Bonne lecture à tous et bonne enquête.
PARTIE 1 : SiriusComme c'est souvent le cas, je me réveille quelques minutes avant l'heure prévue. Encore engourdi par le sommeil, je me roule dans mes couvertures et me tourne sur le côté. Je me mets alors à bâiller, entrouvre les yeux et fronce les sourcils. Près de mon lit se trouve celui de James. Je suis étonné de le trouver vide. Je connais mon meilleur ami et je sais que ce n'est absolument pas son genre de se lever avant l'heure.
Je me tire du lit, jette un œil à mon réveil et soupire. Il doit s'être levé plus tôt pour un mauvais coup. Ça, ça lui ressemble parfaitement. Par contre je me sens un peu vexé qu'il n'ait pas pris le temps de me réveiller. Après tout, moi, je n'ai jamais rien fait sans lui.
Je me sens de mauvaise humeur du coup. Je m'étire et me dirige vers le lit de Peter. Il est allongé sous les couvertures et ronfle doucement. D'un geste sec, j'arrache sa couette. Peter pousse un cri en tentant de la récupérer et, un peu plus loin, je vois Remus émerger de sous ses propres couvertures.
« C'est l'heure ! je m'écrie. James est déjà parti, allez, en route ! »
Pendant que les deux endormis s'arrachent du lit avec bien des difficultés, je m'habille en leur chantant des chansons pour éviter qu'ils ne se rendorment. Quelques minutes plus tard, nous descendons vers la Grande Salle.
A l'heure du petit déjeuner, il y a toujours beaucoup de monde et nous devons nous frayer un passage jusqu'à la table des Gryffondor. En prenant place, je bouscule un élève de première année qui renverse son jus de citrouille sur ses genoux. Il pousse un cri d'indignation mais qu'à cela ne tienne, il a déjà les mains toutes tachées d'encre violette de toute façon. Je lui envoie une grimace en réponse et lui et son ami quittent la table sans même éponger les dégâts.
Les première année ne sont plus ce qu'ils étaient, c'est moi qui vous le dis.
Je remplis mon bol de céréales mais je suis tout de même inquiet que James ne soit pas là. Je me demande où il est passé, ce qu'il fait ou ce qu'il a bien pu faire. Pendant que nous mangeons, nous fomentons toutes sortes de théories. Personnellement, je pense qu'il s'est offert une partie de pèche pour transformer le calamar géant en paella titanesque. Peter, lui, pense qu'il avait rendez-vous avec une fille. Lily peut-être ? Qui sait ? Remus, quant à lui, est persuadé qu'il s'est rendu de bonne heure à la cabane hurlante pour préparer une surprise pour ce soir. Ce qui me rappelle l'un des points essentiels de la journée : cette nuit, c'est la pleine lune !
Mon humeur s'améliore considérablement à cette pensée. J'adore les nuits de pleine lune. Evidemment, le fait que l'un de mes meilleurs amis se transforme en monstre sanguinaire n'est pas spécialement ce que j'apprécie le plus, mais Peter, James et moi allons pouvoir profiter de nos formes d'animagi pour tenir compagnie à Remus. Et j'aime tout particulièrement jouer à la balle avec un loup-garou. C'est un de mes petits plaisirs, chacun son truc dirons-nous.
« James n'est pas avec vous ? »
Ça, c'est la théorie de Peter qui tombe à l'eau. Lily vient de faire son apparition en compagnie de Marie et Kiera, ses deux meilleures amies. Elles s'installent près de nous.
« Berk ! s'écrie Kiera en prenant place. Il y a du jus du citrouille partout ici ! »
Je ne réponds pas. Kiera est une drôle de fille. Sérieusement, je le sais, je suis sorti avec elle quand nous étions en cinquième année. La plupart du temps, on dirait qu'elle fait appel à toute son intelligence pour être la plus superficielle possible. Quand Remus a été nommé préfet, il lui a retiré dix points pour une jupe qu'elle portait beaucoup trop courte. Depuis, elle le déteste et le lui fait bien sentir.
Qu'à cela ne tienne, je connais Remus et je ne crois pas que ça le touche particulièrement. Et puis, aujourd'hui, il doit davantage être préoccupé par l'imminence de la pleine lune que par les petites humeurs de Kiera Adams.
J'aurais aimé que les filles partent avant nous mais pour je ne sais quelle raison, elles se sont mises en tête de nous attendre et c'est donc à six que nous quittons la Grande Salle pour nous diriger vers les serres de botanique. N'empêche, j'aimerais quand même que James soit là. Sans lui, je me sens tout seul.
Le parc est boueux. Il a dû pleuvoir toute la nuit. Des feuilles mortes détrempées se collent à mes semelles. Je déteste ça. Je marche d'un bon pas auprès de Remus qui est au moins aussi silencieux qu'une tombe. C'est gai, je vous dis pas !
Je suis soudainement tiré de mes pensées par Peter.
« Le Saule Cogneur ! hurle-t-il à moitié. Regardez ! »
Je lève les yeux vers le gardien de notre secret et reste bouche bée. Près de moi, Remus pâlit tellement que je me demande s'il ne va pas s'évanouir. Derrière nous, Lily se plaque une main sur la bouche. Kiera et Marie, elles, n'ont pas l'air plus choquées que ça mais il faut les comprendre, elles ne savent pas que Remus est un loup-garou et que le Saule Cogneur garde l'entrée du passage secret menant à la cabane hurlante où il s'enferme les nuits de pleine lune.
« L'arbre est mort… »
La voix de Peter est blanche et tremblante. Moi-même, j'ai l'impression qu'on m'a envoyé un coup de poing dans le ventre. Mon estomac a l'air de vouloir jouer au yo-yo avec mes céréales et pendant quelques secondes, je me demande si je ne vais pas vomir.
Parce que le fait est là, le Saule Cogneur est mort. Son tronc a pris une affreuse couleur de cendre. Ses branches qui, habituellement, fouettent l'air et frappent quiconque s'en approche, pendent jusqu'au sol, inertes. Il n'a plus une seule feuille. Hier encore, il commençait tout juste à se dégarnir et ce matin, les feuilles mortes tapissent le sol autour de ses racines.
Je déglutit et observe Remus qui s'avance. Il dépasse ce que l'on appelle la limite de sécurité. L'arbre ne frémit même pas. Il reste totalement immobile. Remus continue d'avancer et pose une main sur le tronc. Les racines sont étroitement entremêlées devant l'entrée du passage secret. Ce qui signifie qu'on ne pourra pas entrer ce soir. Ni moi, ni James, ni Peter et surtout, ni Remus. Et là, ça devient problématique.
« Il faut en avertir Dumbledore ! s'écrie Lily. Immédiatement ! »
Et sans autre cérémonie, elle s'agrippe à la lanière de son sac sur son épaule et s'enfuit en courant vers le bureau du directeur.
« Et pour quoi faire ? demande Kiera derrière nous. Le Saule Cogneur est mort, ok, mais c'était un psychopathe. C'est plutôt une bonne chose non ? »
Je me tourne brusquement vers elle et la foudroie du regard.
« Tu ne sais pas de quoi tu parles, Kiera. »
Elle me dévisage comme si je venais de lui annoncer que je suis un cafard en tutu. Durant un moment, elle se contente de me regarder, les yeux écarquillés.
« Mais ce n'est qu'un arbre, Sirius ! Arrête un peu ton Nimbus ! »
J'ai bien envie de lui étaler toute la vérité, juste pour voir la tête qu'elle va tirer mais j'ai prêté serment, comme les autres, un soir dans notre dortoir et je n'ai qu'une parole. Je ne trahirai pas mes amis à moins qu'ils ne me le demandent mais, sincèrement, je doute que Remus ait envie que Kiera entre dans la confidence. Surtout elle.
Je cherche donc une autre excuse qui lui rabattra le caquet mais je n'ai pas le temps de proférer le moindre mot. La sonnerie qui annonce le début des cours résonne dans tout le parc et nous nous figeons. Ça, ça signifie que nous sommes en retard et que le professeur Chourave va nous en vouloir.
Je jette un œil à Remus par-dessus mon épaule. Il est toujours aussi pâle.
« Il faut qu'on aille en cours. Et qu'on retrouve James aussi ! »
Il y a quelque chose dans sa voix. Tandis que nous nous mettons à courir vers la serre de botanique, mon esprit se met à fonctionner à toute allure. James… James absent… James introuvable… Le Saule Cogneur…
Merlin ! Dis-moi que ce n'est pas vrai ! Dis-moi que James ne peut pas avoir fait une telle chose !
La serre de botanique numéro quatre est déjà emplie d'élèves de notre promotion. Nous ouvrons la porte le plus discrètement possible. Afin de limiter les dégâts, je pousse Remus pour qu'il entre le premier. Il me renvoie un coup d'œil assassin mais c'est trop tard, il a déjà mis un pied dans la salle. Eh ! C'est pour notre bien à tous ! Tout le monde sait que Remus est le chouchou des professeurs – sauf de Slughorn mais ça c'est une autre histoire.
Evidemment, toutes les têtes se tournent vers nous. Marie est la dernière à entrer. Elle referme la porte derrière elle, les joues aussi rouges que les lanternes carnivores du Pérou que le professeur Chourave nous a fait mettre en pot la semaine dernière.
Cette dernière semble nous attendre de pied ferme. Debout derrière son bureau, elle a les bras croisés sur la poitrine et l'air d'un sombral dont on s'est amusé à tirer la queue. Enfin je suppose parce qu'en réalité je n'ai jamais eu le privilège de voir un sombral. J'aimerais bien d'ailleurs et je suis tout à fait prêt à sacrifier Servilus pour y arriver.
« Eh bien, merci de finalement nous gratifier de votre présence, grogne-t-elle. Je retire dix points à chacun pour votre retard. »
Ce qui nous fait un total de cinquante points en moins. Les Serdaigle avec qui nous partageons le cours nous regardent en ricanant. Ouais, vous pouvez vous moquer, tout ça parce que vous avez la tête du classement. Quelle bande d'idiots !
Et comme par hasard, il ne reste plus que les places au premier rang. Je laisse tomber mes affaires sur la chaise juste à côté de la fenêtre et Peter vient s'installer à côté de moi puis Remus, Marie et finalement Kiera. Nous sortons nos affaires en silence et le professeur Chourave reprend son cours sur les terreaux d'Asie mineure. Mais qu'est-ce qu'on s'en fiche de ce truc ? Sérieusement ? Ils mettent des nems dans la terre ? De la sauce aigre douce ? Non ? Ben alors !
Au bout de quelques minutes, Marie lève la main. Le professeur Chourave a l'air surpris mais elle l'interroge tout de même.
« Comment on peut faire pour tuer un arbre aussi gros et aussi dangereux que le Saule Cogneur ? »
Un silence pesant s'abat dans la salle. Je vois Remus se crisper. Il agrippe le bord du bureau à tel point que ses phalanges sont toutes blanches. Peter semble en apnée. Et moi… moi j'ai très envie de me jeter sur Marie et de l'étrangler. Elle a de la chance qu'il y ait deux personnes entre nous. Je ne peux même pas lui envoyer un coup de pied sous la table. J'essaye d'envoyer des ondes à Remus pour qu'il le fasse à ma place mais je ne crois pas que ça fonctionne. Bon, ben j'en suis sûr, je ne suis pas un legilimens.
Le professeur Chourave reste silencieuse un petit moment avant de prendre une grande inspiration. Elle répond à Marie mais c'est Remus, Peter et moi qu'elle regarde. Elle nous croit coupables ? Sérieusement ?
« Quelle idée vous avez là, miss Archer !
_ Mais le Saule Cogneur est mort, insiste Marie. Est-ce que c'est une maladie qui a causé ça ou est-ce que c'est fait exprès ? »
Mais par Merlin, que quelqu'un la fasse taire !
« Ce n'est pas une maladie, répond Chourave. Tous les arbres du parc sont en pleine forme, j'y veille personnellement.
_ Donc quelqu'un a assassiné le Saule Cogneur. »
Je n'en peux plus. La pression est trop forte et là ça va dégénérer, je le sens. Peter tremble et Remus est en sueur. Si ça continue, on va faire une crise cardiaque tous les trois. Tant pis, je craque. Je me lève d'un bond, manque de peu de renverser mon tabouret.
« On n'en a aucune preuve ! je m'exclame. Le Saule Cogneur est un arbre dangereux, pour pouvoir le tuer, il faut déjà l'approcher ! »
Cette fois, Peter et Remus me regardent bouche bée. Moi, je sens la rage déferler dans mes veines. J'aimerais bien que Servilus soit là, tiens, ça me détendrait un peu de le martyriser.
« Monsieur Black, je ne pense pas vous avoir autorisé à prendre la parole.
_ Mais vous n'arrêtez pas de nous regarder ! Vous nous soupçonnez ou quoi ? »
Quelques personnes ricanent. J'entends néanmoins nettement Remus me souffler de me taire. Je ne m'aventure cependant pas à baisser les yeux vers lui.
« Il ne me semble pas avoir dit quoi que ce soit vous concernant, monsieur Black…
_ Mais vous l'insinuez ! Vous en êtes persuadée ! Je suis sûr que vous…
_ Silence maintenant ! Je retire dix point à Gryffondor. Et sachez que votre ami, monsieur Potter, est actuellement dans le bureau du professeur Dumbledore pour répondre de ses actes vis-à-vis du Saule Cogneur ! »
C'est la douche froide. Chourave m'a répondu presque en criant mais ce n'est pas tant le ton qu'elle a employé que ce qu'elle a dit qui me choque. James… James est accusé d'avoir tué le Saule Cogneur.
« C'est faux ! je m'écrie. Il n'aurait jamais fait ça ! Pas James ! »
Peter me tire par la manche pour me forcer à m'asseoir. Je me dégage d'un geste brusque et me tourne vers mes deux amis qui me dévisagent avec des billes à la place des yeux.
« Mais réagissez par Merlin ! James est innocent et vous le savez très bien !
_ Ça suffit monsieur Black ! »
Le professeur Chourave empoigne un parchemin sur lequel elle se met à écrire puis elle le plie et regarde autour d'elle. Elle soupire. A mon avis, elle cherchait Lily mais elle n'est toujours pas revenue elle non plus.
Elle tend le papier au préfet de Serdaigle.
« Conduisez-le dans le bureau du professeur McGonagall. »
Le préfet se lève en acquiesçant. Il a l'air d'être investi d'une mission de la plus haute importance. Je soupire, range mes affaires et le suis. Lorsque je passe derrière Remus, il m'arrête.
« On te retrouve à la fin du cours, chuchote-t-il. James est innocent, on va le tirer de là. »
J'acquiesce. Mon regard croise le sien et je sais qu'il est sincère. Remus est parfois un peu long à se décider mais son amitié est au moins égale à la mienne. Je sais que, pour lui, les amis sont la chose la plus importante. Il n'a qu'une parole lui aussi.
Tiens, j'ai presque envie de lui sauter au cou. Je me sens un peu mieux de savoir qu'il va aider James et j'ai presque honte de lui avoir suggéré que je le croyais incapable de le faire. Je quitte la salle derrière le préfet.
« Ecoute… euh… Tomms, je t'offre un Nimbus 70 si tu me laisse partir tranquille.
_ Tu n'as pas de Nimbus 70, Black. Laisse tomber.
_ Je peux t'en trouver un.
_ Arrête ! »
C'est pourtant vrai, Regulus en a un. Voler son frère, ce n'est pas tout à fait du vol, n'est-ce pas ? De toute façon, depuis que j'ai quitté la maison, il doit être le petit chouchou de toute la famille et s'il perd son balai, je suis prêt à parier cent gallions que mes parents lui en rachèteront un illico.
Grogan Tomms n'a pas l'air de quelqu'un de corruptible. C'est bien ma veine. Evidemment si Chourave avait envoyé Remus à sa place, ça aurait été trop facile mais je suis prêt à parier qu'elle l'a fait exprès. Quoi qu'il en soit, Grogan m'emmène bel et bien dans le bureau de McGonagall. Au moment où nous passons, nous croisons Rusard qui traîne James derrière lui. Mon cœur fait un grand bond dans ma poitrine et j'essaye d'accrocher son regard. James a l'air enjoué mais il est toujours comme ça. Il m'adresse un signe de la main.
« On va te tirer de là, dis-je. Je sais que tu es innocent ! »
Il acquiesce mais n'a pas le temps de répondre. Rusard l'entraîne derrière lui et McGonagall sort de son bureau.
« Monsieur Tomms, monsieur Black, dit-elle. Qu'est-ce que vous faîtes ici ? »
Grogan lui tend le mot et je soupire. McGonagall lit rapidement puis lève les yeux vers moi.
« Est-ce que vous êtes donc quelqu'un d'irrécupérable, monsieur Black ?
_ James est innocent, dis-je pour toute réponse. Vous, mieux que personne, vous savez pourquoi il ne peut pas avoir tué le Saule Cogneur. »
Durant quelques instants, nous nous jaugeons du regard et je prie en silence pour qu'elle comprenne que jamais James ne mettrait Remus en danger, même pour une mauvaise blague. Elle finit par acquiescer et explique à Grogan qu'il peut retourner en cours. Il a l'air déçu de ne pas en apprendre davantage. Pendant ce temps, elle me fait signe d'entrer dans le bureau.
Il fait chaud ici. Je m'installe sur la chaise qu'elle me désigne. La porte claque derrière moi.
« Monsieur Black, je comprends tout à fait où vous voulez en venir. Nous n'avons aucune preuve attestant de la culpabilité de monsieur Potter. Mais nous n'avons rien pour affirmer son innocence non plus.
_ Moi je sais que ce n'est pas lui. Et Remus aussi en est convaincu. Et je suis prêt à parier que…
_ Certains soupçons pèsent également sur monsieur Lupin. »
J'écarquille les yeux. Remus ? Il aurait empoisonné le Saule Cogneur ? Non, certainement pas ! Il n'aurait pas fourni lui-même le bâton pour se battre. Je fais part de mon indignation à mon professeur de métamorphoses. Elle fait le tour de son bureau, afin de se retrouver face à moi et lève les mains pour me faire taire. Bien que la rage bouillonne en moi, je me maîtrise et obtempère. Mais c'est à grand peine.
« Des témoins ont vu monsieur Lupin traîner dans les couloirs cette nuit.
_ Quels témoins ?
_ Ne comptez pas sur moi pour vous le dire, monsieur Black. Ce sont des témoins fiables, c'est tout ce que vous avez besoin de savoir. »
Est-ce qu'il s'agit de Rusard ou d'un autre professeur ? Si c'est le cas, Remus a certainement écopé de points en moins et comme je ne fais pas trop attention aux sabliers, surtout ces derniers temps où je ne pensais qu'à notre prochaine escapade au clair de lune, je ne peux pas dire s'il y en a eu de retiré ou non. D'un autre côté, pourquoi Remus ne m'en a-t-il pas parlé ? Et pourquoi n'a-t-il pas pris la cape d'invisibilité avec lui ?
Il y a quelque chose de louche derrière tout ça. Je n'aime pas beaucoup que mes amis me tiennent hors des confidences. Ils savent pourtant qu'ils peuvent me faire confiance. S'il y en a bien un qui ne les trahira pas, c'est bien moi.
Devant moi, McGonagall soupire.
« Je sais que cette histoire vous préoccupe et je ne vous cache pas que le professeur Dumbledore et moi-même sommes également très inquiets. Si cette après-midi nous n'avons pas de solution, nous allons être obligés de renvoyer monsieur Lupin dans ses foyers. »
J'acquiesce. C'est probablement la meilleure chose à faire, je suppose. Les parents de Remus ont l'habitude de devoir gérer ses transformations. Ils sauront quoi faire, c'est évident. Mais ça signifie pas d'escapade nocturne et surtout ça signifie que les Maraudeurs commencent à avoir des secrets les uns pour les autres. Et ça, ça ne me plaît pas du tout.
« Je ne vous punirai pas davantage pour votre comportement dans la classe du professeur Chourave, mais veillez à ce que ça ne se reproduise pas.
_ Oui professeur.
_ Monsieur Black, je sais que vous cherchez à protéger vos amis et c'est tout à votre honneur mais vous devez faire preuve de discernement et avouer qu'on ne connaît pas toujours les gens. »
Je secoue piteusement la tête.
« J'ai toute confiance en James, Remus et Peter. Je sais qu'aucun d'entre eux n'aurait été capable de faire une telle chose. »
Je marque une seconde de silence, le temps de prendre une grande inspiration.
« Par contre Servi… Severus Rogue est au courant pour la lycanthropie de Remus depuis l'année dernière et lui il peut avoir trouvé une potion pour empoisonner le Saule Cogneur.
_ N'accusez pas sans preuve. Allez, maintenant quittez ce bureau et reprenez une journée normale. »
Je quitte la pièce et me retrouve dans le couloir. Personne ne s'attend à me voir revenir en cours alors du coup, j'en profite pour filer vers le parc. En chemin, je bouscule un gamin qui m'arrive à peine à l'épaule. Il pousse un hurlement en tombant et me lance une bordée d'insultes. Je me retourne et constate qu'il s'agit du même première année qui a renversé son jus de citrouille ce matin. Décidément, il est tout le temps dans mes jambes celui-là. Je m'excuse à peine et tandis que son copain l'aide à se relever, je reprends ma route.
Je m'avance jusqu'au Saule Cogneur et m'accroupis. Le tronc ne présente aucune trace de potion mais ça ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu. Qui plus est, il a plu toute la nuit. J'entends sonner la fin de l'heure. Je suis à genoux dans la boue et je peste tout bas. Remus traînait dans les couloirs cette nuit. S'il a versé un poison sur les racines alors la pluie peut très bien avoir lavé les restes. Mais Merlin, pourquoi Remus aurait fait une telle chose ?
« Tu as trouvé quelque chose ? »
Je m'assois sur mes talons.
« Non, Peter.
_ Remus était dehors cette nuit.
_ Oui, McGonagall me l'a dit.
_ Il y a une fiole de potion vide sous son lit.
_ Ecoute je ne sais pas si… »
Je me retourne tout à coup. Deux choses me viennent à l'idée.
« Comment est-ce que tu sais ça ? »
Peter rougit jusqu'à la racine des cheveux. Il n'a pas l'air comme ça mais c'est un grand timide et il n'aime pas beaucoup qu'on lui pose des questions.
« Je… eh bien je… bafouille-t-il.
_ Je n'essaie pas de te piéger, Peter. »
Il se force à sourire.
« J'avais rendez-vous. Avec une fille. »
Avant de réfléchir, un peu comme par réflexe, je me mets à siffler entre mes dents et Peter se met à grommeler. Il rougit encore plus également. Mais il faut me comprendre. En sept ans, je ne l'ai jamais vu avoir rendez-vous avec une fille. Et lui, il m'annonce qu'il fait ça de nuit, comme s'il voulait s'en cacher. Pourquoi ? Pour éviter des remarques ou parce que la fille en question ne veut pas qu'on sache qu'elle fréquente Peter Pettigrow ? Il n'est pourtant pas laid. Il est assez costaud, c'est un fait, et ça ne lui ferait pas de mal de perdre quelques kilos mais il a un visage assez avenant, une chevelure fournie et il sait se tenir. Remus, lui, est complètement défiguré par une cicatrice sur la joue et ça ne l'a pas empêché d'avoir quelques copines. Bon, il n'a jamais tenu plus de trois semaines à cause des pleines lunes mais ça c'est autre chose.
« Est-ce que j'étais le seul à dormir cette nuit ? je demande.
_ Je crois oui. Quoi que James était dans son lit quand je suis parti et il l'était toujours quand je suis revenu. »
Cette fois, je me lève. Mon pantalon, détrempé par la pluie, me colle à la peau mais je ne m'en soucie pas.
« Dis-moi tout.
_ Quoi ?
_ Tu es parti à quelle heure ?
_ Minuit.
_ Et tu es revenu à quelle heure ?
_ A peu près trois quarts d'heure plus tard. »
Je me retiens à grand peine de laisser échapper une remarque graveleuse. Ce n'est pas la peine d'accabler davantage ce pauvre Peter. Je l'interrogerai au sujet de sa mystérieuse amie plus tard. Je ne m'en fais pas pour ça, j'ai une excellente mémoire et tôt ou tard ça reviendra sur le tapis. D'ailleurs, je suis prêt à parier que Peter le sait.
« Et Remus ?
_ Il était déjà parti quand je me suis levé et il était déjà rentré quand je suis revenu. C'est là que j'ai vu la fiole sous son lit. La lune l'a éclairée.
_ Il dormait ? »
Peter hausse les épaules.
« A priori oui. Je ne lui ai pas demandé. Toi tu dormais par contre. Tu ronflais. »
Je me renfrogne. Ça fait sept ans que je clame à grands cris que je ne ronfle pas et les trois idiots qui partagent mon dortoir s'amusent à essayer de me faire croire le contraire. Mais ce n'est pas possible, je ne peux pas ronfler. Non, sérieusement, quelqu'un comme moi ne peut pas ronfler ! C'est tue l'amour ! Bon maintenant, il y a un deuxième point qui me pose problème.
« Pourquoi est-ce que Remus n'est pas avec toi ?
_ La préfète de Poufsouffle est venue le chercher. Apparemment, Dumbledore voulait lui parler. »
Bien. Nous avons une heure de libre. Le temps de retourner au château, j'explique à Peter ce qui s'est passé dans le bureau de McGonagall. Je lui dis aussi que j'ai vu James et je lui explique que je suis sûr que Servilus y est pour quelque chose.
« Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
_ Mais c'est évident Queudver ! L'année dernière, quand j'ai essayé de le jeter entre les pattes de Lunard, tu te souviens de ce qu'il a dit ?
_ Pas vraiment non.
_ Il a dit : vous me le payerez. Je me vengerai tôt ou tard.
_ Et tu crois qu'il a choisi de se venger en empoisonnant le Saule Cogneur ?
_ C'est ce que je crois oui. »
Peter ne répond pas. Il a l'air de mâcher ses mots comme s'il avait autre chose à ajouter mais il ne dit finalement rien. J'en conclus qu'il n'a aucun argument à ce sujet. Il a raison, s'il n'est pas sûr, alors mieux vaut qu'il se taise. Pendant ce temps, nous arrivons au dortoir. Je laisse tomber mon sac sur mon lit et je me mets à quatre pattes près de celui de Remus. Son lit est le plus proche de la porte. Je tends le bras et tâtonne en espérant ne pas en sortir une tarentule grosse comme ma main. En règle générale, je n'ai pas peur des araignées mais ce n'est pas une raison pour les attraper à main nue.
Mes doigts accrochent quelque chose de lisse et de froid. Ça pourrait être une fiole, oui. Je lutte pour l'attirer à moi et finalement, je l'agrippe.
« C'est ce que tu as vu cette nuit, Queudver ?
_ Je crois oui. Il faisait noir, je n'ai pas bien vu. Mais ça pourrait être ça. »
Effectivement, il s'agit d'une fiole oblongue de couleur transparente. Elle est vide mais je trouve tout de même un tout petit fond de potion argentée. Je fais sauter le bouchon et renifle. J'ai un mouvement de recul. Une odeur piquante me saute au nez. Je tends la fiole à Peter qui renifle à son tour en faisant la grimace.
« Je ne sais pas de quoi il s'agit mais ça ne sent pas très bon.
_ Lily devrait nous en dire plus. »
Je glisse la fiole dans ma poche et nous quittons le dortoir.
« Est-ce que tu crois réellement que Remus peut avoir empoisonné le Saule Cogneur ? »
Je m'arrête brusquement et me tourne vers Peter. Je pointe l'index sur lui.
« Jamais je n'ai envisagé cette possibilité. Je ne sais pas ce que contenait cette fiole mais une chose est sûre, ce n'est pas ce qui a tué le Saule Cogneur.
_ Mais Remus était de sortie et…
_ Dis-moi que ce n'est pas toi !
_ Pas moi quoi ? »
La voix de Peter est soudainement tremblante et très faible. Il baisse les yeux, regarde ses chaussures. Cette fois, la colère m'envahit.
« Tu n'as quand même pas dit à McGonagall que Remus était de sortie cette nuit ?
_ Il fallait que je trouve… elle m'avait coincé et…
_ Peter ! C'est Remus que tu as balancé ! Ce n'est pas n'importe quel Serpentard ! C'est Remus !
_ Je sais. J'ai honte de moi. »
Je me mords la lèvre inférieure, inspire et me force à arrêter de crier. Ça ne va m'avancer à rien.
« Tu peux avoir honte. Bon, maintenant je sais qui a balancé Remus. J'espère au moins que ça en valait le coup.
_ Le coup de quoi ?
_ T'avais intérêt à être à poil avec ta copine quand McGonagall t'a pincé.
_ Non je… ouais, en fait ouais.
_ Bon, on tire un trait là-dessus ok ? On va voir Lily. »
Nous nous dirigeons vers la bibliothèque en espérant qu'elle n'est plus dans le bureau de Dumbledore. Je connais Lily, généralement quand elle n'est pas en cours, elle va à la bibliothèque. Et cette fois-ci, comme d'habitude d'ailleurs, j'avais raison. Elle est cachée derrière une pile de bouquins. Je m'installe devant elle et écarte les livres.
« Salut Lily. »
Elle me regarde avec l'air de quelqu'un qui n'est pas ravi de me voir.
« Quelle idiotie ce devoir de botanique ! Qu'est-ce que ça peut nous faire de la couleur violette des feuilles d'armoise une fois infusées ? (elle soupire). Salut Sirius. Peter. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?
_ Tu es plutôt balèze en potions, dis-je.
_ Merci. Je te retourne le compliment.
_ Nan, moi je suis bon en potions mais toi tu es vraiment très forte. »
Je vois ses joues rosir. Lily a beau faire sa rabat-joie la moitié du temps, je sais qu'elle est plus sympa qu'elle ne veut bien le montrer.
« D'accord, Sirius. Qu'est-ce que tu veux ? »
Avec un petit sourire, je lui tends la fiole que j'ai trouvé sous le lit de Remus.
« A ton avis, qu'est-ce que c'est ? »
Elle soupire, la prend et l'ouvre. Elle renifle puis verse une goutte sur ses doigts, elle l'étale sur sa peau et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle goûte . Je m'attends presque à ce qu'elle se mette à hurler de douleur. Mais elle fait claquer sa langue contre son palais puis me rend la fiole.
« C'est un somnifère.
_ Tu en es sûre ? »
Elle lève les yeux au ciel.
« C'est évident. Les fèves soporifiques donnent à la potion son odeur si agressive et l'huile d'onirisme lui donne son aspect huileux. La transparence est obtenue par une cuisson à feu doux pendant une heure au minimum. »
Je reste bouche bée devant elle. Quand je lui avais dit qu'elle était vraiment très forte en potions, c'était plus de la flatterie qu'autre chose mais en réalité, elle l'est vraiment. Je me tourne vers Peter et hausse les épaules.
« Un somnifère. »
Derrière lui, je vois la porte de la bibliothèque s'ouvrir et Remus jaillit. Il a l'air furieux, lui qui est généralement si calme, si réfléchi, je crois qu'il est littéralement hors de lui. Il fouille la pièce des yeux, nous aperçoit et se dirige vers nous à grands pas.
« Il n'a pas l'air ravi », chuchote Lily.
C'est le moins qu'on puisse dire en effet. Il arrive à notre hauteur, jette son sac par terre et pointe Peter du doigt.
« Toi ! hurle-t-il. Espèce de traître ! »
Je n'ai jamais vu Remus aussi furieux. En même temps, il faut le comprendre, Peter l'a dénoncé pour se couvrir alors qu'il s'envoyait en l'air. A sa place, je serais en colère aussi mais je pense qu'il y va quand même un peu fort. Et puis, madame Pince nous regarde de biais. Je me lève et pose une main sur l'épaule de Remus.
« Calme-toi, la bibliothécaire va nous jeter à la porte. »
Il me repousse d'un geste.
« Je m'en fiche, Sirius ! Est-ce que tu as la moindre petite idée de ce qu'il a fait ?
_ Oui je suis au courant. Remus ! Madame Pince est en train de t'envoyer des maléfices par la pensée ! »
De derrière ses livres, Lily acquiesce.
« Calme-toi Remus.
_ Non ! Il m'a vendu à McGonagall parce qu'il avait rendez-vous avec Severus et qu'il voulait se couvrir ! »
La révélation me fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre. Pendant quelques secondes, je suffoque. Je me tourne subitement vers Peter.
« Une fille ! Tu m'as dit que tu avais rendez-vous avec une fille ! »
Se passe alors une chose que je n'aurais jamais cru. Devant moi, alors que la bibliothécaire quitte sa place pour venir nous flanquer à la porte, Peter Pettigrow prend tout à coup un air enragé.
« Je vois qui j'ai envie de voir. Et oui, j'avais rendez-vous avec Severus. Aaaaah tu vois Sirius, ta belle théorie sur le coupable de l'empoisonnement tombe à l'eau !
_ La tienne aussi ! Remus est allé à l'infirmerie pour prendre des somnifères ! »
Remus dévisage Peter.
« Tu m'as soupçonné ?
_ Oui je t'ai soupçonné ! (Peter fait une grimace méprisante). Tout comme vous me soupçonnez en ce moment.
_ Tu avais rendez-vous avec Servilus !
_ Il s'appelle Severus, s'écrie Lily. Et ce n'est pas une honte de lui parler. Peter, je suis sûre que tu… »
Elle ne termine pas. A ce moment-là, madame Pince nous attrape Remus et moi par le col et nous traîne hors de la bibliothèque. Peter ne nous suit pas. Nous nous retrouvons tous les deux à la porte.
« Servilus ! dis-je avec la soudaine envie de cracher par terre.
_ Je me demande ce qu'il pouvait lui vouloir. »
Remus hisse son sac sur son épaule.
« J'ai entendu dire que la réserve de Slughorn a été forcée. Des ingrédients ont disparus. Des ingrédients dangereux. »
J'ai l'impression qu'une lumière clignote à l'intérieur de ma tête. Quel idiot ! Mais quel idiot ! La solution était sous mes yeux depuis le début ! J'envoie une grande claque sur l'épaule de Remus qui me retourne un regard étonné puis je prends mes jambes à mon cou. Quelques secondes s'écoulent puis j'entends ses pas derrière les miens. Le mystère est résolu !
