(*•̀ᴗ•́*)و ̑̑ Bubuh !
Bonjour à toi, fandom de YOI- ravie de te rencontrer.
C'est la première fois que j'écris dessus en fait, moi qui suis restée sur un ship pendant près de trois ans, si soudainement je fais une fic sur un autre, c'est que ça en vaut la peine (?) Donc bon, voilà. L'idée m'est venu en trouvant des fanarts de crossover YOI x Anastasia (et non y'aura pas de tsar ni de Raspoutine) mais pour vous faire une idée du genre, c'est la même chose (pas du tout en fait). En espérant que ça marche mdr tavuh.
C'est donc une première pour moi, que c'est de toucher à Yuuri (moi je mets deux "u", je m'en fous) et Viktor, alors je suis ouverte à toute critique ! - oui enfin ça, c'est ce que t'essais d'faire croire. Je file, on se retrouve en bas, bonne lecture (lol) et débizou.
(๑˃̵ᴗ˂̵)و
- Bienvenue à Moscou, jeune homme.
Yuuri hocha la tête en récupérant son passeport. Le douanier russe, souriant et poli, devait silencieusement juger son comportement en voyant le sourire mi-forcé mi-nerveux que lui avait rendu le visiteur. Au fond de lui, Yuuri espérait qu'il soit du genre compréhensible : c'était la première fois qu'il posait un pied sur le territoire slave – enfin non, pas du tout, mais Moscou, c'était une première. Comme une tortue aigrie, le japonais slaloma entre les passants avec ses sacs sur le dos, la tête baissée comme si le simple geste pouvait le rendre invisible – pas comme si beaucoup de monde le regardait, de toutes façons.
La fin d'après-midi était passée, il devait se reposer pour le train du lendemain. La gare était bondée, bien à la réputation du monde que l'on pensait croisé dans la capitale russe. Même s'il s'y attendait, Yuuri se sentait déjà écrasé par ces étrangers qui passaient et repassaient sans se douter qu'ils effrayaient un nippon perdu dans le mauvais fuseau horaire. Ajoutant la fatigue accumulée par celle-ci au stress et à la peur de l'inconnu, il sentait que ses jambes pouvaient crouler sous son propre poids.
Dehors, le froid le gifla plus qu'il ne s'y attendait. Les entrées de la gare débordaient de gens qui rentraient ou sortaient avec précipitation, presque jamais sans valises. De ses habitudes japonaises, Yuuri marmonna parfois un « désolé » même s'il n'était pas fautif dans la chaîne de bousculade. C'était dans ce genre de moments-là qu'il rêvait de pouvoir disparaître, ou tout simplement de se téléporter. Depuis le départ, il savait que cette série de voyages serait compliquée, et pourtant il parvenait à le regretter comme si le sort s'acharnait sur lui sans qu'il n'y peut rien.
Avec les mots (juste les mots qu'il avait prévu de dire et non pas les bases) qu'il avait retenu suite à un apprentissage rapide personnel (aka le par cœur), Yuuri indiqua à un chauffeur libre (après vingt minutes d'attente sous la neige...) l'adresse de l'hôtel où il devait se rendre, et l'homme ne fut pas trop difficile dans sa réponse.
Des touristes paumés, il devait en avoir l'habitude.
Même si avec son bonnet trop enfoncé, son écharpe remontée jusqu'au nez, ses trois couches de pulls et sa veste qui atteignait tout juste les hanches – le tout dans des tons de couleurs assez déprimants, ces marron et kaki faisaient peine à voir – il avait l'air de tout, sauf d'un touriste. Mais ça n'étaient pas ses affaires.
Assis sur la banquette arrière de l'étroit taxi qui sentait un peu le tabac, Yuuri sacrifia le début d'occasion à observer Moscou sous la neige en fouillant avec un peu d'appréhension son porte-feuille. La somme de 82 546 yens (environ 670 euros) qu'il utilisait depuis le début avait déjà considérablement baissé. Et il avait peur de perdre le compte à force de changer sa monnaie pour que celle-ci convienne aux différents pays qu'il a dû traverser jusque-là... Mais la Russie était la dernière étape, au moins il n'aura plus à le faire. Cependant, il ne voulait pas se permettre de se reposer déjà sur ses lauriers.
5 863 roubles russes... ce qui faisait... 11 146 yens (soit 90 euros)... C'était vraiment peu.
Il était si prêt du but, et pourtant une broutille comme l'argent manquait !
Non, il en avait encore. Mais avec même pas 6 000 roubles, en cas de soucis de voyage, il était marron...
Le détail inquiéta tellement Yuuri qu'il ne retenait même pas les belles images qui défilaient devant ses yeux une fois qu'il les eut levé.
Moscou, il ne la connaissait que par ce qu'on disait dessus. Il ne connaissait vaguement son architecture que par des photos ou la télévision. Il savait qu'il y faisait froid en hiver et qu'il pouvait y neiger très souvent... comme en ce mois de décembre. En vérité, Yuuri a pu faire la transition de novembre à décembre dans le train, s'étant dit que ça y est, officiellement, il allait se les geler. C'était bête, mais en même temps, décembre évoquait plus que la neige : Noël, le nouvel an, et toutes les festivités qui allaient se faire dans cette ambiance faite de glace et de flocons. Quand bien même il regrettait d'être arrivé à cette période, il ne regrettait pas d'être parti du Japon si tôt.
La chambre d'hôtel (ou plutôt, du motel, vu le peu de services qu'elle comptait en supplément) avait un petit côté miteux, prolétaire, voire même étudiant. Yuuri avait finalement bien fait de privilégier l'argent au confort. Et puis de toutes façons, il serait partit le lendemain. La gérante savait qu'il n'était là que pour une nuit, et que c'était d'ailleurs pour ça qu'il ne voulait pas du petit-déjeuner dans la note – déjà un peu trop salée.
Alors que le soleil se couchait, Yuuri déplia la carte du pays qu'il avait acheté après son voyage en bateau qui lui a fait quitté son pays natal. Celle-ci faisait presque tout le lit, et ce n'est qu'en la regardant qu'il ressentit sa première motivation de la journée. Les notations qu'il avait crayonné dessus lui montraient qu'il avait fait le plus gros. Plus de quatre heures en train le séparait de son but; ça le rendrait plus léger s'il était certain de savoir ce que son argent restant pouvait le faire tenir. Si ça se trouve, c'était perdu d'avance, et il ne le savait pas. Car beaucoup de la monnaie qu'il avait emporté était passé entre les mailles du trafic, ayant souvent dû payer pour des réglementations de papiers qu'il n'avait pas prévu.
Le plus dur d'entre eux fut le passeport. Ayant été trop gourmand dans son impatience, il a quitté la maison sans pouvoir faire régler ce petit carnet en cuir qui aurait hélas prit des mois à bien peaufiner s'il n'était pas parti comme il le voulait. Jusqu'ici, il était valide. Et pour avoir payé une énième réglementation, il espérait que ça allait durer. Demander l'aide aux parents était évidemment la chose proscrite dans ses plans.
Yuuri ne parlait à personne, depuis son départ. Il s'était débrouillé sans l'aide de quiconque à partir du moment où il avait quitté sa maison. Comme si n'importe qui pouvait lire en lui comme dans un lire ouvert, il répondait toujours avec un soupçon de timidité lorsqu'il s'agissait de parler aux contrôleurs, aux guichets, hôteliers, ou marchands. Et encore, aucun d'eux n'a sûrement pas retenir le son de sa voix.
- Dans vingt-quatre heures, ce sera fini... murmura-t-il pour lui-même. Ça va bien se passer.
C'était son truc, ça : s'encourager à voix haute. Et lorsqu'il n'y avait vraiment personne, il se permettait des monologues entiers. Ici, dans cet hôtel-motel, il ne se sentait pas suffisamment à l'aise pour même se permettre de déballer entièrement son sac. Allait-il même sans doute s'endormir sans défaire les draps ou enfiler de pyjama.
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Ce qui faisait défaut à Yuuri, aussi, c'était le sommeil. Vraisemblablement, en plein stress, il était incapable de gérer sa santé nocturne. Dormir était important durant un voyage, et pourtant il lui semblait impossible de prendre soin de ces quelques heures vitales, même s'il le voulait. C'était comme ça : il prenait un risque en partant dans cette aventure, forcément il n'avait pas l'esprit tranquille. Mais échouer à la dernière étape... ça serait inacceptable !
Pourtant, ça sentait mauvais. Yuuri courait de manière assez hasardeuse dans la capitale, sans savoir exactement où il allait. Son réveil n'avait pas été un problème, il avait même pu quitter la chambre en presque cinq minutes, montre en main, puisqu'il n'avait rien fait dedans excepté se laisser tombé dans le lit sans même se couvrir de la couette – alors qu'il se plaignait du froid. Pas de petit-déjeuner pour économiser le temps, et pourtant, il en manquait dangereusement.
N'ayant absolument pas étudié le fonctionnement quotidien de Moscou, Yuuri ignorait qu'autant de taxis pouvaient être débordés dès le matin. Il avait beau espérer et chercher tout en avançant dans la rue, personne ne semblait disponible pour l'amener à la gare. L'erreur d'inattention qui pouvait tout faire capoter.
- Merde, merde, merde... ! avait-il grommelé à plusieurs carrefours dans sa langue natale.
Encore un obstacle plus petit que l'objectif. Le manque de taxis, rien que ça ! Sans connaître la ville, être à l'heure allait être un vrai parcours du combattant. Et puis il ne savait même pas demander son chemin dans la langue du pays, seul un anglais tranché par un accent nippon pouvait le sauver. Si un anglophone aurait déjà du mal à le comprendre, les russes devaient le faire répéter au moins trois fois pour lui donner une réponse – elle aussi faite d'un anglais brouillé par l'accent slave... Sans compter les quelques passants qui ne savaient pas comment l'orienter à partir de là où ils étaient.
Il ignorait combien de temps il avait perdu, mais une chose était sûre : c'était beaucoup trop. Il ne manquait qu'une étape, qu'une toute petite escapade pour arriver à son but, et il échouerait maintenant ? Presque enragé contre lui pour se mettre en retard à cause de lacunes – en langues comme en connaissance du coin – il ne se fia plus qu'aux panneaux qu'il déchiffrait comme des rébus, en plus des indications plus ou moins suffisantes des gens de la ville.
Et lorsqu'il arriva à destination, bien évidemment, il était trop tard. À bout de souffle, Yuuri se rendit au guichet le plus proche, semblant réveiller l'homme qui se trouvait là. Malgré sa condition à ne pas dire plus qu'il n'en savait, la colère de Yuuri s'évapora dans sa forte respiration qu'il essaya de maîtriser, et dans un anglais qu'il tenta de maîtriser pour se faire entendre de son interlocuteur.
- Le train pour Saint-Pétersbourg ?
- Parti depuis bientôt vingt minutes, monsieur. Vous n'avez pas de montre ?
Le sarcasme de ce type titillait en Yuuri une envie de méchanceté gratuite qu'il ne se serait jamais soupçonné. Mais heureusement pour la face du monde, il n'était pas un violent. D'ailleurs, il se calma rapidement, vite envahi d'un sentiment proche du désespoir et de la confusion.
- Le prochain, alors ?
- Dans trois heures, pour 4 500 roubles.
Yuuri fit un rapide calcul sur ses doigts. Ça ne lui laisserait plus qu'environ... 2 500 yens (ou une vingtaine d'euros) ? Si peu... ? Il blêmit, voire même certain de pouvoir sentir la sueur lui couler du front. Une fois là-bas, l'argent ne serait plus un problème, mais était-ce raisonnable ? Au point où j'en suis... je prends le risque.
- Entendu.
- Soyez à l'heure...
Occupe-toi de tes oignons... pensa-t-il en échangeant des billets contre un autre.
Il avait tellement hâte d'être là-bas...
Épuisé par cette mésaventure, Yuuri alla s'asseoir sur un banc situé plus loin, avant de laisser son poids chavirer sur le côté. Comme un gros sac, il se laissa donc tombé sans avoir peur de se faire mal, les sacs sur son dos rendant la chute moins douloureuse qu'elle ne devrait l'être. Son porte-feuille était maintenant si léger qu'il le sentait au point de ne même pas se réjouir d'en avoir bientôt fini avec cette course. Pourtant, une fois à Saint-Pétersbourg, il pourra souffler, lâcher le plus gros soupir d'aise et de soulagement qu'il aura toujours retenu. C'était du moins l'idée qu'il se faisait. Arriver là-bas et vivre de manière plus simple. C'était ce qu'on en disait, après tout.
Trois heures... allait-il vraiment pouvoir patienter trois heures ? Jusqu'ici, il avait passé son temps à courir, alors prendre une si longue pause... Peut-être bien ce qu'il mérite après tout ces efforts ? Venir du Japon pour ensuite terminer à l'autre bout de l'Asie, en Russie, grâce à de l'argent gagné légalement mais pour un usage assez vilain ? Techniquement, ce n'était pas si vilain que ça, il y avait juste un peu de moral et de loi à ramasser à la petite cuillère derrière... Mais concrètement, ça n'apportait rien de grave.
Yuuri voulait vivre à sa manière. À 23 ans, il avait bien le droit, non ?
Dans cette position, sur le côté, il ne voyait plus grand-chose. Son bonnet collait ses cheveux au front, gênant les yeux avec leurs mèches noires. Et ces lunettes, qui se retrouvaient dans une position tordue à cause de la tête posée négligemment sur le banc. Trois heures à attendre que tout se finisse, au moins il y avait encore de la difficulté jusqu'au bout. Au moins, ce sera mérité. Et maintenant qu'il avait les nerfs reposés, là, sur ce banc, Yuuri réalisa qu'il pouvait doucement se détendre. Une fois dans le prochain train, rien ne pouvait l'arrêter, il lui suffira de marcher encore un peu, et même son restant de roubles pourrait servir à monter dans des bus.
Tout allait bien se passer. La preuve, il se sentait reposé. Alors qu'il était à moitié allongé sur un banc. Et que des gens pouvaient le voir ainsi, mais très franchement, il n'en avait que faire. Sa nouvelle vie allait commencer, et c'était un peu une façon de laisser les miasmes du passé derrière lui.
Tout était plus serein.
…
Des doigts frôlèrent sa tempe. Il sursauta.
- Vos lunettes étaient en train de tomber.
Mais Yuuri ne le comprit pas, n'ayant pas assimilé la langue russe. Le temps qu'il se redresse et ajuste les branches de ses lunettes – qui l'étaient, semble-t-il, déjà ? - plus personne ne lui faisait face. Il s'était endormi ? Cette fatigue accumulée à avoir autant joué à l'horloge avait finalement eu raison de lui. Et à en juger le nombre de personnes qui s'approchait de la bordure du quai, son corps ne s'était pas permit qu'une petite sieste de quinze minutes. Si cet homme – comme en jugeait la voix – ne lui avait pas réajusté sa monture, il ne se serait sans doute pas réveillé avant l'arrivée du train.
La foule qui semblait s'être accumulé depuis tout ce temps indiqua au nippon que le train allait bientôt arriver. Il se redressa, réajusta ses vêtements d'hiver, puis se massa la joue précédemment posée sur le bois dur et froid de l'assise. Entre les passagers mieux habillés, valises empilées derrière eux, ils avaient tous meilleures mine et figure que lui, le japonais perdu et voyageur de dernière minute. Comme si son bonnet possédait un pouvoir magique, il le tira un peu plus vers le front, honteux d'être l'intrus au milieu de ce petit monde.
Les contrôleurs accompagnèrent l'arrivée de la dizaine de wagons en soufflant dans leur sifflet, réunissant l'attention de tout les voyageurs. Ces derniers venaient s'agglutiner vers le bord du quai, faisant petit à petit reculer Yuuri; mal réveillé et qui n'osait pas doubler les plus chargés. La fumée de la locomotive s'échappa dans un bruit de pression qui rassura le jeune homme; que lui prenait comme un signal à la fin proche de son aventure. Comme s'il s'agissait d'un rêve, Yuuri mit un talon sur le marche-pied en regardant celui-ci s'y poser comme s'il entamait un chemin vers le Paradis.
Peut-être était-ce l'adrénaline, la joie ou l'excitation, mais il avait l'impression que l'intérieur de ce train était plus beau que les précédents. Même si le couloir était étroit, les compartiments était beaux comme neufs. Dans les compartiments, les banquettes faites de bois, de cuir et de tissus, semblaient même trop parfaites pour qu'un arriviste comme lui puisse s'y asseoir. Ce wagon le faisait rêver, et il fit même râler un passager russe bien en point à cause de son arrêt subit à s'extasier devant la décoration.
Pour ne pas gêner, il se décala presque face contre la fenêtre, libérant ainsi un petit passage permettant aux moins difficiles d'aller s'installer vers le fond. Avant même que tous n'aient pu trouver une place, le train annonça la suite de son trajet et siffla en libérant un jet de fumée qui fit s'éclairer le visage de Yuuri : enfin, il partait.
Le paysage de Moscou se défila sous ses yeux curieux, et bientôt, la nature enneigée la remplaça. Saint-Pétersbourg lui semblait déjà plus près.
####
À plusieurs kilomètres de la capitale, Yuuri sentit ses jambes trembler après avoir été sollicitées trop longtemps. Cessant avec un petit regret son observation rêveuse de l'extérieur (qu'il pourra reprendre une fois assis de toutes façons) il revint sur ses pas et chercha une place dans les compartiments.
Mal lui en prit, cette longue attente dont il n'avait pas réalisé l'existence lui avait ôté la possibilité de choisir dans lequel s'asseoir; tous étaient pleins. Un peu en panique, il jeta avec honte des dizaines de coup d'oeil vers tout les étrangers qui occupaient les places qu'il croisait en pressant le pas, chaque porte de compartiment fermée comme pour le rejeter d'avance de s'y inviter. Je vais quand même pas passer quatre heures assis parterre... Au dernier moment, alors qu'il pensait devoir se servir d'un de ses sacs comme fauteuil, il repéra un compartiment visiblement vide. Pas très surprenant puisqu'il s'agissait d'un du dernier wagon, qu'il avait rejoint en pensant qu'il serait froid et sale – alors que tous étaient entretenus au même degrés... Un sourire un peu niais sur le visage et rassuré comme en voyant le bout du tunnel, Yuuri se précipita vers la porte vitrée...
Mais quelqu'un était à l'intérieur.
Marmonnant un juron, il hésita, puis se contenta de rester là en attendant que la personne ne le remarque. Cette personne, un homme, lui rendit son regard interloqué et lui sourit, lui faisant comprendre qu'il n'y avait aucun soucis à ce qu'il le rejoigne. Soulagé, Yuuri hocha seulement la tête en guise de remerciement, puis entra.
- Oh.
Interloqué, il glissa le regard vers l'inconnu en posant ses sacs sur la banquette qui faisait face à ce dernier. L'homme, en dégageant légèrement sa vue d'un léger mouvement de tête à cause de ses cheveux, lui sourit et s'exclama d'une voix aussi douce que grave :
- Le sans-abris de tout à l'heure !
Un silence s'en suivit, puis une gêne sans nom. Désolé, Yuuri pencha un peu la tête sur le côté, intrigué par les mots de la langue du pays qu'il ne comprenait évidemment pas. Il se racla la gorge, espérant se faire comprendre malgré son anglais saccadé par l'accent asiatique.
- Pardon, mais je ne parle pas russe...
- Ah, vous êtes un touriste, reprit-il en tranchant la même langue de son propre accent.
Une chance, il semblait être tombé sur un bilingue. Se faisant petit, Yuuri s'installa face à lui, à côté de ses sacs.
- Si on veut...
- Je me disais bien que c'était vous, mais après vous avoir vu sur ce banc, j'avais comme un doute.
- Plaît-il ?
- C'était de l'argent volé ? Pour votre billet...
Il mit un temps à assimiler où il voulait en venir, puis s'écria en secouant les mains.
- Ah, non non !
- Ou alors vous êtes monté sans avoir payé.
- Mais non, je ne dors pas dans la rue ! Je suis juste...
- Oh, toutes mes excuses. Votre veste, sans doute.
Avec ce sourire maladif, il n'avait vraiment pas l'air désolé. Il l'insultait avec tant d'innocence sur le visage ? Quelque part, il n'avait pas tout à fait tort : Yuuri, depuis sa maison, n'avait dormi nulle part ailleurs que dans des petits hôtels et mangé des petits repas à emporter. À son départ, il fallait déjà serrer la ceinture et surveiller son argent, alors en dépenser en échange de vêtements qui lui auraient donné un air plus digne était aussi impensable que dangereux. Rien qu'en y repensant, il se sentit honteux et baissa les yeux sur ses genoux, soutien de ses poings fermés qui exprimaient son stress à ressembler autant à un clochard. Sa chance, au moins, c'était qu'il n'en était pas un. Avec un tel challenge, il s'y risquait, mais il avait réussi. Il était dans le dernier train de son parcours, et il parvenait même à parler avec un étranger du coin.
Comme celui-ci mit fin à l'échange en regardant par la fenêtre, Yuuri en profita pour l'observer.
Il devait être du même âge que lui, voire peut-être un peu plus. Il ne pouvait pas en être certain dans cette position assise et jambes croisées, mais celles-ci semblaient assez longues, donc il devait le dépasser ? Discret, il leva doucement le regard afin de le détailler plus haut, remarquant sa position à la fois nonchalante et sérieuse. Si c'était lui qui se laissait tombé comme ça, bras croisés, on le comparerait encore à une loque. Contrairement à ses propres cheveux un peu sales, décoiffés par son bonnet – qui n'a pas bougé – et noirs, l'homme en face les avait clairs, un blond platine presque blanc – ou gris enneigé. Eux, au moins, ne faisaient pas peur à voir, même si son œil était caché derrière des mèches. Et ses yeux bleus... brillaient grâce à la lumière du soleil qui filtrait de temps en temps à travers la vitre.
À être assis en face d'un si bel homme, Yuuri se sentait encore plus honteux. Davantage lorsque, à cause de son trop lourd regard, l'objet de ses intérêts tourna les yeux vers lui. Une exclamation surprise, un petit mot d'excuse murmuré, et ça y'est, Yuuri se sentait stupide. Mais chez le slave, ça ne provoquait qu'un sourire amusé.
- Alors ? Que nous vaut votre visite à Saint-Pétersbourg ? Globe-trotter ?
- Y vivre, avoua-t-il un peu trop vite.
- Y vivre ! ria le russe. Avec deux sacs et un bonnet ? ... Oh, ne faites pas cette tête, je plaisantais. Vous déménagez chez de la famille ?
- Vous êtes vraiment...
- Indiscret, oui. Je suis très curieux, excusez-moi.
Il souriait toujours, mais au moins, il avait l'air sincère.
- Détendez-vous, d'accord ? Nous allons passer quatre heures ensemble dans le même compartiment, ce serait dommage de nous disputer ou d'être aussi mal à l'aise.
- Hmm...
- ... Bien...
Presque une heure passa, et au final, il y avait bien lourde ambiance. C'était aussi de sa faute, Yuuri avait un peu perdu l'habitude à parler à autrui. Et ce type n'avait pas l'air d'être un mauvais bougre, il regretterait sûrement de ne pas répondre à ses efforts. D'ailleurs, il pouvait voir l'expression embarrassée de son interlocuteur, voire même un peu coupable.
- Je vais dans un foyer.
Pour simple réaction, il le regarda, tandis que les yeux de Yuuri fixaient ses mains liées.
- À Saint-Pétersbourg, il y a un foyer pour adolescents et jeunes adultes en difficulté. C'est là que je vais.
Un silence, puis le russe demanda sans scrupules :
- Décision de la famille ?
- Fugue.
Ensuite, il se promit de ne plus être aussi direct. Il pensait être jugé, vu de travers, ou juste recevoir des conseils pour éventuellement faire demi-tour et rentrer chez lui. Mais au lieu de ça, il souriait poliment, tranquille là où un autre qui aurait apprit qu'il parlait à un fugueur ne le serait pas..
- Vous êtes bien courageux.
- Pardon ?
- Je disais : vous semblez venir de loin, avec pas grand-chose. Mais vous êtes là, et bientôt à destination. Je suis plutôt impressionné.
Il ne s'attendait pas à ça, encore moins à le voir l'applaudir doucement et avec fierté – et non moquerie ! Gêné, il se massa la nuque.
- Ça s'est joué à peu de choses...
- Pas facile, je suppose.
- Non... Je suis même fauché.
Il voyait bien qu'à l'expression de son compagnon de voyage qui haussait un sourcil, il en avait à la fois trop dit et pas assez. Mais quand bien même il disait être curieux, il sembla ne pas en demander davantage. Peut-être pas souvent gêné, mais au moins, ce type avait le mérite de connaître le respect. Un ange passa, soulignant l'arrêt de la discussion. Yuuri se sentit un peu plus détendu, malgré son manque d'assurance à bien vouloir parler de son aventure. Peut-être craignait-il au fond de se faire traîné de force jusqu'au Japon, même si au fond, personne hormis lui n'en avait le droit. Même s'il vivait officiellement à la même adresse que ses parents, Yuuri était majeur et en droit total de sa liberté. S'il voulait partir, il le pouvait. Ne restait sur son dos que le stress d'être recherché et retrouvé. Mais jusqu'en Russie, c'était peut-être un peu exagéré. Surtout qu'il se rapprochait petit à petit de l'Europe.
Un quart du voyage était fait, et Yuuri se sentait encore trop impatient. À l'évidence, cette attente qui lui paraissait interminable se lisait comme la couverture d'un livre sur son visage, puisque le russe riait silencieusement en l'observant de temps à autre. Malgré le silence, le malaise avait disparu. S'étant fait à l'idée de leur présence, ils se déplaçaient dans le compartiment comme dans leur chambre. La pensée de se croiser seulement avant d'échanger un aveu définitif devait les aider à « se foutre royalement de ce que l'un pouvait juger sur l'autre ».
- Ah, les contrôleurs.
À ces mots, le slave fouilla ses poches afin d'en extirper son passeport. Ne sentant plus pour la première fois la pression, le stress ou quelconque danger pouvant lui barrer la route, le nippon fit de même en regardant dans son sac, et avec un petit sourire enfin plein d'assurance, il l'attrapa. De l'autre côté de la porte vitrée, les contrôleurs passaient tranquillement dans le couloir, vérifiant le compartiment d'à côté.
- Oh, je suis horrible sur cette photo...
Yuuri ria en entendant l'auto-dérision de son camarade de voyage.
- Elle est si vieille que ça ?
- Je venais de commencer mes études, j'avais les cheveux longs... Regardez !
Pas pudique pour un sou, l'homme aux cheveux d'argent tendit le bras pour lui mettre son passeport sous le nez. Yuuri fut surpris par la chevelure en effet longue et lisse que cet homme portait à l'époque autour de ses 20 ans, et son visage était déjà allongé, mais plus petit. Il semblerait qu'il avait... des petits traits féminins tout juste visibles.
Il allait dériver le regard vers son nom par simple curiosité, mais autre chose l'attira... le faisant blêmir.
Un tampon à l'encre marquait la page du passeport. Tampon qu'il n'avait pas sur le sien. Les yeux gros comme s'ils pouvaient zoomer, la panique revint soudainement à la charge au milieu de ses émotions de soulagement; soudainement toutes écrasées par la stupide réalité.
C'était encore le passeport, le soucis.
S'il n'était pas en règles, il suffisait de payer l'amende et de demander de quoi tout résoudre ensuite. Le problème est qu'il ne le pouvait plus. Avec si peu de roubles, c'était impossible. Et comment allaient réagir les contrôleurs en le découvrant ? Ils allaient l'obliger à descendre du train au prochain arrêt, au milieu d'une ville qu'il ne connaîtrait pas, et dans laquelle il ne pourrait pas payer un nouveau billet. C'était foutu. Foutu en l'air à cause d'un fichu tampon ! Yuuri se leva d'un bond, faisant sursauter l'autre en face qui ramena son passeport.
- Il... Il faut que je m'en aille...
- Hein ? Où ?
Sans répondre, le japonais attrapa ses sacs en guettant, pressé par la panique, l'arrivée des contrôleurs qui entamait la fin de leurs mesures chez le compartiment voisin. Comme un voleur, il ferma d'abord la porte vitrée derrière lui sans paraître trop suspect – laissant un russe intrigué et confus derrière lui – puis entama une marche assez rapide vers le fond du couloir. Il devait prendre la fuite, ou se faire prendre tout court. C'était prendre un nouveau risque, mais là il n'avait pas le choix. Et même s'il se faisait prendre pour ensuite être jeté dehors, il devra payer une amende quand même ! Avec quel argent, dans ce cas, si ce n'est pas le sien ? Celui de ses parents au Japon ?
Hors de question d'y remettre les pieds.
La seule issue qui se présentait à Yuuri, c'était cette porte décorée d'un simple « Interdit d'accès » en russe. Mais même s'il pouvait le lire, il l'ignorerait et braverait cet interdit quand même. Fort heureusement, il était au dernier wagon et pouvait se cacher là où tout passager clandestin – alors qu'il avait payé sa place ! – se faufilerait.
Adieu la belle décoration et le chauffage, Yuuri s'était finalement résout à terminer son voyage ici, sans fenêtres, sur un plancher de bois dur et au milieu des bagages de chaque voyageur, empilés comme une partie de Tetris – et c'est là la blague. Le souffle court alors qu'il n'avait pas couru, Yuuri paniquait, réfléchissait à toute vitesse. Si ça se trouve, ils l'avaient vu ? Ou on allait le dénoncer ? Ce type qui était avec lui, il allait tout leur dire – alors qu'il ne savait pas - ? Comme si un des contrôleurs était derrière la porte, il s'en décolla d'un pas pressé et alla s'asseoir derrière une pile de grosses valises, sentant une oppression lui prendre la gorge. La tête piégée entre les mains, coudes sur les genoux, il ne s'entendait plus que jurer dans sa langue natale.
- Merde, merde, merde...
Sa respiration s'accéléra. On allait le trouver, le jeter ? Que pourrait-il faire, en fugue, sans adresse, loin de son pays et sans argent si on le découvrait dans sa position ?
Il attendit ainsi, apeuré, recroquevillé comme un petit garçon qui priait le départ d'un monstre qui rôdait aux alentours. Il allait passer environ trois heures comme ça ? Avec cette envie subite de trouver de l'air ? Sa gorge le serrait comme après une course dans le froid hivernal, et penser que le bruit qu'il faisait pouvait attirer quelqu'un répétait ce malheureux réflexe du corps.
Il semblait parti pour attendre, puisqu'il ne bougea pas durant les dix premières minutes.
Puis la porte s'ouvrit rapidement, avant de se refermer.
Quelle était cette précipitation ? On essayait de l'attraper comme un policier poursuivait un voleur ? Il voulait seulement aller à Saint-Pétersbourg, quel mal avait-il commit hormis celui de ne pas avoir payé un dernier foutu tampon ? S'il l'avait fait, en plus, il n'aurait sûrement pas pu payer son billet. Ou peut-être que ça aurait été un jour où il aurait pu prendre son premier train ? Putaiiin, s'il y avait un taxi libre ce matin, j'en serais pas là ! Les pas se rapprochèrent, et poussé par l'instinct à se défendre, Yuuri se leva subitement en inspirant, crachant des mots de protestation au contrôleur qui arrivait. Mais les dits mots ne vinrent jamais, puisqu'une main gantée vint couvrir sa bouche tandis qu'une autre lui attrapa l'épaule, afin de lui éviter de lui bondir dessus.
- Nom de Dieu, vous êtes drôlement réactif...
Chuchotait, face à lui, l'homme du compartiment. L'air grave mais calme, il guettait la porte qu'il avait passé à la va-vite, sachant que lui aussi n'avait pas le droit d'être là. La bouche entrouverte contre sa paume, Yuuri le regardait en clignant des yeux, trop surpris encore pour réaliser qu'il n'y avait visiblement pas de danger. Son souffle, toujours saccadé, ne s'emballa pas davantage, mais il n'en régulait toujours pas le contrôle. Croyant d'abord à l'émotion, le slave garda sa main ainsi afin de ne pas se faire repérer – sait-on jamais si ça pouvait attirer quiconque.
- Vous m'avez fait peur aussi, j'ai cru que vous alliez m'attaquer... Eh, vous allez bien ?
Bien que relativement calmé, Yuuri respirait toujours aussi fort. La peur, la pression, la panique, tout ça était plus ou moins dangereux pour lui. Et dire qu'il pensait se faire attrapé avec force et brutalité par deux gorilles qui allaient le balancer dans la neige ! Parfois, son imagination lui faussait trop les idées... On ne l'aurait pas jeté, bon sang.
Mais blague à part, Yuuri ne parvenait pas à respirer convenablement. Au contraire, son souffle irrégulier s'aggrava même en imaginant de nouvelles choses : qu'allait faire cet homme, maintenant qu'il l'avait trouvé ? Il pouvait encore le balancer aux autorités, il était si vulnérable, là, bâillonné par sa main ! C'était fichu, rien à faire... ! J'arrive plus... à respirer... Une douleur grimpa dans sa cage thoracique et il s'agrippa à la veste de son interlocuteur. Muet, mais le souffle toujours court, il appela à l'aide et cherchait à fuir en même temps. Qui aller voir ? Il ne pouvait pas sortir et ne voulait pas se laisser aux « bons soins » de ce type qu'il ne connaissait de nulle part.
Ce dernier essaya de le maintenir droit, à la recherche d'un moyen de le détendre et s'intriguant de son état, mais Yuuri ne voulait pas se laisser faire. Tiraillé par sa détresse et sa méfiance, il poussait l'homme comme il y restait agrippé. Si seulement cette merde pouvait ne pas durer aussi longtemps, surtout dans un moment pareil ! Yuuri se débattait sans pouvoir faire trop d'efforts, sa respiration le fatiguait. Et le russe marmonnait des jurons dans sa langue entre deux tentatives pour le rassurer.
- Regardez-moi... Regardez-moi, je vous dis, ou ça va empirer !
Le ton qu'il prenait ne manqua pas de l'effrayer un peu plus, et Yuuri toussa de manière inquiétante; usant davantage ses poumons. Il ferma les yeux, ces derniers embués de larmes provoquées par la douleur qui lui brûlait les poumons. Dans un espoir vain, il tenta de lui tapoter le dos, mais ne calma en rien la perte de souffle importante du japonais. Celui-ci avait les jambes tremblotantes, et c'est à ce moment-là qu'il eut l'idée de l'allonger. Heureusement que les contrôleurs étaient repartis à l'autre bout du train, sinon il y a longtemps qu'ils l'auraient remarqué !
- Respirez... Respirez calmement... Ça va aller, ça va aller... Non, n'essayez pas de parler. Contentez-vous de respirer calmement. On ne se précipite pas...
Yuuri voulait à la fois protester et fuir, deux choses dont il était incapable sur le moment. Impuissant, le russe ne voyait pas quoi faire, hormis essayer de le calmer, mais apparemment ce n'était pas juste à cause de l'émotion qu'il lui était impossible de reprendre un rythme respiratoire normal. Que devait-il faire ?
Quand bien même il voulait éviter cela, il n'eut pas d'autre solution que de se lever, l'abandonnant en s'écriant d'un « Je reviens, tenez bon ! », puis sortit en trombe pour chercher les contrôleurs. Après une course qui leur fit courir à tout les trois la longueur complète du train, les contrôleurs trouvèrent finalement Yuuri et le déplacèrent dans le compartiment où celui-ci était installé. L'agitation gagna doucement le wagon que Yuuri, porté, traversait sans bien le voir. Les langues étrangères qu'il ne comprenait pas, les voix qu'il ne connaissait pas, toutes ces petites choses hélas le faisaient un peu plus paniquer qu'autre chose. Et il ne put même pas comprendre son camarade de voyage demander à l'assistance de s'écarter afin de ne pas trop lui en rajouter.
Embrouillé par son état, Yuuri ne comprit pas trop ensuite ce qui lui arrivait.
Mais lorsque le train atteignit sa prochaine gare, on évacua immédiatement le japonais qui se remettait doucement de sa crise. Celui-ci n'ouvrait toujours pas les yeux, et sentit juste cette larme douloureuse rouler jusqu'à sa tempe.
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Lorsqu'il les rouvrit, il remarqua qu'il s'était endormi.
Toujours allongé, il hésita à se redresser, plus très certain de toujours ressentir cette écrasante douleur à la poitrine. Mais s'il se demandait où elle était passée, c'était qu'elle avait enfin disparu. Peu à peu, le brouhaha lointain d'une gare atteignit ses oreilles, et Yuuri ne s'en rendit compte qu'avec un temps de retard, se croyant encore dans le train. Il pensait le plafond de celle de Saint-Pétersbourg beaucoup plus joli à regarder. Et beaucoup plus de monde aussi. Comment se faisait-il qu'il était dans un couloir sans presque personne de ce côté ?
En vérité, il n'était pas seul. L'homme du train, assis sur une chaise que les jambes du nippon n'occupaient pas, le surveillait en feuilletant un livre. Mais quelque chose avait changé, non... ? Oh, maintenant qu'il bougeait les muscles pour émerger, il découvrit que c'était sa veste, qu'il avait visiblement ôté pour la prêter à Yuuri en guise de couverture. Le slave referma son bouquin, lui offrant un sourire aussi bien rassuré que désolé.
- Vous vous sentez mieux ?
- Je crois... Où est-ce qu'on est ? On est arrivés ?
- On a le temps, pour ça, jugea-t-il en s'approchant pour observer son visage. Vous avez triste mine. Vous devriez dormir encore un peu.
- Non, non, j'ai dormi assez...
Yuuri chercha une position confortable sur les chaises, une fois redressé sur les coudes.
- On est à Saint-Pétersbourg, alors ?
- Non, à Tver. Il y a encore beaucoup de chemin.
Tver... ? Il déglutit. Pourquoi n'était-il plus dans le train s'il était encore si loin ? Il allait encore devoir payer ?
- Au fait...
L'expression de l'homme changea en une petite moue inquiète.
- Je crois qu'un des contrôleur veut vous parler...
Merde, non. Son aventure semblait s'arrêter ici. Les yeux grands, Yuuri comprit dans les yeux de son interlocuteur qu'il était visiblement démasqué. Et en effet, lorsqu'il se sentit de se mettre sur ses deux jambes, il rencontra cet homme un peu sévère dans le bureau de l'accueil, qui usa de son anglais haché par l'accent russe pour lui demander de quoi payer l'amende de sa faute : celle d'avoir voyagé avec un passeport illégal. « Illégal », un mot violent pour une simple broutille qu'était un tampon manquant. Mais au moins, Yuuri avait comprit : il n'allait pas pouvoir se rendre à Saint-Pétersbourg, et allait même sans doute retourner dans son pays.
Au final, il avait échoué.
Et lorsqu'il retourna dans le couloir, où l'attendait son camarade de voyage, ce dernier fut surpris de la triste mine qu'il affichait. On aurait presque dit qu'il allait pleurer.
- Ça ne s'est pas bien passé, on dirait...
- Pas trop, non.
Yuuri baissa les yeux, et un sourire petit et nerveux tordit ses lèvres.
- Je n'ai pas assez d'argent pour l'amende. Je vais devoir rentrer chez moi, et... voilà. J'abandonne.
Ce mot, dur et lourd de sens, sembla secouer le russe qui le regardait d'un œil mystérieusement surpris. Silencieux, il semblait... en colère ? Ou juste rendu de mauvaise humeur alors que toute cette histoire ne le regardait pas ? En même temps, il y avait peut-être de quoi se sentir agacé : ce type disait avec fierté que l'acte courageux de Yuuri à braver la morale tout en frôlant l'illégalité l'impressionnait. Ça devait donner un piètre sentiment de savoir que le « héros d'une histoire qu'on lisait » finissait comme ça. Si encore c'était un peu de la faute de Yuuri, on pourrait y réfléchir. Mais là, c'était juste la faute à « pas de chance ».
Le japonais lâcha un soupir, n'osant être celui qui dit « au revoir ». L'homme ne semblait pas vouloir bouger non plus, mais avait plutôt l'air de juger gravement ce que ce misérable nippon était maintenant. Désemparé et déprimé, Yuuri n'osait pas faire la moindre remarqué, trop abattu par ce qu'il redoutait tant : rebrousser chemin. Si près du but... Mais non, il allait retrouver ses parents, entendre leur avis sur la situation, et qu'est ce qu'il allait prendre, il n'osait pas l'imaginer ou même s'y préparer.
- Merci pour la veste, et pour ce qui s'est passé dans le train... Vous n'étiez pas obligé de m'attendre.
- À vrai dire...
Yuuri releva les yeux.
- Je comptais venir avec vous.
Il y eut un blanc, et le japonais cligna des yeux. Par réflexe, un « eh ? » lui échappa des lèvres. Là, le slave sembla retrouver sa bonne humeur habituelle.
- Pendant que vous dormiez, j'ai réfléchi. Moi, je n'allais pas à Saint-Pétersbourg, à la base.
L'espoir revenait peu à peu en Yuuri en même temps qu'il lui expliqua :
- Vous voyez, je cherche quelqu'un depuis quelques temps... Et... eh bien, je n'ai aucune idée d'où il peut être. Puis, quand vous m'avez parlé de ce foyer à Saint-Pétersbourg, je me suis dis que ça pouvait être un lieu plausible. Et comme vous me faites de la peine, avec votre air de chien battu...
Il était en train de rêver, n'est-ce pas ? Quel genre d'ange descendrait sur Terre pour prendre l'apparence d'un tel samaritain sur son trajet ? Alors qu'il était misérable et qu'il faisait peur comme un sans-abris sans expérience, un inconnu sortait de nulle part et lui tendait une main inespérée ? À voir l'expression de Yuuri – yeux et bouche grand ouverts - il s'agissait là de la chance de sa vie, d'une occasion injustement donnée au plus malchanceux. On aurait pu donner cette veine à quelqu'un de plus digne, qui ne faisait pas honte à quiconque l'accompagnait... ! Mais non, il y avait ce type, altruiste et honnête, qui lui faisait un cadeau qu'il n'aurait pas cru possible.
Perdu, surpris, agréablement surpris même, presque rassuré mais impatient d'avoir confirmation, Yuuri reprit un ton un peu plus aigu, poussé par le courage qui lui gonflait les narines de détermination.
- V-Vous êtes sérieux... ? Mais on se connaît à peine ! Et je... Vous risquez de faire tout ça pour rien...
- J'ai déjà fais beaucoup de choses « pour rien », même si ça m'aide quand même à me faire une idée d'où je devrais aller. Et le foyer, c'est très possible. Mais si vous ne voulez pas de moi dans votre voyage...
- Ah, non non, je n'ai pas dis ça ! Mais... je manque de moyens...
- L'argent n'est pas un problème. Si j'attendais de vous une compensation, je ne vous aurais rien dis.
Une bonne étoile.
Il était tombé sur un putain de Dieu qui avait la belle vie, et qui voulait bien en partager ses effets avec un idiot comme lui. Lorsqu'il renifla, le russe se mit à rire.
- Je vous fais pleurer ?
- N-Non ! Je suis juste... Merci... Non, en fait, je ne sais absolument pas comment...
- Vous me direz ça sur la route. Du coup, je peux connaître votre nom ?
- Oui, oui... Yuuri Katsuki.
Il cligna des yeux.
- Yuri ?
- Yuuri. C'est très léger, mais c'est plus...
- Oh, le coupa-t-il. Ah.
Il éclata d'un rire.
- Quoi ? Qu'est ce que j'ai dis ?!
- Non, rien... Je suis Viktor Nikiforov. Ravi de te rencontrer... Yuuri.
« Yuurrri. »
Son accent russe faisait un rendu sonore de son nom assez étrange. Particulier. Bon, en même temps, il pouvait bien aller se faire voir, avec son « Vikutoru » répété par réflexe dans son esprit.
Le nippon allait s'en souvenir pendant longtemps.
(๑•̀ㅂ•́)و✧ Boum !
J'aurais essayé. J'espère que cette mise en bouche (poing dans la gueule) vous aura donné envie d'en savoir plus (sinon beeen j'vais m'faire voir) et que voilà. Oui, j'ai rendu Yuuri asthmatique, et oui, je trouve que ça lui va bien. C'est un peu le passe-partout de l'handicap dans le manga, et à placer en fic, c'est rigolo. Allez, tchuss les tout beaux. Je vais tâcher de pas prendre trop de retard !
