Je me demande parfois ce que voient les autres. Cette expression sur le visage de Fred est tellement la sienne, si propre à sa personnalité qu'il y a des moments je ne comprends pas comment on peut continuer à nous confondre.

Ai-je cette tête également quand je me fous de la gueule de Ron ? Faire criser maman me dessine t-il le même sourire satisfait ?

-George mon chéri, peux-tu me passer les pommes de terre ?

Fred prit le plat en mode automatique pour le passer à maman, plongé lui aussi dans ses pensées. A quel point sommes nous les mêmes quand quelqu'un demande Georges et que Fred répond ?

-Fred, tant que tu y es, passes moi le poivre…

Fred est plus caractériel, il m'a tenu la jambe pendant dix minutes sur les avantages comparés du beurre de cacahuètes et de la confiture de mures alors que je m'étais juste plaint de faire une overdose de sucre. Je passe distraitement le poivre à Ginny.

Ce n'est pas que je ne veux pas lui ressembler mais c'est juste que malgré les apparences, je ne suis pas capable de compléter toutes ses phrases, il y a parfois des trucs chez lui qui m'échappe.

Pour prendre un exemple, il est d'avis qu'il reste plus de cheveux sur le côté gauche du crâne de papa alors que je suis convaincu que le droit est plus fournit.

-Je veux dire Georges, nettoie tes iris, en partant du point le plus à gauche du crâne, tu as au moins cinq centimètres de cheveux !

-C'est juste une impression, ils sont plus long de ce côté là alors ils font illusion. En réalité, les racines s'arrêtent au moins un centimètre avant les droits…De toute façon, ils sont plus éclaircis, tu vois pas les reflets plus présents là ?

Je pointe du doigt le crâne de papa, qui continue à manger tranquillement sa salade en nous regardant vaguement intéressé.

-Mais sa tête n'est de base pas symétrique !

-Ça se vérifie, dis-je en fronçant les sourcils.

-Facile à faire…

Fred conjura un mètre ruban.

OoO

Fred et Georges sont toujours un spectacle. Après cinq minutes en plongée simultanée dans les méandres de leurs cerveaux, ils déblatérèrent longuement, sans consultation préalable, sur ma parfait symétrie.

Manger quand deux êtres humains vous déroulent un mètre ruban sur le crâne est tout un art.

-Regarde, au moins un centimètre !

Cause toujours gamin, je suis un dieu grec.

-Tu le poses mal, là…

Je sentis le tissu glisser sur mes os. C'est Georges, j'ai reconnu sa voix, du moins sa façon de parler. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ils sont très différents mes jumeaux. Comme si une partie de leurs âmes était commune et qu'ils avaient choisit de la décorer de façon individuelle. La liaison était là mais teintée d'un beau mélange de couleurs différentes.

Enfin ça c'est ce qui était le cas habituellement. Aujourd'hui il y avait échange de personnalités régulières, Fred agissait pour Georges et Georges agissait pour Fred. Pour commencer, c'était une de ces journées où les enfants avaient décidés tous ensemble de porter leurs pulls tricotés dans le but évident de faire plaisir à leur mère et ceux des jumeaux avaient été inversé.

Ce qui était étrange, ce n'était pas le cas ce matin…

-Charlie ?

-Papa ?

-Arrête d'expérimenter tes sortilèges de transfert sur tes frères, ça les perturbent…

-Mais c'est drôle !

-On ne discute pas !

Mon deuxième fils baissa la tête, boudeur.

Mais je ne pus empêcher un sourire quand je sentis une main marquer un repère au sommet de mon crâne et le mètre ruban chercher sa position exacte.

La famille...