Chapitre I : Requiem pour un croissant.
« Où est passé mon croissant, bordel de merde ?! »
A la table des Gryffondor, les bavardages cessèrent aussitôt. Les élèves encore à moitié endormis une demie seconde plus tôt – voire totalement pour certains- s'étaient tous relevés d'un bon dans une sorte de ola collective digne des plus grand match de Quidditch. A l'extrémité droite, près de la porte de la Grande Salle, Sirius Black observait son assiette vide sans comprendre. Personne n'osait plus dire un mot. Tous savait pertinemment que le premier qui oserait ne serait-ce qu'entrouvrir les lèvres s'attirerait les foudres du Maraudeur, et ça – la propension de masochistes dans la maison de Gryffondor étant pour le moins faible – personne ne le désirait vraiment ; car, c'est bien connu, rien n'est plus imprévisible qu'un Black sans son croissant.
- Qui est l'espèce de Veracrasse moisi qui a piqué mon croissant ? C'était le dernier !
- Tu vas encore nous les briser longtemps, Black ? Maugréa une voix étouffée.
Sirius, yeux mi-clos et sourcils froncés, tourna lentement la tête dans un archétype parfait du cow-boy qu'on provoque en duel – ne manquait plus que la motte de foin roulant en arrière plan. Juste derrière lui, du haut de son mètre cinquante-deux, Nanna Halvorsen lui faisait face. Un sourire narquois on ne peut plus agaçant dessiné au coin des lèvres, elle agitait sous son nez le reste de la désormais défunte pâtisserie – paix à son âme.
- Tu vas payer de ta vie l'outrage que tu as infligé à mon humble personne, Nanna Mouskouri.
- Appelle-moi encore une fois comme ça, Black, et je te colle la langue au palais avec un sortilège de glue perpétuelle – Merlin sait que ça nous fera des vacances méritées.
- Nanna Mouskouri. Nanna Mouskouri. Nanna Mouskouri. Nanna Mouskouri …
Il est de ces scènes d'une violence extrême – et c'est peu de le dire – qu'il vaut mieux censurer grâce à l'une de ces utiles ellipses narratives (eh oui, l'auteur de fanfictions est tout puissant). Bref, le fait est, que le soir même, Sirius, Nanna et – allez savoir pourquoi – James se dirigeaient avec une joie, ô combien dissimulée, vers les cachots en vue de leurs cent vingt minutes de bonheur à eux (autrement dit, en vue de leur deux heures de retenue quasi-quotidiennes). Argus Rusard, le sympathique concierge de Poudlard, avait sortit d'on ne sait où, trente-six chaudrons rouillés ; chaudrons qui, soit dit en passant, avaient macérés de très longues années dans la crasse des bas-fond du château. Bien évidemment, Rusard, dans un accès de compassion envers nos trois pauvres élèves, n'avait rien trouvé de moins éprouvant que de leur donner l'agréable tâche de remettre tout ce joli tas de ferraille à neuf.
- Vos baguettes ! Grommela-t-il, alors qu'ils entraient dans la salle mal éclairée.
- Oh, voyons Argus. Tenta Sirius en flanquant une grande claque qui se voulait amicale – bien qu'un peu trop forte pour l'être réellement – entre les deux omoplates de leur geôlier. Je suis sûr que l'on peut trouver un moyen de négocier. Après tout, on commence à bien se connaître tout les deux.
James tenta de réprimer comme il le pu son fou rire naissant. Sirius avait décidemment un chic incontestable pour dire des âneries aussi grosses qu'un hippogriffe sans perdre son sérieux. Mais ce n'était pas si étonnant en fin de compte ; n'est pas Maraudeurs qui veut, allons. James secoua la tête, histoire de se remettre les idées en place, et passa, pour la trois cent quarante huitième fois depuis le début de la journée, sa main dans la masse éparse qui lui servait de chevelure.
- Gardez vos familiarités pour les Potter, Lupin et autres zozos du même genre, Black. Couina Rusard en arrachant littéralement des mains de Nanna sa baguette étincelante de propreté. Je veux du clinquant, je veux du luisant. Vous allez frotter, jeunes délinquants. Frotter, frotter, frotter. Et croyez bien que vous ne partirez d'ici que lorsque tout cela sera terminé.
- Et si on tombe de fatigue ? Larmoya James en attrapant la manche du concierge. Et si en tombant, je renverse un chaudron. Et si le chaudron est rempli de produit détergeant. Et si Sirius glisse à cause du produit et qu'il entraîne Nanna dans sa chute. Et si en tombant, ils m'écrasent et que je me casse le bras. Comment je ferais pour attraper le Vif d'or, moi ? COMMENT ?
La porte claqua.
Nanna jeta un regard exaspéré sur ses deux camarades et soupira longuement. Qu'avait-elle fait de si terrible pour qu'on lui inflige la compagnie de deux abrutis de cette catégorie ? D'accord, elle avait parfois malencontreusement oublié de payer quelques confiseries chez Honeydukes – pas grand-chose évidemment, l'équivalant d'une poignée de gallions, quoi. Elle avait aussi, de temps en temps, abusé de la grande intelligence de son amie Lily, copiant honteusement ses devoirs de potions. Pis, il est vrai que Bellatrix Lestrange avait plusieurs fois failli perdre la vie par sa faute. Mais si on mettait de coté ces petits événements compromettants - trois fois rien en vérité, des détails - n'avait-elle pas été une sorcière exemplaire ? Nanna se laissa nonchalamment glisser sur un vieux fauteuil de chintz défoncé, posé dans un coin sombre du cachot.
- N'empêche que je comprends toujours pas pourquoi je suis là. Se plaignit James.
- Sans doute que cette vieille peau doit être jaloux de ton charme ravageur Jamesi-chou. Supposa Sirius en battant ridiculement des cils.
- Ouais, ça doit être ça. Dis, tu crois quand même pas qu'il a des vues sur Lily ?
- Ah ! Pitié ! Pas encore ces images dans ma tête ! J'crois que je vais vomir…
- Heurk. T'as raison. Vaut mieux pas y penser.
- T'imagines ? Ria Sirius, avant de se lancer dans une imitation grossière du concierge. Hé, Lily, tu veux voir mon manche à balai ?
- SIRIUS !
Le plus étrangement du monde – eh oui, la communauté magique regorge d'évènements inexpliqués – un grimoire s'écrasa sur le crâne de Sirius, exactement entre ses deux yeux, tandis qu'un chaudron, qui s'était découvert la subite envie de voler, se fracassa contre le mur à quelques centimètres de lui. Sirius, les mains plaquées sur son front, s'écroula par terre en hurlant comme un dément. Il se mit à rouler sur lui-même pendant plusieurs secondes – après tout, le ridicule ne tue pas – sous le regard atterré de Nanna. James, lui, feignant la susceptibilité, s'était lancé dans une lutte acharnée contre lui-même (qui n'avait rien à envier à celle du sexuel Anakin Skywalker dans son jeune âge), le but étant bien évidemment de ne pas exploser de rire devant le spectacle de son ami tout juste bon pour un séjour prolongé à Ste Mangouste.
Si on faisait l'économie des projectiles magnétiquement attirés par le beau visage du jeune Black, le reste de la retenue se passa sans encombre. Sur les coups de deux heures du matin, après bien plus de deux heures de nettoyage intensif – merci la mère Grattesec – nos trois jeunes gens regagnèrent enfin la salle commune de Gryffondor, épuisés, éreintés, dormant littéralement debout, si ce n'est James qui rampait depuis le cinquième étage.
Ainsi, la vie s'écoulait paisiblement à Poudlard.
Les James Potter super-star-locale-de-Quidditch-qui-auraient-pu-faire-une-pub-pour-le-gel-effet-saut-du-lit-de-Vilvel-Dop-mais-sans-le-gel couraient encore et toujours après les Lily Evans. Les Sirius Black redoublaient d'intelligence dans leur bêtise. Les Peter Pettigrow ne servaient toujours à rien. Quant au nez des Serverus Rogue, ils sécrétaient toujours de substance huileuse.
