdomen. Je presse derechef ma main contre mes côtes en restant plié, bras contre mon ventre, quelques secondes avant de me relever et de reprendre la route.
Ma respiration se fait encore plus pénible au fur et à mesure que je marche. Je crachouille une nouvelle fois un mollard écarlate. La pluie le dilue bien vite de ses larmes.
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Je flotte encore dans une demi-torpeur. Les taxis, pare-chocs contre pare-chocs à chaque croisement, la foule piétinant la rue tel un flot humain effrayés par la météo qui se déchaine, les éclairages éclatants sous l'averse sont des mirages, du brouillard en mouvements, une nué de couleurs et de bruits qui explosent à mes yeux et mes oreilles à la manière de centaine de milliers de feux follets multicolores musiciens du brouhaha urbain.
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Et dans cette clameur de son et lumière, d'homme et de femme entre les buildings ruisselant et la pluie, je suis un solitaire qui fuie sa solitude pour ne pas me faire submerger par mes pensées. La nuit semble tombée. Quelle importance à présent ?
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J'ai mal.
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Tournant à l'angle de la rue, je croise une femme et son gamin avec un parapluie à tête de grenouille.
- Fran ! l'appelle-elle tandis que le bambin avec un air un peu halluciné flâne en admirant les flaques et les ombres qui s'y déforment.
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Le néant présent de nos partages me ronge les viscères.
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Tu aimais la pluie.
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Je me stoppe à un arrêt de bus, haletant. Un torrent d'eau s'écoule avec colère le long de cette avenue en bonne pente. Coincé par un tas d'ordures accumulées, un paquet de cigarettes écrasé et imbibé de pluie se noie dans le caniveau. Il ressemble à s'y méprendre à celui qu'a manqué d'avaler le doggy lorsque que je l'ai apostrophé, en lui glissant, par derrière, que son chef n'était qu'un planqué qui ne pointe jamais le bout de son nez (Je n'ai, pour ma part, jamais entraperçu la face du dit si terrible dixième chef des Vongola). Provocation qui a terminé en face à face dans l'endroit désert le plus proche. Presque trop facile dans le principe.
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Le bus se dessine sous les trombes d'eau. S'immobilise. Je monte, ne paie pas de ticket.
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Inspire.
Au travers de la vitre, le Ciel a ouvert ses écluses.
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Expire.
J'aperçois déjà la vengeance du Decimo se profiler dans cette rage sourde qui s'abat sur la ville.
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Rester assis sur le siège en plastique du bus relève de la torture. Les redémarrages en à-coups après chaque feu-rouge, un supplice. A mi-parcours, je cède et vais me caler les épaules dans l'angle de la porte arrière, offrant aux autres passagers le superbe rictus du type qui n'est vraiment pas d'humeur à taper la conversation avec une retraitée sur la météo. Les gens me dévisagent mais je les ignore. Mon reflet confirme l'idée que j'ai sale mine avec ma lèvre fendue et un début de sympathique cocard ni bleu ni brun à l'œil.
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J'ai l'impression d'être un gamin qui s'est fait lynché à la fin du collège, sur lequel on aurait enfilé un costume tout juste sortie de la machine à laver.
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Quelle foutue importance maintenant, hein ?
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Je descends à la 25ème Avenue, me dirige vers le Lucky Luce, lieu maître de notre territoire. L'appréhension presse mes côtes et je dois m'arrêter plusieurs fois pour reprendre haleine.
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Près d'une heure après avoir laissé ce chien patauger dans sa pisse, j'arrive enfin au lieu-dit. Devant la porte dudit hôtel, sur l'autre rive de la route, j'aperçois Ibari Kyoka et sa face de chintok blasée sous un parapluie sombre. Bras croisé, l'œil fermé. Il semble dormir mais je le sais attentif au moindre son de son environnement.
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Inspection rapide. Double porte vitrée fermé, je n'arrive toutefois pas à voir au travers du verre embué ce qu'il s'y passe mais la visibilité est suffisante pour discerner une foule incontestable à l'intérieur. L'espèce de densité anormale qui s'entasse là-bas dedans ne présage rien de bon si ce n'est une réunion au sommet urgente.
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Je n'aime pas avoir raison.
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Une longue et superbe Cadillac noire aux vitres teintées file au travers de la circulation puis passe devant moi avant de s'arrêter juste en face du Lucky. Il en émane une telle solennité qu'elle me fige, durant quelques secondes, littéralement sur place.
Un homme typé asiatique lui aussi mais aux cheveux plus court, sort par la portière avant et va ouvrir celle de l'arrière. A la balafre sur le menton, je reconnais Yamamoto Takeshi, la Pluie Vongola. Dans un mouvement d'épaule presque imperceptible, il s'assure du périmètre et si je ne le faisais pas moi-même, je n'aurais certainement même pas remarqué ce déplacement furtif qui permet d'évaluer la zone et les menaces potentielles.
Ce même geste confirme mon ressenti qu'il s'apprête à sortir de cette bagnole de luxe.
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A mon étonnement le plus total, un jeune homme dans un trois pièces opalin que je dépasse bien de deux têtes s'en extirpe. Chevelure légèrement en bataille d'un crin châtain chaleureux. Allure respirant la sérénité de celui que rien ne peut ébranler dans la droiture frêle de ses épaules. La cravate négligemment un peu lâche, trait masculin tombant de travers sous le gilet, comme si rien n'avait d'importance. Un gamin. Le genre de petite chose fragile et maladive qu'une rafale de vent balayerait comme un fétu de paille.
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Takeshi s'empresse de le couvrir d'un parapluie.
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Mais il se retourne, comme mue pas un sixième sens, une intuition surnaturelle. Dardant ses yeux ambrés dans les miens.
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Je la sens. Du plus profond de mes tripes je la sens me brûler les entrailles. Flamboyante, éclatante, telle la voûte céleste braquant sur moi son courroux comme si je n'étais rien d'autre d'une fourmi misérable qu'on écraserait sans même la voir.
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La flamme du Decimo Vongola dans un battement de cil me transperce de cette force qui n'est que brasier d'une haine pure. Ecrasante colère noire se nourrissant de l'air ambiant pour me consumer.
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Et son regard me dit qu'il sait. Aucun mot ne saurait décrire cette sensation pénétrante la conscience et heurtant la vérité comme si elle n'était qu'une évidence admise par la force des choses.
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J'ai touché à l'intouchable.
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Puis, il se détourne et entre, d'un pas plus paisible que la pluie elle-même se déversant mollement sur mon visage stupéfié, fasciné, transparent à sa vision, dans le Lucky Luce.
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Je suffoque.
Alors, alors ?
